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28 octobre 2017 6 28 /10 /octobre /2017 13:12

Vingt ans, le bel âge paraît-il. Et pas question

d’arrêter en cours de route.

Revue Rocambole N°80 : La vérité sur le « Rocambole ».

Ce numéro 80, qui salue les vingt ans d’existence de la revue Le Rocambole, est l’opportunité rêvée de la part des rédacteurs pour faire le point sur le travail accompli et sur ce qu’il reste à défricher.

C’est-à-dire tout ou presque, car la littérature populaire est si riche, depuis sa naissance que l’on ne peut dater exactement, tant les auteurs et leurs ouvrages peuvent aussi bien être considérés du domaine populaire que du classique, que l’on sait que l’on n’en verra jamais le bout, et c’est un peu cette somme de travail qui motive les troupes rédactionnelles.

Combien de découvertes et de redécouvertes au cours de ces quatre-vingts numéros, de territoires explorés, de mises au point, d’hommages, d’envies et de passion.

Daniel Compère dans son Tour du Rocambole en 80 numéros en précise la naissance, détaille les différentes approches effectuées tout au long de ces vingt années d’existence, que ce soit dans les dossiers consacrés à un auteur, une tendance, une analyse approfondie des médias, les journaux du XIXe et début XXe siècle, les éditeurs aujourd’hui disparus qui ont contribués à mette en valeur des romanciers devenus célèbres, les thèmes romanesques ou théâtraux, le contexte dans lesquels ces romans ont été rédigés, les illustrateurs qui souvent ont joué un rôle très important pour ne pas dire primordial dans le succès de certains ouvrages, ou que ce soit dans ce que l’on pourrait appeler les annexes : les Révélations du Rocambole qui ont permis de peaufiner quelques pseudonymes, d’en dévoiler d’autres, d’en confirmer ou infirmer certains. La Malle aux docs, Le Front populaire qui est un recensement des différents événements, parutions externes, de rééditions parfois confidentielles, les Varias, la Revue des autographes, et surtout, pour moi, la présentation d’auteurs méconnus et la publication de quelques-unes de leurs nouvelles publiées dans des journaux d’époque et qui n’ont jamais été rééditées ou publiées en recueils.

Et dans cette livraison, Jean-Luc Buard nous entretient d’André Birabeau qui signa également Beauby, et nous propose trois courtes nouvelles qui relèvent bien du genre populaire, avec des fins à chute. Le tout en une narration vivante, dénuée de vulgarité ou de violence, toute en finesse, et humoristiques, voire sarcastique et ironique. La première, La Profession imprévue, met en scène un pauvre hère, un mendiant parisien, qui cherche à se suicider en se jetant d’un pont tout en essayant d’attirer l’attention d’un passant. Cette historiette m’a fait penser à Boudu sauvé des eaux, pièce de théâtre à l’origine de René Fauchois avant d’être adaptée en 1932 par Jean Renoir pour le cinéma. A la différence près que la pièce de théâtre n’a été écrite qu’en 1919 tandis que la nouvelle d’André Birabeau fut publiée en 1916. Suivent De l’assassinat considéré comme une entreprise commerciale et Souvenir.

C’est par hasard que Jean-Luc Buard a découvert cet auteur et ces textes, comme bien souvent, en épluchant les journaux, Le Rire, le Journal, Le Matin, Fantasio, et bien d’autres, pour des recherches qu’il effectuait concernant Marie Aycard et Maurice Level. Mais la découverte d’un texte, d’un auteur, fournissent au chercheur passionné des pistes nouvelles, et c’est ce travail de dépouillement que Jean-Luc Buard nous narre, via des microfilms, des publications de la BnF et de Gallica et d’autres supports. Un travail de longue haleine, qui dure depuis près de trente ans et qu’il nous livre avec rigueur. Un article intitulé La littérature invisible et les aupopos, ce qui décrypté signifie que très souvent, les auteurs, et leurs textes, qui fournissaient des contes et nouvelles, voire des romans pour les journaux, n’ont pas l’heur d’être publiés en livres, ce qui fait qu’ils restent invisibles pour la plupart des lecteurs sauf lorsque d’heureuses initiatives, comme celle du Rocambole mais également d’autres éditeurs tel La Clé d’Argent, les exhument des limbes dans lesquels ils sont restés confinés durant des décennies. Quant aux Aupopos, il s’agit tout simplement des Auteurs Populaires Potentiels, un clin d’œil à l’Oulipo et son petit frère l’Oulipopo.

Je pourrais signaler également l’article d’Alfu et Francine Delauney, les publications romanesques dans la presse samarienne, c’est-à-dire du département de la Somme. Vingt trois journaux ont été consultés, ce qui prouve la vitalité de la presse de province d’avant-guerre mais qui ont connu des fortunes diverses, un millier d’auteurs encore célèbres ou totalement méconnus de nos jours. Et il est intéressant de remarquer, d’après le tableau qui figure dans l’article que tous ces romanciers ou nouvellistes ne furent pas logés à la même enseigne. Un constat édifiant. Par exemple, en tête de liste Jules Mary figure pour 54 titres dans 10 journaux, suivi de Max du Veuzit pour 34 titres dans 7 journaux, mais que Jules Verne, pourtant marié avec une Amiénoise et s’installant dans ce département en 1872, n’aura que 12 titres publiés dans 2 journaux.

Un article riche d’enseignement à divers… titres.

Bien d’autres articles complètent cette revue mais il faut garder une part de mystère, comme les bons vieux romans-feuilletons.

J’aimerai juste signaler une dernière petite chose. 18,00 € pour 176 pages, d’accord, mais la police de caractère est très petite, un peu comme ça : Après vingt années de publication de Rocambole… Ce qui pour une police de caractère plus conséquente doit avoisiner au moins les 250 pages. Une estimation à vérifier.

A signaler également que l’adhésion simple est de 49,00€ pour 4 numéros par an, dont un numéro double, ce qui fait 3 revues en réalité mais le numéro double, comme son nom l’indique comporte le double de pages, donc pas d’arnaque.

Et vous pouvez adhérer, ce qui est fortement conseillé, en vous rendant sur le lien ci-dessous :

 

Quelques chroniques sur le Rocambole afin de vous démontrer la diversité des thèmes abordés et traités :

Revue Rocambole N°80 : La vérité sur le « Rocambole ». Ouvrage dirigé par Alfu & Daniel Compère. Un volume broché, 14 × 20 cm. Parution octobre 2017. 176 pages. 18.00 €.

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27 octobre 2017 5 27 /10 /octobre /2017 08:18

C'est la femme aux bijoux,

Celle qui rend fou

C'est une enjôleuse

Tous ceux qui l'ont aimé

Ont souffert, ont pleuré…

Alain BLONDELON : Le collier des Corrilimbes.

Atteint par la limite d’âge, l’ex-sergent Jalnius a dû quitter les FIG, Forces d’Interventions Galactiques, et depuis il s’ennuie. Et comme sa pension n’est pas mirobolante, au trentième siècle rien n’a changé dans ce domaine, il végète. Aussi, lorsque son pote Loukian, qui est parti un peu avant lui avec le grade de caporal, lui demande de le rejoindre sur Gormania, il n’hésite nullement, malgré un long voyage de deux semaines dans une navette dont l’équipement laisse à désirer.

A bord du Dexo VI, un antique vaisseau de transport civil, Jalnius profite de son temps libre pour approfondir ses connaissances sur Gormania, et les légendes qui entourent cette planète et plus particulièrement celle de la prêtresse Alba et de La légende des Corrilimbes. Une malédiction s’attache à celle qui régna en despote sur les Corrilimbes durant deux décennies et un collier, composé de perles toriques, serait un vecteur de désastre.

Délaissant son ouvrage, Jalnius étudie ses compagnons de voyage, notamment Spike et Ghislain, deux explos qui pensent qu’en éclusant et en se saoulant copieusement, le temps passera plus vite. Et surtout il s’intéresse à Sherrilyne, une ancienne danseuse reconvertie en directrice d’un spectacle érotique. Elle va diriger un cabaret à Siphré, la ville principale de Gormania. L’aura de Sherrilyne, et ses longues jambes ainsi que sa sveltesse, ne laissent pas Jalnius indifférent, et comme sans aucun doute, Jalnius possède un charme indéfinissable, tous deux se retrouvent dans le même lit, à la conquête d’un septième ciel qui leur permet de rejoindre leur destination dans un passe-temps agréable.

Enfin ils atterrissent sur Gormania et Jalnius est accueilli par Loukian. L’ex-caporal a opté pour la recherche et l’extraction de Billium, et il a un projet qu’il détaille à son ami. Il a acheté pour une poignée de Crédits une concession sur une île. Mais apparemment il est moins bien renseigné que Jalnius car ce morceau de terre n’est autre que les Corrilimbes.

Les vols en basse altitude étant interdits à cause de la pollution, il ne leur reste plus qu’à rallier ce rocher qui tombe à pic dans la mer à bord d’un navire. Loukian connait un armateur qui pourrait mettre à leur disposition un bateau avec son équipage, mais cela ne va pas sans contrepartie. Il leur faut ramener des pierres précieuses qui ne se trouvent que sur l’île afin de reconstituer le fameux collier.

Jalnius, Loukian, les deux ivrognes, un Gormanien et Sherryline embarquent donc, destination Corrilimbes et ses pierres. Jalnius a étudié le Tismal, un livre d’archéologie très ancien, unique exemplaire prêté par l’armateur, et il se pose des questions. D’autant que leur départ a été retardé pour des problèmes entre Loukian et la justice. Bref, ce voyage débute sous de mauvais auspices, car ce retard va être préjudiciable météorologiquement.

Et entendu, les voyageurs vont subir la brume, la tempête ainsi que les assauts des brocchias, d’énormes sangsues qui escaladent les flancs du navire et étouffent les marins qui se défendent comme ils peuvent. Jalnius et ses compagnons, aidés par Sherryline qui n’a pas ses mains dans ses poches, parviennent à s’en dépêtrer, non sans mal. Puis il va falloir aborder la côte abrupte, les plages du débarquement ne sont pas prévues au programme, en chaloupe. Et lorsque Jalnius, assommé, sort de son évanouissement couché sur un rocher, c’est pour se rendre compte que les dégâts sont nombreux. Sherryline en a réchappé, Loukian est tourneboulé des neurones, et d’autres mésaventures les attendent au coin du bois.

Ils vont devoir affronter des reptiles volants, des insectes monstrueux, des plantes carnivores qui lancent des dards, faire connaissance avec les Corrilimbiens, des hommes-lézards, sans compter les blessures et autres avanies corporelles et psychiques.

 

Si au départ on pense se trouver dans un roman d’anticipation, l’histoire se déroule quand même au trentième siècle et plus, bientôt on est plongé dans un véritable roman d’aventures, mâtiné d’amour, ça c’est pour le côté tendresse, avec monstres à l’appui, éléments déchaînés, sans oublier le côté quelque peu sauvage des indigènes. A oui, c’est vrai, on ne dit plus indigène, on dit autochtone. C’est pareil, mais en plus politiquement correct.

En lisant ce roman, j’ai eu l’impression de ressentir les affres de ces aventuriers, comme si je participais moi-même à une forme de Koh-Lanta, grandeur nature dans une nature, justement, hostile.

J’ai pensé à tous ces petits maîtres et ces grands romanciers du roman d’aventures, René-Marcel de Nizerolles, Maurice Limat, Max-André Dazergues, sous leur nom ou sous pseudonymes, avec un soupçon de Jean Ray, une pincée de Jules Verne, une bonne dose de Rider Haggard, une larme de Rosny Aîné, bref tous ces écrivains qui concoctaient des histoires peut-être invraisemblables mais qui font passer le temps agréablement, surtout lorsqu’on est tranquillement installé dans son fauteuil.

Et cela nous change du roman noir qui est à la littérature populaire ce que le glyphosate est à l’agriculture. Un peu, ça va, beaucoup, bonjour les dégâts. Il faut savoir varier les plaisirs sans s’avarier les neurones. Enfin, je parle pour moi, évidemment.

 

Alain BLONDELON : Le collier des Corrilimbes. Collection Blanche N°2140. Editions Rivière Blanche. Parution avril 2016. 196 pages. 20,00€.

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24 octobre 2017 2 24 /10 /octobre /2017 10:55

Une couverture plus sage que celle de Michel Gourdon lors de la précédente édition dans la collection Spécial Police du Fleuve Noir.

André LAY : Les enlisés.

La première d’un film est toujours un événement et les soirées qui suivent, autour d’un pot alcoolisé, permettent aux participants d’échanger leurs impressions, souvent dithyrambiques, se traduisant par des compliments qui servent et resservent à satiété à chaque sortie. Les petites phrases assassines sont réservées pour le lendemain dans les journaux, écrites par de prétendus spécialistes qui n’ont pas la même optique que les spectateurs.

Le dernier film en date de Pierre Chauset ne déroge pas à l’habitude et Claude Combel, le scénariste-dialoguiste, Maud, sa femme, et les deux principales vedettes, Marina Grey et Alain Priss, sont présentes également. Mais la fin du film étonne quelques personnes, et Maud parait soucieuse. Il est vrai que le scénario avait été écrit en quelques jours, d’après un paquet de lettres traînant dans les tiroirs de Claude Combel, une vieille histoire d’amour d’avant sa liaison avec Maud.

En rentrant chez eux, Maud et Claude, chacun de leur côté, ruminent. Surtout Maud apparemment qui se met à pleurer. D’après Claude, Maud pense qu’il la trompe, mais il n’a aucun reproche à se faire. Une interprétation erronée du scénario dont elle se serait fait des idées malvenues. Mais non, ce n’est pas ça, et Claude devine que ce qu’elle pourrait lui reprocher, pourrait tout aussi bien s’appliquer à elle. La soirée se termine dans les draps qui s’en souviennent encore.

Et Claude commence à se poser des questions. Si c’était Maud qui le cocufiait ? Il est vrai que si elle a débuté dans les milieux du cinéma, comme technicienne, et c’est ainsi qu’ils se sont connus, depuis elle ne travaille plus. Et elle passe ses temps libres à pratiquer du sport et principalement du tennis. Notamment avec Richard, un de ses amis, du temps de l’adolescence, qui a quatre ans plus que Maud. Tandis que lui, Claude, en a dix de plus que ce riche propriétaire de magasins de sports. Bref, ce Richard a tout pour lui, et surtout tout pour plaire à Maud.

Que faire dans ce cas ? Vérifier si les soupçons de Claude se confirment. En effet, au lieu d’embaucher un détective privé, il épie sa femme et se rend compte qu’après la partie de tennis, Maud semble s’adonner à une partie de jambes en l’air dans l’appartement de Richard. Mais au lieu de se débarrasser de ce concurrent en employant la solution radicale, il préfère reconquérir Maud en la couvrant de ses petits soins, en la couvrant d’attentions, comme le font les amoureux transis. Car il est toujours amoureux de Maud.

La solution pour que Maud lui soit reconnaissante, il la doit à Marina Grey lors d’une nouvelle séance de présentation du film. Des aménagements ont été réalisés en effet, coupures de certaines scènes, dialogues plus incisifs, ce qui d’ailleurs n’est pas forcément au goût des acteurs.

Au cours de cette soirée, il s’aperçoit que Marina, la vedette féminine, a maigri et comme il lui en fait la remarque, elle lui avoue innocemment qu’elle est allée voir un toubib qui lui a conseillé quelques médicaments susceptibles de diminuer l’appétit et de fondre les graisses.

C’est ainsi que Claude Combel met en pratique sa petite vengeance en mélangeant dans les boissons et les repas de Maud des produits pharmaceutiques, en cachette évidemment de Maud et de Mathilde, la vieille servante qui est au service de Maud depuis des années. Mais cela ne va pas sans préjudices sur la santé de Maud.

Une inquiétude partagée par le médecin de famille qui aimerait comprendre d’où proviennent cet alanguissement de sa patiente, ses vomissements et son amaigrissement.

 

Sur un thème cher à Jean-Pierre Ferrière, le monde du cinéma, Les enlisés nous propose un drame intime qui se déroule dans un coin de banlieue que connait bien l’auteur, puisqu’il y a habité. La région de La Varenne-Saint-Hilaire, Chennevières-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés, Champigny-sur-Marne. Localités où il exerçait son métier de boucher sur les marchés de ces différentes communes.

Roman intimiste, renforcé par la narration à la première personne, le Je obligeant à ne percevoir qu’une seule posture, Les enlisés oscille entre suspense et angoisse, avec une grosse dose de psychologie. Les Enlisés est plus un roman d’amour qu’un roman policier, malgré la présence justement des représentants des forces de l’ordre, car évidemment cette relation tourne mal.

C’est tout en finesse qu’André Lay nous narre cette histoire dont le final est logique et en même temps dénote une certaine rouerie de la part de l’auteur.

Première édition Collection Spécial Police N°1041. Editions Fleuve Noir. Parution 2e trimestre 1973

Première édition Collection Spécial Police N°1041. Editions Fleuve Noir. Parution 2e trimestre 1973

Et comme trois avis valent mieux qu’un, je vous propose de lire ceux de Pierre dans Black Novel1 et de Claude sur Action-Suspense.

André LAY : Les enlisés. Editions French Pulp. Parution septembre 2017. 224 pages. 9,50€.

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23 octobre 2017 1 23 /10 /octobre /2017 08:04

Attention, un écrivain peut en cacher un autre, ou comment, grâce au double de Cicéron Angledroit, vous passerez de O,O à o!o…

Isidore LELONZ : Casting.

Entrons tout de suite dans le vif du sujet avec Casting :

Les petites annonces dans les journaux gratuits ne manquent pas de piquant, parfois. Ainsi Jérôme lit qu’une production cinématographique internationale recherche un comédien ayant une ressemblance physique avec Willy Ruiz, l’idole des femmes du moment. Pour Sonia, sa petite amie qui d’ailleurs lui a montré le journal, il ne fait aucun doute que cet emploi lui est réservé. D’ailleurs ne l’a-t-on pas surnommé Willy tellement il est son sosie ?

Malgré quelques arguties, notamment qu’il n’est pas cascadeur, et avec les encouragements de Sonia, Jérôme se présente donc dès potron-minet à l’endroit désigné, Ris-Orangis en la circonstance. Il est accueilli dans un pavillon de banlieue par un homme qui lui demande de remplir un formulaire et l’emmène dans une salle d’attente où sont déjà agglomérés un bon nombre de prétendants.

Au suivant, comme chantait Jacques Brel, une litanie répétée moult fois et injonctive jusqu’à ce que ce soit lui le suivant.

Le portier semble être l’homme à tout faire puisque c’est lui qui indique à Jérôme qu’il pourrait convenir et il commence à lui déblatérer son laïus.

La vedette n’a pas voulu se déplacer des Etats-Unis pour l’unique scène qui se déroule en région parisienne, de plus cette séquence, il ne tenait pas trop à la tourner. Et comme la vedette féminine pressentie a, elle aussi, refusé de participer à ce petit bout de film, ce sont donc deux figurants sosies qui vont s’y coller.

Dernière petite précision, la vedette féminine, Angéla Layderon, est plus proche de Pauline Carton (ce n’est pas moi qui le précise) que d’une starlette en herbe ou d’une star en l’air bête, avec un petit côté Emmanuelle. Et la scène est quand même, le portier recruteur l’avoue, assez spéciale, pour ne pas dire torride.

Veuillez m’excuser mais pour la suite, je vous conseille de lire vous-même ce morceau d’anthologie ou Dante au logis, c’est comme vous voulez. Et n’oubliez pas : Souriez, vous êtes filmé

 

Cette nouvelle est suivie par Génuflexion, qui comme son titre l’indique est un problème de genoux mais ne signifie pas Jeune et flexion, quoique. Une brave dame qui n’est encore octogénaire mais presque a rendez-vous chez son toubib. C’est un remplaçant mais elle s’en arrange. Pour ce qu’elle a, un problème d’articulation des rotules, elle a surtout besoin de conseils.

Ce que ne manque pas de lui prodiguer ce descendant d’Esculape, lui conseillant de faire du sport. Or Marie-Paule, c’est le petit nom de la patiente, qui l’est, marche quotidiennement au moins huit kilomètres. Il va lui falloir trouver une autre occupation, ou alors changer ses habitudes. Tout est dans la fin, un petit joyau d’humour.

 

Bon, d’accord, je l’avoue volontiers, la première de ces deux nouvelles n’est pas à mettre entre toutes les mains, ou alors prévoyez un essuie-tout papier, mais si cela peut sembler scabreux, c’est si joliment et humoristiquement décrit que l’on ne peut que s’esbaudir. Et s’il fallait une moralité, ce serait : Faut bien que vieillesse se passe… Et bien oui, pourquoi toujours les jeunes ?

Pour commander cette bluette doublée, n’hésitez pas à glisser le pointeur de votre souris sur le lien ci-dessous.

Isidore LELONZ : Casting. Suivi de Génuflexion. 2 Nouvelles. Collection Culissime. Editions Ska. Parution octobre 2017. 23 pages. 2,99€. Version numérique.

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21 octobre 2017 6 21 /10 /octobre /2017 08:05

Les coups, lorsqu’ils vous arrivent,

Les coups, oui ça fait mal…

Max OBIONE : Amin’s blues.

Pour qu’il y ait des gagnants, il faut des perdants ! Une affirmation indubitable que certains tentent de retourner en leur faveur, bien décidés à changer le cours de leur vie.

Ainsi Amin Lodge, boxeur de foire, surnommé le Courtaud, à cause de son corps en barrique et de ses jambes courtes et grêles. Seulement, ce soir-là, dans une petite salle de province du Mississipi ou d’un endroit équivalent, Amin le Noir, un nègre disent-ils là-bas, défie un Chicano. Il doit se coucher au troisième round, ce que lui rappellent son entraîneur et son soigneur. Pour les parieurs, c’est tout vu, les gains seront minimes, mais au moins ils n’auront pas misé pour rien et pourront se payer une dose d’alcool supplémentaire.

Mais Amin en a marre de se faire tabasser dessus, et malgré ses ecchymoses sur la figure et au foie, il parvient à mettre au tapis son adversaire, qui n’arrive pas à se relever. Qui ne se relèvera pas d’ailleurs. Alors Amin s’enfuit dans les marais, avec Lorna, la compagne attitrée du manager, sans oublier le véhicule et quelques billets en prime, sachant qu’il pourra se cacher dans une bicoque.

Nad Burnsteen, journaliste au Blues Monthly Stars de Chicago, est présente dans la cité, afin d’effectuer un reportage sur Lonnie Treasure, un bluesman de renommée mondiale, qui, à l’âge de quatre-vingt cinq ans et plus, a décidé de raccrocher sa guitare et donne ses derniers concerts au Weeny’s Top, le bar de ses débuts. Des dernières prestations qui sentent la nostalgie mais malgré son âge, l’homme est toujours aussi vaillant, comme guitariste et comme chanteur.

Nad Burnsteen annonce à son rédacteur en chef qu’elle est sur un scoop et va rester quelques jours supplémentaires dans la petite cité. Elle va enquêter sur Amin, interrogeant ses proches, et peu à peu elle reconstitue un parcours pugilistique et musical, mais le boxeur en délire attribue ses malheurs au chanteur de blues. Une façon comme une autre d’imputer ses adversités à une tierce personne. La possibilité aussi de faire un peu de ménage auprès de personnes peu recommandables.

 

Avec une langue âpre, rude, assénée comme des coups de poings dans un sac de riz, Max Obione nous entraîne dans une petite ville du sud profond des Etats-Unis, dans un univers de Petits Blancs intégristes qui se réfugient dans des sectes ou des organisations suprématistes blanches, comme celle décrite dans le roman, la JOG c’est-à-dire Justice of God, se réclamant d’une pseudo-religion qui affirme Aimez-vous les uns les autres. Des associations qui n’hésitent pas à pratiquer le racisme, la ségrégation. Les Noirs sont rabaissés, considérés comme juste bons à amuser la galerie. Et puis il y a de petits commerçants et des prostituées, de l’alcool et de la drogue. Elle est pas belle la vie ?

On pourrait évoquer à propos de cette histoire, du style, de l’ambiance, de cette hargne qui secoue les tripes, les noms de Jim Thompson, de John Steinbeck, d’Erskine Caldwell, d’Ernest Hemingway, de Barry Gifford, d’Ernest J. Gaines, de Donald Goines - pour son côté violent lié à l’héroïne et non pour son côté urbain - mais Max Obione fait du Max Obione et il le fait bien.

Ce titre paru il y a déjà onze ans, je l’ai relu avec un plaisir non dissimulé, mieux, je l’ai encore plus apprécié car au-delà de l’intrigue, je me suis davantage attaché aux personnages. Et en amoureux du blues, cet hommage non déguisé à Robert Johnson, guitariste mythique dont Peter Guralnick a retracé la vie dans une version romancée (A la recherche de Robert Johnson), m’a fait penser à d’autres bluesmen mythiques dont Buddy Guy, Muddy Waters, John Lee Hooker, Blind Lemon Jefferson, Mississipi Fred McDowell, Howlin’ Wolf, John Lee « Sonny boy » Williamson, Lightnin’ Hopkins… Liste non exhaustive bien entendu et que vous pouvez compléter selon vos goûts.

Un roman à découvrir ou redécouvrir !

Première édition : Editions Krakoen. Parution février 2006.

Première édition : Editions Krakoen. Parution février 2006.

Version numérique Collection Noire sœur. SKA éditions. 3,99€.

Version numérique Collection Noire sœur. SKA éditions. 3,99€.

Max OBIONE : Amin’ blues. Editions du Horsain. Parution 1er septembre 2017. 192 pages. 9,00€.

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20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 07:38

Mais j’espère bien vivre en d’autres…

Fabrice PAPILLON : Le dernier Hyver.

Dans une célèbre boutique de luxe parisienne qui possède pour enseigne le messager des dieux, donneur de la chance, inventeur des poids et des mesures, dieux des voyageurs, des commerçants, des voleurs, des orateurs et des prostituées, c’est-à-dire Hermès, un cadavre vient d’être découvert. Et ce n’est pas tant parce que le corps a été découpé et les morceaux entreposés les uns sur les autres que parce qu’il est calciné que ce cadavre indispose.

Le commandant Marc Brunier, du 36 Quai des Orfèvres, est dépêché sur place avec quelques membres de sa brigade, dont Thomas qui sert de maître de stage à Marie, vingt ans, étudiante prometteuse en biologie moléculaire, qui rêve d’intégrer la police scientifique. Le seul problème qui la perturbe, ce sont ses céphalées incessantes ou presque et ses boyaux qui se contractent de temps à autre comme si des mains intérieures les entortillaient.

Lors de l’autopsie du cadavre, ou de ce qu’il en reste, le légiste et ses assistants se rendent compte qu’il manque des morceaux. Mais le plus énervant pour Brunier c’est de savoir comment le calciné s’est retrouvé dans la boutique, car aucune marque de début de feu ou de crémation n’est visible. Pour les enquêteurs, le cadavre a été déplacé.

Non loin, sur la place Michel Debré, s’élève la célèbre statue du Centaure, réalisée par César, le spécialiste de la compression. Toutefois, et il n’y avait qu’une femme pour le remarquer (non, ce n’est pas du sexisme, juste une constatation sur les capacités féminines à voir ce que les hommes ignorent), l’animal a perdu les choses de la vie. Sa fierté de reproducteur lui a été ôtée. Et sous l’animal, coincé dans une petite grille, un morceau de charbon de bois. Rectification, il ne s’agit pas d’un résidu prétendument cancérigène, mais d’un fragment d’os calciné. En effectuant quelques recherches dans des archives, il s’avère que sous cette grille, un escalier conduit à la station de métro fantôme Croix-Rouge, fermée depuis le 2 septembre 1939.

Fabrice PAPILLON : Le dernier Hyver.

Grâce à un historien du métropolitain, qui leur prodigue moult renseignements, Brunier et consorts s’infiltrent dans ce vestige qui, à leur grand étonnement, est couvert de graffiti. Brunier manque même de se faire écraser lors du passage d’une rame. Ce n’est qu’un épisode dans cette histoire mouvementée, dans laquelle Marie apprendra que sa mère n’est pas du tout celle qu’elle croit, et va côtoyer professionnellement, ou non, des personnes qui sont liées à sa génitrice. Mais elle va se rendre compte, au grand dam de Brunier, qu’elle est liée à des meurtres, car oui évidemment un seul cadavre chez Hermès ne suffit pas, qui sont le prolongement de ce qui s’est déroulé plus mille six cents ans en arrière.

 

Fabrice PAPILLON : Le dernier Hyver.

Abandonnons donc quelque peu nos enquêteurs dans la continuation de leurs recherches, et puisque l’on a évoqué le métro, suivons une histoire en parallèle qui se décline comme une ligne de métro, avec stations de croix à l’appui.

En tête de ligne, c’est-à-dire en l’an 415 après J.C., nous assistons à la mise à mort d’Hypatie, célèbre philosophe, mathématicienne et astronome, en conflit avec l’évêque Cyrille. Elle est brûlée vive, le feu étant alimenté par des rouleaux de papyrus provenant de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie. Elle meurt en emportant son secret. Quelques semaines plus tard, Synésios, un de ses plus brillants disciples, revient en catastrophe de Ptolémaïs, ou il a été nommé évêque, s’infiltre dans une des salles obscures de la bibliothèque et récupère un codex.

Mille ans plus tard, en décembre 1415, Poggio Bracciolini, philosophe, érudit, écrivain, puis homme politique, chancelier de la République de Florence, arrive à l’abbaye de Cluny, fuyant Constance, ville du Saint Empire romain germanique, son maître le Pape Jean XXIII ayant été déchu par les cardinaux et jugé comme antipape. Poggio s’intéresse de près aux parchemins et à un nouveau support, le papier, ainsi qu’aux travaux des copistes. Il initie même certains d’entre eux à cet art et parvient à subtiliser le Codex avant de s’enfuir.

Et sont insérés ainsi divers épisodes, jusqu’à nos jours, relatant les recherches du fameux Codex par d’éminents savants, philosophes et autres.

 

Le dernier Hyver, une histoire historico-ésotérique, ne manquera pas de surprendre le lecteur par ses côtés réalistes. Touffu, documenté, il possède de nombreux atouts pour happer le lecteur, dont un souffle épique ménageant le suspense. Si je n’ai pas forcément tout apprécié dans cette intrigue, notamment la complaisance de l’auteur dans certaines scènes, il me faut avouer que ce pavé est toutefois digeste.

Le rôle de l’Inquisition, la férocité avec laquelle des religieux torturaient des femmes, n’est plus à démontrer, et je me serais volontiers contenté de ne lire que des évocations, des ellipses dans les forfaits perpétrés par Heinrich Kramer dit aussi Henri Institoris, le dominicain inquisiteur qui joue un rôle prépondérant dans la chasse aux sorcières et connu également pour avoir écrit avec Jacques Sprenger le Malleus Maleficarum (le Marteau des sorcières), un ouvrage sur la sorcellerie commandé et approuvé par le pape Innocent VIII en 1484. L'ouvrage est publié pour la première fois à Strasbourg en 1487 puis réédité plus de trente fois malgré son interdiction par l'Église catholique dès 1490.

Ce roman nous plonge dans des arcanes insoupçonnés qui marquent l’esprit.

Fabrice PAPILLON : Le dernier Hyver. Collection Thriller. Editions Belfond. Parution le 5 octobre 2017. 624 pages. 21,90€.

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18 octobre 2017 3 18 /10 /octobre /2017 09:01

Jolie fleur de pa pa pa

Jolie fleur de papillon

Dit une voix dans l' pa pa pa

Dans le pavillon…

Eric CHAVET : Le vacarme du papillon.

En 1972, Edward Lorenz posait cette question fondamentale : Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? Ray Bradbury apporte en 1952 une réponse anticipée dans sa nouvelle Un coup de tonnerre.

Partant de ce postulat, la présence d’un Parnassius Apollo dans le logement de monsieur Lange provoque-t-il la cascade en chaîne qui nous est proposée dans ce roman ? Je serais tenté de répondre oui, mais à condition d’y adjoindre un second animal déclencheur, un chat mité du nom de Podekol.

Installons le décor, et visionnons les prémices de ce drame.

Monsieur Lange est bien embarrassé. Il vient de recevoir un appel téléphonique de Roberto Sacchi à qui il doit de l’argent. Il met une bonne daube à réchauffer sur le gaz puis monte se doucher. Les ennuis d’argent attendront plus tard, car étant en villégiature dans sa maison familiale dans le Vercors, il ne compte pas se rendre immédiatement à Lyon régler sa dette. Pas de problème pour Sacchi qui va se déplacer pour rechercher son dû. Pour l’instant tout va bien. Mais ne voilà-t-il pas que le Parnassius Apollo vient titiller les moustaches du félin qui lui saute dessus renversant une carafe disposée près du gaz. Monsieur Lange n’aura plus de problèmes d’argent, mais Sacchi si.

Quand Roberto Sacchi (prononcez Saki je crois, sinon, c’est tendancieux) arrive sur place, il ne reste que des ruines. Et comme lui aussi doit de l’argent à Gras-Double, il est dans la mouise. Gras-Double, un truand qui navigue dans tous les domaines de l’illégalité, veut absolument récupérer son argent, même s’il n’en a pas un besoin immédiat. C’est une question de principe. Aussi il dépêche un de ses hommes de main en qui il a confiance, Michel, lequel sera assisté d’un jeunot ambitieux et sans état d’âme, adepte de la manière forte, dédaignant la diplomatie, le Blondin. Et pour que la transaction s’effectue dans les plus brefs délais, Michel et le Blondin kidnappent la Mamma, la mère septuagénaire de Sacchi.

Je vous en dis encore un peu plus ? A la demande générale, je ne peux résister au plaisir de vous dévoiler que Roberto Sacchi a connu dans sa jeunesse la belle Hélène, qu’il ne l’avait pas prise pour une poire, qu’ils avaient même goûté un temps à la joie de partager la même couche, se déniaisant mutuellement, puis chacun était parti faire son bout de chemin dans la vie, empruntant des voies différentes. Sacchi est devenu un mauvais garçon, Hélène commissaire de police. Mais ils ne se sont pas oubliés, et quand Roberto quémande l’aide d’Hélène pour le sortir de la panade dans laquelle il est embourbé, celle-ci ne lui refuse pas de lui prodiguer un coup de main. D’autant que la perspective d’arraisonner Gras-Double qui a toujours su passer à travers les mailles du filet, n’est pas pour lui déplaire. Elle va essayer d’attraper dans ses filets ce gros poisson en compagnie de Julien, son adjoint et amant occasionnel. Seulement l’homme est un requin plus coriace qu’elle l’avait imaginé.

La scène du début va provoquer des conséquences inattendues, se propageant de Grenoble à Issoire en passant par Lyon, en une ramification impitoyable et verra son apogée jusqu’à La Maison Blanche. Je ne vous dévoile rien puisque c’est le sujet de la quatrième de couverture. Quatrième de couverture énigmatique et le lecteur se demande quand sera dévoilé cet épisode.

 

Parnassius apollo

Parnassius apollo

Le vacarme du papillon est un roman enlevé, humoristique, parfois même sarcastique, mais tendre et voguant sur des problèmes majeurs, et dans lequel on trouvera sûrement quelques influences dont l’auteur ne se cache pas, puisqu’il a été nourri littérairement aux écrits de Frédéric Dard, de Pierre Desproges ou encore de Woody Allen. Mais également de Boris Vian.

Un roman cascade, certains diront un ruissellement, dans lequel les actions s’enchainent, sans trêve ou presque, dans une continuité logique, entre drames et gags. Avec des dialogues ciselés, aux réparties parfois savoureuses, qui ne jouent pas dans le maniérisme.

Du plus bas de l’échelle jusqu’aux huiles de la République, huiles qui en feront afin de graisser un engrenage ne souffrant d’aucun dérapage, l’auteur nous entraîne sur un chemin chaotique, et l’on est en droit de se demander si tout ce qui se déroule en est uniquement le fruit de son imagination. Et une fois de plus le rôle des journalistes est prépondérant, sachant que ceux-ci sont souvent manipulés, sous le couvert de secrets d’état, et du principe du Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais.

L’histoire éditoriale de ce roman nous offre deux pistes de réflexion. D’abord, il ne faut pas entretenir d’à-priori envers les romans autoédités, car celui-ci en est un. Ensuite, que les soi-disant petits éditeurs sont souvent plus courageux que leurs homologues germanopratins, et n’hésitent pas à publier de petites perles dédaignées par les gros vendeurs.

 

L’uniforme est sur un homme ce qu’un déshabillé est sur une femme.

Il s’apercevait à cet instant combien il était douloureux de mourir de son vivant.

Première parution In Libro Veritas. Février 2012.

Première parution In Libro Veritas. Février 2012.

Eric CHAVET : Le vacarme du papillon. Collection Parabellum. Editions Atelier Mosesu. Parution le 14 septembre 2017.

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16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 06:39

Prom'nons-nous dans les bois

Pendant que le loup n'y est pas…

Chantal ROBILLARD et Claudine GLOT : Dimension Brocéliande.

Si les anthologies n’existaient pas, il faudrait les inventer !

Pour plusieurs raisons, toutes meilleures les unes que les autres.

D’abord, on se rend compte combien un même thème peut aborder un spectre d’imaginaires innombrables. Ensuite, cela permet à de jeunes plumes de s’exprimer et de prendre de l’assurance dans l’écriture tout en se faisant connaître des lecteurs qui attendront, peut-être, un roman de leur part.

Enfin des auteurs connus par une frange du lectorat obtiennent une meilleure audience. Oserais-je vous avouer que si je connais de nom Lionel Davoust, Estelle Faye ou Na        thalie Dau, je n’ai encore jamais eu l’occasion de lire un de leurs ouvrages. Donc pour moi une première, mais pas une dernière. Personne n’est parfait, surtout moi !

 

Mais foin de tergiversations, et entrons dans la forêt accompagnés de nos deux guides, et partons à la recherche des farfadets, trolls et korrigans, de Merlin lent chanteur et de Morgane la bien-aimée, de la fée Viviane, d’Arthur et de sa bande, cachons-nous derrière les hêtres, chênes et châtaigniers, soulevons les fougères, passons au travers des buissons de bruyères, des fourrés de genêts et d’ajonc, laissons-nous porter par le vent jusqu’à ces endroits mythiques et mystiques que sont le château de Comper, la Fontaine de Barenton, le Perron de Merlin…

Vous vous croyez seuls ? Non, d’autres solitaires parcourent la sylve comme par exemple Gwenn, qui a perdu un œil et sa bien-aimée dans des conditions tragiques, mais pas en même temps ni au même endroit. Il aime les livres, normal il est bibliothécaire, spécialiste des romans fantastiques et médiévaux, et adossé à un arbre, il lit. Une jeune femme s’intéresse à son ouvrage. Une histoire concoctée par Estelle Faye dans Cent retours.

Pour Sarah Doke, celui qui déambule ainsi est lui aussi un solitaire, qui court, fuit. Les halliers arrachent ses vêtements. Mais que fuit-il ainsi ? C’est ce que vous découvrirez dans Le ventre de l’arbre. Autre solitaire, le personnage qui stationne son véhicule dans un chemin, remonte une allée, aperçoit une joggeuse. Pierre Dubois, elficologue célèbre, nous propose L’histoire du monsieur dans la forêt.

Le fils unique du Merle et de ma mère, de Jacques Jouet, narre un amour impossible et pourtant qui a porté ses fruits surtout si l’on sait que le Merle blanc est une émanation de… Chut ! Et Justine Niogret nous narre une autre histoire d’enfant dont la mère est obligée de quitter le village, et de se rapprocher de plus en plus de la forêt. Tout ça parce qu’un jour elle a été abusée. Et cet enfant qu’elle nourrit au sein, elle l’aime sans l’aimer. Le souvenir de sa langue est une histoire pleine de non-dits et d’apparence trompeuse.

Continuons notre incursion et avec Anne Fakhouri nous entrons dans le monde moderne qui s’attache à restituer le passé. Un échange savoureux de mails entre une éditrice qui prodigue ses conseils et ses points de vue à une romancière qui se plie à ses volontés. Et mon tout donne Amours entérines.

Moi, j’y croirais jamais ! affirme le protagoniste imaginé ( ?) par Claudine Glot. Kevin est un gamin de banlieue, un sauvageon, qui n’avait rien demandé, surtout de ne pas aller en camp de vacances en Bretagne. Et avec sa chance habituelle, il avait été sélectionné avec une quarantaine d’autres gamins pour une semaine vivifiante dans les bois. Et naturellement, il faut qu’il se fasse remarquer.

Et Arthur alors, le fameux roi Arthur, la reine Guenièvre, Excalibur l’épée, on n’en parle pas ? Mais si. Lionel Davoust revient sur cette épopée légendaire dans Le meilleur d’entre eux, et principalement sur les amours entre Guenièvre, la reine et épouse du roi Arthur, et Lancelot. Lancelot revient, après quelques années passées en Palestine et en Judée, à Camelot. Les temps ont changé, la peste, les guerres, la famine mine le petit peuple qui accueille toutefois le revenant. Lancelot avoue à Arthur qu’il a failli à sa mission, ramener le Graal. Arthur est déçu toutefois il autorise Lancelot à aller voir la reine Guenièvre, sa maîtresse. Une entente entre les deux hommes qui doit rester secrète. Hélas, même dans les châteaux aux murs épais comme des coffres-forts, les secrets les mieux gardés fuitent.

You were only waiting fort this moment, de Bernard Visse, n’est pas un titre en Breton, mais en Grand-breton. Le narrateur n’est autre que Blaise, le confident de Merlin, son homme de confiance, son scribe. Sous les coups de baguette de la fée Viviane, Merlin est depuis seize siècles perdu dans les limbes, ni mort, ni vivant. Mais il demande à Blaise de consigner ce qu’il s’est passé depuis et entre temps.

Le conseil du jour nous est prodigué par Chantal Robillard qui nous convie à Ne jamais baisser la garde ! L’auteur détourne gentiment, enfin gentiment, c’est vite dit, la légende arthurienne et ses protagonistes en mettant en scène les membres d’un commissariat partis en forêt de Brocéliande afin de se ressourcer. Sous la houlette du commandant Odilon Merlin, sont présents Liselotte Lance, Florian Arthur, Caradoc, ancien champion olympique d’athlétisme qui peine à suivre avec ses prothèses en guise de jambes, Jauffré, handicapé des jambes lui aussi, Govin, Hamm et Hummel. Ils dépendent du commissariat de Strasbourg, et leur nouveau chef, le commissaire Singral, a été parachuté en remplacement de Comper, parti sans prévenir, alors que la place aurait dû échoir à Merlin. De toute façon Merlin n’en a cure, il a d’autres visées.

Et comme la poésie a toujours droit de cité, je vous conseille deux autres textes. L’un est de Frédéric Rees, un courrier de Samuel de Champlain à l’intention de Savinien Cyrano, Champlain l’enchanteur, écrit en vers rimés, tandis qu’Isabelle Minière nous convie au Mystère de la forêt en vers libres.

 

La forêt de Paimpont, lieu présumé de Brocéliande

La forêt de Paimpont, lieu présumé de Brocéliande

La balade est terminée pour moi, je vous laisse maintenant vous débrouiller seuls, défricher et déchiffrer les autres nouvelles qui composent ce recueil. Empruntez les sentiers balisés, faites une pause de temps à autre, grignotez par-ci par-là, vous êtes en bonne compagnie de guides-conférenciers de talent. Vous ressortirez même de cet endroit magique avec des étoiles plein les yeux, et au mot Fin, vous ressentirez peut-être un début de manque.

Sachez toutefois que les éditions Rivière Blanche proposent des ouvrages en tout point compatibles avec vos attentes de merveilleux, d’imaginaire, de frissons, d’exotisme, voire plus si affinité.

 

Sommaire :

Préface.

Estelle Faye : Cent retours.
Sara Doke : Le ventre de l’arbre. 
Pierre Dubois : L’histoire du monsieur dans la forêt 
Jacques Jouet : Le fils unique du Merle et de ma mère. 
Justine Niogret : Le souvenir de sa langue
Anne Fakhouri : Amours entérines. 
Claudine Glot : Moi, j’y croirai jamais ! 
Emmanuel Honegger : La fée et le hérisson. 
Lionel Davoust : Le meilleur d’entre eux. 
Hélène Larbaigt : Feuille fée. 
Bernard Visse : You were only waiting for this moment 
Pierre Marchant : Sur les routes du Graal 
Ozégan : La harpe de Merlin. 
Françoise Urban-Menninger : Biens mal acquis ne profitent jamais !
Marc Nagels : La Quête de Méliant
Elisabeth Chamontin : Les Topinambours de Viviane.
Hélène Marchetto : Cai Hir.
Séverine Pineaux : La Forêt des songes. 
Frédéric Rees : Champlain l’Enchanteur.
Nicolas Mezzalira : Le Mystère de l’Etoile Verte.
Patrick Fischmann : La fleur du chevalier. 
Hervé Thiry-Duval : Le Fada de Féerie.
Claudine Glot : La mort est un cheval pâle. 
Chantal Robillard : Ne jamais baisser la garde ! 
Nathalie Dau : Dame du val et doux dormeur. 
Lionel Davoust : L’île close. 
Isabelle Minière : Le mystère de la forêt 
Postface. 

 

Chantal ROBILLARD et Claudine GLOT : Dimension Brocéliande. Collection Fusée N°60. Editions Rivière Blanche. Parution Août 2017. 272 pages. 20,00€.

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13 octobre 2017 5 13 /10 /octobre /2017 07:50

Mais j´entends siffler le train,

Mais j´entends siffler le train,

Que c´est triste un train qui siffle dans le soir...

Sylvie MILLER : Satinka.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Jenny Boyd a été confrontée à des visions nocturnes. Des trains emplissent ses rêves, des images sonorisées. Mais pas n’importe quels trains. Ceux de la Transcontinentale dont la ligne ferroviaire fut construite entre 1863 et 1869 avec comme main d’œuvre de nombreux immigrés chinois.

Et le matin, elle est la proie d’une migraine tenace. Elle s’en était ouverte à sa mère qui avait balayé d’un revers de manche ses déclarations. Elle voulait une fille normale. Alors Jenny s’était réfugiée auprès de son ami d’école, Mike, qui avait compati sans pouvoir lui apporter de réconfort réel, sauf celui de son écoute et de son affection.

Les années ont passé. Et en ce mois de juillet 2016, alors qu’elle a arrêté ses études au grand dam de sa mère et qu’elle travaille comme serveuse dans un bar à Colfax en Californie, les visions se font de plus en plus prégnantes. Au point de découvrir que durant la nuit elle a saigné du nez. Et ces visions ne se produisent plus uniquement la nuit, mais aussi le jour, dans certaines circonstances.

Pour ses vingt ans, elle revient à Dutch Flat, où elle a passé sa jeunesse. Elle n’est pas enchantée mais c’est un jour spécial. Parmi les nombreux invités, surtout la famille du côté de son père car personne n’est présent du côté de sa mère, elle retrouve avec plaisir son ami Mike qui a pensé à elle. Il lui offre une petite boite dans laquelle a été déposé un boulon datant de 1865 et provenant d’un chantier de la Central Pacific Railroad. Mike a acheté ce présent chez un vieil antiquaire chinois dont l’ancêtre, Wing On Wo, avait été ouvrier et médecin herboriste sur le site de construction et qui avait vécu dans le quartier chinois de Dutch Flat. Mais dès qu’elle touche l’objet, à nouveau elle est la proie d’une vision qui la met en syncope.

Mike la reconduit à Colfast et lui propose de rencontrer l’antiquaire. Celui-ci est obligé de s’absenter mais son petit-fils leur remet une malle-cabine contenant de nombreux objets d’origine chinoise et Yani, une peuplade d’Amérindiens qui vivaient dans la Sierra Nevada. Le jeune homme avait pour mission de remettre un jour cette malle à une jeune fille brune au teint mat. Pour lui, il est évident que Jenny en est la destinataire. Mike connait des personnes qui seraient intéressées par ces objets anciens et historiques. Ils se rendent tous deux à l’université de Stanford, où Mike effectue ses études, et effectivement les professeurs contactés aimeraient pouvoir en disposer. Ce que refuse Jenny qui les ramène chez elle. Mais elle cache certaines de ces reliques, une initiative Heureuse, car pendant son absence son studio est visité et dévasté.

Parmi ce qui pourrait ressembler à un fatras, Jenny et Mike ont également découvert un médaillon représentant un trèfle et des photographies. L’une des personnes figurant sur ces clichés ressemble étonnamment à la jeune fille.

 

Sylvie MILLER : Satinka.

Ce récit pourrait n’être qu’une simple histoire teintée de fantastique, un peu comme Richard Matheson ou Jonathan Carroll en ont écrit avec un petit côté Ma sorcière bien aimée. Mais c’est beaucoup plus profond. Un suspense teinté de fantastique tournant autour de la magie. Une situation en apparence normale mais qui perd le contrôle de la réalité. Le lecteur, alors, retrouve par ce jeu certaines des peurs ancestrales de l’humanité telles que la folie, l’abandon, la mort, la solitude. Ici, il s’agit d’une conjonction entre deux époques qui possèdent des points communs, et ancrés dans l’histoire des États-Unis et plus particulièrement de la Californie.

En 1857, le jeune Harmon Augustus Good, dit Hi Good, est content. Enfin il a atteint l’âge et possède l’argent nécessaire pour acquérir une centaine d’acres de terre californienne. Il doit satisfaire quelques obligations qui ne relèvent pas des travaux d’Hercule. Il construit donc une cabane et élève quelques têtes de bétail tout en cultivant ses plans de légumes. Seulement ces terres ont été confisquées aux Amérindiens de la tribu des Yahi, ce qui engendre de leur part une vengeance sanguinaire. Les renégats, ainsi surnommés, se sont réfugiés dans Mill Creek et descendent parfois dans la vallée afin de se procurer des vivres indispensables à leur survie. Mais une partie de la tribu, les Yanas, se conduisent en pacifistes, pourtant ils seront eux aussi traqués.

Des colons irlandais, chassés de leur terre natale par la famine, traversent les Etats-Unis en convoi. Leur but, la terre promise californienne et peut-être des mines d’or. En cours de route des divergences s’élèvent, mais ils continuent toutefois leur pérégrination, malgré le froid, la rudesse du terrain, affrontant les pires dangers dans la chaîne des Rocheuses et la Sierra Nevada.

Et durant les années 1860, partant de Sacramento, des milliers de Chinois construisent la ligne ferroviaire de la Transcontinentale. Ils sont traités en esclaves par des contremaîtres sans pitié. Ils s’organisent et parmi eux des hommes médecins pallient aux bobos divers, blessures provoquées par des accidents de travail ou aux inévitables problèmes de cohabitation ou de nutrition.

Un roman qui insiste sur les difficultés d’intégration des migrants, de leurs dissensions entre extrémistes et modérés tolérants, des conditions de vie et du quotidien des Chinois expatriés et exploités, du génocide envers des populations locales qui ne demandaient qu’à vivre sur leurs terres. Une leçon d’humanisme en tout point exemplaire mais qui n’oublie pas la magie, un don utilisé par les Amérindiens, les Chinois ou les Irlandais, pas tous, magie exercée pour se dépatouiller de situations périlleuses mais pas que.

Chinois travaillant sur la ligne ferrée de la Transcontinentale

Chinois travaillant sur la ligne ferrée de la Transcontinentale

Il s’agit d’une parabole sur le courage et la volonté de vouloir, de pouvoir, de réaliser ce qui semble insurmontable, de se transcender. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un gémir Je n’y arrive pas… et qui grâce à l’effort, par la volonté de réussir, par les encouragements aussi, parvient à surmonter les épreuves. Quelles soient physiques, mentales, psychologiques, corporelles. Mais c’est aussi la parabole sur l’intégration, sur les bienfaits d’une mixité ethnique, raciale, culturelle, mais je n’en dis pas plus.

Certains personnages ont réellement existé, Alexander Gardner, photographe par exemple. Quant aux faits historiques concernant la construction de la ligne ferroviaire Transcontinentale, ils ont fait l’objet de nombreux articles.

Un roman construit façon mille-feuilles, normal pour un roman de cinq-cents pages, appétissant et qui garde tout au long de la dégustation une saveur exquise. Si l’histoire de Jenny pourrait constituer la pâte feuilletée, croustillante, ce qui sert de crème est tout aussi goûtu. Les différentes époques s’entremêlent, puis convergent, et mon tout est hybride sans pour autant se montrer hétéroclite ou saccadé dans la narration. Bientôt la pâte feuilletée absorbe la crème et mon tout ne fait plus qu’un.

Il ne faut pas se fier à l’emballage, paraît-il. Pour une fois le contenant et le contenu sont d’égale valeur. L’ouvrage possède une couverture cartonnée rigide, avec une illustration de Xavier Colette, un dos toilé, et rien qu’à le voir on a envie d’ouvrir le livre.

Au fait, madame Sylvie Miller, à quand le prochain opus de Lasser détective des dieux ? Seriez-vous fâchée avec votre complice Philippe Ward ? Allez, un petit effort, un peu de volonté, une once de magie, cela devrait le faire.

 

Vous pouvez également retrouver les chroniques concernant la série Lasser détective des dieux ci-après :

Et pour finir :

N'hésitez pas non plus à visiter le site de Sylvie Miller :

Sylvie MILLER : Satinka. Collection Fantasy. Editions Critic. Parution le 7 septembre 2017. 516 pages. 25,00€.

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11 octobre 2017 3 11 /10 /octobre /2017 07:36

Ou les morts sûrs de l’aube…

Tonino BENACQUISTA : Les morsures de l’aube.

Au petit matin, Antoine est fort marri. Fini la fête, les petits fours et les verres de champagne. Il faut penser à aller se coucher. Mais Antoine n’est pas un fêtard ordinaire, il fait partie de la petit confrérie des parasites, des pique-assiettes professionnels qui s’invitent impunément dans les inaugurations, les réceptions et autres cocktails, se sustentant aux buffets garnis, ne possédant pas assez d’argent pour se payer un sandwich à la première brasserie venue.

Avec son copain Bertrand, surnommé Mister Laurence, il écume durant la nuit, les ouvertures de restaurants, les cérémonies, les soirées privées, se débrouillant pour obtenir un carton d’invitation, vrai ou faux, resquillant auprès des hôtesses, ou endossant sans vergogne la qualité de journaliste. Ces ingérences dans ces agapes ne sont pas toujours bien acceptées et Antoine s’est fait quelques ennemis, dont Gérard le portier-videur du Café-Moderne.

Un soir, alors qu’il s’empiffre gaillardement devant un somptueux buffet en compagnie de son pote Bertrand, l’accès ayant été facilité par la recommandation d’un certain Jordan, un nom-sésame, Antoine est invité un peu brutalement à rencontrer le maître de maison. Celui-ci garde Bertrand en otage, confiant le soin à Antoine de retrouver le nommé Jordan qu’il cherche depuis des mois. Débute une longue ballade en forme de cauchemar dans le Paris des fêtards, à la recherche du fameux Jordan, spécialiste du Bloody-Mary. Ce noctambule au faciès cadavérique laisse des traces derrière son passage, des traces indélébiles entre le cou et l’omoplate, sous forme de morsures. Les morsures de l’aube qui peuvent entraîner les morts sûres de l’aube quoique les protagonistes ne soient pas des premiers communiants.

 

De l’ébauche du vampirisme évoqué dans La comédia des ratés, son précédent roman paru à la Série Noire, aux Morsures de l’aube dans lequel l’expression mordre la vie à pleines dents prend une signification à double-sens, Tonino Benacquista joue sur le fil du surréalisme tout en restant dans le domaine du quotidien plausible. L’auteur de Epinglé comme une pin-up dans un placard de G.I., bluette parue en 1985 au Fleuve Noir, a bien progressé depuis ses débuts, quoique ce titre à rallonge était déjà prometteur et au dessus du lot de la production de cette maison d’édition populaire qui recherchait de nouveaux talents.

Mais depuis ses deux derniers romans, il s’engage résolument dans une voie à haut risque, en flirtant avec le fantastique, le vampirisme, sans jamais sombrer dans l’invraisemblable. Ses héros-quidam, qui à chaque fois se prénomment Antoine ou Tonio, rappellent au lecteur que l’auteur prend pour base de départ une expérience vécue, laissant courir son imagination au service d’une histoire. Des êtres torturés, sensibles, déchirés, reflet inconscient de Tonino Benacquista.

Sa maîtrise dans la construction de l’intrigue, alliée à une écriture fouillée, sans concession, et qui ne cesse de s’améliorer, lui ont valu le Grand Prix de littérature Policière et par deux fois le Prix 813. Mais les prix ne sont que des tremplins auprès des lecteurs, et comme Tonino Benacquista excelle dans la pirouette littéraire, il devrait s’élever encore un peu plus et mériter l’attention de tous et non plus que d’un aréopage d’inconditionnels du polar.

Cet article a été écrit en 1992 et depuis ce dont j’augurais s’est réalisé.

Curiosa :

Ce roman aurait dû paraître en 1989 dans une version allégée aux éditions Patrick Siry, sous le titre Le fruit de vos entrailles et sous le pseudonyme de Marco Talma.

 

 

Ce roman a été adapté au cinéma en 2001 sous le titre éponyme, dans une réalisation d’Antoine de Caunes, scénario de Laurent Chalumeau. Avec dans les rôles principaux : Guillaume Canet, Asia Argento, Gérard Lanvin, Gilbert Melki, José Garcia…

 

Première édition novembre 1992.

Première édition novembre 1992.

Tonino BENACQUISTA : Les morsures de l’aube. Rivages Noir n°143. Editions Rivages. Réimpression 11 octobre 2017. 224 pages. 8,00€.

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