Une histoire qui ne manque pas de sel !
Ayant abandonné son fief concarnois, le commissaire Dupin se dirige grâce à un plan manuel dans les marais salants de Guérande à la recherche de barils bleus.
Il n'est pas en mission officielle mais s'est rendu sur le site à la demande d'une journaliste de Ouest-France, Lilou Bréval, qui traite plus les dossiers de fond que les affaires locales. Il a connu Lilou Bréval lors d'une précédente enquête, narrée dans Un été à Pont-Aven, et il sait que, si elle l'a contacté, ce n'est pas pour des broutilles.
Alors qu'il n'embêtait personne, on lui tire dessus. Une fusillade qui laisse présager qu'on en veut à sa vie, et que sa promenade parmi les étiers dérange quelqu'un. Donc l'information concernant les barils ne serait pas vaine, seulement il lui faut échapper à ce péril. Il se réfugie in-extremis dans une cabane. Et manque de pot (de sel) il ne capte aucun réseau avec son téléphone portable.
Au bout de quelques heures il est délivré par des policiers menés par la commissaire Rose, de Guérande, lesquels policiers ont été avertis de la fusillade. Penaud Dupin est obligé de confier que son enquête est en marge de la légalité puisqu'il n'est pas dans son domaine de juridiction. La commissaire Rose toutefois se montre bon enfant, la réputation de Dupin ayant franchi les frontières du Finistère. Mais elle n'apprécie guère cet empiétement sur son territoire.
Lilou Bréval ne répond pas aux nombreux messages qui lui sont adressés, et personne parmi ses connaissances ne peut les informer de sa présence en tel ou tel endroit.
Les fameux bidons bleus s'avèrent jouer à l'arlésienne jusqu'au moment où ils sont retrouvés dans un cristallisoir. La question primordiale réside alors à définir quel pouvait être leur contenu.
La commissaire Rose est officiellement désignée pour conduire cette enquête lorsque le cadavre de Lilou Bréval est découvert. Dupin étant accepté comme enquêteur complémentaire. Il en profite pour faire venir ses deux adjoints, qui ne seront pas de trop dans cette affaire car d'autres cadavres vont épicer l'enquête.
Dupin tient de plus en plus de Maigret, et malgré que cette affaire soit résolue en trois jours, il se montre aussi impatient parfois que son célèbre prédécesseur. L'enquête piétine, ne cesse-t-il de marmonner (le lecteur aussi, qui ne piétine pas mais aimerait que cela avance plus vite).
Car le côté documentaire, même s'il est précis, important pour la compréhension du décor, de la psychologie des personnages, ressemble parfois à un guide touristique qui s'étalerait de Guérande et engloberait le golfe du Morbihan avec ses nombreuses îles. Un guide touristique qui empiète largement sur l'histoire policière mettant aux prises différents protagonistes, paludiers indépendants, coopérative saline et grosse société méditerranéenne spécialisée dans le sel non marin.
Elle (Lilou Bréval) s'intéressait aux discussions et aux conflits autour du Pays blanc, son évolution. Les rivalités qui opposaient les indépendants, les coopératives et les grosses entreprises, mais aussi la commune et la Région. L'esprit de compétition qui dominait ce qu'on appelle le marché global du sel.
Le travail des paludiers, la cristallisation du sel, sa récolte, tout le travail qui tourne autour de ce pétrole blanc recueilli dans le Pays blanc, tout y est décrit minutieusement, et l'on pourrait presque sentir sur la langue ce goût particulier du sel de Guérande, le meilleur au monde selon les habitants de la presqu'île guérandaise, et je ne suis pas loin de penser comme eux.
Comment Dupin mènerait-il ses enquêtes sans la fidèle, précieuse et efficace Nolwenn, sa secrétaire qu'il peut joindre jour et nuit pour obtenir des renseignement indispensables dans ses différentes recherches ? Mais pas uniquement des renseignements, des retrouvailles également, et elle devient la complice et l'initiatrice d'un petit complot permettant Dupin de revoir sa Dulcinée alors que le moment est critique.
Dupin est quelque peu rétrograde, j'en connais d'autres, avec son téléphone portable qui refuse d'accéder au réseau alors qu'un appareil plus puissant lui serait utile dans ses déplacements. Or le téléphone se révèle un objet à l'importance primordiale et pas uniquement pour l'enquête.
Un roman paisible, idéal pour lire en vacances, surtout si vous pensez vous rendre en Bretagne, délassant et instructif, qui vous permettra d'allier en toute sérénité dégustation de produits locaux et voyages dans les marais salants et les balades sur les îles, et vibrer par procuration avec tous les dangers que cela comporte.
Ce roman s'il était adapté à la télévision, tiendrait plus de la série Inspecteur Derrick que d'Alerte Cobra.
Un autre avis ? Celui de YV sur son blog :
Les Marais sanglants de Guérande - Le blog de Yv
Les Marais sanglants de Guérande, Jean-Luc Bannalec, Presses de la cité, 2016 (traduit par Amélie de Maupeou)... Alors qu'il arpente les marais salants de Guérande un soir de fin d'été, sur l...
Mes précédentes chroniques sur les romans de Jean-Luc Bannalec :
Jean-Luc BANNALEC : Un été à Pont-Aven. - Les Lectures de l'Oncle Paul
L'exotisme, paraît-il, est un phénomène culturel de goût pour l'étranger. Et nul doute que la Bretagne est une province exotique pour les Allemands. Pour preuve ce phénomène littéraire outr...
Jean-Luc BANNALEC : Etrange printemps aux Glénan - Les Lectures de l'Oncle Paul
Embarquement immédiat même si vous n'avez pas le pied marin ! Trois cadavres sur une plage, cela dénote un esprit de laisser-aller qui pourrait faire fuir les éventuels touristes. Heureusement ...
Jean-Luc BANNALEC : Les marais sanglants de Guérande (Bretonisches Gold Kommissar Dupins Dritter Fall - 2014. Traduction d'Amélie de Maupeou). Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 7 avril 2016. 400 pages. 21,00€.
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