S'il est invisible, c'est quoi sa couleur ?
Même s'il savait ce qu'il allait découvrir, Dylan Stark ne peut s'empêcher d'éprouver une vive émotion en revenant au pays, à la ferme familiale. Ou ce qu'il en reste.
Il était parti, enrôlé malgré lui dans les rangs sudistes, et son retour à Jaspero, Arkansas, ne signifie pas les retrouvailles du fils prodigue. La ferme a été incendiée, ses parents sont décédés, et son jeune frère a disparu. Mais ce ne sont pas les soldats nordistes, même s'ils patrouillent encore dans la région, qui sont à l'origine de cette destruction.
Son arrivée à Jaspero ne passe pas inaperçue. Personne ne l'attend, lui ce fils de métis Cherokee, un Bois-Brûlé comme ont l'habitude de les surnommer les Sudistes ancrés dans un racisme primaire. Mais il sait qu'il doit accomplir une mission : retrouver ceux qui ont dénoncé ou massacré ses parents.
A Jaspero, l'instituteur Dashiell Manton songe. Depuis un mois il a accueilli un élève noir dans l'unique classe du village. Mais les habitants sont furieux et ont même décidés de retirer leurs gamins de l'école si Lincoln Sodom continue à fréquenter l'établissement. Le vieux Rakaël, son seul ami, lui apprend que Dylan est de retour. Manton est effondré et soupire. Dylan, l'ami et le condisciple lorsqu'ils étaient gamins.
Dylan se présente chez Manton, ne sachant où aller et pensant à juste titre qu'il y sera bien reçu. Il est étonné toutefois d'apprendre que son ami est marié, avec Lilith, celle qui partageait leurs jeux lorsqu'ils étaient gamins. Les seuls avec Rakaël qui se réjouissent de retrouver Dylan tout en ayant peur pour lui.
Car en ville, dans une pièce du saloon Beckett, des hommes, des scélérats discutent, surveillant l'arrivée de Dylan qui franchit la porte de l'école. Ils n'ont pas spécialement peur, quoi que l'un d'eux redoute ce retour. Il sait que Dylan va chercher à se venger. Les Stark ont été abattus par des guérilleros, la version officielle, mais les assassins ne sont pas venus uniquement pour le plaisir.
Le maire, Lovedown, suivi comme son ombre par le shérif, n'en a cure du retour de Dylan Stark. Pour l'heure, seule l'affaire Lincoln Sodom l'énerve, l'exaspère. Un Noir dans une école réservée aux Blancs, c'est inadmissible. D'ailleurs les parents n'osent plus envoyer leurs gamins étudier.
C'est dans ce contexte délétère sur fond de racisme que Dylan Stark va se battre, moralement et physiquement sur plusieurs fronts. Retrouver ceux qui sont à l'origine du meurtre de sa famille, mais également aider les parents du petit Lincoln. Le gamin ne comprend pas ce qui lui arrive, lui qui ne demande qu'à apprendre à lire et à compter.
Les habitants de Jaspero sont en majorité des racistes qui n'acceptent pas que les Noirs puissent jouir des mêmes avantages que les Blancs, si l'éducation peut être considéré comme un avantage. Et le maire, homme tout puissant du village, riche et méprisant, va devoir subir la colère de Dylan Stark. Mais celui-ci, de même que Rakaël, est confronté à la vindicte des scélérats et les coups de fouet, une arme dont le vieil homme s'est fait une spécialité, sont un moyen dérisoire pour se défendre contre les armes à feu.
En cette année 1865, la guerre de Sécession a cessé, c'est sûr, mais pour autant les mentalités n'ont pas changé. Au contraire, il semble que le racisme, l'acrimonie envers les Noirs, se sont renforcés avec la défaite devant les Nordistes. Et cent ans plus tard, lors de l'écriture du roman, Pierre Pelot ne racontait pas une histoire qui se terminait, mais bien qui se prolongeait et se prolonge encore à cause de l'imbécilité des hommes et de leur supposée prépondérance naturelle envers ceux qui ne sont pas de la même couleur de peau qu'eux. Pourtant, qui peut dire quelle est la couleur de peau de Dieu ?
Bizarrement, en lisant la description des paysages peints par Pierre Pelot, j'ai eu l'impression diffuse que l'auteur était assis devant sa fenêtre et s'inspirait du décor qu'il avait devant lui.
Ce roman est destiné pour tous, à partir de onze ans affirme l'éditeur. Je suis sceptique, même si l'intention est bonne. Je ne sais pas si à onze ans, on comprend toutes les subtilités, les messages que désirait faire passer Pierre Pelot. Il est vrai qu'en 1967 ou encore en 1980, le contexte n'était pas le même qu'aujourd'hui. Les enfants lisaient plus et n'étaient pas saturés par les jeux vidéos et les violences, et donc étaient plus réceptifs à ce genre de lecture. Mais ce n'est que mon avis, et je pencherai plutôt pour une lecture à partir de quatorze ans.
Merci à Serge, qui m'a offert ce livre et qui se reconnaîtra.
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