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25 mai 2020 1 25 /05 /mai /2020 03:49

Il serait peut-être temps !

Thomas STONE : Suzanne se réveille

Ils se sont mariés jeunes, ne se connaissant guère, n’ayant aucune expérience de la vie et étant encore vierges. Mais la guerre est là qui sépare le couple.

Michel est parti durant quatre ans comme fusilier-marin dans le Pacifique. A son retour, il retrouve Suzanne sa femme qui est restée sage, et son emploi chez un notaire. Mais au bout de quelques semaines, alors qu’en épouse dévouée, Suzanne nettoie le costume de son mari, elle découvre une lettre anonyme adressée à Michel et qui débute en ces termes : Mon chéri, crois-tu que nous avons passé une bonne soirée !… Et le reste est encore plus explicite.

Naturellement, lorsque Michel rentre, plus tard qu’il ne le devrait, et qu’il lu annonce qu’il doit repartir le soir même pour San Francisco, Suzanne n’est guère satisfaite. Avant de lui remonter les bretelles, elle lui offre un whisky, s’en sert un, alors qu’auparavant ils ne buvaient jamais.

Lorsqu’elle avait rencontré Michel, elle se demandait même si un jour elle trouverait un mari. Et Michel, qui commence à se mettre en colère lui rétorque qu’elle est en train d’avouer qu’elle l’a épousé uniquement parce qu’elle voyait en lui le seul mari possible. Enfin, il accepte de dévoiler le nom de sa maîtresse. Eve (un prénom prédestiné ?) Hazen, la fille de son patron, bien connue pour ses frasques, son premier mariage, devenue une veuve joyeuse, puis remariée avec Tommy Travis, un richissime quinquagénaire (un vieux quoi !), dont elle s’est séparée une semaine après les noces, à moins que ce soit lui qui l’ai congédiée, et surtout elle est réputée dans toute la ville pour sa collection d’amants. Une nymphomane conclut Suzanne.

Suzanne sait qu’elle doit reconquérir son mari et elle se fait chatte, pensant pallier son inexpérience en s’offrant à lui. Et Michel, comme tout homme qui se sent supérieur, il la rejoint dans leur lit, mais si la nuit se déroule agréablement, ou presque, rien n’y fait. Un appel téléphonique et Michel quitte l’appartement pour rejoindre Eve et croquer la pomme ensemble. Mais il se rend compte qu’il n’est juste qu’un passe-temps pour la jeune femme et se réfugie à San Diego, s’installant dans un hôtel minable, passant ses soirées à boire.

Pendant ce temps, Travis qui doit revoir son fils Sonny, perdu de vue depuis des années, sa femme ayant déserté le foyer conjugal, demande à Eve de réintégrer leur logement afin de démontrer artificiellement que son ménage n’est pas en déliquescence comme les mauvaises langues le prétendent. Mais c’est une fausse bonne idée. Puis il demande à Suzanne de travailler pour lui, l’aidant à rédiger ses mémoires et les tapant à la machine. Seulement Sonny, qui est fiancé et va se marier prochainement, fait la cour par jeu à Suzanne. La prude et inexpérimentée Suzanne.

 

Roman d’amour ou plutôt de désamour psychologique, Suzanne se réveille est l’œuvre d’une femme, malgré ce pseudonyme masculin.

En effet sous l’alias de Thomas Stone, se cache Florence Stonebraker, auteur de très nombreux ouvrages dits romantiques dont certains ont été édités en France sous son nom et dans la même collection.

En aucun cas ce roman peut être catalogué comme érotique. Seuls, parfois, quelques allusions, et surtout les reproches que se fait Suzanne quant à son inexpérience, ou les propositions de Sonny envers la jeune femme, tournent autour du sexe, mais jamais il n’y a de descriptions érotiques.

 

Tu me reproches d’être froide, frigide, même ? C’est donc de cela que tu m’en veux, Michel ? Je ne vaux rien au lit, et tu es tombé amoureux d’une femme plus experte ? C’est ça ? Evidemment, elle a tant d’expérience et moi j’en ai si peu ! Elle n’a pas manqué de professeurs qui lui ont enseigné la technique de l’amour et moi je n’ai que toi… Voilà ma faiblesse. Peut-être que si je prenais des amants… Comme Eve Hazen…

 

Tout réside dans la psychologie des personnages, dans leurs différences, dans leurs relations sociales plus que physiques ou charnelles, dans des mises au moins parfois difficiles à avouer dans un couple.

Souvent dans les romans noirs américains, comme chez Day Keene par exemple, la femme, la plupart du temps la maîtresse, se montre nymphomane ou rouée, mais rarement l’épouse avoue n’être qu’une oie blanche. Suzanne, dévalorisée depuis son enfance par sa tante qui l’a élevée, continue à se rabaisser, physiquement et mentalement.

 

Suzanne lui apparu comme une étrangère. S’il avait changé, elle n’était plus la même non plus. Elle semblait plus mûre, plus sûre d’elle-même. Dans les petites choses, elle se montrait presque trop gentille, lui apportant son petit déjeuner au lit s’il était enrhumé, lui recommandant de prendre son manteau de pluie si le temps menaçait, semblant oublier qu’il avait fait la guerre, que diable ! Qu’il n’avait rien d’une mauviette… Oui, pour les petites choses, elle était parfaite, mais pour la grande chose, c’est-à-dire le lit, là alors… Quelle déception ! Froide, réservée, toujours un peu craintive, un vrai glaçon ! Il en vint à penser qu’elle n’avait pas le moindre tempérament.

 

Tommy Travis, qui passe lui aussi pour un homme à femmes, ne demande rien de plus que de se retrouver au calme, à lire un bon livre. Il a été jeune, a connu des conquêtes faciles, mais elles ne lui ont jamais apporté la moindre satisfaction. D’ailleurs il est aussi sage dans sa vie sexuelle que dans son alimentation et il ne boit jamais. Que du lait cacheté placé dans un réfrigérateur. Nous sommes loin de l’image du Don Juan collectionneur de bonnes fortunes et dégustateur d’alcools en tous genres.

Le reflet de l’Amérique à la fin de la guerre, narré d’une façon pudique et sobre, par une romancière qui, outre la vingtaine de romans dits conventionnels mettant en scène des femmes chastes, fut également l’auteur de plus de 80 romans de pulps-fictions lesbiens entre 1937 et 1967.

Thomas STONE : Suzanne se réveille (Passion’s Darling – 1946. Traduction de Pierre Drize). Collection Les Romans américains N°57. Editions Ferenczi. Parution 1er trimestre 1957. 96 pages.

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