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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 13:21

Aujourd'hui, journée mondiale de l'Alzheimer. Un livre de circonstance !

 

langaney.jpg


Si je tiens mon carnet de bord, mon journal intime comme une gamine énamourée ayant échangé son vrai premier baiser avec celui qu'elle considère comme son Prince Charmant mais qui deviendra bien vite son Prince Marchand en gros et en bétail, c'est à l'instigation du docteur, mince, je ne me rappelle plus son nom. Attendez, cela va me revenir. Ah oui, le docteur Granger.

Il faut dire qu'à quatre-vingt huit ans, je suis née le 6 janvier 1920 à Melun, j'ai les neurones qui commencent à s'empâter ou à s'entourer de filaments, ce qui me perturbe la mémoire récente. Mais je me souviens bien du Vendeur de Salles de bain qui est venu m'importuner et qui pensait m'arnaquer. Je l'ai poursuivi avec la Jaguar, muni de mon pistolet et d'un œil atteint de la cataracte. Alors forcément je me suis retrouvée dans le fossé, l'arme à feu valdinguant dans un fourré. Tiens, faudra que je le récupère, on ne sait jamais. Bilan quelques semaines à l'hôpital puis retour à la maison.

Au fait, je ne me suis pas présentée. Je m'appelle Gisèle Mathurine Léonce Teillard, épouse Galandeau. Mais mes amis, dont Maurice, qui est décédé, me disait Minette. Maurice, Etienne, Jeannot, Poulet, presque tous ont disparu, dans des circonstances tragiques. J'avais une jeune sœur aussi, Armande, que j'ai quittée lorsque j'avais dix-neuf ans. Elle n'en avait que douze et comptait sur moi. Elle m'en a toujours voulu. Mais elle est décédée, après avoir vécu aux USA, s'être mariée avec un ancien GI et avoir eu un fils. Edouard, alias Eddy, qui s'est présenté un beau jour, après mon accident. Est-ce vraiment mon neveu, ou un policier, à moins que ce soit quelqu'un qui en veut à mon argent. Qui sait, il débarque comme ça, comme si c'était naturel.

Le docteur, comment se nomme-t-il déjà, Granger, oui, Granger, a accéder à ma demande d'avoir une infirmière. Noémie s'occupe donc de mes médicaments, même si je possède un semainier et que je pourrais très bien gérer ma consommation toute seule, même si j'ai des trous de mémoire. Oh, mais je me souviens bien d'avant, quand avec Maurice, Jeannot, Etienne et Poulet, nous formions une bande. D'ailleurs j'ai dû m'exiler et je ne suis rentrée que lorsque tout a été prescrit. Faut avouer que sur mon CV, ces quelques lignes peuvent attirer les chacals : Complicité de vol à main armée, complicité d'escroquerie en bande organisée avec destruction de documents constituant la preuve d'un délit, entrave à la justice, corruption active, blanchiment d'argent, délit d'évasion par effraction... et j'en oublie peut-être.

Je gère mes comptes moi-même, même si parfois j'ai tendance à m'embrouiller dans le rendu de monnaie. Mes codes, j'ai tendance à les oublier, mais depuis un certain temps, j'ai l'impression que quelqu'un visite mon ordinateur. Alors il me faut aller dans un cybercafé, en cachette, car je soupçonne Léonie, ou Eddy de vouloir s'intéresser à magot. Ou les deux, Noémie et Eddy car je les ai surpris, mais je ne me suis pas fait remarquer, en train de perpétrer la tradition du simulacre de reproduction.

Et que dire du Père Simon, toujours à me lorgner du haut de son perron. S'il croit que je ne le vois pas ! D'ailleurs j'ai appris qu'il n'est arrivé au village que trois semaines avant moi alors que je pensais qu'il faisait partie des meubles, comme mes vieux voisins, que je ne fréquente pas.

Léonie, Eddy, Eddy, Noémie, peut-être bien que l'un des deux, plutôt Eddy d'ailleurs, serait le fils de Thiriet, celui s'est retrouvé le nez dans les pâquerettes grâce à nous, Maurice, Etienne, Jeannot et Poulet. De toute façons Thiriet père, je ne souviens plus du nom du fils, n'était pas quelqu'un de bonne compagnie....

 

tartine-01.jpgCondensé entre La Vieille dame indigne de René Allio en 1965 et Tatie Danielle, le film d'Etienne Chatilliez sorti en 1990, de Ma Dalton et de Tartine Mariol surnommée Tante Tartine, l'héroïne de BD des années 50/60 (je sais, on a les références qu'on peut) ce roman met en scène une vieille femme au passé trouble, qui vit avec ses souvenirs et est atteinte des prémices de plus en plus prégnants de la maladie d'Alzheimer. Mais avec des traces de paranoïa, ce qui n'arrange rien.

Minette ressent les affres de la maladie, ce qui ne l'empêche pas de porter un regard critique sur les personnes qui composent son voisinage. De même, si elle s'est fait arnaquer, il ne lui a pas fallu longtemps pour s'en rendre compte. Elle raisonne avec lucidité, malgré sa maladie qui est en phase moyenne. Ça fait un bail que je le sais, que ça ne tourne plus rond là-haut. Mais je n'y pensais pas. J'ai toujours été forte pour ça, pour ignorer ce qui m'emmerde. Jusqu'au jour où ça n'a plus été possible. Et il faut avouer qu'elle ne s'embarrasse pas de principes, sinon des siens.

Lorsqu'elle s'imagine, à tort où à raison, c'est tout l'intérêt de la suite de l'histoire, qu'aussi bien Eddy, qu'elle appelle plus tard, Emile, que Noémie transformée selon les jours en Léonie, que le père Simon, sont à la recherche de son magot, elle joue au chat et à la souris avec eux. Elle entame même une véritable partie mentale d'échec. Et son idée est de déplacer son argent en se rendant à Monaco puis de finir sa vie dans une île des Caraïbes.

Anouk Langaney signe son premier roman et révèle un potentiel imaginatif assez impressionnant dans la maîtrise de son sujet. Maintenant il ne nous reste plus qu'à attendre son prochain opus afin de déterminer si les espoirs contenus dans celui-ci se confirment.

Voir la critique de Claude sur Action-Suspense.
Anouk LANGANEY : Même pas morte ! Editions Albiana, collection Néra. 140 pages. 15,00€.

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commentaires

A
Il a l'air pas mal, finalement.
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O
<br /> <br /> Je dirai même mieux, finalement il est pas mal<br /> <br /> <br /> <br />
C
Un roman très prometteur, mon cher Paul.<br /> Connais pas Tartine Mariol. Quant à Gilbert Bécaud, dans ta chronique d'à côté, je crains que "Monsieur 100.000 Volts" soit (hormis deux ou trois chansons) quasiment inconnu du public actuel.<br /> Amitiés.
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O
<br /> <br /> Bonjour Claude<br /> <br /> <br /> Roman très prometteur et ton passage me fait penser que tu as déjà chroniqué ce livre. J'irai faire un tour chez toi.<br /> <br /> <br /> J'ai ajouté une vignette de Tartine Mariol dite Tante Tartine, mais tu étais bien jeune à cette époque pour t'en souvenir. Quant à Bécaud, il n'avait pas besoin d'une floppée de danseurs et<br /> danseuses pour meubler la scène. Il communiquait avec son public. Ah La vente aux enchères, lLes dtantes Jeanne, Les marchés de Provence, et biend'autres. Nostalgie....<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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