Bon anniversaire à Serge Brussolo, né le 31 mai 1951
L’univers de Serge Brussolo est étrange, fascinant, captivant, démoniaque, angoissant et autres qualificatifs que vous voudrez bien lui attribuer. Son nouvel opus ne déroge pas à la règle. Enfin, quand je dis nouvel opus, je me comprends et vous saurez pourquoi à la fin de cette notice.
Jeanne, qui a effectué pas mal de petits boulots et a même connu le succès avec un roman, le second n’ayant pas répondu à ses espérances et enregistré un bide monumental, n’a d’autre solution pour subsister que de répondre à une petite annonce. Elle se présente donc comme modèle nu auprès d’un sculpteur habitant une drôle de maison dans une impasse.
Un hôtel particulier qui ressemble vu de l’extérieur à un soufflet au fromage ou à un chou-fleur, à la surcharge décorative baroque. A l’intérieur, ce n’est guère mieux, avec toutes ces statues qui trônent dans un hall qui ressemble à un tunnel creusé dans une congère. L’individu qui officie en tant que concierge n’est guère avenant mais après tout ce qui lui importe est de trouver un job et de pouvoir manger à sa faim.
La première séance de pose se passe bien et elle est engagée, et même logée, dans une chambre de bonne au sixième étage, chez ce sculpteur qui ressemble plus à un boucher qu’à un artiste. Mais il ne faut pas se fier aux apparences (appâts rances ?) et surtout oublier que dans cette demeure s’est déroulé cinquante ans auparavant un drame qui pèse encore dans tous les esprits.
La fameuse maison Karkersh, dont le corps du propriétaire a été retrouvé déchiqueté dans le zoo adjacent. Trois sœurs se seraient suicidées, de manière différente, dans trois des chambres de bonne contiguës à celle de Jeanne et les avis divergent sur la mort de Karkersh : suicide en se jetant de la fenêtre de son balcon, ou dépeçage organisé par sa parentèle ?
Jeanne rêve qu’elle aussi est la proie de ces apprentis bouchers, et des marques de stigmates apparaissent durant son sommeil. Sans oublier cette étrange bâtisse qui recèle bien d’autres secrets, ces statues dans le hall qui ne seraient que moulages de plâtre sur des ossements humains, et une étrange machine dans la cave qui mène aux catacombes.
Catacombes est d’ailleurs le titre de la version abrégée de ce roman paru en 1986 dans la collection Anticipation du Fleuve Noir, sous le numéro 1491, un roman qui aurait dû paraître dans la collection Angoisse si celle-ci n’avait été supprimée depuis des années.
L’Enfer c’est à quel étage ? titre sous lequel est réédité ce roman n’a pas vieilli, au contraire, même si le lecteur doit effectuer quelques réajustements de dates afin de comprendre la genèse de l’histoire, et contient tous les phantasmes et obsessions qui parsèmeront l’œuvre de Serge Brussolo depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui.
La maison, lieu idéal d’une mise en scène angoissante et étouffante par idéal, mais également par touches subtiles le froid, la glace, la mer. Même pour ceux qui ont lu Catacombes, je conseille cette lecture, ne serait-ce que pour en apprécier la teneur et se rendre compte des aménagements qui avaient été jugés nécessaires à l’origine, pour la simple et bonne raison d’une politique éditoriale basée sur une pagination uniforme. Coût de rentabilité oblige, présumé-je.
Serge BRUSSOLO : L’Enfer, c’est à quel étage ? Réédition Le Livre de Poche. Parution 1er septembre 2004. 220 pages. 5,10€.
commenter cet article …