Cette fille là, mon vieux, elle est terrible !
Après Justine ou les malheurs de la vertu du divin Marquis de Sade, après Thérèse philosophe de Boyer d'Argens, Emmanuelle et sa suite L'Anti-vierge signé Emmanuelle Arsan, Histoire d'O signé Pauline Réage, L'ordinatrice de Maud Sacquard de Belleroche, il semblait qu'il n'y avait plus rien à écrire, à décrire, sur les rapports coïtaux, la fellation, le cunnilingus, entre homme (s) et femme(s), femme-femme, homme-homme, protagonistes consentants ou non.
Pourtant que d'ouvrages furent publiés dans les années soixante-dix dans des collections, aujourd'hui disparues, dédiées à ce type de roman. La littérature érotique s'est infiltrée partout, dans la littérature blanche, noire, insidieusement, apportant souvent ce petit plus, ce piment à la lecture, ou cachant une intrigue faible.
Alors Femme de vikings, un ouvrage érotique supplémentaire qui n'apporte rien de plus à ce qui a déjà été publié ? Oui, si l'on ne retient que les passages dans lesquels Nora va payer de sa personne, allant même au devant des épreuves qu'elle va subir car sa libido l'exige. Non, car l'intrigue en elle-même dépucelle une période historique méconnue. Et surtout, comme pour la littérature policière, il ne faut pas oublier que si le fondement est le même, c'est l'enrobage qui diffère.
En ce mois de juin 866, les Danois, les Vikings, qui débarquent régulièrement sur la côte anglaise, s'infiltrent dans la campagne jusqu'à la ville de York.
Dans un petit village des environs vit Nora et afin d'échapper à l'intrusion des hommes du Nord, elle se cache entre le lit et le foyer aux marmites. Mais elle sait au fond d'elle-même que son gîte est précaire. La porte en bois vole en éclats et s'introduit un homme immense au torse impressionnant, aux yeux bleus de glace. Il est maîtrisé par les hommes du village et enfermé nu dans un enclos, exhibé comme une bête attractive.
Nora est subjuguée par cet individu qui dégage tant de puissance. Elle tourne autour, profitant de l'examiner lorsqu'elle se rend au puits, d'abord que le torse, les membres supérieurs tatoués, puis descendant les yeux, jusqu'à son sexe érigé. Âgée d'à peine vingt ans, mais plus loin on peut estimer son âge à seize ans, Nora est encore pucelle, toutefois elle a déjà joué à jeux interdits avec Denisc, un gamin du village. Les sens en émoi, elle décide nuitamment, en catimini de ses parents, de retrouver le Danois qui, s'il ne saisit pas la langue des autochtones, comprend fort bien les intentions et les désirs exigés par Nora.
Elle a pris son pied Nora, le mettant autour des hanches du Danois et a été tellement satisfaite de la prestation exigée, qu'elle en redemande. Un jour, passant par un chemin détourné, contournant le village, elle est abordée par deux fiers vikings qui veulent lui démontrer qu'eux aussi ne sont pas manchots. Elle subit avec complaisance les assauts de ses agresseurs. Evidemment lorsque ses concitoyens la retrouvent esseulée, ils comprennent tout de suite qu'elle a été violée mais Nora n'en a pas eu assez. Elle retrouve son Danois dont elle est amoureuse, lui entrouvre la porte de l'enclos et ils s'enfuient tous deux.
En sa compagnie elle quitte sans regret son village et ils regagnent le navire où elle servira d'exutoire génital à Halfdan, son Danois, ainsi qu'à ses frères qui ne rechignent pas à l'honorer. Elle deviendra la favorite d'Halfdan, car celui-ci est déjà marié à Odval et a deux enfants, et connaitra les amours saphiques. Ses aventures amoureuses et guerrières se suivent, au gré des déplacements vikings qui reviennent envahir York, devenue Jorvik, et Nora s'épanouit dans le stupre.
Dans la seconde partie, c'est Denisc qui prend la suite de la narration. Dix ans ont passé et les Saxons continuent à essayer à repousser l'invasion incessante des Vikings. Rentrant d'une opération de poursuite, Denisc et la dizaine d'hommes qui composent la petite troupe ne peuvent que constater que leur village est la proie des flammes. Il n'y a pas de survivants. Denisc découvre le cadavre calciné de sa femme. L'horreur, la vengeance, le désespoir se conjuguent dans son esprit. Au loin, dans la nuit, ils distinguent une silhouette féminine à cheval. La Reine noire. Denisc et ses compagnons bientôt rejoints par des centaines d'autres Saxons, sous les ordres d'Ælfred, et va traquer l'ennemi.
Les amateurs de littérature érotique seront satisfait de cette histoire mais les amoureux de la grande Histoire y trouveront également leur content. Car parallèlement à l'invasion de la Normandie, dès l'an 820, au cours de laquelle les Danois tente une incursion rapidement avortée de cette province, ils tentent de conquérir la Bretagne du Nord, aujourd'hui l'Angleterre. Les scènes de batailles ne manquent pas et montrent des guerriers barbares face à des autochtones valeureux. Et l'on ne peut s'empêcher de rapprocher cet épisode à ceux qui suivront par la suite, l'invasion, la colonisation, voire l'asservissement des populations africaines par les Européens, je ne cite personne, j'englobe tout le monde.
Nora est une jeune fille qui vit dans la dépravation, incapable de réfréner ses pulsions. Dès son premier rapport, elle en redemande, consciente de sa perversion :
Il devint clair que ce que je désirais le plus, au-delà même du prisonnier, c'était de me sentir salie, dominée par des bêtes incontrôlables, imprévisibles. De me sentir en danger. La première nuit loin du Danois, je la passais à crever d'envies toutes plus perverses les unes que les autres, à me toucher sous la laine, à espérer même un nouveau raid sur le village, et qu'un autre grand gaillard vienne s'occuper de moi.
Il est évident que cette jeune fille qui narre son expérience puis ses différentes relations amoureuses, ne se montre pas vraiment à son avantage et ne peut faire l'unanimité aussi bien chez les lecteurs masculins que féminins.
Elle est un cas, que l'on souhaite unique, mais la nature ne se contrôle pas toujours.
Dans les années 1930 jusqu'à la fin des années 1970, un auteur publiait des livres considérés comme coquins, grivois voire érotiques aux Editions de France, dans la collection Le Livre d'Aujourd'hui, puis aux Editions de Paris, réédités aux Editions Rabelais. De nos jours cet auteur est bien oublié, pourtant ses romans se vendaient bien, dans les kiosques, dans les halls de gare et les maisons de la presse, emballés sous une protection papier ou plastique cachetée mais transparente laissant voir uniquement les couvertures. Les chalands ne pouvaient compulser les ouvrages, car ils (les livres, pas les chalands !) n'étaient pas destinés à mettre entre toutes les mains. Ce romancier prolifique s'appelait Louis-Charles Royer et il m'a semblé amusant de comparer les noms de cet ancien auteur à celui de Carl Royer. Clin d'œil, hommage ou simple coïncidence, je ne peux le préciser car l'auteur de ce roman se cache sous un pseudonyme.
Carl ROYER : Femme de vikings. Editions de La Musardine. Parution le 14 janvier 2016. 250 pages. 15,00€.
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