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15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 13:47

Dans l'enfer de la Jungle, les prédateurs ne sont pas forcément les bêtes dites sauvages.

Michel VIGNERON : Migrants express.

Parfois il ne faut pas se fier à une première impression ressentie à la lecture d'un premier chapitre et se laisser submerger par l'aversion prodiguée par un personnage considéré comme le héros de l'histoire. Alors, fort de ce principe, j'ai continué la lecture de ce roman sans être convaincu de l'utilité de cette réédition réactualisée.

Patrice Orca, commandant de police à la Sécurité Urbaine à Calais, est nonchalamment vautré sur une chaise en terrasse d'un café. Au serveur qui lui demande s'il consomme, Orca lui saisit l'entrejambe afin de notifier sa dénégation. Il attend des informations de son coéquipier le major Daniel, lequel piste deux petits malfrats, des drogués en manque. Ceux-ci arrivent et entrent dans le bureau de tabac sis face au café. Orca s'engouffre dans l'échoppe et alors que l'un des deux malandrins s'apprête à éliminer le commerçant, Orca tire trois balles qui atteignent leur but sans rémission. Ce qu'on appelle une bavure, pour preuve tout le sang éclaboussant l'homme et les environs. Depuis il a été surnommé Dirty Orca.

En remerciement de son acte de bravoure, Orca est relégué dans un placard. Et bien évidemment il doit répondre de son acte, qui n'est pas manqué, auprès de son commissaire, du directeur de la Sureté Urbaine et du procureur de la République, avec intimidations à la clé, ce dont il n'a cure. Alors qu'il est de permanence, un appel téléphonique l'oblige à sortir de sa résidence placardisée.

Sur le terrain, déjà quelques membres de la police sont présents. Une jeune fille tape avec une barre de fer sur ce qui se révélera être, après constatation, un nouveau-né. Pourquoi ? Seule l'interprète afghane pourra le savoir, car la gamine, dont les papiers indiquent qu'elle a dix-neuf ans mais ne les parait pas, ne parle pas un seul mot de français. L'affaire est déléguée à la Police Judiciaire, même si cela ne relève pas de leur prérogative, afin de couper les pieds à Orca. Mais le directeur de la P.J., un ami d'Orca (Tiens encore un !) l'a appelé afin qu'il intègre ses services.

 

Dans l'un des parkings de la zone industrielle des Dunes, un routier, après s'être restauré, découvre qu'un lien retenant la bâche de son camion a été coupé et rafistolé. Au lieu de prévenir les autorités, il décide d'investiguer lui-même la remorque. Il est surpris par l'un des visiteurs mais parvient, grâce à une clé à molette, à annihiler ce dernier. Les autres passagers ont le temps de se défiler. Mais l'individu est véritablement mal en point lorsque les policiers, que le routier s'est enfin décider à appeler, arrivent sur site.

L'interprète, avec laquelle Dirty Orca échange des propos assez vifs (mais avec qui peut-il s'entendre sauf ses deux ou trois amis) lui apprend que la parturiente a elle-même procédé à son avortement, ayant été violée par des individus qui se sont enfuis dans la nature.

 

Le lecteur est véritablement plongé dans l'Enfer de la Jungle de Calais. Cette dénomination de Jungle prend son origine, d'après un migrant, Peut-être parce que pour eux [Les Calaisiens et la France entière] nous sommes des bêtes sauvages, des sous-hommes qui vivent comme des primates.

Cette Jungle de Calais et les problèmes des migrants ne pouvaient échapper à Michel Vigneron, lui-même originaire de Calais et capitaine de police dans le Pas-de-Calais. Et jeter un œil, et même deux, sur ce que les Français ne connaissent que par les médias, décrire les sentiments de la population calaisienne, ceux des transporteurs dont les camions servent de cachettes, le point de vue des migrants, décrire leurs conditions de vie, le rejet dont ils sont les victimes, doubles voire triples victimes puisqu'obligés de s'expatrier, taxés par des passeurs malhonnêtes, tout ceci méritait d'être mis en avant. Mais tout le monde ne réagit pas comme la plupart des protagonistes de ce récit.

Le personnage malsain de Dirty Orca me gêne. Imbu de sa suffisance, persuadé détenir la vérité, il se conduit comme une bête sauvage devant éliminer ceux qu'ils jugent comme des nuisibles, ceux qui se dressent sur son chemin. Violent, acariâtre, vindicatif, Orca use de mauvaise foi. A l'interprète qui lui rétorque vivement et avec un ton agressif : Tout ce qui vous intéresse, c'est de la faire passer pour une immonde étrangère qu'il faut renvoyer dans son pays, en parlant de l'Afghane venant d'avorter et massacrer son bébé, Orca répond : Vous commencez à me saoulez avec vos idées préconçues. Si la situation ne vous convient pas, conseillez-moi un de vos confrères et cassez-vous ! Mais dès le premier contact, Orca avait ressenti une profonde aversion envers cette interprète venue d'un pays du Moyen-Orient.

Orca ne m'inspire, personnellement, qu'un sentiment de malaise, voire de dégoût, mais il est ou sera sûrement encensé par les tenants de la France aux Français, aux racistes de tout poil, et aux idolâtres d'une police expéditive, usant de la force avec jubilation et pratiquement assurée d'impunité dans leurs actes de violence, comme on le voit trop souvent dans les manifestations et sur certains lieux d'échanges musclés.

 

Première édition sous le titre de Calais Jungle. Collection Régiopolice. Editions Sirius/Gérard de Villiers. Parution 8 février 2012.

Première édition sous le titre de Calais Jungle. Collection Régiopolice. Editions Sirius/Gérard de Villiers. Parution 8 février 2012.

Michel VIGNERON : Migrants express. Collection Parabellum. Editions L'Atelier Mosesu. Parution le 16 janvier 2016. 286 pages. 13,00€.

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commentaires

A
L'auteur met littéralement les mains dans le cambouis en nous montrant des situations par le petit bout de la lorgnette.
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O
Oui. Comme Michel Vigneron travaille dans la boite, il sait ce dont il écrit. Mais cela ne redore pas le blason de la police...
P
... qui a écrit " un vent printanier" (donc), comme quoi on change...
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O
Bonjour Pascal<br /> Oui Un vent printanier m'avait favorablement impressionné. D'ailleurs il fait partie de ma sélection Mon Palmarès 2015. Mais là, franchement, je ne peux entrer dans la peau du personnage...
P
Tu as raison Paul, le bouquin m'a l'air nauséabond... curieux pour cet auteur qui a
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