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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 07:20

Petits fours, chauds ou froids, sucrés ou salés,

à déguster sans modération…

Céline MALTERE : Les nouvelles charcutières.

Les nouvelles ayant pour thème la charcuterie et ses dérivés et en général la nourriture, font flores en littérature populaire ainsi que dans les contes destinés, à l’origine pour des adultes, mais rapidement dégraissés pour un lectorat juvénile. Et les ogres mangeant, ou voulant déguster de petits enfants, ne sont pas les moindres de ses protagonistes affamés.

Alors on pense immédiatement à Gargantua dévorant les pèlerins, ou plus proche de l’idée de Céline Maltère, aux Souhaits ridicules de Charles Perrault, un conte, recueilli dans Les contes de ma mère l’Oye en 1697, qui met en scène un brave bûcheron qui se voyant offrir trois souhaits, les perds par inadvertance puis sous une impulsion colérique. Il a une envie de boudin, puis sous les remontrances de sa femme, les boudins obtenus se retrouvent pendus au nez de son épouse, et enfin le dernier souhait est utilisé afin de permettre à celle-ci de reprendre figure humaine.

 

Et c’est bien dans cette continuité satirique que s’engouffre Céline Maltère, nous proposant une vingtaine de nouvelles et poèmes avec quelques illustrations de Jean-Paul Verstraeten, dans l’esprit de Topor et Jean-Christophe Averty.

Céline Maltère fait œuvre de création, mettant en scène des personnages simples, des femmes de préférence, des charcutières particulièrement, concoctant des pâtés, des saucissons, des andouilles (Ah l’andouille d’Elvire !), autant de plats appétissants sublimés par l’art culinaire et littéraire de la conteuse.

L’alchimie de la charcuterie dans un laboratoire ! Car l’endroit où les charcutiers officient s’appelle bien un laboratoire ! Et bien évidemment cela entraîne toutes les suppositions que l’esprit peut se faire en évoquant ce mot.

Mais si on parlait un peu des nouvelles, non ? Je vous sens impatients, affamés, l’estomac dans les talons et non dans l’étalon.

Dans le prologue, Charcutières de légende, l’auteur nous entraîne dans une assemblée, entre théâtre et tribunal, afin d’assister à un Agôn, une compétition ou joute oratoire. Ont été convoqués les esprits des grandes meurtrières qui vont s’affronter en déclinant leurs forfaits.

Un préambule pour nous offrir d’autres voies issues de l’imaginaire de l’auteur, empruntant parfois à des événements historiques ou mythologiques, mais en les détournant. Un humour noir décapant qui démontre la dérision dont nous sommes victimes consentantes, comme, lorsque nous lisions les contes et nouvelles d’auteurs tels que Perrault et confrères, ou en regardant des films issus de la grande tradition du théâtre du Grand Guignol dont le représentant le plus célèbre fut André de Lorde.

 

Si le prologue pourrait être comparé à l’entame d’un pâté ou d’un saucisson, le reste est découpé en tranches, avec une pause dite intermède qui serait propice à déguster un bon verre de vin, ou un verre de bon vin, et la fin, tout comme l’entame, est tout aussi délicieuse, car elle n’a pas eu le temps de sécher.

Prenons quelques tranches au hasard et croquons dedans avec gourmandise.

Ainsi dans Profession artiste, la narratrice revendique le côté artiste de sa profession, et non artisan. Elle travaille sa viande, ses abats, enfin les abats des bêtes, tel un sculpteur le ferait de l’argile, mais elle n’aime pas être importunée, comme par exemple les trois petits vauriens qui se moquent d’elle, vitrine interposée.

La guerre de Troyes nous invite à revisiter la mythologie, et non la mite au logis, avec la belle Hélène, principale protagoniste de cette histoire. Hélène, qui travaille à la ferme, sert un jour au fils du propriétaire quatre saucisses alléchantes, baignant dans la gelée, grosses comme un sexe d’homme. Il n’en faut pas plus pour que ce bourgeois demande la main de la fermière. Mais la renommée d’Hélène, avec ou sans sabots l’histoire ne le précise pas, et de ses saucisses dépasse les frontières de la petite ville, attisant la jalousie. Et une famille de viticulteurs spécialisée dans le vin à bulles prend ombrage. Peut-être un moyen de caser Pâris, le frère attardé du châtelain Hector.

Dans Les pieds dans le plat, la narratrice narre l’époque où toute jeune elle possédait des lapins. De compagnie pensait-elle, sauf que sa mère refuse qu’elle promène Jeannot en laisse. Alors que sa copine Cécile possède un joli angora blanc. Seulement les parents sont plus sadiques que les enfants, malgré ce que l’on voudrait nous faire croire. Et plus tard, beaucoup plus tard, la narratrice se souviendra d’un épisode de sa jeunesse et saura se venger.

Une petite dernière bouchée ? Enfant de lait nous propulse dans un monde dont les animaux auraient acquis la particularité de se tenir debout, sur leurs deux pattes. Marguerite, un prénom pas anodin, emmène son bébé au spectacle. Son dernier né qui marche encore à quatre pattes.

Quant à Rosande, une femme à l’âge indéfini, fouine et récupère dans les poubelles sises près des boucheries, des cliniques, des entrepôts, des morceaux de barbaque qu’elle ramène chez elle, un lieu où elle est née et qu’elle a transformé en laboratoire.

 

Bon, maintenant je vous laisse, j’ai un petit creux et des pieds amoureusement préparés n’attendent que mon bon vouloir…

 

Céline MALTERE : Les nouvelles charcutières. Collection l’Ange du Bizarre. Editions Ginkgo. Parution 4 novembre 2017. 128 pages. 9,00€.

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commentaires

V
ça a tout pour me plaire, satirique, décapant... oh oui, je veux!
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O
Et certifié sans additif... Ne résistez pas, une lecture saine et agréable.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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