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27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 07:40

Une histoire raffinée qui n’est pas un échec et mat !

Pascal MARTIN : La Reine noire.

Ce n’est plus l’été en pente douce à Chanterelle-les-Bains. Ce serait plutôt l’hiver.

Autrefois vivant, coquet, Chanterelle-les-Bains, non loin de Bar-le-Duc, est devenu un village mort, pétrifié, depuis que la raffinerie de sucre est fermée. Subsistent quelques commerces, la quincaillerie, la pharmacie, l’Auberge de Joe, le Bar du Centre où se réunissent trois quatre hommes adeptes de la belote. Faut bien passer le temps.

Jusqu’au jour où arrive un homme tout de noir vêtu, lunettes noires cachant des yeux bleus, pâles, conduisant une grosse voiture allemande. Il n’en faut pas plus pour intriguer, d’autant qu’il a pris en location la maison dite du fada, et que c’est madame Lacroix, l’ancienne bonne du curé qui est préposée au ménage.

Un second individu, qui se présente comme psychiatre, tétant une pipe, puant le parfum dont il s’asperge à outrance, demande une chambre à l’auberge de Joe. L’auberge sert également de point relais à Ali qui y amène ses conquêtes d’un jour. Des femmes, souvent délaissées, de Chanterelle et des environs.

Bientôt les deux hommes sont identifiés, par l’un ou l’autre des habitants de la commune, et cela remue de vieux souvenirs, un passé pas toujours agréable à ressasser.

Le gothique se nomme Toto Wotjeck. Il n’avait pas bonne réputation étant gamin, et son père, Polonais, buvait, justement comme le veut la légende, comme un Polonais. Une bouteille de pastis par jour, et cela lui a été fatal. Wotjek s’est installé en Indonésie, et il est devenu tueur pour le compte d’un Chinois. Il est revenu avec une mission, celle d’effacer un notable lui-même également trafiquant de drogue.

Et si Michel Durand est lui aussi revenu à Chanterelle, c’est parce qu’il est policier et non psychiatre comme il le prétend, à l’antenne Interpol de Lyon, et qu’il a appris le retour de Wotjeck. Le père de Michel Durand était le directeur de la raffinerie de sucre, avant de se faire évincer par le nouveau propriétaire qui a délocalisé en Indonésie.

 

Les deux hommes ont un vieux contentieux à régler, et leur cible n’est autre que le maire et propriétaire de la raffinerie à l’abandon, Spätz, sur lequel ils ont focalisé leur haine, le responsable de la mort de leurs pères. Une haine sur laquelle plane la cheminée de la raffinerie, une usine qui s’étend comme une araignée tapie attendant ses victimes.

Entre les deux hommes, gravitent des personnages troubles et bon nombre d’entre eux ont quelque chose à se reprocher. Tout autant la mère Lacroix, l’ancienne bonne du curé, dont la fille Marie-Madeleine est handicapée mentale et suit sa mère dans ses ménages et qui ne cesse d’être houspillée, que les joueurs de belote, ou encore Joe, le phtisique, ou encore Marjolaine, la serveuse du Bar du Centre, toujours occupée à tripoter son téléphone à défaut d’autre chose… Et depuis qu’ils sont là, Durand et Wotjeck, des méfaits se produisent perturbant la monotonie du village. Des poules sont égorgées, le cimetière est profané, des meurtres sont perpétrés. Le trouble s’installe dans les esprits, les langues se délient.

 

S’il fallait, mais ce n’est pas obligé, classer ce roman dans des affinités littéraires, je le placerais sans contestation possible sur l’étagère réservée aux Explorateurs de l’âme humaine en pays rural, entre les ouvrages vosgiens de Pierre Pelot, les romans durs de Simenon et l’intégrale de Pascal Garnier.

Tout y est : l’ambiance et l’atmosphère délétères, avec des protagonistes à double facette. Le village qui se meurt, une ancienne usine promise à la démolition, des personnages décalés ou perdus, possédant un côté sombre et pervers ou déboussolés par une vie en trompe-l’œil, ressassant un passé nébuleux et un avenir incertain, colportant commérages avec jouissance ou s’égarant dans des secrets qui fuitent.

 

Pascal MARTIN : La Reine noire. Collection Polar Jigal. Editions Jigal. Parution le 8 septembre 2017. 248 pages. 17,50€.

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commentaires

A
Pascal Garnier, Simenon : que du bon. Un auteur que je note, alors.
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O
Ce n'est que mon impression et mon humble avis, comme on dit. A découvrir

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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