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18 février 2019 1 18 /02 /février /2019 05:21

Les auteurs aboient, le Caravage passe…

Les sept œuvres de Miséricorde. Recueil collectif.

Pour établir une anthologie, il faut, de préférence, un thème, mais un thème porteur, qui échappe à la rengaine. Trouver un tel sujet relève parfois d’une profonde réflexion, parfois il s’impose de lui-même grâce à une parole, un son, une image.

Le concepteur de cette anthologie ne pensait certes pas en se promenant dans Naples être à la recherche d’un sujet, pourtant celui-ci s’est gravé dans son esprit en découvrant un tableau du Caravage : Les sept œuvres de la Miséricorde.

L’éditeur, je suppose que c’est lui, a donc confié à quelques auteurs la tâche de s’atteler à la rédaction de nouvelles pouvant décrire en quelques pages ces sept œuvres de miséricorde corporelles. Lesquelles sont ainsi définies :

Donner à manger aux affamés (Marc Villard)

Donner à boire à ceux qui ont soif (Anne Céline Dartevel)

Vêtir ceux qui sont nus (Jean-Bernard Pouy)

Accueillir les étrangers (Laurence Biberfeld)

Assister les malades (Denis Flageul)

Visiter les prisonniers (Marion Chemin)

Ensevelir les morts (Jean-Hugues Oppel)

Le tout avec une préface signée Patrick Raynal.

Que du beau monde !

 

Toutes ces nouvelles possèdent en commun un tueur, à gages ou non, qui va se charger de punir le responsable d’action malfaisante afin que les victimes retrouvent leur honneur, leur dignité, leur sérénité, leur confiance, leur intégrité, leur raison de vivre via la mort de leur bourreau. Mais elles sont également musicales, chaque auteur partageant avec le lecteur ses goûts musicaux, ou ceux de leurs protagonistes. Des chansons en phase avec les textes.

Un exercice pas si facile à mettre en pratique, mais chacun des auteurs a su développer le sujet qui lui était confié avec son habituelle verve, ironie, compassion, envers des proies désignées comme des souffre-douleurs par des hommes dont le seul but est de se montrer odieux, avilissants, égoïstes, voire monstrueux.

Chacun trouve le décor adéquat, celui qui lui convient le mieux pour développer le thème, et l’on ne s’étonnera guère par exemple de la mise en scène imaginée par Marc Villard qui transpose son récit dans l’Amérique des Amérindiens, chez les Navajos et leurs coutumes. Et tout ça parce qu’un des protagonistes s’est entiché de jouer au casino, et a perdu. Celui qui va exercer la vengeance ne le fait pas contre rétribution mais parce qu’il n’accepte pas que l’on puisse user et abuser de la naïveté de l’un de ses compatriotes, pour de l’argent, et détruire une famille.

Le texte d’Anne Céline Dartevel se fonde dans le thème de l’harcèlement sexuel, un choix qui n’est pas anodin. Le tueur pressenti aurait accepté, pour une fois, de travailler gratis, mais cela aurait peut-être nuit à son prestige. Car le fait de supprimer, proprement, un prédateur, s’impose dans la tête de toute personne possédant un minimum de morale.

Pour Jean-Bernard Pouy, c’est l’occasion de nous emmener dans un musée, celui d’Orsay. L’on connait sa prédilection pour les arts plastiques, d’ailleurs il a été entre autres, prof de dessin, et le regard qu’il porte sur une toile de Manet vaut à lui seul le détour. Le tueur pense pouvoir exercer son contrat perdu parmi la foule des visiteurs, écoutant la guide débiter son laïus, mais à ce moment, la cible désignée intervient, prenant la place de la conférencière et décrivant cette toile de maître à sa manière, le fameux Déjeuner sur l’herbe avec une femme nue au premier plan, tandis que les messieurs peuvent aller se rhabiller.

Pour Laurence Biberfeld, un migrant ce n’est pas uniquement une personne en perdition désirant trouver un coin d’accueil et de la dignité. Des pontes, des personnalités de premier plan, des directeurs d’entreprises fort bien cotées, surtout à la bourse, alors qu’ils n’ont pas su se servir des leurs, se servent de jeunes Erythréennes comme réceptacles pour donner la vie, eux qui n’hésitent pas à couper les vivres de leurs employés en dégraissant les effectifs.

Lorsqu’on vieillit, on rabâche certains souvenirs qui ont pourri la jeunesse. Et lorsque l’on est aux portes du cimetière, il est des rancœurs qui doivent s’évacuer, par l’absolution par exemple. Mais pas n’importe comment et c’est ce que démontre Denis Flageul.

Lorsqu’une jeune femme demande à un tueur, le narrateur, de supprimer quelqu’un, c’est pour une bonne raison. Pourtant au départ, l’homme n’était pas chaud. Mais il se rend vite compte que la jeune femme, qui pourrait accomplir elle-même ce qu’elle lui demande, ne le veut pas pour des raisons personnelles tout à fait compréhensibles, est une ancienne punk qui a dû être martyrisée par la vie, il accepte. Marion Chemin s’affirme de plus en plus comme une nouvelliste de talent.

Enfin, parole, ou écrit, est donné à Oppel, lequel nous entraîne en Bretagne, à bord d’un break transportant des cadavres. Mais pas n’importe lesquels. Surtout un.

 

Des textes parfois ironiques, souvent poignants, touchants, émouvants, qui reflètent la société actuelle et ses dérives.

 

Sommaire :

Préface de Patrick Raynal.

Villard Marc        : Le canyon de Chelly

Dartevel Anne-Céline : Time's up !

Pouy Jean-Bernard : Torse poil

Biberfeld Laurence : Dans la chaleur de mon corps

Flageul Denis : Aide-soignant

Chemin Marion : Pour la cause

Oppel Jean-Hugues : Le Colonel fait un break

Les sept œuvres de la Miséricorde.

Les sept œuvres de la Miséricorde.

Les sept œuvres de Miséricorde. Recueil collectif. Nouvelles. Collection Goater Noir N°25. Editions Goater. Parution le 15 novembre 2018. 132 pages. 14,00€.

ISBN : 979-1097465124

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commentaires

B
Passionnée comme je le suis par Caravage, je note bien évidemment ce titre ! Merci beaucoup. Bonne journée.
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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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