Hommage à Thierry Jonquet, décédé le 9 août 2009.
Quand on a douze ans, qu'on habite près des Buttes Chaumont, qu'on va à l'école parce que c'est obligatoire et qu'on a une mère qui pointe à l'ANPE, la vie n'est pas si désespérée.
Du moins c'est ce que pense le garçon, narrateur de cette histoire. Même s'il n'est pas en sixième mais se retrouve dans une classe de SES, section d'éducation spécialisée, au moins c'est avec ses copains, les beurs, qu’il fait les quatre cents coups.
Car notre jeune héros n'est pas raciste, c'est pas comme les autres élèves qui leur battent froid, à lui et ses copains, Mouloud, Farid ou Kaou, le Noir. Il ne voit pas de différence, quoique, avec monsieur Belaiche, le principal qu'est Juif, ce ne soit pas les grandes amours.
Mademoiselle Dambre, la nouvelle maîtresse a bien du mal à s'affirmer dans cette ambiance dissipée et turbulente. Nathalie sa sœur, shampouineuse chez les Chinois du 13éme et Cédric, son grand frère, apprenti-garagiste, désertent l'appartement familial; sa mère trouve une place de standardiste de nuit à l'hôpital Lariboisière; alors il occupe ses temps libres, et ils sont nombreux, à se promener dans la capitale. A se promener mais aussi à mener une vie secrète.
Pourquoi aide-t-il Djamel et ses potes à échapper aux vigiles dans le métro alors qu'ils dévalisent une jeune femme, il ne le sait pas vraiment. Par solidarité de futur marginal peut-être. Tant et si bien que de fil en aiguille le voilà enrôlé et qu'il devient l'élément indispensable des vols d'autoradio dans les parkings avec promotion dans la confrérie à la clé. Clarisse qui l'a traité de gogol, il veut s'en venger mais ce qu'il ne sait pas c'est que l'amour est un sentiment qui frappe au cœur sans prévenir.
Empruntant le langage moderne et branché, verlan et Cie, des jeunes, Thierry Jonquet nous entraîne dans une histoire narrée par un enfant pour des adultes. Il ne tombe pas dans la mièvrerie, mais sait jouer avec les sentiments, les révoltes, les incompréhensions, les questions, la naïveté de ces jeunes qui se sentent exclus malgré eux dans un système qui favorise l'éclosion des forts, des nantis, des intellectuels et qui rejette les faibles ou les incite à se démarquer d'une société dans laquelle ils ne se reconnaissent pas puisqu'ils ne sont pas issus d'elle.
Thierry Jonquet se renouvelle dans chacun de ses romans mais il reste une constante dans son œuvre : ses préférences vont aux pauvres, aux déshérités, aux marginaux, aux humbles de corps et d'esprit, et il les transmute en héros malgré eux.
Réédition Folio Classique Plus N°106. Août 2007. Complété par un dossier réalisé par Magali Wiener-Chevalier. Lecture d'image par Olivier Tomasini. 176 pages. 4,60€
Thierry JONQUET : La vie de ma mère ! Série Noire N°2364. Parution novembre 1994. 144 pages.