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1 juillet 2020 3 01 /07 /juillet /2020 04:17

En se promettant d'aller des millions,
Des milliards de fois, et mêm' davantage,
Ensemble à la chasse aux papillons…

Georges Brassens

Enid BLYTON : Le club des 5 et les papillons

Vive les vacances ! Même si ce ne sont que celles de la Pentecôte, qu’il n’y aura que cinq jours à consacrer aux balades et aux découvertes, c’est toujours bon à prendre.

Et les Cinq, c’est-à-dire Claude, et son chien Dagobert qui est de toutes les entreprises, et ses cousins Annie, Mick et François, repèrent attentivement sur une carte l’emplacement prévu pour installer leurs tentes. Car l’un des camarades de lycée de François leur a proposé de passer quelques jours non loin de chez lui, au Mont-Perdu. Il existe en effet une vieille ferme aménagée en élevage de papillons.

Et pendant ce temps, le père de Claude, qui n’aime pas être dérangé, pourra travailler en toute quiétude dans son bureau, à l’abri du bruit. Le Mont-Perdu n’est pas loin, juste quelques dizaines de kilomètres à parcourir à vélo. Mais auparavant il faut penser au ravitaillement, à emmener quelques bricoles indispensables comme des chandelles, des allumettes, des gâteaux secs et des bonbons, le transistor pour écouter les nouvelles, le pique-nique en cours de route, car il ne faut jamais se laisser abattre. Pour le reste ils le trouveront sur place, car les parents de Philippe, le copain de François, sont agriculteurs et ils pourront les dépanner en pain, fraises, légumes et autres ingrédients nécessaires à la survie alimentaire.

Arrivés sur place, ils sont accueillis par un porcelet rose, tout mignon, qui répond au doux nom de Dudule, suivi par un petit garçon de cinq ans, Jeannot qui n’est autre que le frère de Philippe. Les Cinq sont accueillis à bras ouverts par les parents de Philippe, Philippe lui-même et son chien Clairon qui ne tarde pas à manifester un intérêt amical envers Dagobert. Il ne leur reste plus qu’à découvrir l’endroit sur le Mont-Perdu où ils pourront planter leurs tentes.

En se promenant, ils se rendent à la ferme où sont hébergés les deux éleveurs de papillons. Mais ils sont reçus par une femme acariâtre qui vitupère sur son fils absent. La bâtisse est délabrée, seules les serres aux lépidoptères implantées à côté semblent neuves. Et ils rencontrent l’un des amateurs éclairés passionnés de papillons rares muni d’un filet, pas garni. Mais d’autres personnages plus inquiétants gravitent autour de cette ferme, se prétendant amateurs de papillons mais n’ayant pas l’air de s’y connaitre vraiment.

Mais de là où ils sont les Cinq ont également vue sur un terrain d’aviation particulier car il s’agit d’un établissement destiné à l’essai de nouveaux modèles. Justement le cousin de Philippe est pilote attaché à ce terrain et il leur fournit de plus amples renseignements.

Or, une nuit, les Cinq entendent des avions dans le ciel. Le lendemain ils apprennent par la radio, en écoutant par hasard les infos, que deux avions ont été volés dans la nuit, et que deux pilotes de la base sont manquants, dont le cousin de Philippe. Les journalistes n’hésitent pas à additionner deux plus deux, d’autant que les absents ont toujours tort. Et les appareils d’un nouveau modèle se seraient abîmés en mer.

La tension est à son comble lorsque Jeannot ne donne plus signe de vie ainsi que son porcelet Dudule.

 

Les Cinq se retrouvent au cœur d’un mystère et comme d’habitude ils se sentent presque obligés de le résoudre. Ne serait-ce que pour aider leur ami Philippe et sa famille.

Le hasard les sert comme souvent mais n’est-ce point le lot des enquêteurs en général ?

Une gentille histoire bucolique à lire en toute sérénité mais il m’a semblé que les personnages des Cinq sont un peu plus falots que lorsque Claude Voilier s’en est emparés pour leur inventer de nouvelles aventures, Enid Blyton les ayant abandonnés pour cause de décès.

Pourtant ce n’est pas l’intrépidité qui leur manque, ni le petit côté humoristique de certaines situations comme celles dans lesquelles évolue Dudule.

La question du jour est posée par François :

Pourquoi sommes-nous toujours mêlés à quelque étrange aventure ?

Enid BLYTON : Le club des 5 et les papillons (Five go to the Billycock Hill – 1955. Traduction de Mme Duchêne). Illustrations de Jeanne Hives. Collection Bibliothèque Rose. Editions Hachette. Première publication 1962. Réédition 10 mai 1978. 190 pages.

ISBN : 2010007344

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28 juin 2020 7 28 /06 /juin /2020 09:52

Un titre de circonstance !

Gilbert PICARD : Monsieur le Maire.

Malgré la mise en garde de l’auteur, on ne peut s’empêcher de mettre un nom et un visage sur le personnage de ce roman.

Ses initiales, sa description physique, ses antécédents, ses prises de position et son parcours politique sont précis et transparents. Les événements décrits dans cet ouvrage sont trop proches de ceux relatés par les médias depuis quelques mois (lors de la parution du roman) pour ne pas les superposer aux avatars niçois.

Maire d’une ville florissante de la Côte d’Azur, dont le nom n’est jamais cité, mais ne peut abuser personne, Joël Modane gère sa cité d’une façon paternaliste, confondant ses intérêts avec ceux de sa municipalité. Ses relations affables avec ses concitoyens en font un homme estimé de tous, parfois même idolâtré. Les menus services qu’il rend, pour démagogiques qu’ils soient, forcent la sympathie et la popularité.

Cependant chaque médaille comporte son revers. Celui de Joël Modane se nomme Robert Gallois, gérant d’un supermarché. Gallois ayant refusé de signer un contrat publicitaire avec un journal local dépendant d’une société créée par le maire, celui-ci n’entérine pas la demande d’extension du supermarché, favorisant l’implantation à proximité d’une grande surface concurrente.

Ruiné, Gallois décide de se venger et porte des révélations au Canard enchaîné sur la fortune de Modane qui sent peu à peu s’effriter autour de lui les fondations de son petit empire. Son allié, le préfet, est relevé de ses fonctions, premier d’une série de coups durs pour le maire qui pense déjà à l’exil. Après la Société varoise d’éditions, une autre de ses sociétés est dans le collimateur du président de la Chambre régionale des Comptes : la Sodéfinco, société financière chargée de renégocier les taux d’intérêts des emprunts de la municipalité, et qui aurait versé des commissions à deux autres sociétés dont il est le président.

 

Tribun à la dialectique féroce et à l’éloquence aisée, Modane a tendance parfois à s’emporter, ne se contrôlant plus dans ses déclarations. Habilement décortiquée de son contexte, une de ces phrases se révèle comme une bombe amorcée par les infos régionales puis nationales, mettant en émoi le monde politique.

L’affaire Modane dépasse les frontières françaises et le père de Suzy, banquier scrupuleux, enquête sur les agissements de son gendre et l’implantation de ses sociétés américaines, mettant sa fille en garde. Traqué, Modane se réfugie derrière ce qu’il pense être une porte de secours. Si l’on continue à le persécuter, il se fait fort de dévoiler certaines magouilles de ses adversaires politiques.

Mais, dans l’ombre, Robert Gallois continue d’alimenter en informations la presse satirique. De tous les côtés, les partis politiques lâchent le maire, ne voulant pas être mêlés, de loin ou de près, au cloaque financier dans lequel Modane s’embourbe.

 

 

Le personnage de Modane, que tout un chacun aura reconnu, oscille entre le cynisme et la naïveté.

Persuadé d’avoir œuvré en toute légalité pour l’expansion de sa ville, il s’inscrit en marge des lois. Cet homme est adulé par les humbles qui le reconnaissent comme leur maître et leur dieu. Un mélange de paternalisme et de féodalité.

Gilbert Picard, tout en le montrant souvent sous son plus mauvais jour, lui accorde quelques excuses implicites. D’ailleurs ne fait-il pas dire à Me Lauteri, expliquant la situation à son ami : « On trouvera bien un journaliste, de préférence de la région, qui écrira un livre plutôt complaisant à votre égard. »

 

Gilbert PICARD : Monsieur le Maire. Collection Saga. Editions Hermé. Parution avril 1991. 294 pages.

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24 juin 2020 3 24 /06 /juin /2020 04:09

Tout va très bien, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
Pourtant, il faut, il faut que l'on vous dise,
On déplore un tout petit rien…

Claude VOILIER : Le Marquis appelle les Cinq.

En ce mois de juillet, Claude, onze ans, est contente : ses cousins, François, treize ans, Mick, onze ans, et Annie, neuf ans, arrivent pour passer les vacances en sa compagnie à la villa Les Mouettes et cela promet de nouvelles aventures.

Promenades en bateau puis en vélos sont au programme. Les cousins sont toujours accompagnés de Dagobert, le chien de Claude, qui participe à toutes leurs pérégrinations. Les bonnes comme les mauvaises.

A la radio, les informations révèlent qu’une succession de vols d’objets précieux et de bijoux sont perpétrés dans la région. Les cousins n’y font guère attention, pris par leurs promenades à bicyclettes. Ils arrivent à un château, le château de la Mulotière, qu’ils n’avaient encore jamais visité mais la déception les attend. Les objets en vitrine ne sont que de banales bricoles sans grand intérêt.

Le marquis de Penlech qui habite les lieux est tout autant désolé et il leur confie qu’il vient d’avoir la visite non programmée de cambrioleurs qui ont tout emporté, notamment une précieuse collection de montres. Pourtant il était persuadé que son château était un véritable coffre-fort, à l’abri de toute intrusion malveillante.

Peu après, alors qu’ils sont en mer à bord de leur embarcation, ils sont pris dans un orage. L’esquif coule et ils doivent rejoindre la plage à la nage. Arrivés au pied de la falaise, sains et saufs, ils repèrent une grotte qu’ils se mettent en devoir de visiter. Dagobert les précède, leur signalant parfois des dangers, et ils parcourent de nombreux couloirs, grimpent, et se retrouvent au bout d’un certain temps (ce n’est pas précisé) en haut de la falaise, à l’endroit où ils ont pique-niqués peu auparavant.

Ils se souviennent d’un buisson qui bougeait et apparemment ils ne sont pas les seuls à emprunter ce passage. Ils décident donc d’explorer à nouveau les nombreux couloirs, passages, trouées, et leurs ramifications. Et c’est ainsi qu’ils découvrent dans un renfoncement des caisses contenant le produit des vols, dont les montres du marquis. Tandis qu’ils cachent quelques unes de ces caisses dans un autre renfoncement, ils entendent du bruit. Ce sont les bandits qui se sont engouffrés dans la grotte, désireux de récupérer ces caissons.

Naturellement ils se terrent, tentant de faire le moins de bruit possible afin de ne pas dévoiler leur présence. C’est sans compter sans un rat inoffensif qui passait par là tranquillement. Dagobert se lance à la poursuite du rongeur.

 

Ce roman écrit par Claude Voilier, qui a repris les personnages imaginés par Enid Blyton en 1971, après le décès en 1968 de la célèbre créatrice de la série du Club des Cinq, se lit de deux façons différentes : page de gauche le texte pur, page de droite l’adaptation en bande dessinée par Jean Sidobre. Un double plaisir qui permet de lire en deux versions les aventures de Claude, François, Michel et Annie et du chien Dagobert. Plus les personnages récurrents, les parents de Claudine, dite Claude, dont le père un savant qui aime se confiner dans son bureau et détestant être dérangé.

Claude est véritablement le chef de la bande, non seulement parce que c’est chez elle que tous se retrouvent, mais par son caractère difficile. Elle se montre autoritaire, désireuse d’imposer ses décisions, se voulant l’égale, voire plus, des garçons. Et tout comme ses cousins, elle se montre plus mature que son jeune âge le laisserait supposer.

Ils ne vieillissent pas, le privilège d’être des héros de papier. Et cela m’a rappelé l’excellent roman de Michel Pagel, Le Club, dans lequel l’auteur imaginait nos amis devenus adultes se retrouvant pour une réunion familiale cahoteuse.

Mais comme souvent, Le Marquis appelle les Cinq, une légère erreur s’est glissée, qui ne prête pas à conséquence, mais qui peut choquer les lecteurs âgés comme moi qui possèdent peut-être plus de recul. Ainsi à un certain moment, les vélos des quatre, Dagobert se laissant trimbaler, deviennent des vélomoteurs. De nos jours, il s’agirait probablement de vélos électriques, modernisme oblige !

Claude VOILIER : Le Marquis appelle les Cinq. Illustrations de Jean Sidobre. Collection Bibliothèque Rose Imagée. Editions Hachette. Parution mai 1972. 192 pages.

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10 juin 2020 3 10 /06 /juin /2020 03:40

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens,
Voir les magiciens
Qui arrivent…

Paul-Jacques BONZON : Le jongleur à l’étoile.

Epuisé par une journée de dur labeur, le jeune Jehan des Huttes s’endort. Il a d’abord aidé son père, Eloi des Huttes, à labourer le champ puis, en fin de journée, il est allé ramasser des branches mortes. Le fagot est lourd, il se plante une épine dans le pied, il fait nuit, il se perd et il s’assied attendant le couvre-feu de la cloche de Montmaur afin de se guider au son.

Et c’est ainsi, que se réveillant, il aperçoit une petite lumière briller dans le bois. S’approchant du chaleil, une petite lampe à huile, il entend une musique douce et distingue une forme bizarre. Il n’est pas trop rassuré, pensant qu’il s’agit d’une bête, peut être dangereuse. La lune monte dans le ciel et il peut retrouver son chemin. Il est accueilli fraîchement par son père, mécontent du retard. Dans la nuit tout en rêvant il se met à chantonner et sa sœur Gisquette lui affirme que c’était un très joli air. Alors il lui raconte tout mais défense d’en parler aux parents, des fois que le père prenne sa fourche pour tuer la bête.

Deux soirs plus tard, Jehan peut enfin retourner dans la forêt et entend à nouveau la douce musique. Il s’agit d’un nain contrefait, au visage laid, qui l’apostrophe. Jehan est conquis par cet homme qui vit seul et lui offre son bois d’olivier, un pipeau. Jehan découvre sa vocation, il deviendra jongleur, musicien, et parcourra la Provence, son terroir. Mais les premières notes sortant de sa flûte ne sont guère harmonieuses. Pourtant bientôt il maîtrisera son instrument pour la plus grande joie de ceux auxquels il offre ses ballades.

Jehan connaîtra de nombreuses aventures, heureuses ou malheureuses, notamment auprès du seigneur Bruno de Gumiane, mais les rencontres avec des personnages amicaux sont plus constructives. Ainsi Grégoire, le nain, qui lui offre par le truchement du don de la flûte une possibilité de voir du monde et de s’affirmer, de Fleuric, le gamin qui lui donne trois souris blanches domestiquées capables de réaliser des tours provoquant l’amusement des badauds, et d’autres contacts dont ce musicien atteint de la lèpre et obligé de se cacher, qui lui offre une vielle qu’il apprivoisera. Des rencontres toutes plus enrichissantes moralement et professionnellement les unes que les autres et qui vont décider de son avenir.

Jehan permettra même à des familles qui s’étaient perdues de vue, de se retrouver à la plus grande satisfaction de tous, mais au détriment d’autres personnages dont les actions néfastes et navrants ne plaident guère en leur faveur.

 

Loin des séries des Six Compagnons ou de la Famille H.L.M., ce roman se démarque d’abord parce qu’il est unique dans la production de Paul-Jacques Bonzon, mais également parce qu’il entraîne le lecteur dans une épopée médiévale, là-bas vers le grand Rhône, cette région où il avait déménagé à la suite de son mariage avec une Drômoise.

L’histoire de ce petit jongleur musicien aurait pu être écrite par Hector Malot, par exemple, car souvent les enfants qu'il met en scène sont confrontés à la misère, au handicap, à l'abandon.

La misère, est bien celle d’Eloi des Huttes et de sa famille, des manants comme l’on disait à l’époque médiévale, de pauvres paysans aujourd’hui travaillant une terre ingrate, mais le handicap et l’abandon sont représentés par Grégoire, nain, bossu, laid, et dont l’origine de la naissance est floue, très floue ou ce lépreux obligé de se cacher.

Il existe dans ce roman historique une part de suspense, d’aventures riches moralement, ou déprimantes, selon les cas, mais l’auteur ne force jamais le trait. L’histoire de Jehan des Huttes est remarquable par sa simplicité et en même temps par sa force évocatrice. Et l’on sait tous que de nombreux musiciens furent ou sont incapables de lire une partition et ne jouent qu’à l’oreille.

Paul-Jacques BONZON : Le jongleur à l’étoile. Bibliothèque Rose. Editions Hachette. Parution 20 avril 1976. 192 pages.

Première parution 1948.

ISBN : 2010010493

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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 04:01

Les joies de la randonnée !

M.C. BEATON : Randonnée mortelle

Revenue à Londres, à la demande de celui qui lui a racheté la boîte de communication qu’elle avait créée puis vendue, Agatha Raisin n’a qu’une hâte, retourner dans le petit village des Costwolds où elle s’est installée pour une retraite anticipée mais méritée.

Elle a acceptée de travailler quelques mois en dépannage, mais la nature, les amis, la Société des Dames de Carsely, les bavardages autour d’une tasse de thé, les résolutions d’énigmes, lui manquent. De plus son collègue Roy Silver commence à l’énerver par ses remarques parfois fielleuses. Elle vient de terminer sa communication de presse, avec succès, mettant en valeur un jeune chanteur dont elle n’a que faire, uniquement pour embêter un journaliste arrogant. Mais cette fois, c’est bien fini, elle repart à la campagne retrouver ses habitudes, et son voisin James Lacey dont la présence lui manque.

 

Pendant ce temps, Les Marcheurs de Dembley, sous la houlette autoritaire de Jessica Tartinck, s’apprêtent à effectuer leur randonnée hebdomadaire. Jessica s’est imposée, dès son intégration, comme la chef de file du petit groupe composé d’hommes et de femmes amoureux de la marche. Elle ne se contente pas d’emmener ses camarades dans les sentiers balisés, mais elle recense tous les droits de passage existants et oubliés la plupart du temps et annexés par des propriétaires terriens qui ne demandent qu’à agrandir leurs domaines.

Naturellement, les propriétaires terriens et leurs employés, les gardes des domaines, n’apprécient guère ces intrusions intempestives, surtout lorsque Jessica ouvre les barrières et, sans les refermer, traverse un champ de colza, suivant fidèlement le droit de passage alors qu’elle pourrait effectuer un petit détour sans endommager les cultures.

Et ceux qui l’accompagnent regimbent parfois devant son autorité pesante, se conduisant toutefois comme des moutons. Des dents grincent, mais d’autres, comme son amie Dorothy, lui vouent de l’admiration. Personne n’ose se rebeller. Bref, ils balisent.

Jessica a découvert en compulsant ses cartes, qu’un droit de passage existe sur les terres d’un baronnet, Sir Charles Fraith. Toutefois elle écrit au baronnet son intention de traverser le champ de colza. Sir Charles après avoir lu la bafouille décide de proposer aux randonneurs d’effectuer un petit détour et de les inviter à prendre le thé. Une invitation qui ne plaît guère à Gustav, le majordome arrogant.

Agatha, qui apprécie son retour au pays s’intègre aux Randonneurs de Carsely, un groupe dirigé par son ami James Lacey.

 

Deborah, pensant faire bien, se rend chez sir Charles. Il lui offre le thé, comme tout bon gentleman se doit de le faire, et le courant passe si bien entre eux que Sir Charles est agréablement surpris et aimerait revoir cette jeune fille, un peu maigrichonne mais si gentille. En apprenant cette incartade, Jessica est furieuse. Elle envisage de traverser seule ce champ.

Quelques jours plus tard, elle manque à l’appel. Un poids en moins pour les Marcheurs de Dembley, qui retrouvent le sourire. Ils le perdent lorsque Jessica est découverte morte, enterrée sous un petit monticule de terre. La police est naturellement avertie, et les membres des Marcheurs de Dembley sont interrogés, révélant parfois des failles et des imbrications qui ne sont toujours à l’avantage de ces amateurs de marches champêtres.

La présidente de la Société des dames de Carsely, laquelle est apparentée à Deborah, demande à Agatha Raisin, dont la réputation de détective amateur a dépassé les frontières du village, de bien vouloir découvrir l’auteur de ce meurtre.

 

Plus que l’enquête en elle-même, c’est la description d’un microcosme qui retient l’attention du lecteur. En effet, la personnalité de Jessica est complexe, appréciant aussi bien les hommages masculins que féminins, à condition que ce soit elle qui maîtrise le jeu.

La personnalité des différents protagonistes, aussi bien chez les Marcheurs de Dembley que chez les Randonneurs de Carsely, est développée avec humour, révélant les dissensions qui s’élèvent entre les divers participants à ces randonnées. Des jalousies, des rancunes, des faces cachées, des amours contrariées également.

Quant à Agatha Raisin et son ami James Lacey, ils se sentent obligés de se présenter comme époux lorsqu’ils se rendent dans les petites villes voisines, dans le cadre de leur enquête, louant des chambres dans une auberge, afin de détourner l’attention qui ne manquerait pas de se focaliser sur leurs personnes si les villageois, voire les policiers, apprenaient leur rôle d’enquêteurs.

 

 

Dans la presse, on affecte souvent les journalistes vieillissants aux rubriques de faits de société ou de divertissement ou, pire, au courrier des lecteurs.

 

Le problème avec vous, les féministes, est que votre idée de l’égalité, c’est d’adopter tous les défauts des hommes que vous méprisez.

 

Il y a des êtres ainsi faits, qui se fichent pas mal de l’environnement, des baleines ou de quoi que ce soit, mais se servent de la défense de ces causes pour accaparer le pouvoir.

 

M.C. BEATON : Randonnée mortelle (The Walkers of Dembley - 1995. Traduction Jacques Bosser). Série Agatha Raisin enquête. Editions Albin Michel. Parution 2 novembre 2016. 252 pages.

ISBN : 978-2226322708

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6 juin 2020 6 06 /06 /juin /2020 04:04

Et maux croisés ?

Odile GUILHEMERY : Portraits croisés.

Licencié, ce qui ne veut pas dire qu’il possède de nombreux diplômes mais qu’il vient d’être débauché de l’entreprise parisienne où il travaillait, Mathieu Desaulty est rentré au pays, chez papa et maman, à Berck.

Ses parents, le père ancien brigadier de police, sont octogénaires tandis que lui n’a que trente et un ans. Pour autant la différence d’âge n’est pas un obstacle insurmontable pour l’amour filial. Mathieu erre dans les rues de Berck, une habitude matinale prise dès son retour, parcourant le même itinéraire. Et ce matin là, il est abordé par un vieil homme qui lui demande de l’aider à relever sa femme qui vient d’avoir un malaise.

Mathieu se rend donc dans l’appartement du couple, qui est situé au rez-de-chaussée d’une résidence, puis la conversation s’engage tout en dégustant café et croissants. L’homme se nomme Paul Slama, et sa femme, qui approche des quatre-vingt-dix ans, se prénomme Monica. Entre eux ils parlent une langue étrange, le chelha, une langue berbère de Tunisie.

Tout comme le père de Mathieu, Paul Slama avait eu envie de partir à Chicago dans les années 1950. Le père de Mathieu jouait dans un petit orchestre de jazz, du saxo, en compagnie d’un certain Paul Ducroquet qui lui officiait à la batterie. Mais ce Paul Ducroquet est décédé comme sa femme Anna, dans un accident de voiture. Anna était la tante de Mathieu, la sœur de sa mère. Paul Slama confie également que lui et sa femme sont victimes du racisme d’une certaine Sylvette Cholu.

Une photo accrochée au mur attire l’attention de Mathieu. Il pense qu’il s’agit de la fille du couple, mais c’est Monica qui figure sur le cliché. Une Monica jeune mais le photographe ne l’a pas mise en valeur. Il s’est loupé pense Mathieu. Les confidences s’enchainent. Le couple a eu un fils, Louis, qui vit à Londres, tandis que Monica a connu son heure de gloire dans les années 50 comme modèle dans des revues de mode, pour des romans-photos, et même dans des pièces de théâtre et de petits rôles au cinéma.

En sortant de ce petit immeuble, le regard de Mathieu est attiré par la pancarte proposant la location d’un appartement, proposé par l’étude notariale de David Grandet. Les Grandet sont des familles de notables à Berck. Notaire pour Henry Grand, d’autres Grandet sont pharmaciens ou gèrent un magasin d’optique.

Or, Henry, de son nom Grandet, n’est autre qu’un ami du père de Mathieu, et faisait partie du trio de jazz, étant affecté au piano. Intrigué, Mathieu retourne dans l’entrée de la résidence. Il n’existe aucune boîte à lettres portant le nom de Slama, mais il y en a une au premier étage attribuée à Sylvette Cholu-Grandet. La fameuse Sylvette dont se méfient les Slama, et qui traîne derrière elle une réputation sulfureuse, connue comme le loup blanc à Berck.

 

Les principaux personnages sont présentés, ou presque, car d’autres évoluent dans cette intrigue qui s’avère être un puzzle, ou un labyrinthe patronymique. Une intrigue qui prend sa source dans les années 50, et pour certains épisodes un peu avant même, et dont les différentes pièces sont un assemblage de quelques familles, unies les unes aux autres par des liens familiaux ou non, mais qui possèdent ensemble un lourd passé meurtrier.

Peu à peu, le lecteur entre dans cette histoire complexe, voire compliquée, dans des allers et retours entre avant-hier et aujourd’hui, s’immisçant dans des secrets de famille, ouvrant les placards et découvrant des cadavres. Un jeu de miroir déformant que Mathieu essaie de comprendre, le passé et le présent s’amalgamant.

Un bon roman dont le suspense est maintenu, même si peu à peu l’auteur dévoile une partie de ces secrets de familles provinciales, comme des pièces du puzzle prélevées au hasard, qui s’imbriquent doucement, mais qui bientôt sont délaissées au profit d’autres pièces posées un peu au hasard dans une apparence trompeuse.

Parfois il est difficile au lecteur, je parle en mon nom personnel, de suivre tous les protagonistes de cette intrigue et il eut été bon de placer en début de roman la liste des personnages évoluant ou non, dans ce qui se transforme en partie d’échecs. Ou d’établir une sorte d’arbre généalogique, une arborescence des personnages qui parfois jouent un double jeu de substitution.

Alors entre échecs, puzzle ou labyrinthe, le lecteur a le choix du jeu qu’il préfère mais auquel il est convié par une romancière qui a maîtrisé subtilement sa mise en scène, grâce aux multiples connexions entre les protagonistes, les plaçant dans une toile d’araignée.

Odile GUILHEMERY : Portraits croisés. Le Chat Moiré éditions. Parution le 2 mai 2020. 330 pages. 11,00€.

ISBN : 9782956188346

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23 mai 2020 6 23 /05 /mai /2020 04:10

Les Moutons Electriques se mettent en cinq pour votre plaisir de lecture…

Michel PAGEL : Sylvana.

Tous les ans, la famille Fontaine passe les vacances au hameau de la Rougemurière, près de Chauché en Vendée, d’où est originaire la mère. Jean et Michel, les jumeaux retrouvent avec plaisir ce petit village de quelques maisons réparties de part et d’autre de la route. Et surtout les cousins et cousines et leurs camarades de jeux.

Les années se déroulent dans la joie et la bonne humeur même si parfois il y a de petites anicroches. Par exemple Michel n’apprécie pas qu’on l’appelle Michou. Un détail. Jean et Michel s’amusent à échanger leurs vêtements afin de perturber les anciens, une mystification qui ne prête pas à conséquence.

La bonne entente entre Jean et Michel va se fissurer lorsque la famille Sauvage, des Parisiens comme eux, achètent une vieille bâtisse en décrépitude depuis des années et considérée comme hantée. Mais Michel le plus hardi, Jean et autres l’ont déjà visitée, à leurs risques et périls. Les Sauvage retapent la bicoque à deux étages, vont à l’église en compagnie de leur fille Sylvana qui communie. Au grand étonnement de Michel, alors qu’elle paraissait distante, frêle, blanche, en se dirigeant vers le curé, après avoir ingéré l’hostie, elle est transformée, rayonnante.

Sylvana s’intègre facilement dans la petite communauté des gamins. Elle leur est reconnaissante pour avoir défendu son vieux chien des coups de bâton administrés par un malotru. Jean et Michel ont quatorze ans et tous deux sont subjugués par cette fille qui est un peu à part des autres gamines, délaissant presque Caroline dont ils étaient vaguement amoureux. Surtout Michel qui jette son dévolu sur Sylvana. Lors d’une fête elle discute beaucoup avec Jean mais accepte néanmoins de danser un slow avec Michel. Il en est tout retourné. La fracture entre les jumeaux s’étend.

Lors d’une fête de village où tous sont rassemblés, déjeunant sous un barnum, Caroline et Sylvana proposent une partie de cache-cache, les garçons, Jean et Michel, devant chercher les filles, Caroline et Sylvana. Seulement, elles sont si bien dissimulées qu’ils reviennent bredouilles. Quant aux filles, elles se sont perdues. Tout le monde les recherche mais au petit matin, seule Sylvana réapparaît, en sang, écorchée et griffée. Caroline est retrouvée morte, ainsi que plus loin son vieux chien.

 

Michel narre cette aventure mais en incrustation Sylvana prend la parole, se dévoilant. Elle sait qu’elle est un vampire, et la communion n’a pas eu les effets escomptés. Elle doit apaiser de temps à autre ce besoin, cette soif de sang.

Les années passent et Michel ressent de la jalousie envers Jean, trop présent, trop affectueux, trop proche de Sylvana. Mais il ne sait pas que la jeune fille, après s’être confiée et rabrouée auprès de la grand-mère des deux adolescents, a avoué son problème à Jean. Et que celui-ci lui a offert d’être son donateur lorsqu’elle est en manque.

Que vont devenir Sylvana, Jean et Michel ? Dès le préambule, le lecteur connait une partie de l’épilogue puisqu’il déclare :

Les faits sont là : Sylvana, ma femme, était un vampire, une de ces créatures qui ont pour survivre un besoin régulier de sang humain. Jean, mon frère, était sa victime, une victime consentante qui s’offrait avec joie, avec amour.

Les faits sont là, immensément ridicules dans leur énoncé figé : Jean est mort et Sylvana s’est suicidée.

 

Donc, dès le début du récit le lecteur est prévenu. Il sait à quoi s’attendre et pourtant il découvre avec impatience, effroi et attendrissement cette histoire émouvante. La montée en puissance, les jeunes années puis l’âge ingrat, et enfin ce besoin irrépressible de sang de Sylvana, le courage, la tendresse, l’amitié, voire l’amour en demi-teinte de Jean envers Sylvana, l’incompréhension de Michel attisé par la jalousie, et les personnages annexes dont Christine la petite amie de Jean qui ne comprend rien aux événements auxquels elle assiste.

Jean et Michel les jumeaux si fusionnels mais qui au fil des ans se démarquent, Jean le sage et Michel le boute-en-train. Malgré leur gémellité, l’un cache à l’autre ce secret sanglant et ce qui suit est irrévocable.

 

Ce roman, le premier de cette Comédie inhumaine comme l’a si bien définie Jean-Daniel Brèque, lorgne du côté de Georges Coulonges et de Christine Renard, pour des raisons simples et personnelles qu’André-François Ruaud indique dans sa préface à la réédition en volume omnibus dans la Bibliothèque du Fantastique au Fleuve Noir.

Mais je me permets toutefois d’y ajouter, au moins trois noms proches de cet univers pagelien, ceux Alexis Ponson du Terrail, d’Alexandre Dumas et de Claude Seignolle. En effet, que ce soit dans La Baronne trépassée de Ponson du Terrail, des histoires fantastiques dont La dame pâle de Dumas, ou encore les nombreux contes puisés dans les légendes des provinces françaises par Claude Seignolle, on retrouve cet aspect romantique imprégné de terroir qui englobe l’histoire narrée par Michel Pagel et qui, outre le thème fantastique développé avec sobriété, pudeur et retenue, est une magnifique histoire d’amour.

 

Ce roman a été réédité à plusieurs reprises dans des volumes omnibus dans les versions suivantes :

La Comédie inhumaine. Bibliothèque du Fantastique. Editions Fleuve Noir. Novembre 1998. Contient :

1 - André-François RUAUD, Préface, pages 9 à 21, Préface

2 - Sylvana, pages 25 à 191, Roman

3 - Le Diable à quatre, pages 195 à 400, Roman

4 - Désirs cruels, pages 403 à 591, Roman

5 - Le Samouraï, pages 595 à 613, Nouvelle

6 - Ce n'était qu'un rêve, pages 617 à 631, Nouvelle

7 - André-François RUAUD, Bibliographie des œuvres de fiction de Michel Pagel, pages 633 à 637, Bibliographie

 

Nuées ardentes, suivi de Sylvana. Collection Fantastique N° 6378. Editions J'Ai Lu. Octobre 2002.

 

Réédition Les Moutons électriques. Parution 15 mai 2020. 960 pages. 25,00€.

ISBN : 978-2-36183-620-7

Contient :

1 - Préface

2 - Sylvana.

3 - Nuées ardentes.

4 - Le Diable à quatre.

5 - Désirs cruels.

6 - Les Antipodes.

 

Michel PAGEL : Sylvana.

Michel PAGEL : Sylvana. Collection Anticipation N°1687. Editions Fleuve Noir. Parution mai 1989. 192 pages.

ISBN : 2-265-04080-0

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13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 04:15

Nous sommes deux sœurs jumelles
Nées sous le signe des gémeaux...

Karine LEBERT : Les murmures du lac.

Après vingt ans passés à l’étranger, au Mexique principalement, Isaure est de retour en France, aussi fauchée que lors de son départ, de sa fuite plutôt.

Elle est arrivée près du lac de Jaunay en voiture de location et surveille sa sœur jumelle Lucille qui se promène en moto. Sa sœur, athlète accomplie, fonce sur le ponton, et s’arrête pile au bord du lac, puis elle repart et recommence, mais cette fois elle ne freine pas. La moto dérape sur les planches de bois et Lucille tombe à l’eau.

Isaure se précipite mais malgré ses recherches, elle ne récupère pas le corps de Lucille. De plus en ce mois de février 2010 l’eau est froide, et elle a du mal à revenir sur la terre ferme. Elle ne sait que faire, mais prévenir les pompiers lui semble tache hasardeuse. Si les hommes du feu en informent les forces de l’ordre, celles-ci ne vont-elles pas conclure à un meurtre ? D’ailleurs s’agit-il vraiment d’un accident ou d’un suicide ?

Isaure se rend sur l’île d’Yeu, où elle a vécu toute son enfance, décidée à prendre la place de sa sœur, qui est veuve et est devenue riche grâce à l’héritage conséquent de feu son mari. Seulement, ce qu’Isaure n’avait pas prévu, c’est que Lucille était une jeune mère. Une jeune fille garde Noé, l’enfançon de quelques mois. Comme elle s’est emparée du portefeuille de sa sœur, Isaure peut payer la baby-sitter occasionnelle qui a remplacé sa mère, la nourrice, pour quelques heures. Mais Noé ne l’accueille pas avec toute la joie qu’il devrait ressentir en revoyant sa mère. Même le chat Domino lui fait la tête malgré la gamelle octroyée. Isaure va devoir les apprivoiser si elle ne veut pas que les soupçons se portent sur sa personne.

Le retour au pays réserve de nombreuses surprises à Isaure qui doit se réhabituer au bout de vingt ans à évoluer dans la maison familiale, et à côtoyer les amis et connaissances de Lucille. Diane, par exemple, amie intime de sa sœur, et auprès de laquelle elle effectue quelques boulettes, tentant de se rattraper maladroitement. Et puis elle n’honore pas certains rendez-vous, dont un à l’hôpital, les reportant à une date ultérieure.

Grâce à l’agenda de Lucille, elle se familiarise avec sa nouvelle vie, essayant d’endosser la défroque corporelle et mentale de sa sœur.

Toute petite et jusqu’à son départ, sa fuite, Isaure et Lucille ne s’entendaient pas. Lucille était la préférée de leur mère et Isaure toujours reléguée au second plan. La mère ne voyait que par Lucille, toujours prête à l’encenser, tandis qu’Isaure était constamment rabrouée, mise de côté, dédaignée. Isaure pense tenir sa revanche, mais elle n’avait pas pensé aux aléas qui inexorablement se dressent devant elle.

Outre les bévues inévitables qu’elle commet, elle ne savait pas que sa sœur avait fréquenté Matthias dont elle s’est séparée, mais qui se rappelle à son bon souvenir, étant le père de Noé, le gamin. Là encore elle commet quelques bévues qu’elle parvient à effacer de l’esprit de Matthias, obligée à se servir de son corps, malgré ses réticences à l’acte physique, tout le contraire de sa sœur qui cumulait les bonnes fortunes, les provoquait même.

Elle décide alors de déménager, de quitter l’île d’Yeu pour s’installer dans une autre propriété de Lucille, sur l’île de Noirmoutier, dans le quartier huppé du Bois de la Chaise. Mais les ennuis la poursuivent, sous la forme d’un gendarme qui prend trop son rôle au sérieux.

 

Ce suspense psychologique est presque digne des romans écrits par les pointures du genre, tels que Boileau-Narcejac ou encore Louis C. Thomas, un auteur un peu trop oublié, qui connurent leur heure de gloire dans les années 1950 à 1980 de par la finesse de leurs analyses et de la mise en scène des personnages.

Parfois étouffant, ce roman nous change des thrillers actuels qui privilégient plus les scènes de violence et de sexe qu’à la psychologie des personnages. Isaure se montre attachante, au début, dans ses démarches vacillantes, dans son retour au pays, dans l’approche et les relations qu’elle peut avoir avec les voisins et les amis de Lucille. Elle tâtonne parfois, parvenant toutefois à trouver des excuses plus ou moins valables à ses erreurs, inévitables lorsque l’on a tout quitté depuis vingt ans.

La montée de l’angoisse puis la sensation d’Isaure quant à sa résurrection dans le rôle de sa sœur sont progressivement décrites, mais le lecteur un peu pinailleur (comme moi) se pose quelques questions. Avant de suivre sa sœur Lucille, Isaure a dû se préparer physiquement et mentalement pour se substituer à elle. Ne serait-ce que par la coiffure afin de coller au personnage. Et d’autres petites perfections nécessaires afin de ne pas trop se démarquer dans son nouveau rôle, même si elle a réussi à glaner des informations par Internet et les réseaux sociaux ou ayant suivi sa sœur durant quelques jours dans ses déplacements. Comment se fait-il alors qu’elle ne sache pas que Lucille avait un enfant en bas âge ?

Bref de petites invraisemblances se glissent dans le récit, surtout dans ce que je qualifierais de deuxième partie qui font que l’intérêt porté sur l’intrigue au début fond peu à peu.

Ensuite il y a, vers la fin du roman (page 329) un petit problème de datation qui m’a gêné, mais c’est mon côté pinailleur (je l’ai déjà dit) qui fait que je relève ce genre de détail.

Dans l’ensemble un bon roman qui pêche toutefois par son dénouement et certaines situations.

Karine LEBERT : Les murmures du lac. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution 12 mars 2020. 352 pages.

ISBN : 978-2258147195

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9 mai 2020 6 09 /05 /mai /2020 03:53

Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au soleil,

A point perdu cette vesprée,

Son parfum empoisonné…

D’après Ronsard

DELLY : La rose qui tue.

Grâce à une petite annonce parue dans un journal, Gemma va pouvoir enfin entrer dans la vie active. Elle est bardée de diplômes mais n’a rien trouvé pour subvenir à ses besoins d’argent qui se font pressant. Elle va bientôt entrer dans sa majorité tandis que sa sœur Mahault, un peu plus âgée qu’elle, donne des cours de musique dans une institution de jeunes filles.

Leur père vient de décéder et leur mère a quitté le foyer conjugal depuis longtemps, même si elles sont toujours en relation épisodiques avec elle. De nombreux revers de fortune ont accablé leur père, et depuis elles résidaient chez une vieille tante à Vallauris. Mais celle-ci vient de décéder elle aussi et elles doivent vendre la villa pour régler les frais de succession.

Heureusement Gemma va pouvoir être embauchée comme institutrice afin d’assurer l’instruction de deux petites filles. Elle doit prendre contact avec la comtesse de Camparène, qui est actuellement au Grand Hôtel à Cannes. L’entretien se déroule sous les meilleurs auspices et la vieille dame propose d’embaucher également Mahault comme professeur de musique. Le travail de Gemma ne se concentrera pas uniquement comme préceptrice car le vieux comte de Camparère aura également besoin de ses services.

Il a bien connu autrefois le père de Gemma et Mahault, celui-ci ayant écrit d’intéressant ouvrages historiques. Or le comte s’est donné comme mission d’écrire l’histoire des vieilles familles provençales. Il a bien un secrétaire mais l’homme déjà vieux ne vaut rien pour les recherches. Naturellement Gemma accepte ce supplément de travail, qui lui aussi sera rémunéré, et bientôt c’est le départ pour le château de Brussols, dans l’arrière-pays.

Gemma et sa sœur font bientôt la connaissance des résidents du castel de Brussols. Outre le comte de Camparère et sa femme, qui porte la culotte, sont présents Lionel, le petit-fils, deux fois veuf, père des petites Joyce, issue du premier mariage, et Auberte, née du second mariage. Elles ne sont guère âgées et se distingue par leur caractère. Autant Joyce est pétulante, vive, souriante, autant Auberte est timide, maladive, quelque peu renfrognée. Pourtant c’est Auberte que Gemma apprécie, Joyce lui paraissant hypocrite. D’autres membres de la famille séjournent régulièrement, comme Laetitia, comtesse de Camparini, Salvatore, petit-fils du comte, ou encore Brigida Tchernine.

Lionel, qui est à moitié paralysé des membres inférieurs et ne se déplace qu’à l’aide de béquilles, passe la plupart de son temps dans la Tour Hardie, une construction ancienne attenante au castel, s’occupant de ses fleurs rares et d’expériences chimiques. Il est aidé dans ses recherches par Laetitia. Le comte est plongé dans ses recherches et l’écriture de son ouvrage. Salvatore, qui vit dans un pavillon situé à quelques centaines de mètres du château, est un sculpteur amateur mais dont les statues sont particulièrement ravissantes. Il partage son temps entre ses séjours à Brussols et en Corse où il possède quelques propriétés.

Les employés eux aussi possèdent leurs particularités. L’un des deux chauffeurs est noir, la jeune femme de chambre est métisse, et d’autres sont chinois, italien. Un heureux mélange qui vit en bonne harmonie de surface. Et surtout il y a Zorah, la naine, la protégée de la comtesse, qui fait de brèves apparitions, et qui joue un peu le rôle de la sorcière.

Mahault est enchantée de ce séjour et se comporte comme elle l’a toujours fait, se montrant une jeune fille naïve, futile, superficielle, tandis que Gemma, la cadette est nettement plus réservée dans ses jugements. Elle se méfie de Lionel qu’elle juge hypocrite sous des dehors avenants, sournois, et surtout ce sont les décès prématurés de ses épouses qui l’intriguent.

Gemma n’est pas attirée par le charme de Lionel, qu’elle juge vénéneux, et se sent plus proche de Salvatore. Laetitia se montre distante, et la comtesse est très directive. Mahault pratique la musique, souvent en compagnie de Lionel, et bientôt elle va faire partie de la famille. En effet Lionel lui a proposé de se fiancer et devenir sa troisième femme. Gemma n’est pas vraiment satisfaite de cet engouement. Mais elle ronge son frein tout en s’occupant de Joyce, toujours aussi pétulante, tandis qu’Auberte est de plus en plus maladive. Un voyage au bord de la mer, à Dinard est envisagé afin de permettre à Auberte de se requinquer. Mais le drame couve.

 

Le titre de ce roman est trop explicite pour que l’intrigue, qui est pourtant dévoilée peu à peu, ne laisse guère de doute sur les occupations de Lionel et le décès de ses précédentes épouses.

C’est la tension entre ces différents personnages, et l’appréhension de Gemma envers un avenir qu’elle suppute anxiogène, qui imprègnent ce roman représentatif de l’œuvre de Delly.

Des hobereaux de province aisés, des jeunes filles en difficulté financière, des artistes qui sacrifient à une passion, et deux régions qui servent de décors.

Jeanne-Marie Petitjean de la Rosière et son frère Frédéric Petitjean de la Rosière forment ce couple littéraire connu sous le nom de Delly. Jeanne-Marie est née en Avignon et Frédéric à Vannes, ce qui explique en grande partie l’implantation provençale et bretonne dans les décors qui servent de support.

Si Delly est de nos jours quelque peu oublié, cet auteur bicéphale fut un véritable phénomène littéraire, traduit abondamment en Italie, et leur succès populaire attisa l’ire des critiques, probablement par jalousie. Des romans faciles, certes, mais qui ne manquent pas de psychologie, et les personnages offraient un dérivatif à des lecteurs issus souvent de la société ouvrière. Des rêves par procuration devant des personnages aisés financièrement qui se montraient parfois plus venimeux, plus hypocrites, plus sournois que ceux qui étaient décrits dans la culture populaire mettant en scène des miséreux, des cabossés de la vie, mis en scène sous la plume de Marcel Priollet, Pierre Decourcelles ou Xavier de Montépin et autres.

Un bain littéraire rafraîchissant démontrant que les riches sont souvent plus pervers dans leurs actions que les représentants du petit peuple.

 

A lire également de Delly :

Et pour en savoir plus sur ce phénomène littéraire qui œuvra durant la première partie du XXe siècle :

DELLY : La rose qui tue. Couverture de Gyula Konkoly. Editions J’Ai Lu N°921. Parution 20 septembre 1979. 192 pages.

ISBN : 2277119210

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16 avril 2020 4 16 /04 /avril /2020 03:01

Faisans et malfaisants…

Roald DAHL : Danny, le champion du monde

Ayant perdu sa mère à l’âge de quatre mois, le jeune Danny a été élevé par son père William qui tient un garage station-essence dans un petit village de l’Angleterre.

Ses jouets furent naturellement des pièces détachées de moteurs de voiture, se débarbouillant à l’huile de moteur. Son père a été nourrice, mère, père, professeur jusqu’à l’âge de ses sept ans où il put enfin intégrer l’école communale. Seul le garage est en dur, et ils vivent dans une roulotte de gitans, placée sur une parcelle de terrain, avec la cabane au fond du jardin pour soulager vessies et intestins.

Mais Danny ne se plaint pas, il est heureux avec son père qui s’occupe de lui mieux que pourrait le faire une nourrice ou une famille d’accueil. Souvent ils sortent en forêt et le père apprend au fiston les secrets de la nature. Son père lui apprend à construire des cerfs-volants, des montgolfières, et l’autorise même à entrer et sortir les voitures dont ils ont la charge des réparations. Des réparations auxquelles Danny a participé activement :

Tu veux que je te dise, Danny ? Tu es sans doute le meilleur mécanicien de cinq ans au monde.

 

Quant à l’école, il ne se débrouille pas trop mal, aidant même parfois un copain lorsque celui-ci planche sur un problème de mathématiques. Ce qui n’est pas du goût de l’instituteur dont la férule est toujours prête à taper sur des doigts fragiles et enfantins.

Un soir, alors que Danny atteint ses neuf ans, il se réveille et s’aperçoit que son père n’est pas dans sa couchette. Naturellement Danny s’inquiète mais ce n’était qu’une petite escapade paternelle qui de temps à autre braconne. Il lui délivre même ses petits secrets transmis de père en fils pour attraper en fraude les faisans, par exemple. Car des faisans, le bois d’Hazell’s Wood n’en manque pas, surtout lorsque la saison de la chasse se profile.

Le propriétaire, monsieur Hazell, un brasseur au caractère acariâtre, possède outre le bois, les champs qui s’étalent alentour de la station-service, plaçant le garage et le lopin de terre qui l’entoure dans une enclave.

Un soir, le père ne rentre pas à l’heure dite et Danny n’écoutant que son courage, emprunte un petit véhicule qu’ils viennent de réparer, et le voilà sur la route, conduisant très prudemment jusqu’au bois. Il récupère son père qui était tombé dans une fosse profonde, creusée exprès pour décourager les braconniers.

Alors comme la saison de la chasse approche, et que monsieur Hazell a fait rentrer près de deux cents volatiles pour la partie de chasse qu’il va organiser pour ses amis, des personnages riches et influents dont il veut s’attirer les bonnes grâces, le père se demande comment s’emparer des faisans et c’est Danny qui lui souffle en partie la solution. Il faut déjouer la présence des garde-chasses et mener à bien leur petite expédition nocturne. Et tant pis pour le malfaisant monsieur Hazell !

 

Danny le champion du monde est un roman charmant qui bafoue allègrement la morale, car l’on sait que le braconnage est une forme de vol. Mais quand c’est fait au détriment d’un individu hautain, méprisant (et méprisable), arrogant, et je pourrais continuer longtemps ainsi dans ma déclinaison de qualificatifs pas vraiment élogieux mais représentatifs du personnage, on pardonne.

Mais ce qui pourrait se réduire à une farce est également une histoire naturaliste, la faune et la flore étant décrites avec un côté apologique, même si le fait de braconner se réduit à se sustenter. Cet acte est loin de celui de la chasse telle qu’envisagée et pratiquée par Hazell (et bien d’autres aussi bien en Angleterre qu’un France) avec les rabatteurs qui ramènent un gibier qui est d’élevage et qui n’a jamais connu les joies d’évoluer en liberté.

 

Laisse-moi t’expliquer un peu ce qu’ils appellent la chasse au faisan, dit-il. D’abord elle n’est pratiquée que par les riches. Il n’y a qu’eux qui puissent se permettre d’élever des faisans dans le seul but de les abattre à coups de fusil une fois qu’ils sont arrivés à maturité. Ces riches imbéciles dépensent chaque année de véritables fortunes pour acheter de petits faisans dans des élevages et pour les élever dans des volières spéciales jusqu’à ce qu’ils soient assez vieux pour être lâchés dans les bois. En forêt, les jeunes oiseaux se comportent alors comme de véritables poulets. Les gardes les surveillent en permanence et les nourrissent deux fois par jour avec le meilleur blé, si bien qu’ils deviennent rapidement si gras qu’ils peuvent à peine voler. On engage ensuite des rabatteurs qui balaient les bois en claquant des mains et en faisant autant de bruit que possible pour pousser les faisans à demi domestiques vers les fusils des chasseurs, qui sont pour la plupart inexpérimentés. Et puis, pan, pan, pan, et les faisans se mettent à pleuvoir.

 

Roald DAHL : Danny, le champion du monde (Danny, the Champion of the World – 1975. Traduction de Jean-Marie Léger). Illustrations de Boiry. Le Livre de Poche Jeunesse N°53. Parution 1981. 224 pages.

ISBN : 9782010147692

Première édition : Collection Bel Oranger. Editions Stock. 1978.

Nombreuses rééditions.

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