On ne peut pas dire d’un homme qui n’aime pas les enfants et les chiens qu’il soit
foncièrement mauvais !
Cette citation de W.C. Field n'est pas vraiment appropriée à l'odieux personnage qui vient de crucifier sur une planche un adorable (?) représentant de la gent canine.
Sénéchal, un policier qui a revêtu l'uniforme en 2006, inspiré par celui qui voulait nettoyer au Kärcher les banlieues parisiennes, fait cette macabre découverte en patrouillant dans les ruelles d'Arras. Près du chien éventré, un mur de livres et sous une tente le Liseux, un clochard absorbé par sa lecture. Celui-ci déclare ne s'être aperçu de rien.
A Béthune, Virgile David Blake, détective privé de rien sauf de sa mère, ancien policier reconverti, reçoit la visite d'une cliente qui s'obstine à ce qu'il effectue une mission. Retrouver un chien à l'aide d'une photo qu'elle lui met la photo sous le nez. En réalité il n'y a pas de clébard sur le cliché. Juste un pylône, une laisse et un collier. Il éconduit Hypoline Bilantier d'une façon cavalière et mande après sa secrétaire.
Cerise, une jeune fille au visage poupin, pas même vingt ans mais déjà un passé récent d'escort-girl, travaille pour V.D.B. depuis quelque temps. Mais elle demande à sortir, sans préciser la raison, sans dire pour combien de temps. Pendant de longs jours, puis de longues semaines, V.D.B. n'aura plus de nouvelles de cette fille-loup, surnommée ainsi à cause de la capuche ornée de fourrure blanche agrémentée de deux oreilles façon loup qui couvrent son chef, sa tête plus s'exprimer plus simplement.
V.D.B. se soigne à la codéine, une façon comme une autre de combattre les migraines récurrentes qui assaillent son cerveau. Il passe son temps à regarder des cassettes sur lesquelles il a enregistré les informations. Et des cassettes, il en possède plus que ça, donc il a le choix. Pour l'heure, Laurence Ferrari affirme que Ben Laden a été tué, mais ce n'est pas ça qui le fait sortir de son espèce de torpeur. Quelqu'un vient de carillonner à sa porte et lorsqu'il ouvre il fait face à Jean Dujardin, enfin son sosie. L'individu appartient à la police judiciaire de Lille et l'informe qu'un de ses anciens collègues, Sénéchal, a découvert un chien perdu avec collier, le fameux canin éventré. Jusque là rien que de très banal, sauf que le collier porte en inscription le nom du détective, V.D.B., mais en toutes lettres.
Jean Dujardin, Jordan Benoît de son véritable patronyme, était accompagné d'Amélie Laribi, capitaine de police à Auchel. Mais ce n'est parce qu'elle est capitaine que la situation est intéressante, c'est parce qu'elle fut le lieutenant de Blake, avant que celui-ci soit poussé vers la porte.
V.D.B. qui se morfond et s'inquiète de la disparition de Cerise, sa Griotte comme il aime à la définir, retrouve par hasard dans un bar son ami René, alias Rantanplan. René était parti d'exiler à Paris, suivant une gente dame qui s'occupe bien de ses petites affaires. Mais un coup de blues l'a incité à revenir à Auchel. Et V.D.B. va demander à René/Rantanplan de remplacer momentanément Cerise, le temps que celle-ci revienne. Il est bien gentil René, mais un peu ivrogne sur les bords, ce qui l'amène parfois à perdre le sens des réalités, mais pas celui de la camaraderie.
Il ne faut pas oublier parmi tous les personnages qui gravitent dans ce roman, outre les personnages déjà cités plus d'autres qui feront leur apparition, les pensionnaires d'un foyer-résidence pour personnes handicapées mentales. Et ces résidents vont jouer un rôle important dans ce récit, sinon je n'en parlerais pas. Evident non ? Et, j'allais oublier, le tueur de chiens, cet être improbable, qui lorsque cette histoire débute a déjà quelques cadavres de canidés à son actif, dans la semaine précédent le nouvel an, surnommé l'Equarisseur.
De Béthune à Auchel, d'Arras à Calonne-Ricouart, de Douai à Marles-les-Mines, avec comme point d'arrivée Espira de Conflent, en cette année 2012, alors que la campagne pour les élections présidentiels commencent à investir le paysage médiatique, Michaël Moslonka, qui n'est pas chien, nous entraîne dans une histoire mi-délirante, mi-émouvante.
Du tragique l'auteur bascule dans l'humour noir en un rien de temps, oscillant entre les deux genres comme la brave Hypoline Bilatier, qui requiert ses services, et est comparable physiquement à un culbuto.
Tous les personnages mis en scène possèdent leur petit grain de folie, et ils ne sont pas tous enfermés, mais tous sont touchants, voire poignants, donnant une aura particulière à ce roman noyé dans cette tragicomédie.
Et il ne faut pas oublier Virgile David Blake, V.D.B. qui tente de soigner une fracture qui le perturbe depuis des années et même plus.
Un roman qui se place entre les ouvrages désopilants, foutraques, baroques, signés Pierre Siniac et Charles Williams, et les romans noirs, suintant de désespérance, véritables descentes aux enfers de David Goodis ou Jim Thompson.
Terminons par deux petites citations pour briller en société :
Comment des politiques portant des responsabilités si importantes, ou aspirant à les endosser, peuvent-ils se laisser aller à aveugler ainsi leurs électeurs ?
Si les femmes savent gérer les complications, elles n'aiment pas les mâles qui se torturent les neurones. Au début elles les trouvent mignons, mais elles s'en lassent très vite.
Michaël MOSLONKA: Cette personne qui n'aimait pas les chiens. Editions Fleur sauvage. Parution le 4 septembre 2015. 392 pages. 19,80€. Existe en version numérique.9,99€.
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