Plus difficile à digérer que le temps des cerises !
Si vous n’avez jamais été adolescent, vous ne pourrez comprendre dans quelles affres se débat Edouard, le jeune narrateur.
Il est complètement accroché à ses écrans, jeux-vidéo et autres nouvelles occupations favorites liées à l’informatique. Il oublie de se laver, de ranger sa chambre, mange de tout c’est-à-dire d’aliments propices à lui enrober la taille, et surtout, surtout, sent pousser en lui comme une émergence printanière qui se traduit par une germination faciale peu glorieuse nommée acné juvénile. Et comme il fréquente un dentiste-bijoutier qui lui a posé des bagues sur ses dents, il n’est guère avantagé par Dame Nature. C’est surtout auprès des filles, et principalement de Nicoline, sa copine de classe, qu’il se ramasse des gamelles à la pelle. Faut dire que de plus il a grandi ces derniers mois et ses pantalons ont subi un feu de plancher. Quant aux études, mieux vaut ne pas en parler, cela relève du domaine de l’utopie.
Alors sa mère a l’idée lumineuse de l’emmener chez le toubib, lequel sort de son arsenal médical une autre idée lumineuse. Edouard doit marcher, ce qui lui fera perdre une surcharge pondérale disgracieuse, et l’éloignera des écrans qui lui polluent le cerveau. Il doit effectuer dix mille pas quotidiennement. Seulement dans la rue, sans but, ce n’est pas vraiment une sinécure. Alors sa mère lui propose, lui impose n’hésitons pas à le dire, de promener un chien. D’ailleurs, tout petit, Edouard a possédé un chien, Paulus, véritable peluche vivante qui veillait sur lui. Edouard ne s’en souvient pas, il n’avait que six mois, et à cet âge, la mémoire est extrêmement volatile.
Et le voilà, marchant dans la rue, dans le sixième arrondissement parisien, avec au bout d’une laisse une adorable petite Yorkshire répondant au nom de Princesse Butterfly. Seulement, ce qui n’était pas prévu au programme, Princesse Butterfly parle ! Il faut s’y faire, et surtout ne pas se moquer ou émettre des réflexions désobligeantes, sinon Princesse Butterfly fait la tête. Dans ce cas, il faut se conduire comme un chien, je veux façon canidé, au risque que les passants vous prennent pour un débile.
Toutefois il existe une compensation à ce travail de marcheur canin, deux mêmes si je compte bien. D’abord Edouard est rémunéré, ce qui n’est pas négligeable. Pas beaucoup mais le prix des cigarettes étant en expansion exponentielle, il n’est pas obligé de requérir de l’argent de poche qui lui serait peut-être refusé. Ensuite, et c’est ce qui est le plus intéressant et agréable, c’est qu’Edouard rencontre Nicoline qui promène Bémol, un Labrador appartenant à son grand-père. Princesse Butterfly et Bémol, après les travaux d’approche obligatoires pour la gent canine, c’est-à-dire se renifler la truffe et l’arrière-train, s’entendent à merveille, ce qui donne des idées à Edouard. Pas de renifler la truffe de Nicoline, il n’est pas mufle à ce point, mais d’envisager de passer sa vie avec elle.
Sous des dehors humoristiques, amusants, voire futiles se cache un regard acéré sur le monde moderne, sur les relations parfois conflictuelles entre adultes et adolescents, et inversement non proportionnel, sur les problèmes des familles monoparentales.
Car Edouard n’a pas connu son père, et à part sa mère, il ne voit que Gazou, sa tante. Evidemment l’environnement masculin lui fait défaut, pourtant il ne ressent pas de manque. Le problème, c’est que sevré d’écran, il en aurait oublié l’ordinateur. Et quand sa mère lui demande de réparer le sien qui s’est planté, Edouard se rend compte qu’elle visite régulièrement des sites de rencontres.
Edouard, malgré son attirance manifeste pour Nicoline et son envie de lui faire découvrir une chambre d’hôtel, est resté naïf. Cette naïveté l’amène à se conduire comme un imbécile, et quand un prof, ou une prof, se rend compte de ses agissements qui ne sont guère tolérés de la part d’un individu responsable, il soit se rendre dans le bureau du CPE, ce qui entache sa réputation.
Un roman pour adolescent, oui, mais également destiné aux adultes qui se rendront compte que la vie d’un jeune n’est pas un long fleuve tranquille dans l’apprentissage de la vie, et qu’il faut parfois réviser des jugements préfabriqués.
Il y avait sûrement un message dans ce que m’avait raconté ma mère. C’était le point de vue d’une femme. En gros, la vie devait commencer par un bon râteau, si on voulait, un jour, espérer rouler des pelles.
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Hervé MESTRON : Le temps des râteaux. Editions Zinedi. Parution le 15 mars 2018. 140 pages. 14,90€.
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