La vie est comparable à une pièce de monnaie qui roule sur la tranche. La moindre aspérité et la voilà qui tombe, du bon ou du mauvais côté.
Médecin néphrologue, Christian Arribeau se voit promis à un bel avenir. Enfin il va atteindre son but, devenir professeur avec tous les honneurs qui en découlent. Il est vrai qu'il s'est donné les moyens pour arriver à cette distinction. Travailleur possédant toutefois des facilités, mais surtout arriviste, opportuniste, n'hésitant pas à marcher sur les pieds des autres afin de passer devant, il arrive enfin sur la dernière marche, la plus traîtresse. Il a un jeune patron, ami avec le doyen de la faculté, qui vient d'ouvrir un service dans un CHU de la proche banlieue parisienne et il s'est marié avec Céline, la propre du fille du dit doyen. Tous les éléments sont réunis pour qu'il obtienne le poste mirifique de Professeur des Universités et Praticien Hospitalier.
Juste un petit point noir, comme un comédon irréductible chez un acnéique, a failli ruiner sa carrière quelques années auparavant. Il devait procéder à une trachéotomie en réanimation en compagnie de Delphine qui était chef de clinique dans le service où Christian entamait sa dernière année d'internat. Seulement une manipulation malheureuse a entraîné une complication qui a conduit le patient au cimetière. De toute façon celui-ci serait décédé quand même étant gravement atteint, mais au moins cela aurait été de maladie. Delphine et Christian étaient très proches, pour une fois sans arrière pensée de sa part, et elle avait endossé toutes les responsabilités. La famille, qui était plus près du banditisme que du gratin parisien même si parfois les deux se confondent, avait porté plainte, plainte qui avait été étouffée. Seulement quelques mois après, Delphine avait perdu non seulement l'équilibre sur le quai du métro mais également l'usage de ses membres inférieurs, échappant à l'accident mortel de justesse. Depuis elle travaille à un poste important au ministère de la Santé mais elle n'avait pas voulu qu'ils se marient, lui conseillant même d'aller trouver ailleurs une femme susceptible de l'aider dans sa carrière.
Malgré son mariage, qui d'ailleurs est légèrement branlant, Christian continue à rendre visite à Delphine. En catimini, ayant toujours un alibi prêt à dégainer. Et ce soir là il est heureux d'apprendre à la belle Delphine qu'il est quasiment parvenu à son but, son passage devant le Conseil national des Universités s'étant déroulé parfaitement. Il ne manque plus que les signatures ministérielles afin de valider sa promotion. Après avoir vidé quelques flûtes de Champagne en compagnie de Delphine, il quitte la jeune femme qui habite dans le XVe et s'apprête à regagner le domicile conjugal. Et c'est à ce moment que le destin bascule comme le piéton qui s'apprête à traverser la rue.
Il tangue le piéton, il traverse et Arribeau n'a pas le temps de freiner, la voiture passe dessus. Affolement complet à bord. Personne dans la rue, aux fenêtres, alors Arribeau traîne le corps entre deux voitures et s'en va. Mais le destin veille. A un carrefour, alors qu'il a la priorité, Arribeau se fait percuter par une voiture folle. Les policiers qui pourchassaient le véhicule sont immédiatement sur place, tandis qu'Arribeau est légèrement sonné. Il est emmené à l'hôpital et prévient sa femme. Celle-ci n'est pas dupe et devine immédiatement qu'il venait de sortir de chez Delphine. Lorsqu'il veut récupérer sa voiture placée à la fourrière, prête à être compactée, la collision l'ayant rendue inutilisable, il regarde sous le capot afin de vérifier qu'il n'y a pas de trace de son accident avec le SDF.
Car il s'agit bien d'un SDF connu dans le quartier qu'Arribeau a percuté et tué. Le commissaire serait prêt à laisser tomber l'affaire mais le lieutenant Pougnisky a comme qui dirait des antennes. Il sent quelque chose de louche et lorsqu'il fouille dans les affaires du défunt il est fort étonné, non pas de trouver une douzaine de bouteilles de vin vides, mais de constater que celles-ci sont nickel. Pas de traces d'empreintes ou de poussière. Et l'analyse révèle que l'homme avait dépassé les trois grammes d'alcool dans le sang, alors qu'il n'était pas réputé pour être un poivrot, et que de plus une drogue avait été mélangée au pinard. Un mélange rédhibitoire. Cette fois-ci, c'est à la criminelle d'enquêter et l'enquête échoue au 36 quai des Orfèvres sur le bureau du commandant Claude Chaudron. La jeune femme et son groupe prennent au sérieux cette affaire, à la plus grande joie de Pougnisky qui rêve d'intégrer la brigade.
Arribeau qui pensait pouvoir reléguer cet accident dans la case pertes et profits commence à recevoir des photos explicites montrant la voiture passer sur le clochard, puis mettre en évidence le numéro minéralogique de son véhicule et quelques autres dont l'intérêt n'est pas moindre. Et il faut que des tueurs entrent dans la danse.
Olivier Kourilsky dans Le 7e péché, dont par ailleurs c'est le septième roman, nous invite à découvrir un personnage malsain, imbu de lui-même, carriériste, arrogant, persuadé de réussir dans la vie en se servant des autres pour accéder plus facilement et plus rapidement au Graal. Ce genre d'individu, la société en compte beaucoup, nous en avons malheureusement la preuve tous les jours soit professionnellement et plus encore en politique. Mais c'est à dessein que l'auteur a choisi un membre de la profession médicale, parce qu'étant lui-même médecin, il connait les arcanes des différentes professions qui composent son sacerdoce et qu'il a dû rencontrer au cours de sa carrière un ou plusieurs éléments de cet acabit. Mais je vous rassure tout de suite, Olivier Kourilsky ne se met pas en scène même si les parties narratives effectuées par Arribeau le sont à la première personne. Le reste de l'histoire, notamment les recherches de Pougnisky puis de la brigade du Commandant Claude Chaudron, le sont à la troisième personne.
Habilement construit, ne cherchant pas à ériger en victime Christian Arribeau, le personnage principal, Le 7e péché est un roman de suspense et psychologique à la fois. Psychologique dans la description de l'attitude négative d'Arribeau, et de suspense car le dernier chapitre nous révèle une dernière inconnue. Et cela m'a fait penser aux romans des grands maîtres qu'étaient Boileau-Narcejac et surtout à Louis C. Thomas qui savaient construire des énigmes puissantes en mettant en scène des personnages ordinaires. Le machiavélisme de l'intrigue mis en valeur par la fluidité de l'écriture !
A lire également d'Olivier Kourilsky : Dernier homicide connu, aux mêmes éditions.
Voir également l'article de Claude Le Nocher concernant ce roman sur Action-Suspense.
Olivier KOURILSKY : Le 7e Péché. Editions Glyphe. Parution le 1er septembre 2014. 208 pages. 15,00€.