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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 09:15

Prom’nons-nous dans Belleville,

Voir si le loup n’y est pas…

Serguei DOUNOVETZ : Les Loups de Belleville. Paris XXe. Les nouvelles enquêtes de Nestor Burma.

La saga des Nouveaux Mystères de Paris de Léo Malet, qui devait être une rétrospective des enquêtes de Nestor Burma dans les différents arrondissements parisiens, ne comporta que quinze volumes, cinq arrondissements n’ayant pas été explorés par le premier détective privé de la littérature policière française. Pour diverses raisons propres à l’auteur.

Jérôme Leroy, avec l’accord de Jacques Malet, a décidé de pallier ce manque, et peut-être de nous refaire visiter certains quartiers de la Capitale, en confiant l’écriture des nouvelles aventures du détective de choc à des romanciers d’aujourd’hui, établissant un cahier des charges à respecter, une Bible qui permettra de lier ces nouvelles enquêtes.

 

A l’enterrement d’une feuille morte, comme l’a écrit Jacques Prévert, Nestor Burma s’est rendu et il assiste à un événement surréaliste au cimetière du Père-Lachaise. La feuille morte, qui est également une boisson anisée, c’est son ami le journaliste Niki Java. Niki Java, le spécialiste des faits-divers, même en été, qui à cause de son intempérance descend au fond du trou au milieu des tombes de célébrités.

Bref Nestor Burma, après une visite à la sépulture de Jean Baptiste Clément, mais si vous connaissez, celui qui s’est trompé dans la couleur des fleurs de cerisiers et de pommiers, Nestor Burma se dirige vers celle de Niki Java. Il y a du beau monde à saluer le pardessus en chêne, notamment des policiers, dont Stéphanie Faroux, la fille de feu Florimond. L’assistance est bigarrée, la canicule sévit, s’invite alors une furie qui se proclame comme la sœur du défunt et exige que soit pratiquée une autopsie sur le corps de son frère.

Evidemment la commissaire Faroux, qui dirige le 36 Quai des Orfèvres mais se sent à l’aise hors de son bureau, essaie d’interpeller l’intruse mais celle-ci s’échappe en jouant à saute-moutons avec les stèles et les mausolées.

Alors qu’il a regagné le bureau de son agence de détective, Fiat-Lux.com, sis dans la rue des Petits-Champs et qu’il tarabuste comme à son habitude sa secrétaire, la belle et jeune Kardiatou Châtelain, il reçoit un appel téléphonique. Normalement c’est Kardiatou qui doit répondre, mais comme elle est occupée par ailleurs à se manucurer, il décroche. Si Burma n’était pas assis, il en serait tombé sur le fondement, et ce avec fondement. Niki Java est au bout du fil et annonce qu’il n’est pas mort.

Niki lui demande de passer chez René, dans le XVIIIe, lequel René tient un rade qui se nomme Les Amis de la police, une petite provocation amicale. Séance tenante, Burma se rend sur place et René lui remet une enveloppe que lui a confiée une femme qui justement est dans le troquet. Le temps de lui dégoiser ces quelques paroles, la femme habillée en treillis militaire s’est évaporée.

C’est avec plaisir que Burma retrouve nuitamment son ami Niki au Père-Lachaise. L’homme qui a été enterré à sa place est un journaliste kurde de Turquie, réfugié politique, qui devait lui remettre un dossier brûlant. L’intruse de l’enterrement n’étant autre que la sœur du journaliste. Tout s’éclaire, malgré la nuit, ou presque pour Burma qui va devoir enquêter pour retrouver ce fameux dossier.

Et c’est ainsi que notre détective de choc se trouve coincé entre la DGSE, et plus particulièrement de l’un des représentants de cette institution nommé Marchand, Yves de son prénom, la commissaire Stéphanie Faroux, Mâlin Berbang, qui se présente comme une militante du PKLF, Parti kurde de la libération de la femme, une snipper comme on dit dans les romans américains, sa fille Syrmîn, d’une quinzaine d’années et tout l’avenir devant elle à condition qu’elle ne lui tourne pas le dos, un individu nommé Potemkine, un alias, trafiquant d’armes et autres objets illicites, un cuirassé dans son genre, des agents du MIT, le service de renseignement turque, une maquerelle au doux nom de Yüksel, les Loups gris, mouvement néo-fasciste turque, et quelques autres personnages dont la fréquentation est à éviter.

Fidèle à ses principes bien établis, Burma va encaisser quelques coups sur la tronche, mais même s’il y est habitué il se retrouve toutefois dans les vapes, devoir démêler une intrigue complexe en jouant les spéléologues dans des boyaux inconnus du grand public et des tripiers, jouer avec sa vie et celle de Kardiatou qui ne demande qu’à le suivre. Heureusement il peut compter sur Mansour, originaire du 9.3, de Bondy exactement (ce qui me permet de placer cette vanne connue mais qui fait toujours de l’effet : T’habite Bondy ? Non, Porte des Lilas !), un peu voleur, un peu dealer (mais Burma peut lui faire confiance, il ne dit rien) surtout efficace dans les empoignades musclées et à l’intelligence affûtée (pourquoi pas ?).

 

Alors il s’agit d’un Nestor Burma d’aujourd’hui, comme si le premier du nom s’était téléporté ou transporté dans notre époque, et dont l’entourage, est identique mais pas pareil. Il vapote, fume de temps à autres des cigarettes, mais garde en relique une vieille pipe à tête de taureau.

Il ne s’agit pas d’un copié-collé, d’une parodie, ou pis d’un plagiat, mais d’un pastiche dans le bon sens du terme qui signifie : remplir plusieurs fonctions : de mémoire, d'humour, d'hommage (plus ou moins respectueux), voire de purs exercices de style. Mémoire, Humour et Hommage sont bien les ingrédients qui sont inclus dans cette aventure, et l’on reconnaitra le caractère anarcho-libertaire du héros, de son père spirituel, et éventuellement de ses successeurs en écriture.

Visiblement Serguei Dounovetz s’est amusé en écrivant ce roman, mais comme il n’appartient pas au corps diplomatique, il dézingue à tout va et certains en prennent pour leur grade. Ce ne sont pas des victimes littéraires innocentes. C’est le privilège des romanciers, il en use, et c’est une bouffée de fraîcheur.

Si Serguei Dounovetz a eu la lourde tâche d’étrenner ces Nouvelles aventures de Nestor Burma, d’autres romanciers, eux aussi de talent, ont été pressentis et l’on devrait retrouver bientôt des romans signés Jérôme Leroy et Michel Quint.

 

Serguei DOUNOVETZ : Les Loups de Belleville. Paris XXe. Les nouvelles enquêtes de Nestor Burma. Collection Polar. Editions French Pulp. Parution le 18 janvier 2018. 250 pages. 15,00€.

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