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20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 08:03

Hommage à Howard Philips Lovecraft, né le 20 août 1890.

 

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Le nom de Howard Philips Lovecraft est indissolublement lié à celui de Cthulhu et autres monstres issus de divinités malignes. Pourtant son œuvre n’est pas essentiellement composée à partir de ces créations qui marquèrent sa production littéraire.

Pour preuve ce recueil de nouvelles intitulé Night Ocean, titre éponyme de la première de ces nouvelles mais aussi la plus longue.

L’intérêt de ces courts récits, souvent de jeunesse, est important car il éclaire l’œuvre lovecraftienne. Et l’intérêt est double puisqu’il permet de découvrir que Lovecraft n’était dépourvu ni d’humour ni d’érudition.

Jugés comme mineur par S.T. Joshi, le préfacier de ce recueil, ce sont pourtant des textes accomplis qui sont présentés aux lecteurs. Et des textes mineurs, il en faut pour pouvoir savourer des textes dits majeurs.

Que ce soit dans L’Histoire du Nécronomicon, dans Ibid ou encore dans Douce dame Ermangarde ou le cœur d’une paysanne, le plaisir de la découverte est intact. Ce sont comme des bouffées de fraîcheur dans une œuvre principalement axée sur l’angoisse.

night-ocean1.jpgD’autres petits joyaux sont au sommaire de ce recueil. Des textes écrits en collaboration avec R. H. Barlow mais surtout Le défi d’outre-espace rédigé par Catherine L. Moore, Abraham Merritt, H. P. Lovecraft, Robert E. Howard et Frank Belknap Long, texte qui est au Fantastique ce que L’Amiral Flottant est à la littérature policière.

Le défi d’outre espaceest évidemment inégal dans sa conception et seuls Lovecraft et Howard tirent leur épingle du jeu. Mais Night Ocean n’est pas uniquement réservé à un certain type de lecteurs. C’est une source d’inspiration et en même temps une leçon pour les auteurs débutants. En effet Le livre de Raison recense non seulement les clés des trames, des idées qui peuvent donner matière à des récits d’épouvante, mais c’est aussi un mode d’emploi pour la rédaction de ces récits.

Oserais-je ajouter que celui qui fut surnommé le Solitaire de Providence est la providence des solitaires !


Howard P. LOVECRAFT : Night Ocean et autres nouvelles (The Night Ocean. Belfond 1986. Traduction de Jean-Paul Mourlon). Collection Fantastique, éditions J’ai Lu N°2519. Dernière édition février 2005. 250 pages. 5,00€.

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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 15:34

Un roman méconnu de Nadine Monfils !

 

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Certaines collections de littérature populaire sont boudées par les critiques littéraires et les lecteurs de romans policiers et de science-fiction, qui appliquent un ostracisme équivalent à celui exercé par les tenants de la littérature dite blanche par rapport à notre littérature de prédilection. Des collections d’importation américaine dont les romans sont jugées mal écrits, trop faciles, comportant trop de violence, et trop de sexe. De plus ces collections sont ou ont été publiées sous l’égide de Gérard de Villiers, aggravant ce phénomène de répulsion et qui se traduisit par un frein à leur découverte. Des arguments spécieux colportés par des personnes qui n’ont même pas ouvert et encore moins lu ces romans.

Pourtant combien de maisons d’éditions dites sérieuses, le gratin du roman noir, publient des romans où sexe et violence se complaisent ensemble, en vous signifiant doctement que ce n’est pas la même chose Mais n’allez pas le crier tout haut, on vous rembarrera d’un geste négligent. Comme s’il y avait le bon sexe et la bonne violence d’un côté et de l’autre le rebut.

Toutefois si on soulève la couverture de ces collections honnies et que l’on s’intéresse au nom de l’auteur, qui souvent est relégué au rôle de traducteur et d’adaptateur supposé, on s’aperçoit qu’il existe de petites pépites.

Pour connaitre l’historique de cette collection Blade, je vous conseille de visiter les sites suivants : Forum BDFI et Actu SF.

Au passage vous aurez pu remarquer que des auteurs comme Christian Mantey, Richard D. Nolane, Thomas Bauduret alias Patrick Eris, Yves Bulteau, Paul Couturiau et Nadine Monfils (pour trois titres) n’ont pas dédaigné écrire des épisodes français pour cette série. Mais trêves de billevesées, et si on s’intéressait au livre du jour ?

 

Richard Blade s’ennuie. Il attend qu’une nouvelle mission lui soit confiée et il profite de son temps libre pour enfin visiter Londres, car comme chacun le sait ce sont les habitants d’une ville qui connaissent le moins leur cité. Tandis qu’il rêve à la terrasse d’un café, il est abordé par une belle jeune femme qui se présente sous le doux prénom d’Angélique. De doux propos sont échangés et ils décident de se restaurer ensemble. Alors qu’Angélique effectue quelques massages avec un de ses pieds posé sur son entrecuisse, Blade est convoqué par téléphone. Il doit se rendre immédiatement au siège du MI6. Un véhicule l’attend même sur place pour l’emmener jusqu’à la Tour de Londres dont les caves servent de bureaux et de laboratoires au quartier général de ce service secret.

Une nouvelle mission va le propulser dans l’une des galaxies et il doit ramener une pierre bleue, une cryptonite. Il va être accompagné, lui déteste ça, par une femme, et entre alors dans la pièce où il est en compagnie de son chef, sobrement dénommé J., et du scientifique Leighton, de la belle Angélique. Pour une surprise, c’est une surprise mais J. malgré leur amitié l’a habitué à ce genre de surprise. Les préparatifs se déroulent normalement et lorsqu’il se réveille il se trouve en compagnie d’Angélique qui en réalité se prénomme Diana. Elle est nue, comme lui, ce qui n’est pas pour lui déplaire mais elle se montre agressive à son égard. Commence alors véritablement leurs pérégrinations sur cette planète nommée Heden. Diana lui sert de guide en grimpant une colline mais Blade manque d’âtre absorbé dans les sables puis il est précipité dans un tunnel, tombe dans un bassin empli d’eau caoutchouteuse tandis que Diana joue comme une petite folle. Enfin ils débouchent au pied de la tour de Londres.

Le paysage est le même que celui qu’il connait pourtant il existe de petites divergences. Par exemple personne dans les rues. Pas de voiture non plus. Juste un bruit indéfinissable. Il ne s’agit pas de véhicules mais des sortes de ballons, des têtes avec des yeux, un nez, une bouche et des cônes en guise d’oreilles. L’un d’eux les aborde et comme Blade désire se rendre auprès de la Reine, le ballon arrête un bourdon qui leur sert de taxi. Les deux voyageurs s’installent à l’intérieur et en cours de voyage Blade s’endort. Il se réveille dans une cave mais il n’est pas au bout de ses surprises. Il va connaître bien des mésaventures, malgré les conseils avisés de Diana qui parfois disparait et réapparait au bon moment. Elle lui prodigue des avertissments que Blade n’écoute pas mais de toute façon quelle que soit la mésaventure à laquelle il est confronté, il s’en sort. Car il est au pays des mensonges et de l’illusion. Il rencontre un nombre improbable de monstres, de personnages aussi comme le fantôme du petit chaperon rouge, ou une gamine aux jambes de cristal, à une émanation de Jack l’Eventreur qu’il a eu le tort de libérer et qui entame ses forfaits envers des prostituées, il aperçoit Oliver Twist, est abordé par Charles Dickens (à qui il pense faire un compliment en lui disant qu’il a lu tous ses livres, réflexion à laquelle Dickens répond : Ah bon ? moi pas.) puis déambulant dans Baker Street il distingue derrière une fenêtre l’ombre de Sherlock Holmes.


Il serait difficile, et peut-être fastidieux aussi bien pour le scripteur que pour le lecteur, de narrer toutes ces mésaventures à moins de rédiger un article aussi long que le livre lui-même. Car tout s’enchaîne dans une maelstrom d’images, dans un délire imaginatif qui emprunte à Lewis Carroll et son roman Alice au Pays des merveilles, à Jonathan Swift et son œuvre la plus célèbre Les voyages de Gulliver ou encore à John Barrie et son personnage de Peter Pan. Tout est miroir, cascade de péripéties hautes en couleur, de trompe l’œil. Comme si arrivant dans une pièce on ne peut revenir en arrière et on est propulsé en avant vers une nouvelle porte et ainsi de suite dans une succession de compartiments tous décorés, meublés, habités, différement. Si Alice et Peter Pan étaient plus spécialement destinés à des lecteurs juvéniles, Gulliver était un conte philosophique et satirique, et cette aventure de Blade sous la plume de Nadine Monfils l’est tout autant, avec un enrobage d’humour et de non sens britannique.

Un univers onirique parsemé de petites phrases choc et de dialogues dont voici un exemple :

Comment pourrais-je vous suivre, puisque je ne vous vois pas ? C’est malin !

Tu ne suis jamais ton instinct ?

Si, ça m’arrive.

Et tu le vois ?

Ben non !

Alors, où est le problème ?


Philosophique, ai-je écrit ? Oui, par exemple :

Le temps est avec toi, dit le vieil homme regardant son acolyte. Comprends que rien ne t’oblige à précipiter le cours de ta vie, sous prétexte que quelqu’un a inventé l’horloge.


Je pourrais vous en citer ainsi une bonne vingtaine mais je me contenterai de vous en proposer une dernière :

Avoir le sens de l’humour au moment de mourir, est la plus belle façon de s’en aller avec panache !


  A lire également de Nadine Monfils : La petite fêlée aux allumettes.


Jeffrey LORD : La malédiction des ombres. Blade N°174. Editions Vauvenargues. Mars 2007.256 pages.

 

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16 août 2013 5 16 /08 /août /2013 08:01

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Vous prenez une bonne louche d’énigmes, une autre de mystères, vous saupoudrez de philosophie, vous rectifiez avec de l’exotisme, et ajoutez une once de fantastique. Dégustez chaud !

En mise en bouche, Shigumo : Eraste Pétrovitch Fandorine est vice-consul à Yokohama et il s’est rapidement intégré à la population. Il assiste aux funérailles d’un ex-collègue qui s’était tourné vers le bouddhisme, abandonnant femme nipponne et fille issue de leur mariage. Il est quasi seul à être présent aux funérailles. Outre Satoko, la veuve, Akiko, sa fille handicapée, le supérieur Souguen, prêtre bouddhiste, Emi Terada, une naine (il est de bon goût parait-il de s’exprimer en utilisant cette formule : une personne à verticalité réduite, afin de ne pas froisser les susceptibilités) portée sur le dos d’un serviteur à bord d’un panier tressé, et une poignée de Japonais. Un incident met aux prises Fandorine et le gardien du cimetière chrétien voisin de celui du monastère, un Européen, qui traite le vice consul de larbin des Japs.

Après la cérémonie, Satoko narre les dernières années de sa vie conjugale. Meïtan, le défunt avait pris le nom de sa femme, l’avait abandonnée pour entrer en religion. Satoko souffre visiblement de cette séparation. Puis Emi Terada raconte comment elle a subi plus jeune les assauts d’une araignée géante, rêve ou réalité, ce qui aurait eu pour conséquences d’arrêter sa croissance. Cette histoire d’araignée toutefois met la puce à l’oreille de Fandorine qui déduit que Meïtan n’est pas mort subitement mais qu’il s’agit d’un meurtre. Mais Fandorine est un humaniste.

En entrée Le chapelet de jade. Nous retrouvons Fandorine à Moscou, fonctionnaire chargé des missions spéciales auprès du général gouverneur de Moscou. Parmi ses obligations figure celle d’assister aux bals et ce soir-là il a toutes les peines du monde à échapper aux serres d’une jolie femme qui tient absolument à l’inviter à danser. C’est ainsi qu’il est amené à rejoindre le cercle constitué autour du comte Khroutski, un célèbre excentrique moscovite. La conversation tourne autour de l’assassinat d’un fripier d’un coup de hache à la tête.

Priakine était un antiquaire spécialisé dans les objets chinois qu’il achetait à des opiomanes. Or le, ou les, cambrioleur, après son forfait, ne s’est pas contenté de décoller la tête mais a découpé le corps en de nombreux morceaux, a retourné le magasin de fond en comble, s’emparant juste d’une simple poterie sans valeur. Il est évident que le meurtrier voleur cherchait quelque chose qu’il n’a pas trouvé. En compagnie de l’inspecteur Nebaba, en charge de l’enquête, Fandorine se rend dans l’échoppe et examine le local. Comme dans La lettre volée d’Edgar Poe, l’objet était dissimulé à la vue de tous dans un endroit où personne n’aurait songé à le chercher, sauf Fandorine qui met la main sur un chapelet de jade. Secondé par son valet japonais Massa, Fandorine n’en a pas fini, car s’il possède l’objet de la convoitise du meurtrier, il n’a pas découvert l’identité de celui-ci. Et il semble bien que ce chapelet possède des vertus peu communes.

Enfin avec La vallée du rêve le plat de résistance. Nous avançons allègrement de quelques années et partons à la découverte du Nouveau Continent. En 1894, Eraste Pétrovitch Fandorine est exilé aux Etats-Unis d’Amérique depuis quatre ans. Il est auditeur libre à la faculté de génie mécanique de Boston et arrondi ses fins de mois comme détective privé pour les frères Pinkerton. Mandé à New-York auprès de l’un des Pinkerton, lequel veut lui confier une mission, Fandorine échappe de peu à des coups de feu et il pense qu’il s’agit d’un tueur dont il a aidé à arrêter le chef peu auparavant.

Robert Pinkerton aimerait que Fandorine devienne chef d’une des principales divisions de la société, ce que récuse le Russe qui a l’habitude de travailler en solo. Une autre proposition lui est faite sous forme de lettre accompagnée d’un billet de train jusqu’à Cheyenne dans le Wyoming. Sur place l’attend un train dont un des wagons, luxueusement aménagé, lui est destiné. Direction Crooktown où l’attend un certain Maurice Star. En réalité il s’agit d’un Russe émigré du nom de Mavriki Starovozdvizhenskyi, nom imprononçable pour des Américains et qu’il a donc américanisé. En cours de route, le train est attaqué par des bandits masqués, se déplaçant à cheval, et bizarrement ils semblent n’avoir en ligne de mire que le wagon où se trouvent Fandorine et son fidèle valet Massa. A leur arrivée ils sont accueillis par Maurice Star qui précise ce qu’il attend d’eux.

A Dream Valley vit depuis un quart de siècle une communauté russe surnommée les Communards, communauté qui désire vivre pacifiquement. Des illuminés qui vivent de l’agriculture et de l’élevage, bâtissant eux-mêmes leurs habitations. Ils ont proscrit la jalousie et la monogamie de leur style de vie et sont considérés comme des mécréants par les Américains. Mais une autre communauté s’est installée près de leurs terres, des Mormons réfractaires à la nouvelle loi interdisant la polygamie, des dissidents des Mormons de Salt Lake City. Seulement un problème se dresse, car un riche éleveur de chevaux ne veut pas vendre une partie de sa propriété aux deux communautés qui se regardent en chiens de faïence.

Boris-Akunin_4275.jpegFandorine rencontre les trois parties, dont la fille du propriétaire terrien, une jeune fille capricieuse qui ne pense qu’au mariage et à sa dot, et d’étranges événements secouent la vallée. Outre les bandits masqués qui se terrent dans les collines, des incidents perturbent la bonne entente, si bonne entente il y a. Un cavalier sans tête se promènerait dans la région, apportant le malheur, et autres superstitions du même acabit. Au saloon, Fandorine est étonné de voir qu’un Noir, Washington Reed est considéré comme un personnage important du village. Il faut avouer qu’il porte une arme à feu dont il use avec maestria, sachant se faire respecter. Théoriqement il doit être aider par un résident appartenant à la célèbre société de détectives.

Cette longue nouvelle, qui est en réalité un roman puisqu’elle compte environ deux cent-cinquante pages, est tout à la fois une histoire philosophique qu’un roman d’action, mêlant habilement l’aventure, le western, l’énigme, les mystères, la femme fatale, tous ingrédients aptes à captiver le lecteur. Des historiettes sont insérées dans le récit, apportant un agréable divertissement non dénué d’humour. Les relations entre Fandorine et Massa sont plus à cataloguer dans le domaine de l’amitié que celles de maître à valet, et Massa se révèle un aide précieux quelles que soient les circonstances. Si par certains moments lors des déductions, on pourrait penser à Sherlock Holmes, Fandorine n’est toutefois pas infaillible ou parfait. Ainsi, en tant que citadin, il est incapable de relever des traces dans la nature, il commet des impairs ou des bévues, et c’est justement en cela, plus quelques autres qualités ou défauts, qu’il est proche du lecteur. Et comme il faut toujours qu’un héros possède une particularité, Fandorine est bègue, mais légèrement, car l’auteur a su penser au confort de lecture du lecteur.

 

 

Boris AKOUNINE : Le chapelet de jade et autres nouvelles (Sigumo ; Nefritovye čotky ; Dolina Mečty– 2007. Traduction de Odette Chevalot. Réédition des Presses de la Cité - 2009). Editions Points N°3002. Mars 2013. 358 pages. 7,30€.

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14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 15:57

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Si les auteurs du meurtre d’Elise Freeman pensaient avoir réalisé un homicide maquillé en suicide, ils se sont lourdement trompés. En effet la jeune, enfin plus tout à fait jeune, femme qui gît dans la baignoire a bel et bien été assassinée. Il lui aurait fallu une sacrée dose de courage pour prendre un bain de neige carbonique, une substance qui occasionne des brûlures irréversibles. De plus la police scientifique n’a découvert aucun sachet ayant contenu ce produit dans son bungalow. Seul un DVD a été trouvé qui fournit des perspectives intéressantes à Milos Sturgis, le policier, et Alex Delaware son ami psychologue.

Sur cet enregistrement Elise accuse trois de ses collègues de la Windsor Preparaty Academy de Brentwood, un quartier de Los Angeles, affirmant que depuis deux ans elle subit de leur part des gestes inconvenants et des harcèlements sexuels.

L’enquête menée par Milos ne plait guère, ni à son chef, ni au directeur et son adjointe de l’université californienne. Il serait plus simple de classer l’affaire, et ils font tout pour que les renseignements demandés par Milos ne lui soient pas révélés, ou du moins retardés, ou même qu’ils interrogent le personnel et les étudiants. Peut-être parce que le fils du directeur de la police fréquente le même établissement Mais Milos ne lâche pas si facilement l’os qu’il a trouvé. Evidemment Milos et Alex, qui le suit partout comme un petit chien, convoquent les trois enseignants qui tombent des nues. Selon eux, c’est au contraire Elise Freeman qui leur aurait fait des avances, parfois poussées. Et elle était connue pour sa propension à la boisson.

Elise avait un ami, Sal Fidella, qui ne correspond pas au profil de l’amant idéal. D’ailleurs s’ils couchaient ensemble, ils habitaient chacun chez soi. Il est représentant, en instruments de musiques ou tout autre marchandise qui peut être achetée par des gogos, mais il s’en trouve de moins en moins. D’après lui, Elise lui aurait avoué quelques semaines avant sa mort qu’ils lui en voulaient. Mais qui sont ces ils ? Il est incapable de le préciser. Tout ce qu’il sait, c’est que l’humeur d’Elise changeait, comme si elle était devenue bipolaire.

Auprès des consommateurs du bar qu’ils fréquentaient régulièrement et selon d’autres témoins, Milos et Alex recueillent des avis partagés. Certains affirment qu’Elise buvait régulièrement et beaucoup sans qu’il y ait vraiment influence sur son comportement, d’autres avaient remarqué qu’elle prenait un verre, mais ne le finissait pas la plupart du temps. Sa boisson rituelle était la vodka, et pas du bas de gamme. Ensuite les avis concordent concernant son attrait pour les mâles, des jeunes de préférence, souvent des étudiants ou des anciens élèves. Des amants de passage recrutés lors des heures de soutien qu’elle leur prodiguait.

Peu à peu le personnage d’Elise prend de la consistance et Milos, toujours accompagné d’Alex qui sait poser les bonnes questions au bon moment, cernent son entourage, remontant pas à pas le parcours relationnel et professionnel de l’enseignante.

Si l’épilogue est convenu, d’ailleurs le titre est assez explicite, ce qui retient l’attention c’est le système éducatif américain, modèle qui inspire quelques technocrates français attachés plus à l’aspect financier que pédagogique. Une véritable diatribe sous la plume de Jonathan Kellerman qui enrobe son ton vindicatif dans une intrigue policière.

Les universités américaines sont de véritables stabulations dans lesquelles sont élevés et gavés des bêtes à concours. Souvent contre le gré de ces adolescents qui ne demandent rien mais sont forcés d’obéir à un paternel fortuné qui pense que la réussite dans la vie passe forcement par Yale et autres fabriques de têtes pensantes. Et si ces futurs responsables politiques, diplomatiques, financiers, militaires, ou autres, n’arrivent pas à ingérer ce que les enseignants tentent de leur fourrer dans le crâne, il y a toujours d’autres solutions.

Les enfants dont les parents sont aisés intègrent d’office ces établissements, mais en dilettante. Et pour se donner bonne conscience, la société, les responsables éducatifs invitent des gamins issus de milieux dits défavorisés et qui n’ont rien demandé, à effectuer des études poussées. Et tout le monde doit réussir. Il en va de la notoriété des universités et des enseignants. Et parfois il y a des dérapages.

Tout le monde n’est pas de cet avis, heureusement : Je pense qu’à dix-sept ans un jeune devrait avoir son mot à dire sur son avenir et que c’est jouer avec le feu que de négliger son avis.

 

A lire du même auteur :  Le rameau brisé et  Jeux de vilains.


Jonathan KELLERMAN : Les tricheurs (Deception – 2010. Traduction de Frédéric Grellier). Editions du Seuil. Mai 2013. 386 pages. 19,90€.

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9 août 2013 5 09 /08 /août /2013 13:30

Le petit rat de l'opéra...tion !

 

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Une cave d’immeuble sert en général de débarras pour vieilleries que l’on répugne à jeter, on ne sait jamais ça peut servir, pour entreposer du matériel que l’on n’utilise que sporadiquement, genre toile de tente et matériel de camping, ou encore bouteilles de vin qui reposent en paix. Mais découvrir un cadavre, celui d’un adolescent qui plus est, est moins courant. Le gamin est allongé sur le dos, jambes légèrement écartées, l’appareil génital entièrement ablaté. La présence d’un bas de femme autour du cou laisse supposer qu’il a été étranglé avant d’être atrocement mutilé.

La priorité est de savoir à quand remonte la mort, ensuite il faut découvrir l’identité du môme. Pour le capitaine Massier et son adjoint Chartel, la tâche est délicate. Il semblerait que le meurtre se soit déroulé durant un match de football dans le stade situé en périphérie de la ville. Ce qui explique que les jeunes de la cité fussent absents dans les rues et que la nuit précédente s’est déroulée dans le calme, sans incident majeur.

Massier ressent tout à coup des sueurs froides. Ses enfants étaient dehors la nuit du crime. Luc avait un cours de judo et Armelle dinait chez une copine.

Chartel n’a pas d’enfants, ce qui l’amène à se montrer indulgent avec les gamins traités trop souvent et trop rapidement de voyous. Massier sans se conduire en papa poule, est plus tranché dans ses jugements et il convoque ses deux adolescents pour les mettre en garde et leur renouveler les consignes de prudence.

Si Luc est admiratif de son père, Armelle, de deux ans plus âgée, revendique une indépendance dans sa vie privée. Ce qui l’amène à se heurter, oralement cela ne va pas plus loin, à son géniteur. Sa vie sentimentale a déjà connu quelques accrocs, dont une rupture houleuse qui a laissé des traces. Ce qui se traduit pas une hargne à l’encontre de la gent masculine, son père y compris.

Comme d’habitude, la Gendarmerie avait bien fait son boulot, quoi qu’en disent certains, prompts à brocarder cette institution militaro-judiciaire. Grâce donc à la célérité et la conscience professionnelle des gendarmes l’identité du gamin permet de mieux comprendre pourquoi sa disparition n’a pas été signalée plus rapidement. Les parents de la victime, nommée Ricardo, tiennent une épicerie de village à plus de vingt kilomètres de là et l’adolescent au lieu de rentrer chez lui tous les soirs passait deux ou trois nuits par semaine chez des copains. Or, après vérification aucune famille n’a hébergé Ricardo.

Une nouvelle victime est à déplorer, assassinée dans des circonstances similaires, à l’ablation identique et Massier, Chartel et leur supérieur sont dans la panade complète. Puis une autre… Un début de piste se profile lorsqu’un nom leur est soufflé : Face de rat.

Bon mais court roman dont l’intrigue est bien menée mais qui démontre que les policiers ne peuvent pas toujours résoudre une affaire sans un coup de pouce du destin. L’épilogue, bien amené, joue sur un artifice littéraire laissant le lecteur apporter sa propre conclusion. Car si tout est dénoué, expliqué, il restera à une personne à prendre la ou les décisions qui conviennent.

Seul petit bémol : le prix du livre qui n’engage pas à l’achat. 13 euros pour 80 pages, alors que d’autres romans tout aussi bons, sont à une quinzaine d’euros pour 400 pages ou plus, cela peut réfréner les envies du lecteur.


Jean PEREZ : Les rats aussi crèvent de la peste. Editions Les Presses du Midi. 80 pages. 13,00€.

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 16:06

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Comme tout gamin, Michael Lanyard ne se souvient pas de ses premières années d’enfance. Juste qu’il a été amené dans un fiacre alors qu’il n’avait que quatre ou cinq ans dans un hôtel restaurant parisien, le Troyon, du nom de son propriétaire. D’origine anglaise, il ne parle que cette langue mais se mettra rapidement au français, conservant la faculté d’être bilingue. Il est d’abord hébergé dans une sorte de placard puis est relégué dans une petite pièce au grenier. Il répond au nom de Marcel et n’empruntera celui de Michel Lanyard sous les conseils avisés d’un client Irlandais, Bourke.

La nuit, Marcel parcourt les rues de la capitale, chipant à gauche et à droite pour pouvoir s’acheter des livres qu’il dévore. Bourke est un client régulier qui dépose sur sa table de nuit des pièces et Marcel se sert sans vergogne jusqu’au jour où Bourke le surprend. Le truand, car s’en est un, le prend sous son aisselle, lui fournit une identité et lui enseigne les rudiments du métier. Bourke décède et le Loup devenu Solitaire prend son envol, normal lorsqu’on est un rapace.

Lanyard, plus connu des services de police et de ses confrères sous le nom de Loup Solitaire, possède une couverture non mitée. C’est un collectionneur d’art reconnu, et la nuit, il se transforme en Arsène Lupin, une filiation qu’il revendique. Ayant réalisé deux beaux coups à Londres il débarque à Paris avec les bijoux de la richissime Madame Omber ainsi que des documents subtilisés à Ekstrom, lequel les avait lui-même dérobés à un ingénieur français qui avait conçu un appareil révolutionnaire dans le domaine de l’aviation.

A la descente du train en provenance de Londres il a la mauvaise surprise de se rendre compte qu’un agent de Scotland Yard du nom de Roddy et un homme de la préfecture de police reluquent les figures des passagers. Mais les deux hommes ne s’intéressent pas à lui, du moins ils ne paraissent pas l’apercevoir. Quoique possédant des cachettes dans la capitale, c’est sur une impulsion qu’il se rend en taxi à l’hôtel Troyon qui a changé de propriétaire. Or le premier individu qu’il aperçoit est le fameux Roddy. Une coïncidence, sans aucun doute. L’homme semble surtout surveiller une vieille connaissance, le comte Rémy de Morbihan qui est en train de manger en compagnie l’Américain Bannon et de sa fille Lucy.

Morbihan tout comme Bannon, sous des dehors respectables, sont deux malfrats et Lucy, Lanyard l’apprendra peu après dans des circonstances particulières, est en réalité infirmière et s’appelle Lucy Shannon. Mais les événements se précipitent. Le soir même il découvre Lucy dans sa chambre, et elle prétend être atteinte de somnambulisme. Lanyard est persuadé que quelqu’un a visité l’une de ses caches et il en a la preuve en découvrant une inscription sur un billet de banque adressé au Loup Solitaire. La Meute l’invite à participer à une réunion dans un lieu dit l’Abbaye de Thélème, un restaurant. Il s’y rend confiant et reconnait, malgré leurs masques, Morbihan, Popinot et Wertheimer, trois malfrats qui lui proposent une association. Seul lui est inconnu le quatrième homme. Naturellement Lanyard refuse, justifiant son surnom de Solitaire. De retour à l’hôtel il découvre Roddy assassiné tandis qu’un inconnu tente de le faire passer de vie à trépas.

Lanyard est obligé de fuir, de chercher une cachette, aidé en cela par Lucy dont les agissements sont pour le moins mystérieux. Une partie de cache-cache débute entre Lanyard et les membres de la Meute réunis en Syndicat des Bas-fonds. Il s’éprend de Lucy et apparemment il ne lui est pas indifférent mais elle est désire rester sur ses gardes. Les nombreuses tribulations de Lanyard influent sur sa façon de se conduire et il décide de devenir honnête. Mais y arrivera-t-il ? Pourra-t-il tenir sa promesse pour conquérir le cœur de Lucy ? Et qui est Lucy qui se conduit d’une façon énigmatique ?

Bien évidemment le lecteur ne pourra s’empêcher, et avec raison, de rapprocher le Loup Solitaire d’Arsène Lupin dont les trajectoires sont sensiblement équivalentes. Avec un charme désuet nous suivons les pérégrinations de cet homme, de ce voleur dandy qui est amené à louvoyer entre le Bien et le Mal, reprenant ses activités de voleur pour mieux se dédouaner, obligé de retrouver son habit de cambrioleur pour pouvoir s’innocenter.

Les tribulations de Lanyard l’amènent à voyager, le plus souvent en automobile, dans un Paris qui n’est plus vraiment celui que nous connaissons, avec l’évocation des anciennes fortifications par exemple. Il devient même à l’occasion chauffeur de taxi. Mais des scènes ne manquent pas de pittoresque, surtout lorsque Lanyard est obligé de prendre l’avion, un coucou, lui qui n’apprécie guère ce moyen de déplacement. Une ambiance rétro dont on sort attendri, comme lors d’une séance de cinéma à la vision d’un film en noir et blanc et parfois muet. D’ailleurs vingt-quatre adaptations cinématographiques ont été réalisées entre 1917 et 1949, c’est dire si ce héros attachant connut un véritable succès justifié et mérité.

Louis-Joseph Vance a écrit huit romans consacrés au Loup Solitaire et seulement cinq ont été traduits en France, dans la collection Le Masque. Il en manque donc trois à l’appel et si Jean-Daniel Brèque avait l’heureuse initiative de les proposer aux lecteurs français, nul doute qu’il y aurait des amateurs pour les lire. Un vœu pieux ?

 

 

Louis-Joseph VANCE : Le Loup solitaire (The Lone wolf – 1915. Traduit par Théo Varlet & Louis Postif. Première édition 1928, collection Le Masque N°13. Librairie des Champs Elysées). Collection Baskerville N° 12, éditions Rivière Blanche. 280 pages. 20,00€.

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7 août 2013 3 07 /08 /août /2013 13:22

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Hamed Ben Bella, figure marquante de l’indépendance de l’Algérie aura passé plus de vingt ans de sa vie en prison.

Gérard Streiff, en journaliste consciencieux, relate la vie de cet homme profondément épris de justice, de liberté et d’amour de son pays, quoique fils d’émigrants marocains.

L’ouvrage débute sur une image insolite. Ahmed Ben Bella en footballeur. Carrière qu’il aurait pu continuer si la seconde guerre mondiale n’en avait pas décidé autrement. Grâce à Ben Bella, l’Olympique de Marseille gagne son match contre Antibes, match comptant pour le championnat de France et joué le 21 avril 1940. Ce sera le dernier match joué en championnat.

Né à Marnia en 1918, un 25 décembre, Ben Bella est un enfant assez précoce et ses résultats scolaires encourageants puisqu’il obtient son certificat d’études à douze ans. Mais pour des raisons administratives son père falsifie sa date de naissance, le vieillissant de deux ans. Il part au service militaire en 1937. Déjà le jeune Ben Bella était un enfant révolté et dans l’école qu’il intègre à Tlemcen, pour passer le brevet, il se rebelle à quatorze ans contre son maitre qui, protestant rigoriste, se moque de l’Islam. Il échoue au brevet ce qui ne l’empêche pas de faire une prépa militaire et il est intégré en 1937 au 141e régiment d’infanterie alpine qui est basé à Marseille. Il passe sergent et ses espoirs de footballeur s’évanouissent fin avril 1940. La vraie guerre vient de commencer.

Toujours l’esprit rebelle il n’accepte pas la discrimination qui règne dans le régiment. Alors il est muté dans un régiment de tirailleurs marocains, où il se sent plus à l’aise. De nombreuses péripéties émaillent ces années de guerre. De révolte contre certains supérieurs, de faits de guerre glorieux, notamment en Italie au Monte Cassino. Fin juin 1944 il est décoré de la médaille militaire, une distinction remise par le Général de Gaulle lui-même qui a fait le voyage.

Mais le 8 mai 1945, jour de la signature de l’Armistice, des émeutes éclatent à Sétif et Constantine. Des dizaines d’Européens sont tués et la répression ne se fait pas attendre. En représailles ce seront des milliers de morts que déplorera l’Algérie. Ce carnage signe l’engagement politique de Ben Bella qui adhère au MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) et malgré que les dés soient pipés, Ben Bella est élu en 1947 comme conseiller municipal de Marnia.

Le MTLD tergiverse et certains, des jeunes principalement, trouvent que ce parti est trop mou. Une OS, Organisation Spéciale, est créée et Ben Bella est nommé à sa tête. Les fonds manquent et le meilleur moyen de s’en procurer est d’en prendre là où il y en a. Un hold-up est organisé contre la Poste d’Oran, et en mars 1950 Ben Bella est arrêté. Il écope de huit ans de prison mais il parvient à s’évader. Muni de faux papiers, il regagne Marseille puis Paris au début des années 50. En 1954 est créé le Comité révolutionnaire d’unité et d’action et Ben Bella est nommé à sa tête en compagnie de huit autres membres. En octobre 1954, le groupe qui a pris le nom de FLN, Front de libération nationale, réuni en Suisse, décide l’insurrection et le 1er novembre 1954, la guerre d’Algérie débute avec au départ peu d’armes. Ce soulèvement prendra des proportions que les plus anciens connaissent et ont parfois vécues.

Ben Bella est véritablement la figure marquante de la libération de l’Algérie, de son indépendance, mais de loin, car emprisonné. On pourrait le comparer à Toussaint Louverture, figure historique des mouvements anticolonialistes et abolitionniste d’Haïti, œuvrant pour l’émancipation des Noirs.

Si ce livre, écrit avec simplicité et clarté, sans parti pris, avec impartialité, par Gérard Streiff est destiné aux préadolescents, théoriquement, mais les adultes peuvent pour ne pas écrire doivent le lire car si tout un chacun connait le nom de Ben Bella, attaché à la signature des accords d’Evian, peu connaissent la carrière de l’homme, son engagement politique, ses convictions, les transformations envisagées et pour certaines réussies lors de son court mandat présidentiel.

guerre-algerie.jpgEn complément à cet ouvrage, une chronologie : l’Algérie de la colonisation à l’indépendance ; une filmographie et un entretien avec l’auteur. Il est à noter que, et c’est signalé dans l’ouvrage, qu’Alexandre Dumas, en 1846 avait écrit une nouvelle, Arabes et Français, dans laquelle il dénonçait la colonisation, le premier texte anticolonialiste de la littérature française. De même, Boris Vian avait composé en 1954 pour la guerre d’Indochine la chanson Le déserteur et publiée dans le douloureux contexte de la guerre d’Algérie. Elle sera censurée jusqu’en 1962.

Dans la même collection et sur la même thématique, Gérard Streiff a signé : La guerre d’Algérie ; Discours et textes officiels. Un complément indispensable pour se remémorer ou mieux connaître des événements qui ont marqué durablement les esprits, avec souvent des rancœurs de part et d’autre, toujours fermement ancrés dans les consciences.


Du même auteur : Le trésor de Staline et dans la même collection : L'espion qui a vaincu Hitler, Richard Sorge.


Gérard STREIFF : Ben Bella et la libération de l’Algérie. Collection Histoire & Société. Editions Oskar. De 12 à 112 ans. Novembre 2011. 96 pages. 9,95€.

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6 août 2013 2 06 /08 /août /2013 09:19

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D’après une info repérée dans le quotidien britannique The Telegraph et relayée par Ouest-France du 3-4 août 2013, il y aurait plus de probabilité que les couche-tard développent un comportement narcissique, machiavélique et psychopathique. Un point commun partagé par Hitler et Staline. Or serait-ce à cause de cette propension à veiller le soir que Staline n’a pas voulu croire les informations que lui a délivrées Richard Sorge, alors en poste à Tokyo ?

Né d’un père allemand et d’une mère russe, Richard Sorge nait en Azerbaïdjan. En effet son père est ingénieur dans le pétrole et travaille dans la région de Bakou, non loin de la frontière iranienne. La famille revient en Allemagne peu avant le déclenchement de la première guerre mondiale. Richard Sorge possède donc la double nationalité allemande et russe mais il combat dans l’armée allemande au début du conflit, alors qu’il est trop jeune pour être incorporé. Il est blessé trois fois, séjourne trois fois à l’hôpital. Il rencontre une infirmière qui est profondément pacifiste et socialiste et sa vison sur la guerre change du tout au tout. Il participe à ces mouvements tandis qu’en Russie c’est la fameuse révolution d’octobre. De socialiste il devient communiste et côtoie l’Internationale Communiste dont le siège est à Berlin. Il choisi son camp et intègre les services secrets russes. Il quitte l’Allemagne pour la Russie et suit l’école d’espionnage. Il est envoyé d’abord en Allemagne avec une couverture de journaliste puis en Asie, la Chine en premier lieu puis le Japon. Il possède une couverture de journaliste allemand mais travaille pour les Russes.

C’est à Tokyo qu’on fait sa connaissance dans ce roman. Il est devenu le secrétaire de l’ambassadeur allemand et recueille auprès de ses nombreux contacts, ses fourmis comme il les appelle, de nombreuses informations que son ami Max Klausen transmet par radio à Borzine qui est en poste à Vladivostok. Lors d’une réception il apprend qu’Hitler, qui pourtant avait signé un pacte de non-agression avec Staline, a décidé d’envahir la Russie. Seulement Staline, trop imbu de lui-même, et peut-être naïf, croyant que le pacte le protégerait, lui envoie une fin de non recevoir. Pour lui, il s’agit d’une information tronquée. Sorge est fou de rage, et continue de transmettre les infos à Moscou, avec précision. Et à la date prévue, la Russie est envahie, et malgré ses avertissements, l’armée soviétique n’est pas prête. Les hommes et le matériel sera rapatriés en urgence du fin fond de la Sibérie jusque sur les lieux des combats. L’on sait comment cet affrontement se termine, dans des bains de sang, avec des millions de morts à comptabiliser.

Ce livre, relatant ces événements qui se situent entre avril 1941 et novembre 1944, est complété par un dossier comprenant une description du groupe Ramsay, le petit réseau de Richard Sorge, des extraits des mémoires de l’espion russe, et un entretien avec Gérard Streiff, l’auteur.

Si tout le monde a entendu parler de Richard Sorge, combien connaissent véritablement son histoire et l’influence qu’il eut sur le déroulement du front russe, qui d’ailleurs aurait été moindre si Moscou l’avait écouté. D’autres informations sont parvenues à Staline qui en a tenu plus ou moins compte. Mais Sorge a été abandonné par les siens et il ne fut reconnu par l’URSS qu’en 1964, onze ans après la mort de Staline, lequel n’a jamais voulu reconnaître ses erreurs et ses défaillances.


Gérard STREIFF : L’espion qui a vaincu Hitler : Richard Sorge. Collection Histoire & Société. Editions Oskar. De 12 à 112 ans. 112 pages. 9,95€.

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5 août 2013 1 05 /08 /août /2013 07:55

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1967. Un an avant mai 68 et sa révolution estudiantine et prolétarienne. Révolution qui ne secoue pas uniquement la France mais d’autres pays européens et également certains campus des Etats-Unis.

1967. Deux ans avant cette fameuse année érotique chère à Serge Gainsbourg. Le début du déferlement d’ouvertures de sex-shops, de la parution de livres, symbiose de l’érotisme et du pornographique, du tournage de films audacieux préparant l’arrivée sur le marché de films dits classés X, du déclin de la censure (en ce qui concerne les choses du sexe) et du bouleversement radical dans les mœurs.

1967. L’espoir pour l’ouvrier de l’utopique louche de caviar dans sa gamelle, en quête d’une ascension sociale, alors que le bourgeois s’encanaille en fumant des Gauloises trop fortes pour ses petites bronches.

L’Angleterre se trouve plongée en pleine crise d’adolescence, de croissance. La pudique Albion retrousse ses jupes et donne une bouffée d’air frais à des dessous mités. Lydia, héroïne pervertie, névrosée et schizophrène, elle l’avoue, a trouvé le joint : lorsque sa mère lui coupe les vivres vestimentaires, elle se déloque et pose pour des photos d’art (doux euphémisme) en compagnie de dockers membrus et frustres. Si seulement elle y trouvait son plaisir. Que nenni ! Ces séances la laissent irritée ! Elle est envahie du dégoût d’elle-même et de la société en particulier.

Un qui n’apprécie guère ces séances photographiques et rémunératrices, quoique, c’est John Odion, millionnaire en quête d’amour charnel et sentimental, tandis que les deux cousins de la Belle hébétée se frottent les mains, principalement Viper, eux qui commercent dans le graveleux authentique et le sado-maso libidineux et sénile.

Pour la mère de Lydia, Lady Quench, qui améliore son ordinaire en organisant des visites dominicales du domaine familial à des touristes balisés, c’est dur d’avoir élevé des enfants d’une telle engeance. Alors que Lydia vend ses charmes, ou ce qu’il en reste, sa sœur Béatrice milite au Parti Communiste. Shocking !

vices-prives.jpgLes autres personnages qui gravitent dans ce roman, Mendip le cousin associé de Viper et homosexuel, Farlock, tout le contraire du valet inspiré du personnage de Wodehouse l’inimitable Jeeves, qui se conduit en domestique exécrable et ivrogne, ou encore sir Andrew, légume cloué dans son fauteuil, plus raide et moins pensant que le roseau, et autres personnages imbus d’eux-mêmes, pourris de l’intérieur et à l’extérieur guère plus avenant, tous ces personnages semblent sortir d’une galerie de monstres.

Des monstres pas forcément physiquement, mais mentalement sûrement.


Peinture au vitriol d’une certaine catégorie de Britanniques, d’une société en pleine décadence, Vice privés, vertus publiques montre les lézardes dans l’édifice puritain au cours des années 60. Mais de cette dégradation morale ne jaillit pas le rayon de soleil régénérateur. C’est la purulence qui suinte. Le personnage de Lydia focalise tout l’avilissement et le désespoir qui tenaillent les jeunes héritiers en mal de vivre. Les autres ne vivent pas, ils survivent.

Bizarrement, ce roman, noir, est une bouffée de fraîcheur surtout après avoir lu J’étais Dora Suarez.


A lire également du même auteur : Bombe surprise.


 Robin COOK : Vices privés, vertus publiques (Private places and public places – 1967. Traduction de Jean-Paul Gratias). Editions du Terrain vague. 1990. Réédition Rivages Noir N°166. Octobre 1993. 254 pages. 7,65€.

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4 août 2013 7 04 /08 /août /2013 14:20

Les sept cavaliers de l’Apocalypse entourés de leurs mentors ont frappé !

 

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L’apocalypse, qui à l’origine signifiait révélation ou dévoilement, a pris au fil des siècles une connotation de catastrophe rapide et violente. C’est donc ce contexte que les responsables du concours ImaJn’ère ont incité les participants à un concours de nouvelles à développer. Et tous ont pris à leur compte une vision basée sur des faits réels, ou par le biais de la politique-fiction ont décrits des événements qui pourraient nous tomber sur le râble un jour.

Les sept gagnants dont certains ne sont pas à leur coup d’essai délivrent par leurs textes un message qui n’est guère à l’honneur, la plupart du temps, des dirigeants gouvernementaux.

Et le petit train qu’ils composent en autant de wagons brinquebalant sur des rails de l’incertitude est entraîné par une locomotive habituée à conduire les voyageurs-lecteurs dans des chemins escarpés. Jean-Bernard Pouy, puisque c’est de lui dont il s’agit, s’est posé la question de savoir dans Scato intégriste comment pourrait évoluer la société si l’Eglise catholique, qui déjà se montre homophobe, lançait une croisade tout en défendant le mariage.

Avec Le goût amer des empanadas, Julien Heylbroeck, qui a déjà fourni quelques nouvelles dans des anthologies publiées par Rivière Blanche, reviens sur trois journées décisives dans l’histoire du Chili. Le 9 septembre 1973, l’inspecteur Caballero ainsi que son adjoint Casares sont amenés à enquêter sur le meurtre de Junio Vidal, le grand patron d’une entreprise de transport. Les camionneurs sont en grève, la veuve est éplorée et mondaine, et l’armée s’agite. La junte militaire s’apprête à renverser le président chilien.

Les oubliés de Vincent Herbillon s’inscrit dans l’après-cataclysme apocalyptique, dans un pays non défini mais qui affecte toute la planète. Et les Oubliés sont tous ceux qui sont rejetés, parqués, recherchant une maigre nourriture parmi les détritus. Ils sont surveillés par des miliciens qui n’hésitent pas à tirer sur ceux qui veulent fuir leur condition. Les gros, les hommes politiques, les financiers jouissent quant à eux d’une aisance obscène.

Jilali Hamham avec 93 panthers imagine une révolte des habitants d’origine arabe de la banlieue parisienne et plus précisément les habitants du 9.3. Houriad Jawad, la Marianne au keffieh comme elle a été surnommée, et ses trois compagnons remontent une avenue proche des Champs Elysées à bord d’un fourgon. Elle est communication avec d’autres véhicules qui ont quitté le département de la Seine Saint-Denis, exacerbés par l’ostracisme qui y règne. Ils ont mitonné un feu d’artifice à leur manière et essaient de ne pas se faire remarquer par les motards de la police qui sillonnent l’avenue.

Emeute  d’Eric Lainé extrapole sur l’explosion de haine qui s’est déclarée dans des quartiers parisiens suite à un banal fait divers comme il en arrive parfois. Une voiture volée, une course poursuite avec un véhicule de la Bac, des policiers qui ne se maitrisent pas et un coup de feu tiré en l’air atteignant un gamin jouant sur une terrasse d’un quatrième étage. L’engrenage de la violence et des habitants se prennent pour des résistants, devenant des miliciens presque pour le plaisir, se croyant dans un jeu de rôle.

Yuri, crâne rasé et couturé de cicatrices, le personnage principal de Extrasystole, de Jérôme Verschueren, est l’homme de main de Paul, un homme secret, riche, le dirigeant d’une société de clearing. Yuri a des problèmes de cœur, pourtant il a toujours vécu sainement, même en tôle  : vodka bio, à profusion. Ce jour-là, 21 décembre 2012, il sait qu’il n’a plus que quelques heures à vivre, mais auparavant il faut qu’il termine un boulot.

Samedi 12 décembre a également inspiré Jean-Hugues Villacampa, l’instigateur de ce concours, dans Samedi noir. Des policiers en armure et des membres d’un Service d’ordre anar s’affrontent boulevard Voltaire à Paris. Le chômage vient de dépasser les cinq millions de personnes et encore tout le monde n’est pas compté. Des familles entières sont jetées à la rue. Dans ce contexte Arnaud est au four et au moulin, et ce n’est pas de la galette.

On se revoit à la Saint-Truphème propose Robert Darvel, le créateur des éditions du Carnoplaste. Trois meurtriers, les assassins de la malheureuse Gabrielle deRhuys, ont un problème. Que faire du corps ? Ils entreprennent de le découper en trois et chacun de leur côté d’en emmener un morceau, et de s’en débarrasser, selon leur inspiration. Et de revoir à la Saint-Truphème pour échanger leur façon de procéder.

Nouvelle qui vous rappellera sans aucun doute votre enfance, Tir aux pigeons de Dominique Delahaye. Gamin, Jean-Pierre a reçu en étrennes un tir aux pigeons, un mobile sur lequel sont juchés des volatiles en carton et qu’il faut abattre d’une flèche munie d’une ventouse. Son copain Philippe était très fort à ce jeu-là tandis que Jean-Pierre peinait. C’était dans une ville où les hauts-fourneaux ne chômaient pas. Pas encore. Bien des années plus tard, les hauts-fourneaux s’éteignent et Jean-Pierre a entrepris de réaliser une action d’éclat.

 

Le thème récurrent est bien la rébellion, l’émeute, l’insurrection, menées par des factions intégristes, par des rejetés de la société, des bandes organisées ou des particuliers. Ce qui se traduit soit par des actes isolés soit par des opérations mûrement réfléchies qui entrainent des faits divers qui pourraient passer inaperçus ou mettent la société en danger.

Chaque auteur a développé selon son inspiration, son envie, sa vision d’un monde en déliquescence, ce thème qui était l’objet d’un concours de nouvelles lancé par l’association ImaJn’ère. Le sujet retenu était plus précisément : Apocalypse sociétale : Notre société n’a jamais attendu les prévisions apocalyptiques des fins-du-mondistes de tout poil pour concocter les pires atteintes aux droits fondamentaux de l’Homme et l’imagination diabolique des hommes de pouvoir surprend chaque jour un peu plus le commun des mortels. La notion d’apocalypse ou de fin du monde se décline sous les formes les plus divers selon sa propre perception du cataclysme ultime.

Et vraiment les auteurs s’en sont donné à cœur joie pour imaginer ce qui pour eux est le symbole du cataclysme, de l’apocalypse. Souvent dans un déchaînement de violence, parfois avec un humour noir très prononcé, ils se sont dépatouillés avec brio de ce qui n’était pas au départ un thème évident, et surtout ils ont su le renouveler.

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L’association ImaJn’ère sous la houlette de Jean-Hugues Villacampa édite également deux fanzines, La Tête en l’ére et La Tête en rêve, que vous pouvez télécharger en visitant le site de PhénomèneJ,  une bouquinerie basée à Angers et qui édite également le plus vieux fanzine français La Tête en Noir dirigé de main de maître par Jean-Paul Guéry, le préfacier de l’ouvrage et son petit frère La Tête en Rose dont l’unique rédacteur est Michel Amelin. ou celui de ImaJn'ère.


Contact par courrier à Phénomène J : 3 rue Montault ; 49100 Angers.


Total Chaos : Recueil collectif. Editions ImaJn’ére. 192 pages. 14,00€.

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