Lorsqu’on évoque Noël, la première image qui vient à l’esprit, outre les cadeaux et le sapin, c’est la dinde croustillante, dorée, sortant du four, entourée de marrons ou de châtaignes fumant et nageant dans un jus odoriférant. Vision qui certes réjouit l’estomac. Faut-il pour autant oublier les nourritures spirituelles, celles qui égaient les soirées hivernales alors que calés dans un fauteuil profond et accueillant, près d’un feu pétillant, vous rêvez à autre chose que la sempiternelle télévision et que dehors souffle la bise glaciale ?
Sortez de votre cocon douillet et plongez-vous dans un recueil sur lequel plane l’ombre de Dickens, ce grand romancier britannique qui su démontrer que Noël n’est pas forcément le jour de fêtes, prélude à la trêve des confiseurs. Non, durant la nuit de Noël et la journée qui suit, alors que les enfants s’extasient devant leurs cadeaux, ou ronchonnent parce qu’ils n’ont pas tout ceux qu’ils avaient commandés, les forces du mal ne cessent pas leurs activités néfastes. Les drames existent et sont peut-être plus insoutenables ce jour là. Drames de la solitude, de la jalousie, de la vengeance…
Noël c’est le temps des réjouissances et de la fête, mais pas pour tout le monde. Dans les coulisses le démon veille, aspirant à transformer les cris de joie en cris d’agonie. Mais à l’instar de Dickens qui avec le personnage de Scrooge démontrait que la bonté existe en chacun de nous et qu’un petit fait peut métamorphoser un individu au fond particulièrement mauvais, à l’instar de Dickens donc, les auteurs de ces nouvelles ont essayé d’apporter une note relativement optimiste pour ne pas dire franchement humoristique en conclusion de leurs histoires.
A part deux ou trois, même les contes les plus noirs, les plus pathétiques recèlent une note d’espoir, parfois d’une manière fugace, fugitive, secrète.
Dommage que Noël ne soit pas un 31, nous aurions eu droit à 31 histoires. Dommage également que les auteurs français soient si peu représentés. Il est vrai que la nouvelle n’a jamais eu grande presse en France, malgré quelques grands maîtres comme Maupassant ou Marcel Aymé. Un dernier mot : j’aimerais souligner l’excellente et érudite présentation des textes de ce recueil et de leurs auteurs par Jean-Pierre Croquet, le concepteur de cette remarquable anthologie que l’on peut trouver chez quelques bouquinistes et sur des sites de vente en ligne.
Au sommaire de cette anthologie :
De retour avant Noël (John Collier)
Colin-maillard de mort (John Dickson Carr)
Vœux de Noël (Cyril Hare)
Morte la veille de Noël (Stanley Ellin)
L'escarboucle bleue (Arthur Conan Doyle)
Un horrible petit chapeau vert(Alain Demouzon)
Markheim (Robert Louis Stevenson)
Le buste de Beethoven (Boileau-Narcejac)
Le club des Pères Noël (Julian Symons)
Le Noël du petit Vincent-Vincent(Gaston Leroux)
Le collier de perles (Dorothy L. Sayers)
Joyeux Noël pour la police (Edward D. Hoch)
Le sang innocent (Léo Malet)
Par un matin de Noël (Margery Allingham)
Une vengeance impitoyable (Guy Boothby)
Un drôle de Père Noël (Charlotte & Dan Ross)
La poupée du dauphin (Ellery Queen)
Un très joyeux Noël (Ed McBain)
La légende de la cloche (Barry Perowne)
Meurtre à l'étalage (Peter Lovesey)
Les étoiles filantes(Gilbert K. Chesterton)
Un cadeau de Noël (Robert Arthur)
Plus de place à l'auberge (Bill Pronzini)
La nuit avant Noël(Robert Bloch)
Le meurtre du Père Noël (Tage La Cour)
25 Noëls rouges, 25 histoires mystérieuses pour le temps de la fête. Anthologie de Jean-Pierre CROQUET. Editions Julliard. Collection Bibliothèque criminelle N°1. 1989. 495 pages.