Séance de rattrapage pour ceux qui n'ont pu acquérir ce roman lors de sa sortie en version grand format.
Cela devait arriver un jour ! Moussah, le copain de Fitz, est amoureux ! Et Moussah raconte sa belle aventure à Fitz et leur amie Deborah, une enseignante, qui tout comme Moussah est accro à la coke et cliente de Fitz. Moussah leur présente même dans un bar, leur lieu de rendez-vous habituel, Cerise, une magnifique métisse. Et pour lui faire plaisir Fitz accompagne Moussah à un concours de mannequins auquel doit participer Cerise. Cerise Bonnétoile de son vrai nom, mais le porte-t-elle bien, son patronyme ? C’est ce que nous verrons un peu plus loin dans l’histoire.
Donc Fitz accompagne donc Moussah à la présélection en vue de participer au concours organisé par l’agence Podium, et les prétendantes ne manquent pas. Les grandes, les petites, les qui se croient arrivées, sûres d’elles, celles qui ne doutent de rien, même pas sorties de l’enfance, rondelettes et acnéiques, les qui possèdent déjà du bagage en tant que modèles pour des magazines féminins, des qui auraient même effectué des apparitions dans de petits films pornos histoire de montrer leur corps, des timides qui se forcent, mais il y aura peu d’élues. Parmi les prétendantes au diplôme délivré avec parcimonie, Aurélie Dupin, une rousse incendiaire (cliché). Malgré sa balafre sur la joue, récoltée au cours d’une rixe lors d’une précédente aventure, Fitz est resté un don Juan qui attire les regards énamourés. Entre Aurélie et lui s’échange un long regard plein de promesses jouissives. A sa demande elle accepte même de lui donner son numéro de téléphone inscrit sur une carte de visite.
Fitz ne peut pas laisser passer une telle occasion et il se promet de rendre visite à la demoiselle après un délai raisonnable de latence. Aurélie le reçoit avec affabilité, et lui montre même les dossiers qu’elle a soigneusement établis sur les différentes candidates et adversaires potentielles. Une psychopathe aux yeux de Fitz qui ne demande pas son reste et plante la belle dans le luxueux appartement parental.
Moussah est inquiet. Cerise, qui pourtant ne manque pas d’assurance, ne répond pas à ses messages. Une attitude inhabituelle de la part de la jeune femme. D’autant que Fitz apprend par Jessica, son ex qui est commissaire de police, que Cerise a déposé une main courante pour harcèlement par courrier électronique. Et depuis, elle s’est évaporée dans la nature. L’aurait-on enlevée car sa candidature gênerait des rivales ? Faut penser à tout et envisager toutes les possibilités.
En compagnie de ses deux inséparables amis, il s’introduit chez Cerise, comme un vulgaire cambrioleur. C’est le désordre, et cela ne ressemble pas à Cerise, Moussah en est persuadé. De plus son ordinateur s’est fait la belle.
Grand amateur de jeux vidéo en ligne, Fitz lance un appel à ceux qui jouent avec lui. Il recherche quelqu’un qui serait susceptible de pouvoir accéder à la boite mail de Cerise et avoir son mot de passe. Un des joueurs se propose pour l’aider, mais il apparait que ce ne sera pas sans contrepartie. Premier point acquis, Fitz contacte alors le patron de l’agence Podium. Il est surpris d’être reçu par un jeune homme, mais celui-ci connait son métier et accepte qu’il participe à une journée de stage des futurs modèles. Munis d’un appareil photo que le directeur lui a prêté, Fitz assiste à la première journée. Trente candidates, moins une, Cerise, sont là pour montrer leur savoir-faire et tenter de décrocher la timbale pour la dernière étape. Parmi les participantes, Aurélie bien sûr et quelques autres jeunes filles dont il a fait la connaissance lors de la première sélection.
Il profite d’une petite pause cigarette pour discuter à l’extérieur avec Aurélie qui lui affirme, et elle est convaincante, qu’elle n’est pour rien dans la disparition de Cerise, malgré l’avantage qu’elle peut en tirer. C’est à ce moment, Aurélie a regagné l’intérieur, qu’un malotru se montre vindicatif envers Fitz, lui tordant le bras et lui intimant de cesser ses recherches.
Fitz, de son vrai prénom John-Fitzgerald, une envie de ses parents, Fitz noctambule avéré et petit revendeur de drogue est entraîné dans une nouvelle aventure, à son corps défendant. Nous avions fait sa connaissance dans Les talons hauts rapprochent les filles du ciel, et il n’a pas changé. Ses amis non plus d’ailleurs, sauf que Moussah est amoureux. Et malgré les réticences de Fitz à se mêler de ce qui ne le regarde pas, il ne peut abandonner ses amis. Ce qui pour l’auteur est un excellent prétexte à promener le lecteur dans les méandres du mannequinat. Certains y verront des clichés, comme le directeur d’agence homosexuel, mais la réalité quotidienne comporte bon nombre de clichés. Il déshabille l’ambiance des concours qui ressemble presque à un comice agricole.
Selon Aurélie, Fitz est un cas complexe. Beau gosse certes, mais aussi boulet. Vif d’esprit, mais pas très réfléchi. Manipulateur, mais maladroit. De l’autodérision, mais aussi de l’orgueil. Une analyse qui remet les pieds sur terre. Mais Fitz n’est pas moins caustique et il se demande où allait le monde si les tops models avaient aussi un cerveau.
Un roman qui ne manque pas d’humour, alerte, enlevé, sans trop de brutalité ou de violence, un peu toutefois pour justifier le statut de roman policier ainsi que l’enquête menée par Fitz et ses compagnons. De petits coups de griffe sont donnés au passage, notamment à l’encontre des magazines féminins : Dans les magazines féminins, il y a toujours un article qui concerne le sexe. « Comment être une bombe sexuelle », « Comment assurer au lit », « Les orgasmes sont-ils nécessaires dans le couple ? », « Ce que j’ai toujours refusé de faire », « J’ai testé un plan à trois ». Autant de questions philosophiques et existentielles sur le mystère du simulacre de la reproduction.
Une scène particulièrement réjouissante se déroule dans la chambre d’Aurélie, lorsque Moussah est caché dans le placard où la jeune fille range ses vêtements, et que Déborah et Fitz sont couchés sous le lit d’Aurélie. Pourquoi en sont-ils arrivés là, me demanderez-vous avec juste raison ? Pour les besoins de l’enquête bien naturellement.
Ce roman d’Olivier Gay ne rend pas morose, et si l’action se situe dans un univers que l’on peut juger frivole, on n’en touche pas moins du doigt (vous verrez pourquoi en lisant ce roman) un aspect tangible d’une frange de la société sans lesquels la haute couture, la parfumerie, les futilités liées à la mode ou tout simplement des objets d’usage courant et bien entendu les magazines féminins dédiés à la mode ou autre support médiatique et publicitaire n’auraient plus aucune raison d’être. Ce qui mettrait tout de même du monde au chômage !
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Olivier GAY : Les mannequins ne sont pas des filles modèles. Le Masque Poche N°50. Parution le 8 octobre 2014. 300 pages. 6,90€.