A ne pas confondre avec la cabane au fond du jardin…
En ce mois de juin 1979, pour Thierry qui habitait la barre Guillaume Apollinaire, c’est un pan de sa vie qui s’effondre. Mais aussi pour tous ceux qui y vivaient depuis de longues années. La barre Guillaume Apollinaire implose dégageant un énorme nuage de poussière. Un an auparavant, la cité où tous les habitants ont été relogés n’était qu’un terrain vague. De nombreux projets avaient été avancés pour transformer ce terrain qui était un peu le chancre de la ville.
La municipalité avait pensé aménager un parc de loisirs et de sports, avec stade de foot et de rugby, des aires de jeux ou une piscine. Mais les besoins changent et les impératifs prennent parfois le pas sur les bonnes idées. L’avis des gamins ne compte pas, personne ne se soucie de leur opinion.
C’est ainsi qu’est projetée la construction d’une cité et le terrain est transformé en chantier entouré de palissades. Seulement en déplaçant une des planches Thierry peut se faufiler à l’intérieur. Se souvenant d’une phrase de son père, décédé quelques mois plus tôt, Ce que je ne t’ai pas donné, construis-le !, Thierry décide d’appliquer à la lettre ce conseil philosophique.
Alors il envisage de construire sa cabane, un endroit qui lui permettrait de retrouver ses copains, ailleurs qu’à l’école ou dans un hall d’immeuble. Car ils ne vont jamais les uns chez les autres, les appartements restent réservés à la famille. Chacun chez soi, telle est le devise de ces locataires d’origine cosmopolite.
Ils sont venus, ils sont tous là, même Soufia dont le frère est incarcéré, pour construire la cabane. Il y a Eric, Noémie, Soufia, Nabila, Marine et Colin. Ils ont entre douze et quatorze ans, et le projet qui au départ ne fait pas l’unanimité bientôt les enchante. Ils auront un chez eux, sans avoir les parents sur le dos. Avec l’aval d’Alban, un ancien contremaître qui à cause d’un accident du travail depuis boite et a été élevé au grade de gardien du chantier, ils peuvent mettre leur idée à exécution.
Alban leur propose de se servir de vieilles palettes, et quoi que n’ayant jamais touchés aux outils de leur vie, les gamins parviennent à édifier leur cabane. Seulement un jour Alban, qui était toujours accompagné de son chien, refuse à Thierry de continuer à s’introduire dans le chantier. Bizarre ! D’autant que le fidèle compagnon d’Alban ne l’accompagne pas. Que faire ? En épiant par hasard l’entrée, Thierry et Marine reconnaissent Méziane, le frère de Soufia, qui soi-disant végète en prison en attendant le procès pour meurtre, s’infiltrer par leur entrée. Il va leur falloir mettre les choses au clair.
Thierry, le narrateur, se souvient trente-trois après de cette période avec un pincement au cœur. En effet, en 1979, la banlieue n’était pas ce qu’elle est devenue. On n’y parlait guère de drogue, tout juste de petits trafics de cannabis de temps à autre, des cigarettes fumées en cachette des parents et des bières, en petit nombre, bues par quelques adolescents qui voulaient imiter les parents. Cela n’allait guère plus loin. Les mômes ne trainaient pas dans les rues, ou rarement. Seules quelques petites bandes se réfugiaient sur les toits pour déguster la bibine à bon marché, mais les cages d’escaliers ne foisonnaient pas d’oisifs. Pourtant la police, ce n’était pas notre culture. Surtout, mais n’est-ce que qu’une vision erronée d’un chroniqueur sur le retour d’âge, surtout leur ambition n’était pas de détruire mais de construire.
Loin de toute démagogie ou de pédagogie exacerbées, La cabane au fond du chantier est un roman pour adolescents, simple, frais comme une bouffée d’air pur dans un square de banlieue où les arbres daignent encore pousser. Comme une scène de cinéma juvénile auquel Christian Roux aurait participé. Comme s’il avait puisé dans ses réminiscences d’adolescent et nous contait une tranche de vie.
A lire du même auteur, Kadogos, roman pour adultes.
Christian ROUX : La cabane au fond du chantier. Souris Noire, éditions Syros. 160 pages. 6€.