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25 mars 2020 3 25 /03 /mars /2020 04:16

Dombes la fille, dans des draps de soie…

Marcel E. GRANCHER : La fille des Dombes

Un cas de conscience taraude le père Pinard qui est veuf et élève seul sa gamine de huit ans, la petite Amandine surnommée Palmolive à cause de sa bouille qui rappelle celle de la fameuse publicité du savon familial.

Mais ses copains, à qui il vient de se confier dans l’un des bars de Saint-Alphée-en-Dombes, lui affirment qu’il n’existe aucun problème. Ils doivent se rendre au bobinard de Bourg, et ils vont emmener la petite et la confier aux dames du claque, celles qui ne seront pas occupées à satisfaire la libido de ces messieurs et à l’hygiène de leurs gonades. Et c’est ainsi que Palmolive sera chouchoutée dans un endroit normalement interdit aux mineurs, quel qu’en soit le sexe.

Dix ans plus tard, nous retrouvons les mêmes protagonistes et quelques autres. La région s’est enrichie grâce à des modifications agricoles et de nouveaux résidents venus de Lyon y passent leurs fins de semaine. Ainsi le soyeux Nouguier, propriétaire de filatures et d’ateliers de tissage à Lyon, nommé maire car il est bon d’avoir à la tête d’un commune un édile représentatif de la société huppée, organise des chasses privées auxquelles sont conviés de nouveaux riches et d’anciens nobliaux.

Palmolive, âgée de dix-huit ans, est à son service, et son fils Rémi, qui normalement était prédestiné à lui succéder, le désole car il consacre son temps à écrire et se pique de poésie. Rémi est de quelques années plus vieux que Palmolive mais il ressent envers la jeune fille une attirance sincère. De plus il prône l’amour pur et naïvement il veut préserver sa virginité pour sa promise, et réciproquement, ce qui fait qu’il ne connait pas grand-chose aux femmes et à la fonction physique dite du simulacre de la procréation.

Lorsqu’il évoque à son père de son envie de se marier avec Palmolive, celui-ci entre dans une fureur noire et l’envoie se remettre les idées en place dans son comptoir de soie à Shanghai. Arrivé en Chine, il écrit une longue lettre à Palmolive, lui narrant son voyage, et lui promettant de préserver sa vertu pour son retour. La jeune fille qui a déjà batifolé avec de nombreux compagnons de draps lui répond qu’elle vient de se mettre en compagnie du père. Cela reste dans la famille, mais Rémi en est fort marri.

 

Parfois ce texte m’a fait penser à 20 000 lieux sous les mers et quelques autres romans de Jules Verne, lorsque l’auteur dresse une liste des espèces de la faune volatile propice au carnier des chasseurs ou des arbres composant la sylve des forêts de cette région. Ou lorsque Rémi Nouguier décrit à Palmolive les différents tissus et pièces d’habillement exposés dans le Musée des Tissus, sans oublier les nombreux détails géographiques et historiques qui émaillent le récit, et les considérations sociologiques.

Les années 1928 et suivantes seront fatales à l’économie non seulement américaine mais mondiale et les soyeux lyonnais n’échappent pas à la récession. Le cours de la matière première s’effondre et tout ce qui possède un rapport quelconque avec les métiers de la soie, importateurs, tisseurs, marchands, représentants, se trouvent ruinés. Et c’est l’occasion pour ceux qui étaient méprisés, comme l’épicier invité aux parties de chasses de Nouguier, de prendre leur revanche.

Un roman parfois gaulois, égrillard, mais surtout grave car relatant une époque qui n’est guère différente de la notre et était même prémonitoire :

Tu parles comme les gens de la Maison Veuve Guérin et Cie dont en plein XXe siècle, les statuts portent en toutes lettres, au chapitre de la répartition : Quant aux bénéfices, s’il plaît à Dieu d’en laisser aux actionnaires, ou quelque chose de ce genre.

Vous êtes sinistres, lança Plantenoire. On dirait que vous craignez quelque chose… Pourtant les affaires n’ont jamais si bien marché…

Précisément, elles marchent trop bien… On produit trop… On stocke trop… Tant qu’il y a un semblant de consommation, cela va encore… Mais que les achats viennent à s’arrêter, c’est la panique, l’effondrement… Et pour peu que les changes s’en mêlent à ce moment, la ruine…

Avec la différence près, que maintenant on produit à flux tendu, à l’extérieur, et lorsque le pays se trouve en crise, il est exsangue, en manque de denrées, et je ne parle pas uniquement de masques.

 

Pour que la femme soit contente, faut toujours que l’homme redouble.

 

Marcel E. GRANCHER : La fille des Dombes. Editions Rabelais. Parution 26 juillet 1962. 256 pages.

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commentaires

S
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et un blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo) Au plaisir.
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O
Bonjour et merci ! Bon d'accord, je vais sortir un peu pour me rendre chez vous, enfin sur votre blog...

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