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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 04:01

Rock en stock !

Jean-Pierre FAVARD : ManiaK is Back.

Les festivals dédiés aux musiques actuelles, rock principalement, fleurissent comme autant de comédons sur le visage d’un adolescent. Certains apparaissent, d’autres disparaissent et quelques-uns se révèlent tenaces.

Parmi ceux qui perdurent, Rockalissimo, à Saint-Aubin petit village du Jura. Né en 2004, c’est encore un adolescent qui ne demande qu’à vieillir auprès de ses aînés que sont Les Vieilles charrues, Les Francofolies ou Le Printemps de Bourges. Et ces manifestations sont l’occasion propice pour révéler de nouveaux groupes, de confirmer des groupes émergeants, voire en sortir d’autres, des légendes, du déclin qui les avaient propulsés dans les oubliettes.

C’est ainsi que Valentin Deschaux, plus connu sous le nom de Maniak, reforme son ancien groupe The Predicators sous l’impulsion de Sonia, sa manageuse (ça se dit ?) qui se démène auprès des médias et de l’organisation du Festival Rockalissimo. Elle a su le convaincre, d’ailleurs il n’attendait que l’occasion propice de remonter d’abord sur une petite scène et chatouiller à nouveau le succès en compagnie de ses deux copains musiciens Cloporte et Cafard.

Une légende que ce Maniak, dont les frasques ont longtemps alimenté les chroniques journalistiques, frasques sexuelles, vestimentaires et absorption de produits illicites en quantités déraisonnables.

Si certains journalistes émargeant dans des magazines spécialisés sont stupéfaits et sceptiques à cette annonce tonitruante, d’autres, dont Clara se laissent séduire, d’autant que c’est peut-être le moment favorable pour pondre un papier qui les fera connaître.

Bientôt ce sera le grand jour et parmi ceux qui vont rejoindre le lieu du festival, Mano, un journaliste sur le retour qui est accompagné de Clara, stagiaire qui lui sert de chauffeur. Et derrière eux, Jonathan, le copain, le fiancé presque, le compagnon de Clara qui n’en a rien à faire de la musique mais qui est jaloux, connaissant la réputation du chroniqueur. Non, tous ne se rendent pas à Saint-Aubin pour faire la fête.

Et à Saint-Aubin, ce rassemblement dérange quelques autochtones qui ressortent leurs fourches afin de piquer dans leur fierté les fêtards (j’aurais bien écrit les toffeurs, mais je n’arrive pas à assimiler ce nouveau langage bien loin de ce que mon prof de français m’a inculqué !).

 

Avec humour et clairvoyance, Jean-Pierre Favard nous invite à le suivre, et nous le faisons volontiers, sur la route du rock, à découvrir les dessous d’un journalisme couvrant une manifestation parce qu’il le faut ou parce que c’est un besoin viscéral, les coulisses d’un festival qui est resté à taille humaine n’explosant pas les maigres subsides qui lui sont octroyés, les festivaliers qui se rendent dans ce genre de fête en plein air mais pour qui la musique n’est qu’une petite partie de leurs préoccupations, de ces nombreux bénévoles qui œuvrent souvent pour la bonne tenue du festival mais n’en verront pas une miette, seules leurs oreilles récoltant les pollutions sonores.

Mais une histoire se greffe sur ce qui pourrait être un reportage musical mettant en scène de vieilles gloires, et elle ne manque pas de piquant, de tendresse, d’odeurs et de sonorités, de nostalgie avec rappels de ceux qui ont disparus prématurément de la scène musicale, et une pointe de fantastique.

Et, parfois, je me suis senti solidaire de ce vieux, faut pas exagérer, de ce journaliste expérimenté qui déclare sans barguigner :

Juste un passionné. Si tu m’avais connu à cette époque-là… Les dizaines de papiers que j’ai pu signer sans être payé. Juste pour la beauté du geste.

Combien sommes-nous dans ce cas qui rédigeons des chroniques, juste pour la beauté du geste !

 

Jean-Pierre FAVARD : ManiaK is Back. Collection LoKhaLe N°8. Editions de La Clef d’Argent. Parution le 5 juin 2019. 134 pages. 6,00€.

ISBN : 979-1090662551

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12 juillet 2019 5 12 /07 /juillet /2019 04:23

Et elle n’avait même pas la climatisation !

Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers.

Histoire quand tu nous tiens ! Les romanciers puisent parfois dans des faits-divers réels, adaptent à leur façon le déroulement d’événements atroces, d’après des témoignages, des comptes rendus d’audience, des déclarations de témoins ou encore d’articles de journaux parus à l’époque.

Ainsi Viviane Janouin-Bénanti nous retrace la sinistre affaire de La séquestrée de Poitiers, une affaire qui vit son aboutissement en 1901 mais débuta dans une indifférence presque générale vingt cinq ans auparavant. Une histoire d’amour qui dégénère en drame pour multiples causes.

Blanche Launier est la fille de Martin Launier, professeur de rhétorique au collège royal de Poitiers et d’Henriette de Marcillat, descendante d’une vieille famille de la noblesse poitevine et d’un général d’Empire. Des parents catholiques et royalistes convaincus, imbus de leur position dans la cité. Blanche tombe amoureuse de Gilles Lomet, avocat, républicain et protestant. Les Launier sont en conflit avec le père de Gilles et bien entendu ils ne veulent entendre parler d’une liaison entre leur fille et leur ennemi.

Seulement, malgré ses appuis auprès de nobles influents et après avoir été nommé doyen de la faculté de lettres de Poitiers, Martin Launier se verra destitué. La guerre de 1870, la Commune puis les débuts timides de la 3ème République ont contrarié ses projets et il décède. Henriette devient la maîtresse de la maison, riche mais ayant peur que le mariage entre Gilles et Blanche, s’il s’effectuait malgré ses réticences, lui entame sa richesse à cause de la dot. C’est ainsi que tout dégénère.

Henriette, par tous les moyens va contrarier les projets de sa fille, ne pensant qu’au devenir du fils promis à un bel avenir au service de l’état. Elle intercepte les lettres entre les deux amants, fait croire à sa fille qui ne peut plus sortir que Gilles s’est marié, à Gilles que sa fille ne l’aime plus, le tout avec la complicité de bonnes dévouées à la famille.

Pendant vingt cinq ans Blanche restera cloîtrée dans sa chambre ou dans l’appartement, devenant peu à peu sauvageonne, ayant parfois des éclairs de lucidité, essayant de se rebeller. Mais toutes ces tentatives avortent dans l’œuf. En 1901, elle sera secourue, grâce à une petite bonne qui osera dénoncer auprès des policiers cette séquestration impensable. Blanche est squelettique et à moitié folle, poussant des cris, cloîtrée dans une chambre aux volets clos depuis des années.

 

Cette histoire lamentable, narrée comme un roman, restitue les clivages qui gangrènent une société provinciale, coincée entre royalistes et républicains, entre catholiques et protestants. Avec comme moteur principal l’ambition effrénée d’une famille qui aspire à jouer les premiers rôles parmi les notables et se dresse en intégristes obtus, foulant aux pieds le bonheur de leur fille au nom de principes délétères. Une histoire vraie de séquestration qui donna des idées d’intrigues de romans à bon nombre d’auteurs par la suite.

 

Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers. 3E éditions. 22 décembre 2015. 256 pages et 16 pages de documents d’époque. 9,00€. Version numérique : 4,99€.

ISBN : 979-1095826606

 

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2 juillet 2019 2 02 /07 /juillet /2019 03:10

Sont les filles de la Rochelle
Ont armé un bâtiment...

Samuel SUTRA : La Femme à la mort.

Vous connaissez ou avez entendu parler de La Rochelle ? Evidemment, se présentent à l’esprit et aux yeux des touristes, les deux tours majestueuses qui se dressent à l’entrée du vieux port. Bon nombre de nous, anciens élèves planchant sur les bancs de l’école lors des cours de l’histoire de France, se souviendront des épisodes opposant les Huguenots aux troupes de Richelieu.

Et les amateurs de littérature populaire n’auront pas oublié cet épisode épique où d’Artagnan et ses trois compagnons mousquetaires dressent un pique-nique sous les murs de la forteresse.

Plus près de nous La Rochelle fut le centre d’autres batailles, tout autant épiques et médiatiques, tels que les universités d’été du Parti Socialiste ainsi que la dernière législative dont vous connaissez les noms des adversaires politiques pourtant du même bord.

Le commissaire divisionnaire Jacques Verdier est à six mois de la retraite et il se refuse à partir sur un échec. Pas vraiment un échec, disons plutôt sur la résolution d’une affaire dont il n’est pas satisfait. Aussi il fait appel à son vieil ami Stanislas, ancien policier aujourd’hui devenu consultant, appellation sous laquelle se cachent diverses activités plus ou moins légales ou licites.

Angèle, la réceptionniste de l’hôtel du Palais de La Rochelle, est interrompue dans son travail de réfection de ses ongles lorsqu’elle sursaute en entendant un grand bruit venant de la chambre placée au dessus d’elle. Une armoire qui tombe pense-t-elle réalisant peu après qu’il s’agit d’un coup de feu. Déjà que quelque temps auparavant, des heures, des minutes ( ?), on ne remarque pas le temps passer lorsqu’on est autant accaparé par ce labeur minutieux de manucure, elle avait été dérangée pour secourir une cloche qui avait résonné sur le trottoir. Ce pochard n’avait même eu la courtoisie de la remercier. Raisonne-t-on dans ces cas-là ?

Bref, je m’égare et revenons à notre belle Angèle qui se précipite à l’étage et frappe à l’huis. Point de bruit, point de réponse. Aussi elle appelle le commissariat qui se trouve non loin et dans les minutes qui suivent l’inspecteur divisionnaire Marchetti et ses hommes arrivent chaussés de leurs gros sabots. Marchetti ne finasse pas et enfonce la porte qui est fermée de l’intérieur. Les clients curieux regardent de leurs chambres les policiers entrer dans la pièce où git une jeune femme, un trou dans la tête, trou occasionné par une arme à feu.

Marchetti tente d’ouvrir la fenêtre, triture à plusieurs reprises la crémone et devant ses efforts inopérants il déclare que le bois gonflé par l’humidité bloque l’ouverture. Conclusion immédiate et pas remise en cause, il s’agit d’un suicide.

Oui mais, voilà, Jacques Verdier est quelque peu circonspect et c’est pour cela qu’il fait appel à son ami Stan. Natasha, la défunte, est une Russe venue à La Rochelle pour une raison qui lui était personnelle. L’enquête a avorté car les autorités russes ont réclamé le corps immédiatement et l’ont rapatrié séance tenante, disons dans les vingt-quatre heures. Ce qui, du coup, a abrégé les constatations médico-légales qu’aurait dû effectuer le médecin légiste. Ceci ne rebute pas Stan qui empoigne son téléphone portable et contacte l’un de ses correspondants russes, son ami Vladimir, un parrain de la Mafia locale, auquel il a rendu service il y a déjà quelques temps.

 

Grâce à Vladimir, Stan peut s’entretenir avec le père de Natasha, lui aussi mafieux confirmé. Celui-ci lui révèle que la jeune femme avait eu un enfant avec un amant français et que le gamin était mort d’une maladie pernicieuse. Il aurait fallu pouvoir procéder à un don d’organe ou quelque chose comme ça. Elle aurait conçu l’enfant avec un peintre et pour seule indication, le père de Natasha transmet un cliché d’un tableau qu’elle possédait. Mais selon lui une autre piste pourrait être envisagée : la mafia russe aurait eu en tête de lui faire sa fête et s’en serait pris à Natasha.

 

Moins débridé, moins humoristique que les précédents romans de Samuel Sutra consacrés à la saga de Tonton, quoique certaines scènes et tournures de phrases prêtent à sourire, La Femme à la mort s’inscrit comme un bon roman à la lecture agréable.

Un vrai faux crime en chambre close, à la solution évidente lorsqu’on la connait et qui n’emprunte pas à une explication alambiquée, donne du piment à l’intrigue.

En débutant la lecture on est tout de suite happé et on ne fait plus attention si tout est logique, si des incohérences se glissent ici ou là, si des situations sont abracadabrantesques, non, on se laisse aller et on se dépêche d’arriver au mot fin, qui d’ailleurs n’est pas inscrit.

Comme lorsqu’on lisait avec délectation les premiers romans signés San-Antonio, par exemple.

Samuel Sutra ne tombe pas dans le piège du Guide du Routard adapté pour envelopper une histoire. La Rochelle est présente, on peut suivre les protagonistes dans les rues de la cité, mais les habituels clichés nous sont épargnés. Les gourmets apprécieront la référence faite à Coutanceau, une table renommée et une référence gastronomique. Bon appétit.

Et sans vouloir être un flagorneur, je pense que Samuel Sutra peut devenir un romancier reconnu, moins médiatique que certains mais plus sincère.

Première édition : Collection Régiopolice N°6. Editions Sirius. 256 pages. Parution 2012.

Première édition : Collection Régiopolice N°6. Editions Sirius. 256 pages. Parution 2012.

Samuel SUTRA : La Femme à la mort. Editions Flamant Noir. Parution le 9 juillet 2018. 210 pages. 19,50€.

ISBN : 979-1093363479

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25 juin 2019 2 25 /06 /juin /2019 04:52

Bâtard est souvent meilleur fils

que l'enfant légitime.

Euripide.

Hubert de MAXIMY : Le bâtard du Bois noir.

Bénéficiant d’une permission de cinq jours, le jeune lieutenant Marius Malaguet revient au pays quatre ans après son départ pour le front.

Le pays, c’est Pontempeyrat, près de Craponne-sur-Arzon en Haute-Loire, où Marius a vécu durant dix-neuf ans, avant de tout quitter pour s’engager pour la guerre qui venait de débuter. Dans le train qui le ramène pour quelques jours, il revoit son enfance défiler dans son esprit comme le paysage derrière la vitre. Des bouffées de souvenirs qui se mélangent quelque peu, mêlant passé lointain issu de sa jeunesse et les années qui viennent de se dérouler sur le front, et peut-être une anticipation de ce qui l’attend revenu au village.

Comment un jour, alors qu’il n’avait que cinq ans, il s’était enfui de la ferme où sa mère était employée comme servante et où ils vivaient en compagnie de l’agriculteur qui les logeait et les nourrissait, pour une taloche de trop. Comment il avait fait la connaissance du Gallu, dit aussi le Vieux. Un colosse, un homme des bois, au passé énigmatique.

Puis plus tard lorsqu’à l’école, il n’avait pas de camarades, et fut affublé du surnom de Bastardou. Ce qui ne l’avait pas empêché de poursuivre ses études pour travailler par la suite aux Eaux et Forêts. Jusqu’à ce jour où par des insinuations, alors que sa mère n’avait jamais rien dévoilé de sa conception, il avait cru comprendre que son père n’était autre que le paysan chez qui ils vivaient.

Et alors qu’avec Jeanne, la jolie fille du fermier, dont la mère était décédée à sa naissance, il pensait pouvoir se marier, les projets tombent à l’eau. Il a toujours connu Jeanne et leur affection s’était peu à peu muée en amour. Mais le secret de sa naissance l’oblige à rompre un contrat moral, et il s’engage dans l’armée.

Quelques années plus tard, alors qu’il est sous-lieutenant, il a une algarade avec des gendarmes. Ceux-ci ne vont pas au front et se montrent arrogants. Comme d’habitude. Alors, il est nommé lieutenant, une fausse promotion qui cache une sanction. Il se retrouve à la tête d’un régiment de bagnards, des têtes brûlées. Une sanction disciplinaire.

Mais il parvient à s’attirer leur sympathie et une espèce de dévouement que n’auraient sûrement pas obtenu d’autres officiers. Surtout avec l’adjudant Johannes Alayel, un presque pays avec lequel il s’entretient de temps à autre en patois. Et le passé des forçats, peu lui chaut. Il n’exige que discipline, afin de préserver la vie des hommes qui sont sous son commandement.

Mais en ce mois d’août 1918, les choses ont bien changé. Jeanne s’est mariée avec celui qui fut son tourmenteur à l’école. Et Marius repart avec des bleus à l’âme pour le front, se demandant quand et comment cette guerre finira. Si elle finira un jour. Et dans les tranchées, les bellicistes jouent à saute-mouton, reprenant le terrain perdu la veille.

 

En ce temps là, être fille-mère n’était pas bien vu par les bonnes âmes pensantes, et le nom du géniteur était bien gardé, ce qui entraînait souvent des suspicions, des rumeurs, des doutes, des suppositions souvent erronées. Et cela jetait l’opprobre aussi bien sur la mère fautive que sur l’enfant.

Et si les deux avaient la chance d’être recueillis, souvent ce n’était pas dans un but désintéressé. Le jeune Marius en subit les conséquences et il est obligé de travailler à la ferme comme un forçat, tout en suivant des études qui devraient lui permettre de s’extirper de sa condition d’adolescent au père inconnu. Mais tout au long de sa jeunesse puis plus tard, il trouvera en la personne de Gallu une aide et un réconfort appréciables. Des conseils avisés également, et le Vieux lui transmettra l’amour de la nature. Jusqu’au jour où il suppose que son géniteur ne pourrait être qu’autre que le fermier.

Brisé son rêve de devenir fonctionnaire et surtout d’unir sa vie avec Jeanne qui devient de fait sa sœur, ou demi-sœur. Mais les liens du sang ne pourraient aboutir qu’à un inceste. Alors c’est le départ pour le front. Il sait, ou il croit, qu’il n’a plus rien à perdre.

Ce roman aborde également les horreurs de la guerre, et un épisode moins connu, celui de l’enrôlement forcé des forçats de Cayenne afin d’être en pointe sur les tranchées de Craonne ou autres.

Une ambiance double dans ce roman qui aborde la vie à la campagne dans une atmosphère plus ou moins pastorale, bucolique, et les affres de la guerre qui n’épargne personne mais permet de se forger de solides amitiés. Et dévoiler par la même occasion des secrets de famille.

Un roman puissant ancré dans le passé plus ou moins proche traité avec pudeur et qui recèle de nombreuses surprises, surtout vers la fin.

Réédition collection Terre de Poche. Editions de Borée.

Réédition collection Terre de Poche. Editions de Borée.

Hubert de MAXIMY : Le bâtard du Bois noir. Editions de l’Archipel. Parution le 4 juin 2008. 264 pages.

ISBN : 978-2809800586

Réédition collection Terre de Poche. Editions de Borée. Parution le 11 juin 2010. 7,60€.

ISBN : 978-2812900419

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19 juin 2019 3 19 /06 /juin /2019 04:00

Afin de ne pas froisser la susceptibilité de madame Fesse en bouc, j’ai choisi de mettre en valeur la quatrième de couverture pour illustrer mon article. La vraie couverture se trouve en fin d’article !

Pépé LARISTA : Safari à Chantamour.

Entre les deux petits villages de Chantamour et de Cusenville, la guerre est déclarée, attisée par le curé du patelin de Chantamour, le père Sillade. Tout ça à cause d’une bretelle. Mais pas n’importe quelle bretelle. Celle d’une autoroute !

Alors que la sortie était prévue vers Chantamour et donc propice à l’intrusion rémunératrice de touristes bienvenus, au dernier moment la décision a penché en faveur de Cusenville, des tractations pas forcément honnêtes pour les habitants et les édiles du village de Chantamour, ce qui occasionne l’ire du père Sillade en chaire. Fraîche la chaire mais chaude l’harangue.

Les frictions, parfois charnelles, gèrent la vie quotidienne des deux villages, mais tous les habitants ne sont pas dénués de jugeote. D’autres sont imbibés de pastis. Et quand l’un d’entre eux, le Pépé Jélédeux, le doyen du village de Chantamour, soudoie à l’aide verres anisés le notaire, Maître Thanphile Monzaube, quasi impotent et centenaire (il cumule !) d’étranges tractations s’organisent. Pépé Jélédeux achète en catimini un carré de terrain de la parcelle sur laquelle doit passer la bretelle d’autoroute et qui est sis sur la commune de Cusenville.

Naturellement il s’ensuit horions et feux d’artifice entre les habitants des deux petites communes situées en Provence, non loin de la Méditerranée.

 

Un roman humoristique qui n’est pas sans rappeler la verve de Frédéric Dard quand il écrivait les aventures du commissaire chéri de ces dames : San-Antonio.

Mais cet humour est parfois lourd à digérer, les digressions sont nombreuses et les phrases un peu longuettes, parfois s’étalant sur une ou deux pages.

Mais l’on sent que l’auteur, probablement Jean-Michel Sorel, car ils étaient plusieurs à se partager ce pseudonyme, s’est follement amusé à narrer cette aventure qui ne manque pas de piquant et joue sur les subtilités de langage.

Ce qui n’empêche pas Pépé Larista d’émettre des opinions qui depuis ont pris beaucoup d’ampleur de nos jours qu’à l’époque :

Le pépé pense à tout et envisage de construire dans la parcelle nouvellement acquise une cabane à l’intention des touristes désirant se décharger d’un dépôt intestinal. Ceci est fort bien pensé, mais après ?

Le Pépé malgré son âge a encore la ressource dormante dans sa plate-bande pensière ! J’ai des bidons à lait et aussi un bon mulet ! Avec ce que je récupérerai, qui serait de toute façon perdu, j’en ferais au poids la revente à Aristide Piquemal et à Aldibert qui sont horticulteurs et qui préfèrent engraisser leur terre avec le produit naturel plutôt qu’avé toutes les saloperies artificielles qui nuisent aux narines et qui en fin de compte nous polluent le légume et la rose ! Ecologiste je suis avant tout, moi, môssieur !

 

Pépé LARISTA : Safari à Chantamour.

Pépé LARISTA : Safari à Chantamour. Collection Humour N°16. Editions EUREDIF. Parution le 4e trimestre 1977.192 pages.

ISBN : 271670515

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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 03:08

Gaby a le vent en Poulpe…

7 Maures sur ordonnance. Recueil de nouvelles.

Trois nouvelles au menu, avec toutes les trois un héros récurrent, un enquêteur indépendant, nommé Gabriel. Ceci devrait vous rappeler quelqu’un.

Et en effet, en quatrième de couverture, il est indiqué Poulpe à la mode corse. Donc pas de surprises et pourtant les différences sont nombreuses, et Gabriel, dit Gaby, n’est pas un succédané de Lecouvreur, juste un personnage similaire.

Ces nouvelles sociales qui se déroulent en Corse ou en Bretagne possèdent un point commun, outre le héros : elles se déroulent en 1978 et 1979, une vision de l’Histoire avec un certain recul appréciable.

 

Dans On achève bien l’écheveau (vous remarquerez l’aimable jeu de mot) de Christian Maïni, il s’agit pour Gaby d’enquêter sur un meurtre, une affaire classique.

La belle et jeune Maddalena, qui est arrivée par hasard un jour dans le village et n’en est plus repartie, dont les antécédents n’ont filtré qu’avec parcimonie, adoptée par tous et principalement par Santa l’Ebréa, a été retrouvée morte poignardée. Les deux pandores, Casanova et Pantanacce, ont été chargés officiellement par le brigadier-chef Beauger de régler cette affaire, mais Gaby s’entend avec eux pour se mêler à l’enquête.

Plus que la résolution de l’énigme, ce qui prévaut dans cette nouvelle, c’est le style linguistique employé, la sémantique. Un peu à la manière de San Antonio, qui n’était pas le précurseur des romans humoristiques, avec jeux-de-mots à foison. L’auteur se fait plaisir tout en amusant le lecteur par ses calembours, mais il existe une véritable recherche dans cette accumulation d’homophonie ou polysémie, d’à-peu-près, et il s’agit d’une véritable gageure oulipienne.

 

Avec Flic ou barbouze, de Marek Corbel, plus d’amusement sémantique, ou si peu. Car le sujet est grave. Plus grave que le meurtre d’une jeune fille. Le brigadier-chef Beauger, lors d’une soirée à Bastia, a surpris une conversation entre le commissaire-divisionnaire, un homme muni d’une canne et un truand de renommée insulaire nommé Jojo de la Citadelle.

Leurs propos concernaient un certain Nitro, un Espagnol fou vivant à Botmeur. C’est peu mais rien n’arrête Gaby qui prend son bâton de pèlerin, et après s’être plongé dans son encyclopédie géographique, il se rend à Carhaix en Bretagne. En cours de route il fait la connaissance de Guillaume, un musicien itinérant et vestige de la génération des hippies, lequel lui propose de s’engager à faire les moissons. Initiative non négligeable car Gaby possédera un alibi pour son arrivée. Il ne lui reste plus qu’à découvrir qui se cache sous l’identité de Nitro, parmi la communauté espagnole installée dans ce coin finistérien, et l’aider à échapper aux griffes de l’homme à la canne, un certain Alexandre Benallini qui est accompagné du tueur à la solde de Jojo et surnommé le Kanak.

Cet épisode se déroule quelques années après la mort de Franco, mais son esprit est toujours vivace de même que la Retirada et l’exode d’une partie de la population en délicatesse avec le Caudillo. Et on appréciera la présence d’Alexandre Benallini, soi-disant (sans T à soi) lieutenant-colonel et président directeur général d’une organisation Ripublica

 

Le troisième volet de ce recueil, Sept Maures sur ordonnance d’Olivier Collard, aborde un sujet politique et social, avec le projet du président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, de revenir sur les accords d’Evian. Celui-ci voulait expulser 100 000 Algériens de France non pas en légiférant mais par ordonnance. Ceci ne s’est pas réalisé, freiné au dernier moment par l’aile modérée de sa majorité. Une expulsion qui devait être accompagnée d’une prime de dix mille francs (nouveaux et non anciens comme il est précisé dans le texte) soit la modique somme de un million d’anciens francs. Je vous laisse le soin de convertir en euros, car à l’époque, cette monnaie n’était pas envisagée.

Sept Corses d’origine algérienne sont nommés, tirés au sort ou non, ne possédant pas d’attaches familiales, et Gaby va tenter de trouver un stratagème pour faire avorter ce projet inique. Et naturellement, on retrouve certaines figures de l’époque, dont certaines se sont suicidées dans une flaque d’eau ou noyées accidentellement.

Eminemment politique et humaniste, cette histoire ne laissera pas indifférent le lecteur qui a connu cette époque ou justement qui la découvre et pourra effectuer un parallèle avec ce qu’il se passe de nos jours et sous les gouvernements précédents, qu’ils soient de gauche ou de droite.

Trois histoires, trois tonalités, trois écritures, un seul but, intéresser le lecteur !

7 Maures sur ordonnance. Recueil de nouvelles. Collection Trinnichellu N°4. Editions du Cursinu. Parution le 4 février 2019. 198 pages. 10,00€.

ISBN : 9791090869363

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24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 04:48

Prière de laisser cet endroit aussi propre que vous souhaiteriez le trouver en entrant !

Yvonne BESSON : Un coin tranquille pour mourir.

En ce mois de mai, la contestation sociale n’a pas épargné Marville, petite ville de la côte normande. La plupart des enseignants des collège et lycée locaux s’organisent, préparant activement la grève, malgré les diverses tensions qui souvent les divisent.

A l’issue de l’une de ces réunions houleuses, le corps de Robert, un jeune stagiaire boulimique en butte aux quolibets de ses élèves, est découvert enfermé dans les toilettes du collège. Il s’est tailladé les veines après avoir ingéré un sédatif. Le suicide ne fait aucun doute mais de vifs reproches sont adressés à Louise, son professeur tuteur, ainsi qu’à Vitré le chef d’établissement.

Les semaines passent. Carole Riou, promue commandant, a quitté le commissariat de Marville pour le SRPJ de Rouen. Elle végète dans sa nouvelle affectation, effectuant le trajet aller-retour quotidiennement.

Mi-août. Un nouvel incident défraye la chronique locale. Georges, le mari tétraplégique et tyrannique de Louise bascule de son fauteuil roulant et s’écrase au pied de la falaise. Louise est soupçonnée d’avoir poussé son mari dans le vide, mais les témoignages sont en sa faveur, comme peut le constater Carole, chargée de l’enquête.

 

Yvonne Besson nous décrit avec réalisme la vie d’une petite ville de province que l’on pourrait croire confite dans une quiétude léthargique. Il n’en est rien car sous la couche de tranquillité les passions, les tensions, les inimitiés, les jalousies se développent comme mousse dans l’humidité ombrageuse.

Le portrait des relations entre collègues de l’Education nationale, qui peut s’appliquer à toute entreprise, est amplifié par le rôle joué par les intervenants dans la société. Mais ce n’est pas le seul problème soulevé.

Ces rapports entre collègues peuvent dissimuler de profondes failles, sentimentales ou autres, et peu à peu le lecteur s’immisce dans les alcôves du cœur et de l’esprit sans devenir voyeuriste.

Carole Riou aussi se pose des questions sur sa profession, sur son avenir. L’insertion du journal du serial killer, qui se glorifie de sa transformation psychologique, apporte également un éclairage sur les aspirations, les désirs, les petites joies internes d’un quidam qui à partir d’un crime commit un peu par hasard, le révèle à lui-même.

Yvonne Besson nous offre un roman profond, humain, qui ne cède ni à la facilité ni à la démagogie, mais attention sous l’apparence de vraies fausses réalités, se dissimulent de faux vrais témoignages.

Un ensemble de miroirs dans lesquels la lumière rebondit de zone d'obscurité en reflet éclairé selon les projecteurs allumés par l’auteur et qui débouche sur une pirouette fort savamment contrôlée.

 

Réédition Pocket Policier. Parution le 9 mars 2006. 402 pages.  ISBN : 978-2266156325

Réédition Pocket Policier. Parution le 9 mars 2006. 402 pages. ISBN : 978-2266156325

Yvonne BESSON : Un coin tranquille pour mourir. Editions des Equateurs. Parution 14 octobre 2004. 350 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2849900086

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20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 04:29

Mais les brumes de décembre se répercutent toute l’année…

Daniel CARIO : Les Brumes de décembre.

La tête embrumée de Franck Hamonic n’est pas posée sur un corps, mais sur une barrique. Car il est fin saoul, Franck, et quasiment tous les jours. Une façon de vivre, de se comporter, et il a à peine dépassé les vingt ans d’existence !

Ce soir là n’échappe pas à l’habitude et quand il rentre avec sa fourgonnette chez lui, enfin dans le gourbi aménagé chez sa belle-mère, il tangue et il roule, même s’il est sur la terre ferme.

Le lendemain, 24 décembre, alors que tout devrait être propice à la fête, il est découvert pendu. Un suicide apparemment, seulement l’adjudant Philippe Derval, de la brigade de Port-Louis, n’est pas convaincu par ce qu’il lui semble être une mise en scène. Le médecin légiste bâcle son travail, mais Derval remarque sur les poignets d’Hamonic des traces de suspectes de ruban adhésif. Et vlan dans la suffisance du légiste qui n’a pas pris au sérieux cette affaire, trop occupé, peut-être, par l’approche de Noël.

Mais la brigade de Port-Louis est embarrassée par une autre affaire, banale et pourtant lamentable. Une gamine a été retrouvée morte dans un fossé, bousculée de son vélo par un chauffard. Mais pour retrouver l’indélicat personnage, qui ne s’est naturellement pas manifesté auprès de la maréchaussée, les pistes sont minces, voire effacées.

Philippe Derval va mettre son nez dans la vie privée d’Hamonic, une vie qui sent mauvais. Si sa belle-mère élève son fils Tristan, un gamin de deux ans et quelques, c’est parce que sa fille, et accessoirement la femme d’Hamonic, s’est suicidée peu après la naissance du gamin.

Enquêtant chez les parents Hamonic, Derval est intrigué par la jeune sœur de celui-ci, du nom de Sterenn, une adolescente mal dans sa peau, une gothique qui en fait sûrement un peu trop, en dit un peu trop, affabule sans aucun doute, mais dont les révélations ne manquent pas de saveurs. De saveurs et d’interrogations. Hamonic était un voyou, souvent accompagné de deux compères fréquentés depuis leur plus jeune enfance et dont la mauvaise réputation parle pour eux. Sterenn les suivait, petit chien fidèle de son frère et occasionnellement amie de l’un ou de l’autre des deux canailles.

Mais Derval va aussi se renseigner auprès de la maîtresse d’école de la gamine décédée accidentellement, qui eut plusieurs années auparavant dans une autre école du canton Hamonic et compères. En compagnie de son coéquipier, malgré parfois les avis divergents de son supérieur hiérarchique, du médecin légiste qui n’apprécie pas s’être fourvoyer, de la pression de la juge d’instruction, des réticences des parents d’Hamonic et ceux des amis de celui-ci, des fausses pistes placées comme des peaux de banane à cause d’idées préconçues ou involontairement envisagées comme des prétextes à défendre, à masquer certains faits, Derval patauge dans la vase des parc ostréicoles et les maraîchages.

Et comme son ménage ne va pas très fort, sa femme étant déçue de se retrouver comme une âme en peine dans une région qu’elle ne connait pas et dont elle ne souhaite pas faire la connaissance, Derval se sent attiré par la maîtresse d’école, qui par la force de l’attirance des sentiments, pourrait très bien se trouver investie dans un nouveau statut de maîtresse…

Seulement des coups de feu sont tirés, et pas perdus pour tout le monde…

 

Outre l’aspect policier qui forme la trame de ce roman, deux obsessions se dégagent dans le récit.

D’abord la Bretagne, la beauté de ses paysages, la rudesse du temps et des travaux, aussi bien à la ferme qu’à la pêche, les préjugés qui affadissent la région pour moult raisons, mais aussi la lente déliquescence qui ronge un couple.

Tu veux que je te dise une chose ? Il n’y a que les touristes à faire semblant d’apprécier la pluie et le vent. Les Bretons sont moins cons que les parigots. Par un temps comme aujourd’hui, ils se mettent à l’abri dans le premier bistrot venu devant un café bien chaud…

L’on ne dira jamais assez du rôle social des petits cafés !

Car en toile de fond, le lecteur assiste à l’échec des mariages. Pour de nombreux couples qui gravitent dans cette histoire, à des degrés divers. Mais la focalisation se porte sur celui de Philippe Derval qui maîtrise mieux ses enquêtes, même si celle-ci dure un mois et qu’il atermoie dans différentes suppositions, que dans la gestion de sa vie maritale. Est-ce-ce sa faute ou celle de sa femme qui envisageait pour elle un autre avenir que celui de femme au foyer ?

Cette dilution des sentiments était apparue bien avant de venir en Bretagne. Depuis, la situation s’était aggravée. Etait-ce le fruit de l’habitude ? Autant dans son métier l’adjudant faisait preuve de psychologie, autant avec sa femme il avait du mal à cerner les rouages de son fonctionnement mental.

Quant à l’enquête en elle-même, elle tourne en rond, peut-être parce que l’adjudant n’a pas pris le bon bout de la ficelle, qu’il s’est désintéressé des à-côtés, des personnages secondaires. Mais cela est facile au lecteur d’effectuer ce genre de déclaration, même si au départ, ou presque il se doute de l’identité du coupable. Mais c’était le pourquoi qui lui manquait pour justifier ses suppositions. D’autant que l’auteur joue avec les déclarations approximatives de certains protagonistes, ou des mythomanies d’autres.

Et en toile de fond, c’est la Bretagne que Daniel Cario célèbre, la Bretagne géographique, l’enquête évoluant dans les environs de Port-Louis, mais également la Bretagne sociale et ses travailleurs de la terre et de la mer qui ont bien du mal à joindre les deux bouts mais font preuve de pugnacité.

Moi, je trouve que c’est plutôt une preuve de bon sens de conserver ses racines, de ne pas renier ses ancêtres.

 

Daniel CARIO : Les Brumes de décembre. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 4 avril 2019. 560 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2258152649

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18 mai 2019 6 18 /05 /mai /2019 04:02

Le pêcheur au bord de l'eau
Abrité sous un chapeau
Est heureux et trouve la vie belle

Tandis que flotte son bouchon…

Philippe HUET : Une année de cendres.

Et que pêche-t-il le pêcheur ?

Les anguilles dans ce coin de port délabré, abandonné, bien installé sur le quai avec deux cannes trempant dans le bouillon saumâtre. Et en guise d’anguilles, elles se défilent tout le temps sachant que c’est son plat préféré à Bernard, il ramène une sorte de guérite, une caisse qui flotte à la verticale. Et dedans, car il est curieux Bernard, il découvre un corps mort. Strangulé le défunt. Bon va falloir appeler les flics pense-t-il tout en apercevant un paquet accroché qu’il ouvre, découvrant à l’intérieur des billets, des centaines de dollars, et des petits sachets qui n’ont du bicarbonate que la couleur.

Bernard s’approprie sans vergogne le butin, mais pas le cadavre qui ira rejoindre la morgue. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il est surveillé à la jumelle par deux hommes. Victor, le tueur à la corde à piano, et son commanditaire, Pascal Antonetti. Il n’y a plus qu’à attendre le résultat de l’enquête policière.

Ange Antonetti et son pote Baptiste Lanzi, qui faisaient partie du gang marseillais des Guérini, ont débarqué trente ans auparavant, en 1946, au Havre, afin de profiter des largesses des soldats américains basés dans les camps-cigarettes. Ils ont trafiqué, s’enrichissant, et développant par la suite un échange de drogue et autres avec les USA. Ils se sont fait leur trou, non pas au soleil, mais dans la cité havraise, et depuis ils règnent en petits rois, avec comme couvertures chauffantes, bars, restaurants, boîtes de nuit.

Mais depuis quelques temps, un autre gang marche sur leurs brisées, celui des Libanais, qui eux aussi se sont bien imposés dans la Cité océane en acquérant bars, restaurants et boîtes de nuit.

Naturellement la presse locale est sur les dents et le jeune localier Gus Masurier est présent sur les quais. Il connait bien le strangulé, un nommé Charoub, avec lequel il a pris plusieurs verres et fait partie du gang des Libanais. D’ailleurs il a des relations très suivies et nocturnes avec Fadia, la sœur d’un des pontifes du gang. La police est elle aussi sur les dents avec la présence du jeune inspecteur de police corse Cozzoli. Lui, il est plutôt, origine corse oblige, attiré par Ange Antonetti et Baptiste Lanzi.

Gus connait fort bien Bernard, le pêcheur, qui fut un ancien typographe au journal dont dépend le localier. Mais Bernard se rendant compte rapidement qu’il vient peut-être de faire une boulette en s’appropriant les sachets et l’argent, en réfère à l’un de ses compagnons de retraite et il décide de se mettre au vert. Comme la couleur des billets.

Débute alors une enquête menée séparément par Gus et son pote le policier corse, mais tout ne va pas comme ils le souhaitent. L’un marche sur les brisées de l’autre, tandis que les Corses ne sont pas satisfaits. Les sachets et l’argent avaient été mis dans la caisse flottante pour piéger les Libanais.

 

Au début, il me semblait entrer un fois de plus dans une sempiternelle guerre des gangs, et je suis entré dans cette histoire avec réticence. Mais au fur et à mesure de ma lecture, je me suis attaché à suivre cette narration qui prend de plus en plus d’ampleur, pour plusieurs raisons.

D’abord le plaisir de retrouver une vieille connaissance dont plusieurs aventures ont déjà été narrées par Philippe Huet, Quai de l’oubli et La Nuit des docks notamment, le journaliste Gus Masurier qui avait un peu plus de bouteille.

Dans ce roman nous assistons à un retour arrière avec ses débuts dans la profession.

Mais c’est également le plaisir de retrouver l’ambiance portuaire du Havre et l’ancienne commune de Sanvic placée sur les hauteurs du Havre. Un endroit qui ravive quelques souvenirs personnels.

Le port du Havre est en pleine mutation, avec l’agrandissement des lieux et le début des transports de marchandises à bord de containeurs, une évolution qui transforme l’attrait touristique. En effet, lors de l’arrivée des paquebots et des cargos, les gens du cru et les touristes pouvaient assister au déchargement des ventres de ces navires, qui étaient le fleuron de la Compagnie Générale Transatlantique, appelée familièrement la CGT, mais étaient moins renommés que Le France. L’Antilles, le Colombie, Le Flandre, le De Grâce... Souvenirs, souvenirs…

Il existe une forme d’humour sous-jacent dans ce roman qui ne manque pas de suspense ni d’action, et s’il s’agit de la guerre des Anciens et des Modernes, c’est également un reportage sur la ville portuaire et sur la façon de fabriquer un journal. Mais sans pour autant s’ancrer dans une forme de documentaire aride.

 

Philippe HUET : Une année de cendres. Collection Rivages/Noir. Editions Rivages. Parution le 13 mars 2019. 350 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2743646288

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10 mai 2019 5 10 /05 /mai /2019 04:54

La nuit est chaude, elle est sauvage…

Philippe HUET : La nuit des docks.

Quelques années après avoir vécu la réorganisation, ou le chambardement, comme on veut, dans les journaux havrais, Gus Masurier s'est vu propulsé chef des informations générales.

Une promotion qu'il vit dans un placard, mais au moins il est tranquille, attendant les dépêches, les triant, assistant au bouclage du quotidien.

L'intrusion de Philippe Maso, le fils d'un ancien confrère décédé trois ans auparavant, terminant sa vie comme un clodo, le dérange presque, l'obligeant à sortir de sa léthargie.

Selon Philippe, Franck ne serait pas mort d'un coup de pouce du destin, mais de la volonté de certaines personnes. D'ailleurs il a retrouvé un carnet sur lequel Franck avait consigné quelques notes ayant trait à une affaire de vols sur le port. Des containers seraient fracturés nuitamment et des marchandises de valeur disparaîtraient avec la bénédiction d'huiles maritimes.

Pour Gus il ne s'agit que d'affabulations, jusqu'au jour où Philippe est à son tour retrouvé nageant dans le port, une balle dans la tête. Gus prend alors le mors aux dents et décide d'enquêter, remuant la boue et prenant dans son filet de trop gros poissons pour lui. Et le pêcheur se demande s'il n'est pas lui-même une proie.

 

Nous retrouvons dans La nuit des docks le personnage sympathique de Gus Masurier, le journaliste héros de Quai de l'oubli. Ce n'est plus un simple localier, sa vie professionnelle a évolué, mais il se débat toujours dans sa vie sentimentale.

Il s'engonce dans un train-train d'où il a du mal à émerger, et son instinct de chasseur ne se réveille qu'avec difficulté. Mais tel un chien de chasse, lorsqu'il est sur une piste, il ne la lâche plus, quoiqu'il puisse arriver.

La ville du Havre, comme toute les villes reconstruites après la guerre, est froide, sans âme, et pourtant Philippe Huet nous transmet une certaine magie : la vie portuaire, avec son code de conduite, ses drames, son ambiance particulière.

Gus est un être attachant, héros malgré lui, ne se prenant pas au sérieux malgré son statut de trublion. On le retrouvera par la suite avec plaisir dans de nouvelles aventures.

Philippe HUET : La nuit des docks. Coll. Spécial Suspense. Editions Albin Michel. Parution novembre 1995. 270 pages.

ISBN : 9782226079763

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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