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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 13:54

Ce que l'on appelle l'effet domino !

Gilles VIDAL : De sac et de corde.

Vous avez tous sûrement vu un reportage montrant ces dominos soigneusement placés les uns derrière les autres et tomber par un petit coup de pichenette, s'entraînant les uns les autres dans une course folle franchissant de nombreux obstacles dans un parcours minutieusement élaboré et préparé.

La lecture de ce roman est tout aussi réjouissante, et l'auteur a dû passer un temps fou à assembler ses personnages-dominos, les faire évoluer dans une petite ville de province, avec de nombreux aiguillages, des voies sans issu, d'autres qui se coupent et se recoupent, et les protagonistes s'affaler comme ces briquettes, sans pour autant que la machine infernale s'arrête avant le final programmé.

Le point de départ se situe à Boston (Massachussetts) en 1967. Deux individus interrogent violemment Willard Matthews à propos d'un objet qu'ils recherchent. Il ne se souvient plus très bien mais sous les coups la mémoire lui revient en partie. Munis de leur renseignement partiel, les deux hommes repartent en laissant derrière eux un cadavre.

Le dernier domino franchit un pont et est catapulté de nos jours à Morlane, ville de province traversée par la Meure, qui s'enorgueillit de posséder parmi ses hommes célèbres un poète maudit, Aristide Ridore, vénéré partout dans le monde mais qui fut également un assassin et un brigand.

Tout commence, ou presque lorsque Serge Persigny ressent dans la cage de l'escalier du petit immeuble où il habite comme une odeur de gaz. C'est sa voisine Mademoiselle Juvet, Clara de son prénom, qui a déposé sa tête dans le four de la gazinière. Bonsoir Clara, comme chantait Michel Sardou, direction la morgue.

Ce qui ne gêne en rien Serge Persigny sauf que cela l'a retardé quelque peu, mais il n'est pas aux pièces non plus. Après avoir récupéré une arme à feu, je ne rentrerai pas dans les détails, marque, calibre ou autre, il se rend au rendez-vous fixé par son employeur. Il ne travaille pas aux impôts, mais c'est tout comme, puisqu'il est chargé de recouvrer l'argent prêté auprès de clients récalcitrants. Et le voilà chez Victor Guérin, un vieil homme qui se montre plus malin que l'encaisseur. Et l'encaisseur n'a pas le temps de défourailler son arme qu'il encaisse quelques projectiles en pleine tête. S'il n'avait pas de plomb dans la cervelle, maintenant il est servi.

Victor Guérin, son forfait accompli, après tout il n'avait pas demandé à ce que Persigny vienne l'embêter, part en sous-bois récupérer quelque chose dans un arbre. Arrivé à place, ses coronaires jouent à se faire un sac de nœud, et exit Guérin, affalé sur une branche. Bien mal acquis, et à qui, ne profite jamais. Parait-il.

Un couple s'installe sous la ramure de l'arbre afin de batifoler, et lorsque la jeune fille regarde l'envers des feuilles, elle aperçoit quelqu'un qui les mate, couché sur une branche. Ce quelqu'un, vous l'avez deviné, c'est Guérin, mais ce que vous ne savez pas, c'est que Fred Gomez et sa copine Claudie trouvent dans la besace du défunt une grosse poignée d'argent. Plus grosse que ça même, et sous le matelas de billets, deux armes que seul Fred a aperçu. Allez hop en voiture, et après un repas à base de hamburgers italiens, oui pizzas si vous voulez, un repos digestif à l'hôtel. Et comme Fred n'est pas partageur, il se débarrasse de Claudie, dont il ne connait même pas le nom, à l'aide d'un sac poubelle. Je comprends maintenant pourquoi on veut interdire les emballages plastiques. Mais Fred est un perdant, mais il ne le sait pas encore.

 

Sur ce quittons cet embranchement et allons voir d'autres rangées de dominos qui continuent leur petit bonhomme de chemin. Et parmi ces personnages on retrouve par exemple un policier vénal - si ça existe, désolé de le préciser - ou encore un chirurgien-dentiste digne héritier des arracheurs de dents d'antan qui se fait des pivots, des lingots veux-je dire, en or sur la denture de ses clients en les massacrant, d'où peut-être l'expression des sans-dents. Bref il a les crocs. Comme d'autres personnages évanescents qui arrivent presque tels des cheveux sur la soupe, et repartent aussitôt dans une éclaboussure. Sans oublier un parrain local, ses hommes de main et d'aujourd'hui, un automobiliste qui percute un homme, lequel venait d'échapper aux policiers, qui se fait voler sa voiture, véhicule retrouvé un peu plus tard avec deux cadavres déguisés en charbon de bois à l'intérieur...

Parfois on a l'impression qu'il y a engorgement, un bouchon qui bloque tout, mais que nenni, une briquette se dégage et la route des dominos se scinde, se prend pour une autoroute ou un chemin vicinal, jusqu'à l'arrivée qui est parallèle au point de départ.

Si Gilles Vidal nous propose un roman tortueux, il le fait avec talent, et avec cette méticulosité, cette minutie propre à un artisan qui aime son métier. Il relève plus de l'ébéniste que du menuisier. Tout s'enchaîne inexorablement, les tiroirs multiples coulissent sans à-coups, les cachettes secrètes se dévoilent peu à peu, tout s'emboîte à la perfection, un petit trésor de construction et d'ajustement avec moult péripéties décrites en pleins et en déliés.

 

Gilles VIDAL : De sac et de corde. Collection Crimes et châtiments N°78. Editions des Presses littéraires. Parution le 29 mars 2017. 298 pages. 12,00€.

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