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8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 05:05

La romance d’Eros ou du héros ?

Frédérique TRIGODET : Romanceros.

Trois nouvelles, trois tranches de vie, trois histoires simples qui démontrent que souvent en peu de lignes, on peut écrire des textes émouvants sans se perdre dans de longues circonvolutions.

Et Frédérique Trigodet prouve, à ceux qui du haut de leur suffisance déclarent qu’ils n’aiment pas tel genre et que d’ailleurs ils n’en lisent jamais, que les romances peuvent procurer du plaisir littéraire. Et même se montrer plus subtiles que des textes édités par des maisons d’éditions placées sur le haut du pavé.

Et lorsque j’ajouterai que ces trois nouvelles ont eu l’heur de paraître dans un hebdomadaire féminin, Nous Deux en l’occurrence, ces mêmes chroniqueurs devraient réviser leur jugement négatif et s’intéresser à un pan de la littérature au lieu de la dédaigner sans la connaître. Des préjugés qui ne devraient pas être de mise et qui démontrent une intolérance inacceptable.

Mais et si nous abordions le vif du sujet ?

 

Dans Cœur perdu dans les dunes, nous faisons la connaissance d’une quinquagénaire qui est victime de troubles de surmenage, d’épuisement professionnel (Burn-out, en français). Le boulot d’abord, car elle a hérité des dossiers en instance depuis quelques mois à cause d’une collègue absente. Et puis avec Alex, son mari, ce n’était plus ça et il s’est installé dans un petit chez lui, en attendant la vente de leur maison. Une accumulation de petits faits qui lui sont tombés dessus, et la fatigue s’est installée entraînant le dégoût de tout.

Alors elle a décidé de changer d’air et de passer un certain temps dans un mobil-home au bord de la mer. Elle sort tous les jours aspirant avec volupté l’air du large, et lit beaucoup. Le gérant du camping, un jeune homme, assez bavard, et sa femme ne sont pas débordés en ce mois de novembre. Sophie est invitée à une petite soirée regroupant les quelques personnes qui résident au camping, une façon comme une autre de s’intégrer dans la petite communauté. Et c’est ainsi qu’elle remarque un homme seul, Erik. Ils vont se revoir…

 

Marin, dit Marin des montagnes, devait tenir un gîte rural. Un projet qui tombe à l’eau car depuis que Samantha, sa compagne, est partie avec un berger, il n’a plus envie de recevoir des touristes. Alors il procède aux annulations, le cœur gros. Et il s’occupe comme il peut, coupant du bois, en prévision de l’hiver prochain, son esprit obnubilé par Sam. Une femme dans sa vie, cela ne s’efface pas d’un coup de gomme. Un jour, une jeune femme se présente. Elle n’a pas reçu le courrier dénonçant la location. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’était son ami qui avait procédé aux démarches. Mais il l’a quittée et elle a tenu à se rendre quand même sur les lieux où ils devaient passer leurs vacances.

 

Découvrir sur sa boîte aux lettres un petit bout de papier sur lequel est inscrit en petites lettres : Vous êtes la femme de ma vie ! n’est pas sans intriguer Anaïs, une jeune fille habitant dans un studio d’un immeuble lyonnais. Elle n’est pas chômeuse mais en recherche d’emploi, et donc elle ne roule pas sur l’or. Heureusement, sa logeuse est une amie de sa grand-mère, ce qui déjà est un avantage, de plus elle s’entend bien avec Ginette. Donc elle lui en fait part. Mais elles ont beau recenser les autres locataires de l’immeuble, elles ne voient pas qui pourrait s’amuser à déclarer sa flamme à Anaïs. Les petits mots doux se collent sur des Post-it d’amour.

 

Trois nouvelles, qui si elles sont publiées dans la collection Culissime restent chastes, ou alors légèrement sensuelles. D’ailleurs elles sont cataloguées Romance rose, premier degré sur l’échelle des valeurs de cette collection. Ce qui pour moi est nettement plus intéressant que de lire des textes trop évocateurs, pour ne pas dire suintant de liquide séminal, préférant être acteur plutôt que voyeur.

Frédérique Trigodet s’attache à ses personnages, comme si elle les connaissait intimement, et par contrecoup le lecteur aussi. Il est happé par ces textes agréables, à l’écriture soignée, dans des atmosphères parfois insolites mais pourtant si proches de l’aspiration de bien des personnes recherchant le calme ou la tranquillité ou vivant dans un immeuble qui n’est pas l’HLM de Renaud. Et le lecteur peut prolonger ces nouvelles selon sa sensibilité et sa logique particulière.

Un moment de plaisir et de détente qui pourtant emprunte à la vie ordinaire, quotidienne de tout un chacun. Et la démonstration que se montrer hautain envers des textes publiés dans des magazines dits féminins n’est pas de mise, alors que souvent on y trouve des textes prometteurs, dus à des auteurs tout autant talentueux.

 

Sommaire :

Cœurs perdus dans les dunes. Publié dans Nous Deux N°3775 du 5 novembre 2019 sous le titre : Rencontre sans paroles.

Marin des montagnes. Publié dans Nous Deux N°3656 du 25 juillet 2017 sous le titre : Un exil volontaire.

Post-it d’amour. Publié dans Nous Deux N°3739 du 26 février 2019 sous le titre : Petits messages d’amour.

Frédérique TRIGODET : Romanceros. Trois nouvelles numériques. Collection Culissime. Editions SKA. Parution 1er février 2020. 34 pages. 2,99€.

ISBN : 9791023407990

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5 février 2020 3 05 /02 /février /2020 05:48

Cicatrices m’étaient contées… et comptées !

François-Bernard TREMBLAY : Sutures.

Pour parodier un célèbre présentateur des informations à la télévision, qui aurait pu être surnommé Gai-Luron, Montréal a peur !

Enfin presque, parce que la psychose ne s’est pas déclarée, les journalistes n’étant pas encore au courant des faits qui viennent de se dérouler.

Une jeune femme qui émerge d’un étourdissement prolongé est allongée dans une ruelle. Elle ne reconnait pas les lieux et pourtant elle essaie de se déplacer. Elle souffre et personne n’est là pour l’aider. Enfin elle reconnait qu’elle est dans un passage situé juste derrière son immeuble. Elle parvient chez elle, non sans peine, et en se déshabillant elle se rend compte qu’elle a une énorme cicatrice sous le sein. Elle est transportée à l’hôpital. Un lobe de poumon a été prélevé.

Un SDF est lui aussi récupéré dans un quartier déshérité et emmené à l’hôpital, les toubibs ne peuvent que constater que lui aussi porteur d’une cicatrice. Comme si on lui avait oté un rein.

Nick Jarvis et sa coéquipière, et maîtresse occasionnelle, Julie Montpetit, sont chargés de cette enquête pour le moins inhabituelle. S’ils peuvent interroger la jeune femme, Maggie Lemieux, le SDF lui s’échappe de l’établissement sans pouvoir expliquer ce qui lui est arrivé. Maggie elle, et c’est le mieux qu’elle peut faire, s’est rendue compte qu’elle a été absente de chez elle, et dans les vaps, durant quatre jours.

Nick Jarvis demande à l’un de ses indics, un nommé La Fouine, de retrouvé le SDF enfui. Mais la découverte d’un cadavre, dans une partie boisée, et portant le même genre de cicatrice, les amène à se demander si une légende urbaine ne serait pas devenue réalité.

En effet quelques années auparavant, un certain docteur Frankenstein sévissait dans Montréal selon quelques sources. Et devant cette accumulation de faits tangibles, il se pourrait qu’effectivement un chirurgien-transplanteur se dissimule derrière ces amputations.

Alors il leur faut recenser les noms de tous les hôpitaux et cliniques, des praticiens susceptibles d’être en capacité de réaliser de telles opérations, relever à l’étranger des cas similaires, s’accrocher au moindre détail, à la moindre information. Comme ce bout de papier comportant un numéro de téléphone trouvé près du cadavre inconnu.

 

Et il se pourrait que d’autres personnes soient susceptibles de passer sous le bistouri de ce (ou ces) chirurgien-transplanteur. Nick Jarvis et Julie Montpetit sont sur le pied de guerre de même que quelques-uns de leurs collègues et attention à ne pas déraper dans les flaques de sang.

François-Bernard Tremblay aborde un sujet sociétal et médical avec sensibilité et pudeur. Alors que certains de ses confrères se seraient complus à décrire en long, en large et en travers, les interventions chirurgicales, il s’attache aux victimes et aux différents personnages qui gravitent dans cette intrigue parfaitement élaborée.

Des personnages, dont L’Exterminateur, s’installent dans ce roman et au début on ne sait pas quel rôle exact ils jouent. Peu à peu cela se décante, leur implication se trouve plus définie jusqu’à ce que l’enquête aboutisse, non sans mal.

Le thème de la greffe humaine n’est pas un sujet récurrent dans la littérature noire et policière. Et l’on découvre tout un pan de cette pratique souvent placée sous silence. Un peu moins maintenant en France que chaque individu est potentiellement un donneur. Mais ce n’est pas le cas partout. Et il existe des trafics d’organes prélevés volontairement, avec une rétribution parfois conséquente, mais aussi prélevés disons de force et les sujets choisis ne s’en relèvent pas toujours.

Un véritable marché parallèle dont peu de gens ont conscience, car la réglementation varie d’un pays à un autre. D’ailleurs le lien ci-dessous saura mieux éclairer le lecteur que je ne pourrais le faire :

Un sujet sensible traité avec humanisme par François-Bernard Tremblay, professeur de littérature au Québec, dont c’est le premier roman policier, mais pas sa première publication.

Pour en savoir un peu plus sur cet auteur :

François-Bernard TREMBLAY : Sutures. Une aventure de Nick Jarvis. Editions de Mortagne. Parution 23 décembre 2019. 342 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2896628902

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18 janvier 2020 6 18 /01 /janvier /2020 05:07

Sur l’écran noir de mes nuits blanches
Moi je me fais du cinéma…

Max OBIONE : Les Micochonnes.

Au début des années 1950, il n’existait pas de complexes cinématographiques démesurés, surtout en province, comme de nos jours. Et il fallait se rabattre souvent sur des salles de fortune.

Heureusement, dans les régions reculées de la capitale, c’est-à-dire à environ quarante kilomètres de Paris, près de Melun, l’une des capitales du fromage de Brie, une petite salle était aménagée dans l’arrière-salle du bistrot local. L’un des bistrots, car en ce temps-là, les cafés de village étaient si nombreux qu’il fallait bien la journée pour en faire le tour.

Or donc, ce jour à l’Arquebuse, l’épicerie-café où doit se tenir la séance, il y aura les Micochonnes. Le narrateur ne sait pas trop à qui Bernard fait référence, mais il possède sa petite idée. Il s’agirait bien de Solange et d’Huguette (Ah la petite Huguette… Air connu) qui pour un Roudoudou à la fraise n’hésitent pas à montrer leurs genoux jusqu’en haut. Mieux que les dessins retouchés de Paris-Hollywood ! De vraies vamps !

Mais en attendant cette séance de cinéma, il faut penser à l’école. Et surtout ne pas se mettre à rêvasser, à se tourner des images dans la tête, surtout moins intéressantes que celles qu’il verra sur l’écran. Il en est persuadé.

Mais avant le film proprement dit, il faut visionner les mêmes documentaires, des pellicules rafistolées à force d’être projetées. Et quant aux films, parfois ils sont incompréhensibles. Qu’importe, le plaisir d’être dans cette salle, et surtout…

Bientôt sur vos écrans les Micochonnes. Carré blanc !

 

Cette historiette me fait penser à un article dû à un critique littéraire, œuvrant dans l’un des rares magazines consacrés à la littérature policière et dans lequel il annonçait la sortie prochaine d’un recueil de nouvelles ou d’un roman dans la collection Un Mystère. Mais ayant eu l’information par téléphone, il n’avait pas compris la subtilité et avait signalé cet ouvrage sous un titre complètement délirant, se demandant même si c’était possible que le traducteur ait osé cette ineptie.

Permettez-moi de ne pas en dévoiler plus, car cela déflorerait l’histoire de Max Obione mais sachez qu’il s’agit d’un pied de nez envoyé à tous ceux qui se font du cinéma rien qu’à l’énoncé d’un titre.

Une histoire qui m’a transporté là-bas, dans ma jeunesse, quand j’allais au patronage rien que pour les films qui étaient proposés par les curés d’une paroisse de Sanvic, sur les hauteurs du Havre.

C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup…

Max OBIONE : Les Micochonnes. Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions Ska. Parution le 1er janvier 2020. 16 pages. 1,99€.

ISBN : 9791023407983

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14 janvier 2020 2 14 /01 /janvier /2020 05:35

La lumière revient déjà
Et le film est terminé…

 

Alexis AUBENQUE : Souviens-toi de Rivers Falls.

L’animation règne dans la petite ville de River Falls, au grand mécontentement du shérif Mike Logan.

En effet une équipe de cinéma a investi les lieux, afin de tourner un film inspiré de l’une des précédentes affaires que Logan a eu à résoudre, dans des conditions pénibles et sanglantes. Un film basé sur l’histoire d’un tueur en série et il serait le personnage principal.

Mais Mike Logan, s’il est ulcéré par cette initiative qu’il n’apprécie pas, est aussi en proie à des sentiments divers suite à sa séparation d’avec Jessica Hurley. Mais, en général, les habitants de River Falls se réjouissent de cette intrusion dans leur quotidien.

Ce qui n’empêche pas la vie de s’écouler au quotidien. N’empêche pas ? Si, un fait toutefois. La productrice est retrouvée morte dans sa chambre d’hôtel, entraînant toutes les suppositions : accident, suicide, meurtre. Mike Logan est chargé, en tant que shérif, d’enquêter sur ce décès mystérieux. Il fait équipe à l’occasion avec Lindsay, sa lieutenante et bras droit.

Lindsay s’est mise en couple avec Callahan, un journaliste qui a parcouru le monde mais s’est installé depuis quelques mois à River Falls. Possibilité de conflits d’intérêt, mais Logan fait confiance à Lindsay pour ne pas trop en dévoiler à son compagnon. La sœur de Callahan, veuve avec trois enfants, vit dans un manoir situé sur les flancs de la cité. Quant à Callahan, il vient d’hériter d’une riche demeure.

Callahan est chargé par son rédacteur en chef de couvrir l’affaire en binôme avec Marion, la jeune fille de son patron et stagiaire dans le journal. Marion se découvre une passion subite pour le jeune premier rôle masculin, Chester Walker, un comédien en devenir qui accumule les bonnes fortunes. Un peu trop machiste dans ses déclarations, comme s’il était déjà blasé.

Parmi les trois enfants de la sœur de Callahan, Beverly se tient en retrait de cette animation. Elle est bien obligée car elle est handicapée et ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant. Le fils est trop jeune. Seule Tawny, dix-sept ans fait l’école buissonnière afin de tournicoter sur les lieux du tournage. Et elle s’éprend d’un beau jeune homme, bien sous tous rapports, qui s’occupe entre autres de l’intendance. Une histoire d’amour en gestation.

Mais l’actrice principale disparait à son tour. La dernière fois qu’elle a été vue, c’est en compagnie de Logan. Le passé de Logan va ressurgir inopinément, et entrent alors en scène des agents du FBI ainsi que Hurley la mère de ses enfants.

 

D’autres protagonistes font leur apparition et pour Logan, et les lecteurs, une nouvelle énigme s’amorce, puisant sa genèse dans son passé. Des individus, masculins et féminins interfèrent dans l’histoire.

Quasiment tous les personnages évoluant dans cette histoire sont des transformistes psychiques et il suffit de les dépouiller de leurs oripeaux pour découvrir ce qui se cache sous les ors ou les guenilles psychiques. Un peu à la manière dont on enlève la pelure des oignons jusqu’à arriver au bulbe nu. Et là, une fois enlevées ses couches protectrices, on peut apercevoir un légume sain ou au contraire pourri jusqu’au cœur.

Chacun de ces protagonistes possède un jardin secret. Mais ce jardin peut être épanoui, ou en friche. Et les pistes ne manquent pas, les enquêteurs s’attardant parfois sur des sujets troubles dont la posture est contraire à leur véritable personnalité.

Car Alexis Aubenque, tout en plaçant son intrigue dans l’Amérique de l’Ouest, dans l’état de Washington, non loin de Seattle, suit l’actualité. Cette fois tout tourne autour des affaires dites de harcèlement et s’inspire du cas Weinstein. Et il est amusant ( ?) de lire ceci :

Les Français ont beaucoup de défauts, mais ils s’y connaissent en cinéma. J’ai été sur plusieurs tournages là-bas. Les filles sont super canons, et pas farouches, vous pouvez me croire. C’est pas là-bas qu’une affaire Weinstein serait sortie !

 

Chaque roman possède une intrigue inédite, pourtant Alexis Aubenque possède cette faculté démoniaque, machiavélique, tout en se renouvelant, de tisser avec ses précédents titres un filet reprenant d’autres séquences, les complétant, leur offrant une nouvelle vie et une suite annoncée, sans que pour autant chacun de ses livres pâtissent d’un manque.

Tout est expliqué, du moins en ce qui concerne l’intrigue principale, mais des débouchés, des retours en arrière sont proposés. Le tout constitue une énorme saga qui s’étoffe au fil des ans et des titres. Alors oui, chaque ouvrage peut être lu indépendamment les uns des autres, voire dans le désordre, mais les extensions offertes incitent le lecteur à découvrir les autres tomes mettant en scène Mike Logan, et d’autres titres dans lesquels certains des protagonistes évoluent comme dans Tu ne manqueras à personne.

C’est comme une composition florale dont chaque fleur posséderait son histoire, ses couleurs, ses senteurs, mais en mettant l’accent sur un ensemble harmonieux.

 

Alexis AUBENQUE : Souviens-toi de Rivers Falls. Saison 2 épisode 3. Thriller Poche. Editions Bragelonne. Parution 12 juin 2019. 384 pages. 7,90€.

ISBN : 979-1028106799

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6 janvier 2020 1 06 /01 /janvier /2020 05:03

Ils sont venus, ils sont tous là,
ils vont nourrir la mamaaaa !

Collectif : Treize à table ! 2020.

Comme il y a de plus en plus de repas à distribuer, les cuistots de Treize à table ont recruté quelques nouvelles petites mains. Ce qui fait que cette année ils se retrouvent à dix-sept autour des fourneaux pour préparer quelques agapes en toute simplicité. Mais un repas copieux, comme le démontre la carte ci-dessous.

Comme je suis gourmet, mais pas gourmand, et que je suppose que tout comme moi, vous ne reprenez pas de tous les plats, préférant en laisser aux autres convives, je ne vais m’attarder que sur quelques-uns des textes savoureux proposés.

Pour certains, je ne les ai pas appréciés à leur juste saveur, mais comme tout un chacun, je possède mes préférences culinaires et littéraires.

Donc je passerai rapidement sur Voyage en novlangue de François d’Epenoux, qui comme son titre l’indique, est un exercice de style sur les nouveaux mots en importation directe des vocables anglo-saxons. Commencé mais pas fini. Le premier paragraphe m’a suffi. De même, je n’ai pas apprécié outre mesure les nouvelles de Karine Giebel et de Yasmina Khadra, qui fouillent le cœur, peut-être un peu trop, et remuent les tripes.

La curiosité est un vilain défaut parait-il. Ce n’est pas la curiosité mais l’indiscrétion qui est à blâmer. Et donc, ayant lu ici et des éloges concernant Nicolas Mathieu et de son prix Goncourt, que je ne pouvais quand même pas le mettre de côté. Ouais, bof. Une parfaite soirée aurait été parfaite si elle n’était pas encombrée de marques publicitaires (mais après tout c’est peut-être le gagne-pain de l’auteur) et de ces petites choses qui me hérissent, allez donc savoir pourquoi.

Mais ce ne sont que les amuse-bouche, et chacun peut y puiser à volonté, prendre les uns et dédaigner les autres.

 

La croisière ne s’amuse pas, de Françoise Bourdin, met en scène un couple qui se délite. Juliette et François entreprennent un voyage en mer Baltique, mais ils ne conjuguent pas le même intérêt pour ce qui leur est proposé. François s’attarde un peu trop souvent au bar, la boisson étant comprise dans le prix du voyage, tandis que Juliette, au cours des étapes qui sont prévues, préfère visiter les musées. Le naufrage n’est pas loin, à moins qu’un gilet de secours leur soit tendu.

Avec Michel Bussi, nous faisons la connaissance de Dorothée, une impénitente bavarde. Le narrateur doit convoyer la nouvelle perle automobile dont la sortie est prévue en 2020 et dotée de nombreux gadgets issus du cerveau perpétuellement en ébullition des ingénieurs du Technocentre de Guyancourt. Un voyage qui de Valencienne à Cabourg s’avère particulièrement pénible pour le conducteur, Dorothée, la nouvelle chouchoute du directeur, n’arrêtant pas de bavasser, de décrire les lieux traversés et de rappeler les règles de sécurité à observer par le conducteur.

Le système Bussi, le retournement de situation, fonctionne toujours, même si le lecteur futé se doute de l’épilogue.

Un Bribri à 300 kilomètres/heure de Philippe Jaenada me ramène quelques années en arrière lorsque je fréquentais les salons et festivals consacrés à la littérature policière, voire à la littérature tout court. Et ce texte me semble un épisode vécu par l’auteur, alors qu’il rentre d’un salon qui s’est tenu en Bretagne. Le retour par le train du romancier aurait pu être tranquille et propice à la méditation, s’il n’y avait eu des voyeurs intempestifs et festifs.

A soixante ans, la narratrice de Le voyage de ma vie, à laquelle Alexandra Lapierre prête la plume, végète. Son mari est mort d’un cancer dix ans auparavant et elle se morfond. Sa vie est grise. Ce n’est pas une vie de chien. Justement on lui donne un border-terrier et cet animal lui change des habitudes bien ancrées dans la morosité. Un soir elle rencontre un septuagénaire qui lui aussi promène sa chienne. Les deux animaux font connaissance et reconnaissance, et les humains en profitent pour échanger. Tant et si bien que Jacques, le prénom de cet ami, obligé de se rendre aux Antipodes, demande à celle qui envisage de refaire sa vie, de le rejoindre. Seulement, dans l’avion, elle est assise à côté d’une femme, de son âge, qui lui rappelle quelqu’un et pas forcément de bons souvenirs. Ce pourrait être humoristique si ce n’était émouvant.

Des plats principaux roboratifs, mais on en redemande en tendant son assiette.

 

Enfin, en guise de dessert léger et salé-sucré, Qui veut la vie de Romain Puértolas ? de Romain Puértolas justement. Tout comme dans la nouvelle de Philippe Jaenada, cela sent le vécu. Une expérience qui n’est pas à renouveler, et qui montre que le respect vaut en toutes choses. Traité sur un mode humoristique, ironique et par la dérision, cette histoire est une morale en elle-même à découvrir sans aucun complexe. Une morale qui pourrait être déclinée ainsi : Allez-vous rhabiller !

 

Et voilà. C’est un peu court, je sais, vous auriez aimé que je développe un peu plus ou mieux certaines de ces nouvelles, mais vous ne resterez pas sur votre faim en les lisant vous-même.

Un heureux mariage des nourritures terrestres et des nourritures spirituelles !

 

 

Carte des plats :

BESSON Philippe : La fin de l'été

BOURDIN Françoise : La croisière ne s'amuse pas

BUSSI Michel : Dorothée

DIEUDONNE Adeline : Chelly

EPENOUX d' François : Voyage en novlangue

GIACOMETTI & RAVENNE : Le regard de Méduse

GIEBEL Karine : Les hommes du soir

JAENADA Philippe : Un BriBri à 300 kilomètres/heure

KHADRA Yasmina : Le beignet

LAPIERRE Alexandra : Le voyage de ma vie

MARTIN-LUGAND Agnès : Un voyage dans le temps

MATHIEU Nicolas : Une parfaite soirée

OVALDE Véronique : N'en déplaise aux modernes

PASCAL Camille : Le dernier voyage de l'impératrice

PUERTOLAS Romain : Qui veut la vie de Romain Puertolas ?

SLIMANI Leïla : Je t'emmène

Collectif : Treize à table ! 2020. Coédition Les Restaurants du cœur et éditions Pocket. N°17728. Parution le 7 novembre 2020. 336 pages. 5,00€.

ISBN : 978-2266305501

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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 04:35

Ce matin, un lapin…

Gaëtan BRIXTEL : Rabbit Run.

Un chien ? Trop gros et puis, il faut le sortir, quelque soit le temps.

Un chat ? Il prend trop de place aussi et il faut accepter qu’il griffe les fauteuils.

Et il faut s’en occuper de ces bestioles, être à leur disposition. C’est encombrant dans un studio, bruyant parfois.

Pourtant un animal, pour un jeune homme solitaire, à défaut de femme, c’est un gentil compagnon, qui ne parle pas trop.

Dans une animalerie, une gentille dame, c’est toujours gentil une vendeuse lorsqu’elle veut vous refourguer quelque chose, une gentille dame présente à notre narrateur un lapin. Pas n’importe lequel. Un lapin bélier au front têtu, aux oreilles tombantes, calme, docile, affectueux.

Si, si, un lapin peut se montrer affectueux. La preuve, lorsque le futur acquéreur le prend, Jeannot Lapin se niche dans ses bras.

Rectification : il ne va pas se prénommer Jeannot mais Gustave. C’est bien Gustave, cela sent le terroir, ça rime avec betterave…

 

Papa c’est pris d’affection pour Gustave qui est presque comme un gamin pour lui. Gustave possède sa cage, Papa lui a installé un parc tout autour pour que son lapin bélier puisse se promener, s’ébattre, comme s’il était en liberté. Parfois Adélie vient voir Papa, s’inquiète de sa santé. Lui il s’inquiète de Gustave, surveillant ses petites crottes noires, semblables à des olives desséchées.

Jusqu’au jour où…

 

Débutant dans la douceur, ce roman rose devient bientôt d’une noirceur torride.

Avec Gaëtan Brixtel, aucune nouvelle ne se ressemble, et pourtant il existe une continuité dans son œuvre. L’auteur nous plonge dans un quotidien, son quotidien, implacable. Peu de personnages dans ce conte animalier, mais une ambiance familiale qui peu à peu devient étouffante.

Il est simplement dommage que, obéissant à une mode non écrite que l’on retrouve dans les titres de films ou de romans, Gaëtan Brixtel ne nous offre pas un titre français mais emprunte à une manie de plus en plus prégnante d’intituler cette nouvelle, de l’affubler pourrais-je écrire, d’un titre anglo-saxon.

Je lui pardonne, car j’aime bien le style de Gaëtan Brixtel, son univers parfois décalé et pourtant situé dans un quotidien dans lequel chacun pourra se retrouver.

Mais il aurait pu donner comme titre : La course du lapin bélier à travers le studio… Un clin d’œil à Sébastien Japrisot.

 

Gaëtan BRIXTEL : Rabbit Run. Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions Ska. 20 pages. 1,99€.

ISBN : 9791023407969

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28 décembre 2019 6 28 /12 /décembre /2019 05:49

Une main de fer dans un gant de velours !

Philippe BOUIN : Au nom du père et du crime.

Cette locution n’a jamais été aussi vraie, aussi appropriée pour le commandant de police Charlotte Auduc, en poste à Limoges. Et il ne faudrait pas prendre cette quadragénaire pour une poupée de porcelaine.

Ancienne du RAID, ayant sauvé la vie de qui vous savez, elle a perdu la main gauche dans une opération, une tentative d’assassinat. Et lorsque l’on est gauchère, c’est un fait rédhibitoire, surtout lorsque l’on se défendait honorablement au piano.

Depuis cet incident fâcheux, elle est affublée d’une main myoélectrique, la Chose, cachée aux yeux des âmes sensibles par des gants. Ce qui ne l’empêche pas de mener ses enquêtes avec dextérité. Elle a été mutée, sur sa demande, à Limoges, alors qu’elle pouvait prétendre mieux. Elle vit seule avec Rap, son beauceron qui bave devant elle et frétille de la queue. Un chien tout dévoué et qui comprend tout, ou presque.

Ce matin-là, Charlotte se rend à G*, charmante petite cité limousine, justement en voiture, en compagnie de Chevillard, légiste patenté. Car il ne s’agit pas d’une promenade touristique qu’elle effectue, ni même un pèlerinage, même si elle s’arrête deux minutes au cimetière local, mais bien parce qu’un crime vient d’être découvert dans l’église du village. Deux en réalité, mais le second cadavre importe peu. Il s’agit d’une nonagénaire qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Ça arrive.

Donc le premier cadavre était un homme tout en étant curé, et par ses sermons dominicaux, il avait réussi l’exploit de remplir dimanche après dimanche, une église promise à la désertitude. Et ses paroissiens devenus fidèles se pressaient afin de l’entendre vitupérer envers mais pas contre tous. Il avait ciblé un notable de la cité et sans citer de nom, tous savaient qu’il s’agissait de Victor Juillet, le maire de la commune depuis des décennies.

Victor Juillet régit tout dans sa commune. Il possède des usines, des commerces, fait la pluie et le beau temps, et surtout il emploie ses concitoyens dans ses affaires. Alors quand on a du travail, sur place qui plus est, on ne regimbe pas. Ou presque. Donc le curé Piffaud, le maire ne pouvait pas le piffer. Mais ce n’est pas pour autant qu’il fallait s’abaisser à se débarrasser d’un Don Camillo local.

L’inconnu armé d’un couteau s’est amusé à se prendre pour le nouveau Jack l’Eventreur et a perpétré son forfait dans l’église. C’est l’organiste albinos qui a découvert les deux défunts et a prévenu la gendarmerie qui elle-même s’en est référée au préfet qui mandé à la Police Judiciaire de Limoges de diligenter un enquêteur discret. Et c’est comme ça que Charlotte Auduc a pour mission d’aider le capitaine Trajan et ses hommes dans une enquête délicate. Seulement Charlotte est chaussée de pataugas, et elle n’hésite pas à mettre les pieds dans la boue et le reste. Question discrétion assurée, on repassera. Mais au moins cela à l’avantage de faire bouger la fourmilière.

Car bientôt d’autres cadavres sont découverts. Des jeunots qui traficotaient dans les produits illicites. Et d’anciennes affaires remontent à la surface des souvenirs. Des disparitions enregistrées trente ans auparavant. Deux jeunes hommes dont plus personne n’a eu de nouvelles et une affaire classée un peu trop rapidement au goût de Charlotte. Une jeune fille aussi disparue sans laisser de traces. De même que les rapports de police qui ont été effacés. Et puis quelques mois auparavant ces disparitions, la mort accidentelle des parents de Charlotte. Lui médecin apprécié de sa patientèle, elle infirmière fort estimée. Charlotte n’avait que dix ans.

 

La présence de Charlotte à G* semble indisposer quelqu’un. Mais qui ? Car au début elle s’est bien gardée de dévoiler son appartenance familiale. Seule sa hiérarchie connait ses antécédents, ainsi que Yoyo, un braconnier qui vit essentiellement de rapines forestières. Et pour braconner, il faut savoir se mouvoir en silence, épier les environs, traquer les lièvres et les faisans, se méfier des malfaisants.

Les habitants de cette petite cité si tranquille bientôt se montrent sous un jour pas si aimable, bienveillant, naïf, calme, pudique, sans histoires, auquel on pourrait penser. Car sous le tapis de feuilles automnales, se cachent quelques pratiques qui n’ont rien d’honnêtes. Seuls quelques adolescents se déplaçant bruyamment à motos sont pointés du doigt. L’arbre pourri qui cache la forêt véreuse.

On retrouve dans ce roman l’humour parfois caustique de Philippe Bouin (il me manquait !) et son regard sans pitié sur une communauté bien sous tous rapports. Rapports que Charlotte ne manquera pas de mettre au jour parmi une population composée de personnages atypiques et pour certains attachants. Certains seulement.

Mais, personnellement, je déplore que Philippe Bouin se soit cru obligé d’emprunter des locutions anglo-saxonnes ou un vocabulaire de jeunes fâchés avec la langue française afin d’en truffer son texte. Cela me fait penser à un visage angélique parsemé de comédons disgracieux.

 

Les chiens c’est pareil que les Hommes, ils ne peuvent tout avoir, la liberté et le confort.

 

Avec toutes les lois qui tombent sur le dictionnaire, j’ai pris mes distances avec les mots. Je ne suis même pas sure que ministre ne soit pas une injure.

 

Philippe BOUIN : Au nom du père et du crime. Collection Moissons noires. Editions La Geste. Parution 10 septembre 2019. 400 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2490746071

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7 décembre 2019 6 07 /12 /décembre /2019 05:39

Oh Marie si tu savais Tout le mal que l'on me fait…

Jeanne DESAUBRY : Point de fuite.

Enceinte de sept mois ou sept mois et demi, Marie est effondrée. Elle n’a plus de nouvelles de René depuis deux jours. Pourtant, il lui avait téléphoné le 23 novembre 1980, se montrant comme à son habitude, s’inquiétant de la santé de son fils à venir. Car nul doute, pour lui, ce sera un fils.

Marie se morfond, tricotant de petits chaussons en laine jaune, la couleur du maillot des vainqueurs du tour de France. S’il n’est pas vainqueur, au moins René est l’un des équipiers de l’Artiste. Il est le régisseur de Coluche qui ose se présenter à la présidentielle, affrontant les ténors de la politique. Il a quand même sa voix à faire entendre même si certains se gaussent. Mais je m’éloigne du sujet. René.

Alors elle téléphone à Dany-la-hargneuse, la légitime, la mère de ses filles. Elle non plus n’a pas de nouvelles de René. Elle l’a vu le dimanche soir et depuis plus rien. Et de plus René ne lui avait pas dit que Marie était enceinte.

Elle n’obtient aucune réponse concrète auprès de Jim, qui gravite dans l’entourage de l’Artiste, mais rien. Ils ont même téléphoné aux hôpitaux, pas de René. Enfin la police se manifeste. Et les nouvelles ne sont guère réjouissantes. Pas réjouissantes du tout même. René a été retrouvé, mort, dans un terrain vague de la banlieue de Paris. Selon les premières constatations, son corps a été transporté après son assassinat.

Marie n’a qu’un recours. Sa mère qui n’hésite pas à la retrouver chez elle. Le père aussi, mais la mère, c’est comme une confidente à qui on ne cache rien, ou presque. Ce n’est pas comme les autres, Jim, Nino le chauffeur de vedette qui pour l’heure trimbale Thierry l’imitateur. La mort de René, elle, n’est pas une imitation.

Et le 26 novembre, un mercredi, elle se rend à la convocation du 36 Quai des Orfèvres. Elle est accompagnée de ses parents. Ils sont reçus par Marc Perrin, celui qui est venu chez elle. Elle le reconnait. Et puis elle aura affaire aussi avec Vallois, le Janséniste, et un peu plus tard avec Sargent. Qui ne rit pas malgré la chanson. Le rire du Sargent.

Le début d’une longue descente aux enfers pour Marie qui peut compter sur Maman, comme s’obstine à dire Perrin. Quant à elle, il l’appelle Marie, tout simplement. Comme s’il s’agissait de quelqu’un qu’il connait depuis longtemps. C’est vrai qu’elle est jeune, Marie. Un peu plus de vingt ans. Dix-huit ans d’écart avec René Gorlin. Son amant, le père de son futur enfant.

 

Marie est victime de rumeurs et d’insinuations malveillantes, de racontars, de dénis, d’omissions, tout autant de la part des petits valets de l’Artiste que de Dany la légitime. Sans oublier les journalistes, ces rapaces de l’information. Et même elle, la première qui oublie de raconter certains faits qu’elle juge de peu d’importance. Mais ce n’est que son jugement. Des faits divers, des faits d’hiver, alors que Noël approche et que Marie s’inquiète pour son gamin.

Et on suit tout au long du récit, un style télégraphique, haché, heurté, la plupart du temps, Marie dans ses déambulations, dans ses pensées, dans ses affres, ses meurtrissures.

Un récit adapté d’une histoire vraie, qui montre le désarroi d’une jeune parturiente primipare, avec ses personnages fictifs et réels.

Une affaire qui fit du bruit à l’époque, mais souvent chassée des chroniques et des mémoires, par l’aura de l’Artiste. Par sa volonté de se présenter à la Présidentielle, aux remous que cela a suscité et qui ont éclipsé tout ce qui gravitait autour. Une affaire qui conduira peut-être celui qui est mort quelques années plus tard d’un accident de moto à se retirer de la compétition. Car bien des zones d’ombres restent en suspens, alimentées là encore par de fausses révélations ou de justifications erronées. Et on pourrait croire que quelqu’un porte le bonnet dans cette affaire, comme l’aurait dit un certain Christian.

Un ouvrage poignant et émouvant qui trouve sa justification dans la dédicace placée en début de volume mais que je me garde bien de vous dévoiler, afin de garder le suspense.

Edition du Horsain : Version papier. Parution le 1er décembre 2019. 260 pages. 6,90€.

Edition du Horsain : Version papier. Parution le 1er décembre 2019. 260 pages. 6,90€.

Jeanne DESAUBRY : Point de fuite. Collection Noire Sœur. Editions Ska. Parution le 1er décembre 2019 Version numérique 199 pages. 4,99€.

Edition du Horsain : Version papier. Parution le 1er décembre 2019. 260 pages. 6,90€.

ISBN : 978-2369070665

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5 décembre 2019 4 05 /12 /décembre /2019 05:03

En voiture les voyageurs

le p’tit train part toujours à l'heure

Viviane JANOUIN-BENANTI : Le tueur du Paris-Mulhouse.

Le train, le réseau ferroviaire en général, a depuis sa création inspiré les meurtriers aux motivations différentes, mais toujours crapuleuses, et par voie de conséquence les romanciers. Il serait peut-être fastidieux ici de décliner tous les romans dont les trains servent de décor, je vous laisse le soin d’en établir une liste, peut-être pas exhaustive, mais sûrement intéressante.

En 1860, déjà des individus attaquaient des voyageurs afin de les dévaliser. C’est ainsi que le 12 septembre, le corps d’un homme laissé pour mort est retrouvé de nuit sur les rails sur la ligne Paris-Mulhouse entre Zillisheim et Illfurth. Au départ, les cheminots puis les appareils judiciaire et policier pensent que l’homme est tombé par inadvertance. Mais il s’avère rapidement qu’il s’agit d’un crime. Seulement l’inconnu semble atteint d’amnésie suite au coup qu’il a reçu sur la tête. Il ne possède pas de bagages, et ne répond pas aux questions qui lui sont posées. Le commissaire Elie Singer prend cette affaire en charge personnellement, n’hésite pas à se déplacer, d’aller au charbon malgré les escarbilles, et essaye de dénouer les fils de cette intrigue particulièrement ardue.

Peu à peu il perce l’identité de l’homme. Il s’agit d’un Russe, un scientifique qui devait effectuer une conférence à Paris. L’assassin, enfin celui qui aurait pu avoir un meurtre sur la conscience, a laissé quelques indices volontairement ou non. Par exemple un mouchoir parfumé à l’eau de rose.

Parallèlement, Charles Judd se joue de la police. Jeune homme intelligent et instruit, au visage poupin, il a déserté de l’armée alors qu’il était en poste en Algérie. Véritable Frégoli des trains, il s’accapare les identités de personnes rencontrées au hasard de ses voyages, se déguise en femme. Il est insaisissable, malgré les forces de l’ordre déployées à ses trousses, et les nargue en écrivant des lettres anonymes.

S’inspirant de faits réels, Viviane Janouin-Benanti nous livre la version romancée d’une affaire qui défraya la chronique judiciaire en 1860 et 1861. Viennent à l’appui de sa version quelques crédits photographiques dont la photo de Charles Judd, ainsi qu’une note du ministère de l’Intérieur servant d’avis de recherche. Un rythme enlevé, quelques stations permettant de se dégourdir les jambes, un épilogue quelque peu en voie de garage, tel est ce récit que nous fait partager la romancière qui explore avec bonheur les affaires criminelles des deux siècles derniers.

Première édition : Collection Crimes & Mystères. Editions L’Apart du Noir/Cheminements. 256 pages + cahier iconographique de 16 pages.

Première édition : Collection Crimes & Mystères. Editions L’Apart du Noir/Cheminements. 256 pages + cahier iconographique de 16 pages.

Viviane JANOUIN-BENANTI : Le tueur du Paris-Mulhouse. 3E Editions. 13 décembre 2017. 224 pages. 8,00€.

Version numérique : 3,99€.

ISBN : 979-1095826996

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1 décembre 2019 7 01 /12 /décembre /2019 05:18

Un hommage plus que mérité à celui qui incarne la littérature populaire dans son ensemble.

Le multiple Georges-J. ARNAUD. Revue ROCAMBOLE N°88/89.

Dernier, ou presque, représentant vivant de la longue lignée des romanciers populaires, Georges-Jean Arnaud est un monstre de la littérature populaire.

Monstre, qualificatif amical décerné à celui qui depuis 1952 avec son premier roman Ne tirez pas sur l’inspecteur en 1952 jusqu’à Les Indésirables en 2005, aura écumé tous les genres, policiers, espionnage, science-fiction, fantastique, érotique, historique, aventures, guerre, autobiographique, monstre certes Georges-Jean Arnaud l’est, mais par sa production imposante qui ne compte pas moins de 426 titres recensés.

Comme le démontre le sommaire décrit ci-dessous, Georges-Jean Arnaud est un romancier multiple, autant par son œuvre littéraire que par les nombreux pseudonymes imposés ou non par les éditeurs auxquels il présentait ses manuscrits.

Et le premier pseudonyme imposé, celui de Saint-Gilles, est pour lui comme une frustration. Tout ça à cause d’un autre romancier, du nom d’Henri Girard, a pris comme alias littéraire celui de Georges Arnaud, tout auréolé par le succès de son livre Le salaire de la peur et de son adaptation cinématographique par Henri-Georges Clouzot avec Yves Montand et Charles Vanel comme acteurs principaux.

Quelque soit le domaine exploré, Georges-Jean Arnaud s’est toujours montré respectueux envers son lectorat, multipliant les thèmes, et lorsqu’il utilise les mêmes approches, il sait se renouveler, au contraire de Serge Brussolo dont parfois le lecteur se demande s’il ne réécrit pas pour la ixième fois le même roman.

Il a abordé le roman policier sous un angle faussement simenonien, une influence revendiquée, mais dont il a su se détacher progressivement, privilégiant le roman policier d’aventures mais y incluant un côté psychologique dont la plupart de ses protagonistes sont les petites gens, les humbles, les cabossés de la vie, ceux qui n’ont pas d’histoire et à qui justement il en arrive, des histoires parfois sordides et intimistes, des plongées insistantes dans l’angoisse.

Mais sous les intrigues, qui ne sont pas innocentes, se cachent des paraboles pas toujours perçues. Ainsi Michel Vannereux, dans son analyse des romans de science-fiction écrits par Arnaud, et plus particulièrement la saga de La Compagnie des glaces puis le prolongement dans Chroniques glaciaires puis La compagnie des glaces nouvelle époque, met en lumière que la lutte contre les compagnies (ferroviaires) renvoie à l’actualité, que ce soit celle de 1980 ou celle de 2018, avec la lutte des simples citoyens contre la toute-puissance des multinationales.

Les rédacteurs des notules s’attachent aussi bien à l’homme, l’auteur, à ses débuts, ses relations avec les éditeurs, les différents genres abordés par l’exploration des genres et des séries, mais le summum de ce dossier réside dans la déclinaison de tous les romans publiés par éditeurs et par collections avec des notules de quelques lignes pour chacun des ouvrages avec l’indication de la date de parution, les numéros dans chaque collection et naturellement les divers pseudonymes sous lesquels romans sont parus et éventuellement les rééditions. Juste un petit oubli : La soif aux lèvres signé Georges Ramos dans la collection Parme des éditions de L’Arabesque, en 1959, a bien été réédité chez Eurédif dans la collection Quotidien fantastique en 1980 dans une version remaniée et écourtée mais sous le pseudonyme d’Ugo Solenza. Une broutille parmi toutes les sommes d’informations dont le lecteur saura tirer partie.

 

Sinon, dans la partie Varia, celle que je lis en premier en général, à signaler la présence d’un court conte de Marie Aycard, Un mariage en quinze minutes, qui est probablement la première fiction ferroviaire puisqu’il a été publié pour la première fois en 1839. Ce conte est accompagné d’un dossier dû à l’infatigable chercheur qu’est Jean-Luc Buard. Lequel a rédigé une thèse sur ce romancier et auteur dramatique :

A l'ombre du roman-feuilleton: Marie Aycard et la circulation internationale du feuilleton-nouvelle parisien et de la variété (autour de 1840) : Un acteur oublié de la communication de masse dans la sphère médiatique de son temps, sous la direction de Jean-Pierre Bacot, Villetaneuse, Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité, décembre 2015, 3 volumes.

Jean-Luc Buard réédite également des ouvrages d’André Laurie, dont certains n’ont jamais été publiés en volume, redécouvert un auteur de science-fiction Marius Monnier, créant l’ADPF (Archives et documents presse et feuilleton), un micro-éditeur micro-diffusé qui se consacre uniquement à l’édition ou réédition de contes et feuilletons parus dans la presse et les magazines, de préférence inédits en volume.

Une trentaine de titres ont été produits en deux ans et demi (liste sur demande), à raison d’environ un titre par mois.

Pour tous renseignements, vous pouvez lui envoyer un petit message à l’adresse suivante :

jlbuard@laposte.net

 

Sommaire de la revue :

Editorial
Vie de l’association

Dossier : Le multiple Georges-J. Arnaud
— Le multiple Georges-J. Arnaud, par Alfu
— Aliénations. Le versant criminel de l’œuvre de G.-J. Arnaud, par Robert Bonaccorsi
— Le contre-espionnage de Georges-J. Arnaud, par Alfu
— Glissements progressifs de l’angoisse, par R. Bonaccorsi
— Chroniques de la Grande Séparation, par Didier Reboussin
— La Compagnie des glaces, par Michel Vannereux
— Un monde sans fin ?, par Noé Gaillard
— Frère Roquebère, par Paul Maugendre
— Bas les masques ?, par Robert Bonaccorsi
— Georges-J. Arnaud, homme de terroir, par Noé Gaillard
— Les voluptueux dialogues de Georges, Frédéric, Gino… et les autres, par Robert Bonaccorsi
— Le fourbe Pascal, par Jean-Michel Sévin
— D’une translation l’autre, par Robert Bonaccorsi
— G.-J. Arnaud passe aux aveux. A travers trois entretiens
— G.-J. Arnaud en couvertures, par Alfu
— G.-J. Arnaud en BD, par Noé Gaillard
— A plus d’un titre : Georges J. Arnaud, par Alfu
— Bibliographie commentée, par Alfu, Robert Bonaccorsi & Noé Gaillard

Varia
— Les romans spirites : le paranormal en littérature (2e partie), par Christophe Marécaille
— Variétés numériques et populaires (n° 2). Quelques précisions sur les débuts de Léon Groc : Quel entretien avec Bertillon ?, par Jean-Luc Buard

Chroniques
— Le front populaire
— Le coin des pseudonymes et autres recherches biographiques (6e épisode), par Patrick Ramseyer
— La revue des autographes, par Jean-Pierre Galvan
— Jean Faber, une énigme résolue, par Patrick Ramseyer
— Les Contes du Rocambole :
La première fiction ferroviaire ? Un mariage en quinze minutes par Marie Aycard

 

Cette revue, dont le prix pourrait rebuter certains, est un numéro double donc 15€ théoriquement le numéro mais il est possible de s’abonner aux deux numéros doubles de 2019 (le précédent étant consacré à Pinchon, Bécassine et Cie en adhérant à l’Association des Amis du roman populaire pour 50,00€. En 2020, le montant de l’adhésion est de 55,00€ et vous recevrez les prochains numéros du Rocambole gratuitement.

Il est toutefois utile de préciser que, contrairement à bien des revues que l’on trouve en kiosque, Le Rocambole n’est pas pollué par la publicité, ce qui de nos jours est une denrée rare !

 

Bonne lecture !

Le multiple Georges-J. ARNAUD. Revue ROCAMBOLE N°88/89. Automne-Hiver 2019. Editions AARP. Ouvrage dirigé par Alfu & Robert Bonaccorsi. Un volume broché, 14 × 20 cm. 352 pages. 30,00€.

ISBN : 978-2-912349-74-3

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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