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Par Max-André Dazergues, l'un des mentors de Frédéric Dard avec Marcel E. Grancher.
Le dessin de couverture permet au lecteur potentiel de déjà imaginer le contenu de ce petit livre d'aventures exotiques : une jeune fille apeurée et ligotée face à un homme armé d'un harpon qui la regarde d'un œil mauvais. D'un seul, puisque sur l'autre il porte un bandeau noir. En arrière plan, un Canaque et un palmier s'élançant à l'assaut d'un ciel uniformément bleu... Au premier plan un requin s'ébrouant dans des eaux verdâtres.
Petite erreur du dessinateur puisque l'auteur décrit ainsi le paysage : Il faisait un temps superbe, et le soleil inondait la campagne. Le panorama des îles apparaissait féérique. La mer était couleur d'encre à stylo.
Nonobstant cette entrée en matière, plongeons-nous maintenant dans le texte proprement dit.
Jean Ferrier, riche planteur de canne à sucre dans l'île principale de l'archipel des Marquises, organise une réception. Alors qu'il se repose, seul, dans un salon, sa fille Christine entre en compagnie d'un jeune homme, Maurice Louvois, issu d'une famille modeste mais honnête. Elle désire montrer à son soupirant un harpon de nacre que lui a offert un Canaque qu'elle a sauvé de la noyade quelque temps auparavant. C'est à ce moment qu'un serviteur remet au planteur un message réclamant le précieux objet et signé Les Requins de l'Archipel.
Il s'agit d'une dangereuse bande de malfaiteurs qui a également menacé la société de pêcheries côtières dans laquelle travaille le père de Maurice. Chargé de surveiller le lieu de pêche, Louvois père est enlevé. Jean Ferrier place un leurre à l'endroit indiqué sur le message mais Christine, désobéissant à son père, pense pouvoir surprendre les gredins. Elle est enlevée elle aussi par Gilbert-le-borgne et deux Canaques. Entravée, elle est conduite sur l'Atoll Maudit. Ferrier et Maurice se lancent à la recherche de la jeune fille, délivrent le père du jeune homme, et se rendent à l'Atoll Maudit sur lequel plane une sombre légende, celle du Poisson-Dieu. L'histoire se termine bien, évidemment, dans les embrassades, avec en prime un trésor, grâce aux bons offices du harpon qui, telle l'épée de Durandal fendant les rochers en deux, sert de sésame.
Petit roman d'aventures exotiques, l'Atoll Maudit ne déparerait pas aujourd'hui dans une bibliothèque... pour enfants, tant il est gentillet et juvénile. André Star, alias Max-André Dazergues, place l'action de son intrigue dans un paysage de carte postale qu'il se contente d'évoquer sans véritablement en décrire les beautés. Les personnages manquent d'épaisseur et l'histoire en elle-même est un peu tirée par les cheveux, certaines situations se dénouant grâce à des concours de circonstances dont la crédibilité peut être mise en doute. Tout du moins c'est ce que peut ressentir le lecteur exigeant d'aujourd'hui pour qui les coïncidences trop téléphonées sont malvenues. Nul doute qu'à l'époque de l'après-guerre, ce genre d'historiette pouvait faire rêver, mais les temps ont changé. La contrainte de respecter la pagination explique peut-être aussi cette retenue dans la description des paysages et des actions. D'ailleurs on sent qu'André Star est parfois brimé, utilisant volontiers les points de suspension en début et fin de phrase, comme s'il avait été obligé de réduire son texte. Toutefois il ne faut pas se fier au nombre de pages, car la police de caractère est menue et bonjour les yeux !
André STAR : L'Atoll Maudit. Editions S.A.E.T.L. Collection Le Risque Tout. Parution 4ème trimestre 1945. 20 pages.