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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 13:29

Et l'Ange vint... démon !

Viviane JANOUIN-BENANTI : Petites Angevines en danger.

Pourquoi un jeune homme à peine sorti de l'adolescence attend à la sortie des écoles des gamines afin de procéder à des attouchements, voire plus ?

Une fable de La Fontaine, ou plutôt sa morale, La raison du plus fort est toujours la meilleure, a déclenché ce qui était latent depuis son enfance et même avant.

Cela remonte à Angèle, sa future mère, une fillette de dix ans qui fait la fierté de ses parents. Elle a un frère plus âgé qu'elle mais elle focalise toutes les attentions. Elle est gaie, joyeuse, calme, timide et chante tout le temps, d'ailleurs elle fait partie de la chorale. Son père, cordonnier et poète à Angers l'a même surnommée son Rossignol. A l'école, ses notes sont excellentes, mais elle parle peu. Aussi afin qu'elle fréquente d'autres camarades, son père à l'idée de l'inscrire à l'école de danse de mademoiselle Lardou, professeur d'une trentaine d'années, et réputée pour ses spectacles de fin d'années.

Et tout d'un coup le caractère d'Angèle change du tout au tout. Elle devient agressive, refuse de manger de la viande. La première fois se manifeste lorsque des cailles sont servies. On ne mange pas de petits oiseaux, telle est la litanie d'Angèle, malgré les explications du père à son Petit Rossignol. Puis elle refuse les œufs, puisque ce sont de petits oiseaux en puissance. Aveugles les parents d'Angèle lui offrent même des cours particuliers de danse, toujours avec mademoiselle Lardou.

Toutefois Jacques et Constance, les parents d'Angèle, ne comprennent pas ce revirement de caractère et ils s'en ouvrent à l'abbé de la paroisse qui ne peut expliquer, étant tenu au secret de la confession, que la professeur de danse s'adonnait à des attouchements avec certaines de ses élèves. Angèle fragile ne les avait pas supportés. Toutefois l'abbé Gauthier conseille à Jacques et Constance d'abandonner la danse, Angèle ayant déjà assez d'activités pour l'occuper et elle doit penser à sa scolarité délaissée.

Angèle reprend peu à peu ses habitudes et du jour au lendemain elle demande de la viande. Mais son incartade alimentaire a influé sur sa morphologie. Elle grandit peu, gardant un physique de petite fille. A quatorze ans elle passe avec succès son certificat d'études et son père la fait entrer chez maître Samuel Tracaire, notaire. Le tabellion, marié avec une femme plus âgée que lui d'une vingtaine d'années mais à la dot imposante, est un homme jovial, et lorsque Jacques lui demande d'embaucher sa fille, il a dans les yeux une lueur d'excitation que le père ne voit pas.

Pour Angèle, au début le travail n'est guère fatiguant mais répétitif. Elle doit classer des dossiers non encore archivés. Mais bientôt commence une nouvelle épreuve, assise l'après-midi sur les genoux de son patron. Les approches sont timides de la part de maître Tracaire, et troublé il renvoie un jour la petite Angèle. Constance est aux abois, mais non, rien de spécial, maitre Tracaire est satisfait de sa petite protégée et il se fait fort de s'occuper de son éducation. Un lapsus que ne relève pas la mère d'Angèle. Les autres clercs, dont le Premier Clerc, un individu aux dents longues et pointues qui lorgne sur l'étude, sont plus ou moins au courant de ce qu'il se déroule derrière la porte calfeutrée, mais ce n'est pas leur problème.

Constance est contente, Angèle prend du poids. Normal, depuis qu'elle mange à sa faim, et la formation effectuant son œuvre, la gamine devient peu à peu jeune fille. Et même femme. Car bientôt Constance se rend compte que cette prise de poids n'est pas normale au contraire. Angèle est enceinte. Quelques mois plus tard naîtra Pierre. En 1902.

 

La jeunesse de Pierre Gueurie, puis les avatars qui l'amenèrent sur la guillotine sont donc directement liés à Angèle. Et si Viviane Janouin-Benanti s'attarde plus sur la jeunesse perturbée d'Angèle, que sur celle de Pierre, c'est bien parce que le problème de ce gamin provient de l'enfance de sa mère. La vie de Pierre et ses démêlés sont résumés en quelques chapitres, tout le récit ou presque étant consacré à Angèle.

Et parfois il ne faut pas s'attarder, dans des affaires similaires qui défrayent la chronique que sur le seul coupable, mais bien sur ses antécédents familiaux afin de comprendre ce qui a motivé ses dérives.

Avec une écriture simple, claire, limpide, Viviane Janouin-Benanti nous plonge dans un double drame avec pudeur, un sentiment que beaucoup d'auteurs oublient à tort. Ce fait-divers réel, mais romancé, s'en trouve renforcé.

 

Viviane JANOUIN-BENANTI : Petites Angevines en danger. Editions du Petit Pavé. Parution le 16 février 2015. 236 pages. 20,00€.

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