Un frimant n'est pas un frimeur, qu'on se le dise...
L'armée et les services secrets britannique recrutent parfois des volontaires d'office. Des hommes qui pour une raison ou une autre sont mis sur la touche et leur passé sous l'éteignoir à condition de rendre service lorsqu'ils sont appelés.
Alors qu'il était officier, Steele a commis une bavure lors de manœuvres de l'Otan. Quelques années plus tard, il est convoqué pour effectuer une mission à Tanger. Il doit prendre l'identité d'un certain Ross Callum, bien connu dans la zone du détroit de Gibraltar, dite "Zone de crasse". Ce Callum, aventurier et héros local n'existe pas, ce n'est qu'un personnage mythique inventé de toutes pièces par les Services Secrets Britanniques.
Steele doit mettre à la raison Velatti, lequel accuse Callum d'avoir brisé sa carrière. Au cas où Callum ne lui serait pas livré, Velatti menace de révéler l'identité des agents en place et leurs missions. Dès son arrivée à Tanger Steele, dont le nom de Callum agit sur ses interlocuteurs tel un sésame, échappe de peu à un attentat. Il se rend chez Donovan, un Américain ivrogne qui garde le bateau de Callum dans l'éventualité d'un retour de celui-ci, et chez Wedderburn sensé être le responsable de sa sécurité lors de son séjour.
Seulement Steele ne lui fait pas confiance, l'homme n'étant pas franc du collier. Mary Beth, la fille de Donovan, lui propose de remettre la vedette en état, lui trouve un chauffeur matelot homme à tout faire, un Arabe du nom de Marcel, lui déniche un appartement dans la vieille ville et lui demande d'aider un de ses vieux amis, Gonsalves, un Portugais. Après un aller retour à Gibraltar où il fait la connaissance de Louise, la maîtresse supposée de Callum, qui lui fournit des indications précieuses concernant un prêteur, il rencontre Gonsalves, un vieux socialiste qui a fui les dictatures de Salazar et Caetano et redoute le retour de la droite.
Gonsalves veut acheter des armes et Steele accepte de lui en procurer pensant que Velatti mène les ficelles pour le retrouver. Après un voyage à Algésiras où il a négocié l'achat des armes qu'il doit aller chercher dans le désert marocain, il est attaqué par cinq individus dans les rues de Tanger et apprend par Wedderburn que Velatti serait à Lisbonne. Il s'envole pour la capitale portugaise, s'entretient avec Béni à qui il doit livrer les armes, se rend à Gibraltar chez le prêteur puis chez Louise où il est à nouveau agressé par des inconnus. Il s'en débarrasse sans trop de bobo et prévient Wedderburn de ce nouvel incident qu'il impute à Velatti.
La transaction dans le désert d'effectue sans encombre mais lorsqu'il revient à Tanger à bord du bateau remis en état, c'est pour mettre en fuite deux hommes qui ont attaqué Mary Beth. C'est le moment que choisit Velatti pour faire son apparition. Velatti ne veut aucun mal à Steele, seulement le rencontrer et l'informer qu'il voulait empêcher une négociation conclue entre Wedderburn dont il désire se venger et un Libanais : contre la libération de Lorenz, un terroriste détenu en Allemagne, le commandement militaire palestino-libanais détruit la récolte d'opium d'une année dans la vallée de la Bekaa.
Mi roman d'espionnage, mi roman d'aventure, Piège pour un frimant n'est pas sans rappeler, comme le fait remarquer J. M. Le Sidaner dans Polar N°14, (première série) que l'atmosphère générale fait penser au film Casablanca. D'ailleurs Nicholas Luard ne s'en cache pas, puisque l'un de ses protagonistes avoue avoir vu le film 9 fois et s'en être inspiré pour créer le personnage mythique de Callum.
Un roman qui joue à fond sur la manipulation, avec en prime l'élévation d'un quidam, né pour perdre, en aventurier qui sait se sortir avec brio de toutes les embûches.
Dès le départ j'ai compris que si nous pouvions donner à Callum ce qu'avait Bogart, il ne pouvait pas perdre. Les filles, le champagne, l'argent, mais surtout le style. Le style de Bogart...
Nicholas LUARD : Piège pour un frimant. (The dirty area - 1979. Traduction de Madeleine Charvet). Série Noire N°1781. Parution juin 1980. 288 pages.