Ne se trouve pas sous la semelle d'un prêtre rural.
Détective privé, Georges Lernaf s’occupe surtout d’adultères, et cela lui rapporte assez pour vivre. Il possède ses habitudes auxquelles il consacre son temps libre avec plaisir : dégustation de Côtes du Rhône et autres breuvages en compagnie de son ami le commandant Emile Dujardin et séances de massages améliorées chez sa belle voisine Elodie. Pourtant l’appel téléphonique qui le perturbe ce matin ne manque pas de la surprendre.
Un prêtre, qui prétend être délégué par le Vatican, requiert ses services. Rendez-vous est pris pour le lendemain, et Lernaf suppose, à juste titre, que cette fois il ne va pas être embauché pour une histoire de cocufiage. Le lendemain matin, à peine sorti des brumes dans lesquelles Bacchus l’a complaisamment enveloppé la veille au soir en compagnie de ami de comptoir Emile, Lernaf aperçoit dans la rue, cherchant l’immeuble dans lequel il gîte, son client potentiel. Lernaf n’aura jamais l’heur de converser avec le religieux. Celui-ci est abattu par un homme qui tient une arme munie d’un silencieux (plus exactement un réducteur de son) et qui tient à la place du passager dans un véhicule immatriculé en Italie. L’homme veut descendre de la voiture mais il n’en a pas le temps car deux motards arrivent pleins gaz. Les chevaliers des temps modernes glissent sur la chaussée glacée et se fracassent le crâne. La voiture repart précipitamment tandis que la police et les secours arrivent uniquement pour constater les dégâts. Sur place, tandis que tout ce petit monde s’agite, Lernaf en profite pour récupérer un tube en cuir, le cache sous ses vêtements et remonte chez lui. A l’intérieur du cylindre en cuir est enroulé un tableau. Vérification faite il s’agit d’une œuvre d’un certain Frans Hals, né au milieu des années 80. 1580 pour être précis. Et voilà Lernaf embarqué à nouveau dans une sombre histoire de tableaux. Mais cela n’est pas forcément pour lui déplaire car il va faire de nouvelles connaissances à la plastique parfaite.
D’abord Maria, sœur Maria, qui se présente comme appartenant aux services secrets du Vatican et souhaite récupérer le tableau. Les dénégations de Lernaf n’y font rien. La belle, oui j’ai omis de vous préciser que la religieuse est belle à se faire damner un saint, la belle donc l’a photographié en train de récupérer le tube de cuir. Lernaf affirme, et il peut en jurer qu’il ne possède pas, plus, l’objet. En effet il l’a confié à sa voisine masseuse, mais ça il omet de l’avouer. Une première incursion féminine dans cette histoire qui est suivie par une autre jeune et belle femme, dont les atouts, là encore, se présentent avantageusement grâce à son opulente poitrine. Tout comme la première. Elle possède un ami commun avec Lernaf qui vit en Israël. En réalité elle émarge au Mossad, Lernaf ne l’est pas pour autant. Maussade !
Rachel en effet s’invite dans un imbroglio qui devient une partie carrée à cinq : Dujardin et son adjoint Gérard, bousculés par le divisionnaire Fabre, Sœur Maria et ses compagnons, Rachel et ses gardes du corps, une représentante de la DCRI plus quelques islamistes qui jettent la pagaille dans l’embrouillamini créé par ce tableau. En effet celui-ci serait l’un des très nombreux objets précieux entreposés au Vatican depuis la seconde guerre mondiale, un trésor confié ou récupéré auprès des Nazis afin de les aider à échapper à la justice.
Parmi tous ces personnages savoureux qui gravitent dans ce roman haut en couleurs, je retiendrai Emile Dujardin, un commissaire avec qui l’on passerait volontiers à table étant donné son coup de fourchette phénoménal, et son gosier en pente qui ingurgite bières sur bières, verres de Côtes du Rhône sur ballons de Côtes du Rhône. Et Lernaf – avez-vous remarqué l’anagramme avec l’auteur – n’est pas en reste, partageant les agapes avec voracité, d’une façon moins prégnante que celle de Dujardin concernant les solides mais tout aussi gloutonne pour les liquides. Autre particularité de Dujardin, il assène à satiété proverbes, dictons et autres maximes, mais en en changeant un mot, ce que relève Lernaf qui corrige les erreurs. Le lecteur amusé pourra essayer de rétablir ces sentences dans leur forme originelle même si, comme le détective, il peut être amené à penser que le policier est parfois un peu lourd.
Ce roman roboratif (pour une fois ce mot justifie entièrement le contexte) possède l’ambiance, toutes proportions gardées, qui imprégnait les œuvres de Peter Cheney avec un héros avalant à fortes doses du whisky sans être véritablement incommodé le lendemain. Une atmosphère dans laquelle les protagonistes provenant de milieux divers évoluaient, se catapultaient, mêlant l’espionnage et le policier.
A lire et à déguster, vous n’en sortirez pas la tête embrumée par des vapeurs d’alcool délétères. Et peut-être est-ce dû à la consommation effrénée de boissons alcoolisées que le héros, qui s’exprime à la première personne du singulier, est transporté à un certain moment à l’hôpital de la Salpêtrière et quelques pages plus loin se trouve coincé, en compagnie avec une infirmière accorte, à l’hôpital Lariboisière.
Joseph FARNEL : Le butin du Vatican. Editions Pascal Galodé. Réédition Format Poche. Parution le 19 novembre 2014. 296 pages. 9,90€.