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28 mars 2016 1 28 /03 /mars /2016 08:32

Elle a fait un bébé toute seule...

Daniel CARIO : Les chemins creux de Saint-Fiacre.

Et dans les années 1930, c'était fort mal vu. Les mères devaient cacher leur honte et les enfants nés hors mariage en subissait les conséquences. Surtout dans les petits villages ou hameaux comme Saint-Fiacre au sud du Faouët.

Né en 1932, Auguste n'a jamais connu son père. Il a été élevé par sa mère et sa grand-mère, qui ignoraient la tendresse. La "faute" de l'une étant mise au négatif du gamin. Seul le grand-père lui voue une affection sincère mais il est si peu souvent à la ferme, étant de profession couvreur et sillonnant la région.

Auguste est éduqué à coups de taloches et d'indifférence. Il vagabonde et se trouve des compagnons en forêt. Des animaux, parfois en perdition, qu'il soigne. Un oiseau, un renardeau qui finit en renard d'eau.

C'est l'âge des découvertes, bien avant d'aller à l'école. C'est ainsi qu'en vagabondant il fait la connaissance de Daoudal, un ermite volontaire et presqu'obligé de vivre en dehors de la communauté villageoise. Car Daoudal est un rebouteux, un magnétiseur, un radiesthésiste, qui soigne certaines maladies. Mais il est considéré comme un sorcier dont la fréquentation est mal vue. Pourtant, malgré le rejet maternel, la santé d'Auguste, sans être sacrée, importe. Ne serait-ce que pour taire les médisances qui foisonnent à la moindre peccadille. Daoudal va guérir Auguste d'un zona juvénile, affection rare chez un gamin. Et comme on dit, lorsque c'est rare, c'est que cela existe.

A la ferme, il n'y en a que pour le petit frère, né lui après un mariage de la mère. Un enfant légitime dont le père mourra peu après, mais l'important est qu'il eut un père officiel et déclaré. Auguste aimerait bien ce petit frère si celui-ci n'était pas si taquin et rejetait sur Auguste les bêtises commises, se montrant même cafteur. Pourtant Auguste est utile, ne serait-ce que par les poissons qu'il pêche avec des gaules de fortune ou à la main. Un supplément de nourriture qui n'est pas négligeable.

Entre Daoudal et Auguste se lie une forme d'amitié proche d'une relation filiale. L'ombre tutélaire paternelle projeté par le rebouteux sur l'enfant en manque d'affection et de repères.

Les années passent, cahin-caha, Auguste entre à l'école et se montre un relatif bon élève. Surtout il fait la connaissance d'une gamine de son âge, Lise. Entre les deux gamins, c'est une histoire d'amitié amoureuse, telle que deux enfants peuvent vivre et ressentir pleinement et sans arrière pensée. D'autant que les parents de Lise ne sont installés dans la région que depuis peu. Et le regard des villageois sur ces "étrangers", ces "horsains" comme sont définis en Normandie ceux qui ne sont pas du canton, n'est pas tendre. Suspicieux même.

Les années passent et bientôt se profile la guerre, et son lot d'avanies.

 

Le parcours d'un gamin qui ne connait pas son père, qui ne le connaitra jamais quelle qu'en soit la raison, ne laisse jamais indifférent. Surtout lorsque les deux femmes de la famille, la mère et la grand-mère s'érigent en marâtres, non plus dans le sens originel de belle-mère mais bien dans celui de la personne maltraitante.

Et l'amitié entre le vieil homme et l'enfant en est émouvante de par sa simplicité. Et pourquoi Daoudal ne serait pas son père ? C'est ce que peut penser l'enfant.

Ce sont des années d'apprentissage avant l'entrée réelle dans la vie scolaire, puis l'apprentissage de l'amitié, mais lorsque la guerre sévira, que l'envahisseur essaimera dans le pays, ce sera l'apprentissage de la vie au quotidien avec son lot de forfaitures, de jalousies, de mensonges, le tout entrecoupé de petits bonheurs et de grands malheurs. L'apprentissage de la mort, soit à cause de la maladie, soit à cause de la guerre. Une éducation rude qui forge le caractère, et révèle celui des adultes.

Si Les chemins creux de Saint-Fiacre est un roman, il est toutefois un héritage émaillé de souvenirs familiaux.

 

Daniel CARIO : Les chemins creux de Saint-Fiacre. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 3 mars 2016. 416 pages. 19,50€.

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commentaires

S
Ce n'est pas un livre pour moi. Depuis plusieurs années, je fais des recherches généalogiques, et, dans une des branches de ma famille, nous avons beaucoup d'enfants nés hors mariage. Bien sûr, je n'aurai jamais de réponses, mais, parmi tous ses enfants, certains ont eu un "père", quelques années plus tard, qui les a officiellement reconnus.
Répondre
O
Il s'agit pour certains d'une période douloureuse, pas tout à fait révolue, même si les filles-mères sont plus nombreuses et surtout mieux considérées qu'avant, quoique ce soit tout à fait relatif. Mais ce roman permet également de découvrir des tranches de vie intéressantes et des épisodes que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaitre sauf par le folklore qui est déployé aujourd'hui comme le battage du blé à l'ancienne.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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