Une symphonie pastorale...
Après avoir remonté le Loir une grande partie de la journée à bord de sa barque, Manuel amarre son rafiot à un saule, puis étendu sur l'herbe, il se repose.
Il doit se rendre à Jeufosse, avec en poche des noms d'agriculteurs susceptibles de l'embaucher. Il préfère Jeufosse qu'à Chateaulune, distant d'une dizaine de kilomètres, car il se demande comment on va l'accueillir dans ce patelin. Près d'un quart de siècle s'est écoulé depuis l'incident qui a coûté la vie à un homme mais il sait que la mémoire humaine est toujours vive, surtout après un tel drame.
Une banale bagarre dans un café, lors d'une belote, et les témoins étaient nombreux. Pourtant ils n'ont pu voir qu'une partie de ce pugilat qui n'en fut pas un.
Coiffé d'un vieux feutre, vêtu d'habits informes, portant une grosse valise, Manuel part vers la route. Au loin un chien aboie. Manuel trébuche et se blesse au mollet. Du sang rougit son pantalon défraîchi. Il traîne la jambe, et son lourd bagage. Une ferme se profile, il toque au portail. Seul un chien lui répond. Enfin une fermière lui conseille d'entrer. Paule soigne le blessé, et lui propose de rester le temps qu'il faut pour se remettre de ses émotions et de sa blessure.
Roland Dotelar, le mari de Paule, propose à Manuel de l'embaucher comme saisonnier. Malgré les deux ouvriers qui vaquent aux champs, il y a bien du travail pour deux mains supplémentaires. Manuel accepte, le couvert et le gîte sont assurés, et il aura même un petit pécule hebdomadaire.
Il possède un gramophone récupéré dans une décharge, et le soir dans sa chambrette il veut écouter ses 78 tours, et même de vieux 90 tours. Mais l'appareil n'en fait qu'à sa tête. Alors lors de ses temps libres, Manuel se rend à Chateaulune, emmené dans la carriole de Roland ou dans la 4L. Il demande à un réparateur mono-stéréo s'il peut remettre son tourne-disque en état de fonctionner, mais l'homme veut voir l'appareil. Manuel se rend également chez un marchand d'articles de pêche. Le commerçant, qui pense peut-être être en face d'un débutant lui propose toutes sortes de cannes, de fil et d'hameçons, d'appâts, rien ni fait, Manuel tient bon, il veut ça et pas autre chose.
Il entre aussi dans le bar des Legris, là où s'est déroulé l'incident. Personne n'en parle plus, personne ne le reconnait, ce qui l'arrange.
Un conflit avait opposé deux hommes, l'un d'eux était tombé, mort. Les versions divergent, presque tous les témoins qui n'ont rien vu ont parlé à l'époque d'une agression. Il est vrai que la scène, dite de crime, était éloquente. Une chaise cassée, un crâne enfoncé... Il n'en faut pas plus pour que les rumeurs, les ragots, les J'ai rien vu mais je dirais tout, amplifie l'affaire. Et Petit-Père est traîné en justice, condamné à trente ans de prison.
Les semaines passent, et Manuel se rend à la prison, attendre la sortie de Petit-Père.
Le vieil homme a appris lors de son incarcération le métier d'imprimeur. Il trouve du travail mais hélas, lorsque les ouvriers découvrent son passé, il est prié de prendre la porte. Alors Manuel demande à Paule et Roland s'ils n'auraient pas besoin de mains supplémentaires. Petit-père s'est découvert en prison une passion, la peinture.
Cette histoire se déroule en 1962, mais si les conditions de travail dans une ferme ont nettement évolué, les mentalités sont toujours les mêmes, dans ces petites bourgades où tout le monde se connait, ou presque, et où le moindre fait est monté en épingle. Le dénouement se produit un soir d'orage, alors que Manuel a "emprunté" une voiture, afin de pouvoir rendre service à Petit-Père. Mais les éléments sont contraires et tout va se déchaîner sous la pluie, le tonnerre, les éclairs. Le lecteur peut assister à une longue scène épique, digne d'un film en noir et blanc, qui pourrait emprunter à Clochemerle, mais en moins humoristique même si certains passages peuvent faire sourire.
En effet, Manuel est un peu naïf dans son comportement, ses aspirations, mais les citoyens de Chateaulune se montrent obtus, sûrs d'eux et de leur bon droit, affirmant sans savoir, interprétant les faits de façon erronée, surenchérissant dans le délire verbal, ancrés dans leurs préjugés.
Gilles Bornais dresse un portrait de ce village, de ses habitants, et des protagonistes, avec justesse, même s'il amplifie leurs défauts, pour les uns, leurs qualités pour les autres, et leurs réactions.
C'est également une ode à la campagne, au travail de la ferme au début des années 1960, alors qu'il ne fallait rien perdre, et qu'un grain de blé était un grain de blé. Le gâchis n'existait pas. C'était le temps des plaisirs simples, la pêche, la peinture, et Gilles Bornais nous brosse de bien belles pages, loin de la fureur moderne. Mais tout a une fin, et malgré l'affirmation de Shakespeare, que tout est bien qui finit bien, parfois il existe des entorses.
Un roman qui oscille entre le blanc et le noir, un roman gris teinté de vert, une réussite tout en nuances.
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