La peinture à l'hawaïle
C'est bien diffic'hawaïle
Mais c'est bien plus beau
Dalida la di a dadi
Que la peinture à l'eau *
Pour un beau tableau, c'est un beau tableau. Et le concierge qui découvre cette scène haute en couleurs pourrait penser à une nouvelle composition de Kovacs, le peintre plasticien qui vit dans l'appartement-atelier de la rue Neuve-Tolbiac.
Mais il s'agit bien de Kovacs couché sur le dos, les mains jointes sur la poitrine, les yeux fermés. Comme un gisant qui serait endormi. Sauf que l'ultime œuvre de Kovacs, c'est lui-même, mort. Plus incongrus, les multiples dessins qui ont été enfournés dans son pantalon. Et dans la bouche un morceau de chiffon imprégné de peinture fraîche.
Le pipelet prévient immédiatement Johanna, la compagne du plasticien et dont ses relations avec Kovacs étaient plutôt élastiques. Il la trompait ouvertement, elle essayait de lui remonter le moral lorsqu'il était en crise. Toutefois elle est étonnée qu'il se soit remis à peindre, car Kovacs avait abandonné l'aspect pictural pour se consacrer d'abord à des œuvres modernes commandées notamment par des municipalités nouvelles, puis depuis quelques années à des Installations, des structures répétitives qui connaissaient un réel succès.
Ce meurtre serait-il l'œuvre (!) d'un confrère jaloux, de Johanna trop souvent blessée moralement et quelque peu jalouse, d'un larron extérieur à la pratique des arts plastiques ? Pour le commissaire Joubert, qui débarque dans le domaine artistique, lui qui est plus habitué aux tripatouillages politiques, et son adjoint Lucas, c'est la bouteille à l'encre. Il lui faut démêler les liens complexes qui unissaient Kovacs à des personnages aussi différents que Johanna la maîtresse, Axel l'ex-mari, Marie-Paule la nouvelle maîtresse, Lassus le galeriste, les autres peintres qui se réunissent dans d'anciens entrepôts de Bercy. En réalité peu de monde, car tout tourne autour des quatre premiers nommés et de leurs relations bizarroïdes, compliquées, et dont les obstacles ne manquent pas de surgir à tout moment.
Dans une intrigue classique où évoluent peu de personnages, lesquels avaient tous une raison plus ou moins légitime pour supprimer le plasticien, lequel n'était pas un homme sans reproche, le propos de Michel Dresch est surtout de décrire le monde de l'art moderne sous ses différents aspects. La tension conceptrice, le besoin moral et financier de reconnaissance, les différents acteurs qui gravitent dans le domaine artistique du créateur rongé par les affres de l'innovation et du succès, au marchand d'œuvres d'art dont souvent il dépend, un microcosme dédié à l'art plastique et pictural, un monde en réduction qui se déploie sous les yeux du profane que je suis et a tout autant été conquis par cette description que par l'intrigue elle-même.
*Bobby Lapointe.
Pour en savoir plus sur cette collection ArtNoir et ses ouvrages n'hésitez pas à visiter le catalogue :
Michel DRESCH : Le plasticien. Collection ArtNoir. Cohen & Cohen éditeurs. Parution le 24 mars 2016. 222 pages. 20,00€.
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