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28 avril 2019 7 28 /04 /avril /2019 04:19

Et un archet dans le cœur ?

Michel EMBARECK : Une flèche dans la tête.

Sur cette route du blues qui se parcourt comme un chemin de croix, se dressent quelques interprètes emblématiques de blues brandissant fièrement des ex-voto sur lesquels sont gravés un des titres majeurs de leurs compositions.

Un pèlerinage que désire effectuer un homme, ancien responsable du service presse des Renseignements généraux à Paris mais néanmoins féru de blues, en compagnie de sa fille avec laquelle il ne communique que parcimonieusement et qu’il ne voit que trop rarement.

A la suite de son divorce, sa fille avait été élevée par sa mère, était devenue professeur de lettres puis s’est exilée au Canada, à Montréal, comme naturopathe. Aujourd’hui elle est âgée de quarante ans, ou presque, et les retrouvailles à Memphis sont prétextes à se remémorer quelques pans de vie passée.

Toutefois, avant de partir à l’aventure, le père récupère à l’aéroport un étui de violon que lui tendent deux hommes. A la question que lui pose sa fille, il répond par une pirouette.

Et les voilà parcourant cette route 61, The Blues Higway, à bord d’un véhicule de location. Papa narre quelques anecdotes musicales, entre deux crises de migraine qui se déclenchent à répétition. Et lors d’une étape dans un des nombreux débits de boisson dans lesquels les bluesmen d’antan, sans oublier des chanteuses comme Betty Smith, se produisaient, buvaient, posaient leurs empreintes indélébiles.

C’est ainsi que l’un des cuistots, d’origine française, de ces baraques leur raconte que si la légende concernant la rencontre de Robert Johnson avec le Diable n’est pas forcément une fiction destinée à embellir cette fable musicale, sa mort ne serait pas forcément due à un empoisonnement. L’utilisation du poison est une arme féminine, paraît-il, et donc un cocu l’aurait expédié dans les limbes ou en Enfer d’une autre façon. Et ils visitent avec un guide du cru les trois endroits où Robert Johnson serait enseveli.

Tandis que Fifille se remémore des épisodes de sa vie, principalement cet événement subi dans un parc alors qu’elle courrait et pas forcément derrière des garçons, elle aurait eu un contact, un corps à corps non programmé. Une victime prise en charge par un policier très aimable. Trop aimable ?

Papa lui ressent ses crises de migraines antérieures et comment une Russe, Svetlana le soignait par l’imposition des mains sur la nuque. Ce qui ne l’empêchait pas non plus de les poser ailleurs. Un souvenir marquant dans sa vie de policier qui n’en faisait qu’à sa tête. Quand celle-ci le laissait tranquille.

Fifille, naturopathe, s’emporte quand elle découvre avec quel genre de cachet se soigne son père :

Là, tu es en train de t’empoisonner à petit feu. Je ne te demande pas pourquoi tu les prends, pourquoi tu ne vas pas bien, je ne suis pas de la police, moi. Promets-moi seulement d’essayer un traitement homéopathique.

Petit aparté :

D’ici je vois les toubibs qui déclarent la guerre à l’homéopathie se lever, se regimber devant une telle déclaration, eux qui sans barguigner prescrivent des produits chimiques produits chez Bayer (ceci n’est pas de la pub !) et dont l’efficacité médicale n’est pas prouvée mais qui empoisonnent plus sûrement que quelques plantes. Les pots de vin distribués eux non plus ne sont pas prouvés.

Fin de l’aparté.

Mais elle aimerait savoir également pourquoi son père s’obstine à transporter cet étui de violon, quelle est la mission dont il est chargé. Ferait-il du trafic, transporterait-il des armes, à quoi peuvent bien correspondre ces réticences, son silence.

 

Une flèche dans la tête est un conte musical et philosophique, et le lecteur retrouvera avec plaisir les noms de Charlie Patton, Howlin’ Wolf, John Lee Hooker, Dinah Washington, Billie Holiday, Big Bill Broonzy, Robert Johnson évidemment et de combien d’autres qui devraient figurer dans toute discothèque (Je parle du meuble) digne de ce nom. Et Papa ressemble furieusement à l’auteur, mais chut, je ne vous ai rien dit. Mais l’auteur revient également sur la signification des certaines chansons blues, des textes grivois, coquins, évocateurs, loin de l’incantation des esclaves décrivant leur sort.

Autrefois la parole était nettement plus libre, on pouvait rire de tout ou presque comme une soupape aux pouilleries de l’existence puisque la criminalité était bien pire, la misère, comment dire, plus prégnante.

 

Florilège de petites phrases :

 

Faut dire que le diable paie cash alors que Dieu achète à crédit et sans garantie de retour sur investissement.

 

Bof, raconter sa vie, c’est n’avoir rien de très intéressant à dire.

 

En fait les Ricains m’épateront toujours. En l’absence de véritable Histoire, ils tirent profit de la moindre anecdote pour en faire un spectacle, une commémoration ou une attraction.

 

Michel EMBARECK : Une flèche dans la tête. Joëlle Losfeld Editions. Parution le 4 avril 2019. 116 pages. 13,00€.

ISBN : 978-2072821387

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27 avril 2019 6 27 /04 /avril /2019 04:25

Laissons la plage aux romantiques…

Jean FAILLER : C’est la faute du vent…

Célèbre comédien, Armand Demaisieux est actuellement en vacances près du village bigouden de Tréguennec, célèbre pour sa plage prisée par les surfeurs, dans la baie d’Audierne. Il a acheté un penty où il aime venir se ressourcer, selon un mot à la mode. Et il se balade en cette fin de mois d’octobre dans la palud, ces terres marécageuses rases et déshéritée sur lesquelles peu de promeneurs osent se risquer, à cause du vent.

Pourtant ce jour-là, il croise une jeune femme qui vient de se tordre la cheville. Elle se présente, Florence de Saint-Marc, cavalière émérite puisqu’elle est vice-championne olympique d’équitation. Elle loge à l’hôtel et Artaban, son cheval, prend une cure de bains de mer afin de fortifier ses chevilles. Il ne loge pas à l’hôtel mais dans un haras proche qui offre aux touristes des promenades à dos de cheval.

Bref le comédien emmène sa cavalière chez lui et la soigne. Ils sympathisent puis se retrouvent avec plaisir. Armand a connu des déboires dans sa vie amoureuse et Florence également, ce qu’il fait qu’ils sont à égalité sur le plan sentimental. Un point commun qui semble les rapprocher un peu plus, mais n’anticipons pas les évènements.

En se promenant tout en devisant aimablement près de l’usine de broyage de galets qui servit à l’édification du mur de l’Atlantique, ils repèrent un corps qui semble dormir. Un sommeil éternel. Une jeune morte probablement victime d’un assassinat. N’écoutant que leur courage, ils préviennent immédiatement la gendarmerie de Pont-l’Abbé.

 

Mary Lester prend toujours des vacances à cette époque de la Toussaint, pour des raisons familiales qui lui sont personnelles. Aussi elle n’aime pas être dérangée au téléphone, surtout lorsqu’il s’agit d’un malotru qui est au bout du fil. Ce n’est pas elle qui a pris la communication mais son amie Amandine qui lui sert aussi de cuisinière. Quelle que soit la raison de cet appel, elle s’en moque mais Fabien, son commissaire divisionnaire, vient la relancer jusque chez elle. Il explique que l’appel téléphonique émanait de l’adjudant de gendarmerie Papin, de Pont-l’Abbé, au sujet du corps découvert sur la plage. Elle serait impliquée dans cette affaire car un message, écrit sur une feuille empruntée à un cahier d’écolier, message écrit apparemment par un gamin et sur lequel son nom figure.

Il n’en fallait pas plus pour que le gendarme porte ses soupçons sur le commandant Lester. Le mal embouché est sur les lieux de la découverte du corps et les premiers échanges oratoires sont assez tendus. L’adjudant de gendarmerie, imbu de ses prérogatives en tant que représentant de l’Etat, est rien moins qu’amène dans ses propos. Droit dans ses bottes tel un petit coq, il assène des propos acrimonieux à Mary Lester mais elle a vite fait de le rabrouer.

Il n’en faut pas plus pour que Mary Lester, accompagnée de son fidèle ami Jipi, alias le capitaine Fortin, s’immisce dans l’enquête, mettant tout en œuvre pour découvrir le coupable. Elle fait la connaissance de Demaisieux, Armand de son prénom (rien à voir avec la chanson de Pierre Vassiliu même s’il fut un ancien jockey) et de Florence, qui étaient sur les lieux également, transis de froid grâce aux bons offices du gendarme acariâtre et coléreux.

Un policier spécialiste de l’informatique est chargé par Mary d’essayer de découvrir l’identité de la jeune morte, tandis qu’elle-même et Fortin vont continuer de sillonner la région, se déplaçant à cheval en compagne de Florence, Fortin les couvrant en vélo. Et ils remarquent une vieille bâtisse qui semble abandonnée, pourtant du linge sèche dans une cour. Drôle de linge, des sortes de combinaisons noires. L’apport d’un drone piloté par la fille de Fortin va aider les enquêteurs à résoudre l’affaire.

 

Ce roman policier de facture classique n’hésite pas à utiliser des procédés modernes, mais le petit plus, c’est le ton humoristique employé. Les dialogues sont savoureux et l’art de la dialectique n’échappe pas à Mary Lester qui sait renvoyer dans les cordes l’adjudant de gendarmerie revêche.

Le major Papin régnait sur la gendarmerie de Pont-l’Abbé comme un despote de droit divin. Ces termes appartenant à des temps révolus n’étaient pas excessifs tant l’autorité du chef de corps planait sur les locaux même quand le chef n’était pas là.

Des dialogues savoureux et l’on aimerait pouvoir posséder le sens de la répartie dont dispose Mary Lester. Mais il est vrai que dans ce cas, il s’agit d’un roman et donc l’auteur a eu le temps de peaufiner ces causeries entre gendarme obtus et policière sachant garder son calme tout en assénant ses phrases comme des tirs meurtriers.

Tout de même, on souhaiterait parfois se montrer aussi vif dans les échanges oraux tout en restant flegmatique et précis. Se montrer incisif sans perdre son calme.

L’épilogue est comme une farce, un petit règlement de compte et l’explication concernant l’implication écrite de Mary Lester dans cette affaire peut sembler tirée par les cheveux. Mais après tout, pourquoi pas !

 

Treguennec Le bunker

Treguennec Le bunker

Bâtiments de l'usine de concassage

Bâtiments de l'usine de concassage

Jean FAILLER : C’est la faute du vent… Série Mary Lester 50. Editions du Palémon. Parution le 19 janvier 2019. 300 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605489

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 04:06

Dinard. Une ville touristique décrite sous un angle guère flatteur.

Yvonne BESSON : Double dames contre la mort.

Deux adolescents, en quête de frissons dans une ville noyée sous la pluie s’introduisent dans une villa inoccupée. L’horreur : la salle à manger est dévastée, pire le cadavre d’une femme nue gît sur le tapis.

Si les soupçons se portent au début de l’enquête sur les deux gamins fouineurs, les policiers abandonnent vite la piste. En l’absence de renseignements, ils diffusent la photo de la jeune morte.

Carole Riou, en poste à Marville, est interloquée non seulement par ce drame qui s’est déroulé dans sa ville natale, mais de plus parce que le visage du cadavre lui rappelle vaguement quelques chose. Tant pis pour Manu, son amoureux libraire, elle se déplace à Dinard et mène, parallèlement à la police officielle, ses propres investigations.

 

Lorsque le présent et le passé se rejoignent, se télescopent, s’emberlificotent dans des apparences trompeuses, cela donne la trame à un roman plein de rebondissements dont se joue à merveille Yvonne Besson qui avait, dès son premier roman Meurtre à l’antique chez le même éditeur, trouvé un ton juste.

Carole Riou gagne en épaisseur (c’est une image !) et surtout en humanisme. Elle plonge dans son passé pour comprendre ce qui ne pourrait être qu’un fait-divers hors saison.

Si bizarrement les coïncidences émergent, c’est parce qu’elles sont crédibles. Les personnages sont fouillés, l’intrigue est solide, le décor envoûtant.

Et Dinard n’est plus la petite ville touristique bon chic, bon genre. Mais ne croyez pas qu’il s’agit là d’une exception. Yvonne Besson est elle même originaire de ce coin de Bretagne, mais l’histoire aurait très bien pu se passer ailleurs, chez vous peut-être.

 

 

Réédition Pocket Policier. Parution 5 juillet 2007. 370 pages.

Réédition Pocket Policier. Parution 5 juillet 2007. 370 pages.

Yvonne BESSON : Double dames contre la mort. Editions de La Table Ronde. Parution 9 juin 2002. 326 pages.

ISBN : 978-2710324676

Réédition Pocket Policier. Parution 5 juillet 2007. 370 pages.

ISBN : 978-2266157094

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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 04:49

Quand Georges-Jean Arnaud revient sur ses années juvéniles…

Georges-Jean ARNAUD : Patates amères.

Après avoir évoqué son grand-père maternel, Planou, dans Les moulins à nuages, et sa grand-mère paternelle, Caroline, avec Les oranges de la mer, Georges-Jean revient sur sa tendre enfance, de cinq à dix ans, entre 1933 et 1938 à Courson là où la famille Arnaud, Elie le père, Jeanne la mère et Josette, la grande sœur aînée, habitait à l’époque.

Des anecdotes foisonnantes, des images, des senteurs, des impressions, tout ce qui constitue un album de souvenirs nimbés de nostalgie, celle de l’enfance perdue.

La première image qui vient à l’esprit, en cette année 1933, c’est l’arrivée du père, Elie, à bord d’une voiture. Une guimbarde arborant fièrement l’écusson Peugeot, mais selon le garagiste qui l’examine, il s’agit d’une falsification, d’un ajout non autorisé, cette voiturette ne dépassant pas les quarante kilomètres à l’heure n’étant jamais sortie des usines d’Audincourt, ou de Lille ou encore de Valentigney, les sites de production d’alors. Il n’était pas question de décentralisation hors des frontières.

Cette voiturette, qui possédait de petits vases sur les côtés intérieurs, avait peine à monter la côte de Roquefort lorsque les quatre membres de la famille étaient installés à l’intérieur pour se rendre à Leucate. Il ne restait plus à Jeanne qu’à descendre, prétextant l’envie de cueillir des fleurs avec les deux gamins, et laisser le père s’y reprendre à deux ou trois fois pour gravir cette montée.

Une voiturette qui était garée, seul le père le savait où. Et il s’en servait pour ses déplacements comme fonctionnaire des impôts indirects, surveillant les distilleries. Seulement, étant handicapé d’une jambe, cadeau de la Grande guerre, il était obligé de jouer avec les pédales avec ce membre raide en permanence.

La grand-mère Caroline bénéficia des premières visites en voiture, les parents de Jeanne étant provisoirement délaissés. Georges-Jean et sa sœur aimaient ces randonnées qui les emmenaient sur la plage de Leucate. Souvent ils partaient avec des provisions de bouche pour se sustenter en cours de route, mais lorsque le voyage s’effectuait en une seule étape, la grand-mère était fâchée de voir le panier plein, se plaignant qu’on puisse croire qu’il n’y avait pas assez à manger chez elle.

Chez Planou, le père de Jeanne, il en allait tout autrement. Honorine sa femme était restauratrice et la salle ne désemplissait pas de commis-voyageurs ou de touristes. Des plats roboratifs amoureusement préparés dès le matin, tandis que Planou préférait s’éloigner, laissant les femmes seules aux fourneaux. Planou vagabondait dans ses vignes, son côté poète et paysan.

A Leucate les autochtones se rendaient visite, s’introduisant chez les uns et les autres, sans chichi, sans s’annoncer, sans frapper. Tandis qu’à Villeneuve-les-Corbières, les habitants étaient nettement plus réservés, plus discrets, voire plus respectueux de l’intimité de leurs concitoyens. Deux mondes différents et pourtant si proches mais à l’opposé l’un de l’autre, et pas uniquement d’un point de vue géographique.

D’autres images remontent à la surface, amusantes lorsqu’on prend du recul, humiliantes lorsqu’on n’a que sept ans. Ainsi lorsqu’il est obligé de porter, à cause de vertèbres défaillantes, un corset rose avec jarretelles tenant des bas. Imaginez la risée que cela provoquait lorsqu’il était obligé de se déshabiller devant les autres élèves et les adultes.

Les senteurs, c’étaient surtout l’odeur du tomata acide qui s’écoutait à travers un voile, issu de tomates mûres, trop mûres, afin qu’elles puissent dégorger leur jus.

Et puis surtout, c’étaient les fâcheries à répétition entre ses parents. Fâcheries provoquées le plus souvent par de petits riens avec rétorsion de la part de l’un et de l’autre membre du couple. Le père omettait de donner l’argent qu’il gagnait, sauf la pension d’invalidité qu’il percevait et était commune au ménage. Aussi la mère ne préparait à manger que des clopinettes. Ou, alors qu’elle lui avait fait cadeau d’un ensemble en cuir de bureau, puis le punir, elle cachait les objets à la cave.

Parmi ces objets figurait un tampon-buvard, et cette réminiscence amène tout simplement à évoquer un autre aspect de la vie quotidienne des enfants. Ils s’amusaient grâce à un tampon-encreur à taper sur du papier, des enveloppes, timbrant à tour de bras, devenant le temps d’un jeu postier ou fonctionnaire. Car à l’époque, c’étaient des emplois fort prisés, avec l’assurance de l’emploi et d’un salaire régulier. Contrairement au sort des ouvriers plus mal lotis financièrement dans un travail parfois instable. Le rêve des parents pour leurs enfants. Depuis, ce point de vue a bien évolué, et pas forcément en bien, les fonctionnaires étant accusés de tous les maux, et mots, mais ceci relève d’un autre propos qui serait hors sujet.

Une succession d’anecdotes douces-amères, amusantes avec le recul, et qui nous entraînent de 1933 à 1938, avec quelques souvenirs qui font remonter ceux du lecteur à la surface. Ainsi pour qui a connu le chocolat Elesca, il ne manquera pas de terminer en disant c’est exquis, et la pub faisait fureur, grâce à Sacha Guitry qui, en 1911, avait inventé ce slogan K.K.O. L.S.K. est S.Ki, et qui s’était ensuite décliné en LSKCSki… Souvenir, souvenir…

Cette chronique n’est qu’un survol simple et rapide de l’ouvrage, il y aurait tant et tant à écrire, et puis, il ne me viendrait pas à l’idée de tout raconter, tout dévoiler, car il ne s’agit pas de mes mémoires mais celles de Georges-Jean Arnaud, et donc il importe de les préserver dans ce récit enrichissant. Car outre le récit et les souvenirs, c’est toute une époque qui est restituée, et l’on peut affirmer que c’était mieux avant, mais quand même, on ne peut négliger le changement bénéfique dans les conditions de vie. Bénéfique ? Qui sait, il semble que les gens s’amusaient mieux auparavant, se contentant de petits bonheurs simples et peu onéreux.

 

Si je devais effectuer un reproche, ce serait à propos de la couverture qui pour moi n’est guère engageante. Certes les parents se tournent plus ou moins le dos, montrant leur antagonisme, mais le dessin est figé, pas abouti. Mais après tout on ne m’a pas demandé mon avis.

Ce livre est le dernier de la trilogie consacrée par Georges-Jean Arnaud à sa famille et son enfance. Dommage, j’en aurais bien lu d’autres.

 

Georges-Jean ARNAUD : Patates amères. Editions Calmann-Lévy. Parution le 2 mai 1993. 348 pages. 25,00€.

ISBN : 978-2702122266

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24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 04:44

Dans les plaines du Far-West quand vient la nuit...

BUFFALO Bill : La course à la mort à travers les campements ennemis.

S’il est un héros américain dont la légende est encore vivace, c’est bien William Cody dit Buffalo Bill. Plus que Davy Crockett, personnage réel mort le 6 mars 1836 lors du siège de Fort Alamo, Daniel Boone ou Kit Carson.

Des exploits qui furent consignés par son ami et compatriote le colonel Prentiss Ingraham (1843 – 1904) qui fut son agent dans le cadre du cirque créé par le chasseur de bisons, le Wild West Show. Il fut l’auteur de plus de 400 romans ou nouvelles créant de nombreux personnages mais qui n’atteindront pas la renommée de Buffalo Bill.

Né le 26 février 1846 à North Plate dans l’Iowa, Cody perd son père à l’âge de 11 ans, sa mère déménage dans le Kansas où il devient convoyeur de bestiaux pour une compagnie de chariot, participe à la ruée vers l’or à 14 ans et travaille pour le Pony Express l’année suivante. Il fait partie des messagers, franchissant les Rocheuses, transportant le courrier entre le Missouri et la Californie. Puis durant la guerre civile il sert comme éclaireur de l’armée fédérale contre les Kiowas et les Comanches et entre en 1863 au 7e de cavalerie dans le Missouri et le Tennessee. Puis il deviendra homme de théâtre et de spectacles.

Lorsque nous faisons sa connaissance, il a seize ou dix-sept ans environ, au commencement de la guerre civile (ou guerre de Sécession) selon le fascicule, et appartient au 7e régiment du Kansas, basé à Fort Hayes.

Le général Custer attend des dépêches importantes du général Smith qui lui se tient à Fort Leavenworth. Cent-vint milles environ séparent les deux garnisons. Ses exigences, connaître le pays et être familier des indiens, opèrent une sélection rigoureuse, et seul Bill Cody se propose d’effectuer cette mission périlleuse. Custer ne peut s’y opposer malgré le jeune âge de Cody. Mais celui-ci a en tête l’idée de voir sa mère mourante et peut-être de s’affronter à Charles Dunn et son capitaine, le trop célèbre Jesse James. Une rancune tenace lui commande de vouloir affronter ces hommes, Charles Dunn étant à l’origine de la mort de son père.

Et c’est ainsi que le jeune Cody part pour Fort Leavenworth connaissant au cours de son périple de nombreuses mésaventures. D’abord il est poursuivi par des Sioux et il ne leur échappe qu’en se réfugiant dans une grotte en traversant le Missouri. Seulement cette grotte, qu’il pensait être seul à en connaître l’existence est déjà occupée par Charles Dunn et ses complices. Il est fait prisonnier et sauve la vie à une jeune fille, Louisa, qui a été enlevée le jour de son mariage. Son père, riche entrepreneur dans des mines a été tué sous ses yeux de même que son fiancé Charles. Selon ses souvenirs qui ne sont peut-être pas précis.

Cody parvient à s’enfuir avec Louisa qui lui narre les événements auxquels elle a participé malgré elle, mais ils sont bientôt rattrapés par d’autres indiens qui obéissent à un bandit ayant pignon sur rue, Don Ramiro qui a passé alliance avec Jesse James. Cody connaîtra le plaisir mitigé d’être attaché au poteau des supplices, les Indiens lançant dans le tronc des lances dont la pointe a été rougie, et autres joyeusetés. Mais ce n’est pas tout et l’équipée aura bien du mal à parvenir à Fort Leavenworth, but de sa mission. Là, je ne dévoile rien, car le lecteur sachant que d’autres aventures l’attendent, sinon à quoi serviraient les fascicules suivants, sait très bien qu’il ne faillira pas à sa mission, même s’il est sérieusement blessé.

 

Ce court roman, véritable hommage appuyé au courage de Bill Cody, pas encore surnommé Buffalo Bill, reprend certains épisodes réels de la vie du chasseur de bisons, y incorporant des scènes fictives, toutes plus grandiloquentes les unes que les autres, l’action prévalant.

On découvre un Bill Cody jeune, mais déjà imposant physiquement, courageux, tenace, revanchard, flegmatique devant le danger, n’ayant pas encore bu une goutte d’alcool, tireur émérite et cavalier non moins émérite et infatigable. Et n’ayant connu des bras féminins que ceux de sa mère. Comme le qualifieraient les magazines féminins, le gendre idéal.

Toutefois, certains passages sont un peu mièvres tandis que d’autres se révèlent pompeux et ampoulés. Certes, il parait que le style narratif d’Ingraham laissait à désirer, mais le traducteur, inconnu, n’y est peut-être pas pour rien non plus. Par exemple, lorsque les bandits ou les Indiens sont évoqués, un seul mot prédomine : coquins. Un mot un peu faible pour les qualifier, et d’autres termes plus forts auraient pu être employés. Mais après tout, il s’agit de raconter des histoires destinées principalement à des enfants plus ou moins grands, et le vocabulaire s’efface devant la rapidité d’action des mésaventures qui s’enchainent pratiquement sans relâche.

Mais ce pourrait être également une histoire écrite par Ned Buntline, cet écrivain ayant été le premier à narrer les exploits de Buffalo Bill, Ingraham prenant la suite. Seulement à qui attribuer réellement ce texte, sachant que la chronologie française n’est pas forcément celle d’origine ?

Une lecture amusante et le mieux est d’en découvrir la suite afin de se replonger dans une époque qui a fait et continue de faire rêver, celle des Westerns, avec ses bons et ses mauvais côtés. Par exemple la façon dont sont décrits les Indiens, Sioux et Kiowas par exemple. C’était la façon de présenter alors ces autochtones, les Américains blancs étant fiers de leur prépondérance fallacieuse. Il fallait conquérir des terres pour les colons et donc montrer les natifs comme des ennemis sanguinaires.

La guerre de Sécession qui voulait abolir l’esclavage, côté Nordiste évidement, n’empêchait pas ceux qui se prévalaient d’agir comme des défenseurs de la cause des Noirs de se montrer racistes envers d’autres peuplades, et principalement celles qui occupaient à l’origine les terres convoitées. Il suffit de se remémorer les grandes batailles, dont celle dite de Little Big Horn qui se soldat par la victoire des Amérindiens, une coalition entre Sioux et Cheyennes. Mais ceci est une autre histoire.

 

Pour découvrir gratuitement ce fascicule et les suivants, vous pouvez les télécharger gratuitement en vous rendant sur le site ci-dessous, en bas de page d’accueil :

BUFFALO Bill : La course à la mort à travers les campements ennemis. N°1. Editions Eichler. Parution 7 ou 10 janvier1907.

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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 04:18

Les Ecossais ne sont pas avares… de morts !

Gilles BORNAIS : Le sang des Highlands.

En ce mois de février 1892, les corps de deux Anglais sont retrouvés attachés sur un rocher près du Loch Ness. Les membres supérieurs ont été découpés sauvagement, et les cadavres portent des traces d’entailles, de morsures. Comme si on s’était acharné dessus. C’est un braconnier qui les a découverts et a alerté immédiatement les policiers.

Le chef constable Thaur d’Inverness est en charge de l’enquête en compagnie du superintendant Calum McHendrie, du sergent-chef Abernathy et de quelques policiers. Thaur est un ancien militaire, qui raisonne comme tel, muni d’une canne d’ébène et divorcé. Il est de caractère acrimonieux et d’un physique volumineux. Le genre d’homme qu’il ne faut pas chatouiller.

Après une rapide enquête, l’identité des deux cadavres révèle qu’il s’agissait d’un photographe et sa femme, Victoria Brown, une paléontologue de renommée internationale. Seul le fils Cédric, qui probablement les accompagnait, a disparu. Wilma McSwann, une pianiste du village d’Eigemore, là où ont été découverts les corps mutilés, déclare la disparition de son fils de douze, Ervin. Elle donne des concerts et des cours à quelques gamins des environs, et vit seule avec son fils, séparée de son mari.

Le détective inspecteur Joe Hackney, du département d’investigation criminelle de Londres est envoyé sur les lieux afin d’apporter son aide à Thaur. Il vit à Londres dans un appartement vétuste. C’est un homme solitaire qui n’a que pour amie Millie, une femme qui a largement oublié sa jeunesse depuis longtemps, serveuse dans un pub plus ou moins mal famé et qui sert parfois d’exutoire sexuel.

Un gamin est découvert pendu, mort dans les mêmes conditions que les adultes et la mère d’Ervin est soulagée. Elle ne reconnait pas en ce cadavre son gamin. Peu après les enquêteurs apprennent qu’il s’agit de Cedric, le fils des Brown qui avait bien accompagné ses parents. Le problème réside dans le fait qu’il jouait souvent dans la forêt en compagnie d’Ervin.

Selon le braconnier, cinq ou six hommes traînaient dans les bois. Il les aurait aperçu, planqué derrière un arbre, s’affairer puis partir à bord d’une barcasse. Seul détail qu’il peut apporter, c’est que le chef supposé était coiffé d’un glengarry, ce calot traditionnel écossais muni d’une plume. C’est peu.

Seulement, cela remémore à Calum McHendrie, dont le père fut également responsable de la police d’Inverness, une affaire similaire remontant à vingt ans environ. Il est chargé de retrouver ce fait divers dans les archives, ce qui n’est pas une mince affaire.

 

Une enquête qui va durer un mois environ, avec un nouveau cadavre, histoire de gonfler les statistiques, et des prises de bec entre le policier du cru et l’envoyé de Londres.

De nombreux événements tragiques vont ponctuer ces quelques semaines dont l’internement d’une femme dans un asile psychiatrique, ou dénommé comme tel, avec un médecin-chef et quelques gardiens abrutis qui se conduisent comme des porcs.

Mais le lecteur suit en parallèle le pauvre Ervin échappant à la meute de bandits partis à sa recherche et ne voulant laisser aucun témoin en vie. Il se réfugie dans des caches plus ou moins inaccessibles, se nourrissant de poissons qu’il pêche à la main, de baies, et allumant du feu avec les moyens du bord, à la façon des hommes préhistoriques et des trappeurs. De plus il a une cheville en capilotade.

Sont décrits également, comme des interludes, des événements qui se sont déroulés deux cents ans auparavant, à la même époque, lors de la guerre entre Ecossais indépendantistes et troupes anglaises.

Bref un roman historique qui ne manque pas de saveur (le fameux haggis n’est pas évoqué, je vous rassure) ni de dépaysement. La neige, la pluie, le brouillard freinent parfois l’enquête, et surtout les enquêteurs, dont certains possèdent des genoux en ruine. D’ailleurs, c’est un point commun à de nombreux protagonistes, et quand ce n’est pas un genou, c’est une cheville, pas forcément ouvrière.

L’aspect poignant est bien la course du gamin dans les bois alors qu’on ne ressent pas la même compassion envers les adultes même s’ils la mérite. Joe Hackey, ancien malfrat reconverti en policier, un peu comme Vidocq, ne ménage pas sa peine, et ses idées sont parfois en contradiction avec celles du chef constable local. L’effet Je t’aime moi non plus.

Et Nessie là-dedans me demanderez-vous avec justesse. Vous avez raison de vous poser la question, les monstres ne sont jamais bien loin.

 

Gilles BORNAIS : Le sang des Highlands. Editions City. Parution le 13 mars 2019. 384 pages. 18,50€.

ISBN : 978-2824614250

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22 avril 2019 1 22 /04 /avril /2019 04:52

Oh Marie, si tu savais…

Alfred ASSOLANT : Rose-d’Amour.

Avec un père charpentier et une mère lavandière, la petite Marie ne s’épanouit guère. Son père est mutique, ne s’exprimant que lorsqu’il a quelque chose à dire, et encore. Mais il n’est pas comme la mère qui avec ses mains en forme de battoirs n’est pas avare de torgnoles et de beignes. Marie n’est pas jolie, enfin pas vraiment, mais elle est avenante et gentille.

Ses sœurs se marient et quittent la maison paternelle, la mère décède après avoir bu un grand verre d’eau froide alors qu’elle était en sueur. Marie a dix ans. Elle trouve en Bernard, un gamin de trois ans plus âgé qu’elle, un compagnon de jeux aimable et intentionné. Un jour, s’amusant dans la forêt avec quelques gamins, garçons et filles, Marie se retrouve seule. Elle est attaquée par un loup alors qu’elle ne prétendait pas jouer au Petit Chaperon Rouge, et Bernard la sauve des griffes et des dents de l’animal.

Rose d’Amour et Bernard deviennent peu à peu amoureux l’un de l’autre. Ils sont souvent ensemble, mais cela reste platonique. Le père de Bernard et les parents du jeune homme pensent que cela se traduira par un mariage, cérémonie à laquelle ils n’opposent aucun véto, mais la guerre du Maroc réclame des moyens humains. Bernard pense échapper à la conscription malheureusement pour lui, le sort en décide autrement. Il a vingt ans et Rose d’Amour en a dix-sept, le bel âge pour convoler.

Les parents de Bernard ne roulent pas sur l’or même s’ils possèdent quelques biens. L’idée est de trouver un remplaçant à Bernard, contre une forte somme. Pour cela ils hypothèquent leur maison, seulement la mère Bernard, malade met le feu aux rideaux. Plus de maison, plus d’hypothèque, plus de remplaçant.

Bernard part pour l’armée pour sept ans, et Rose d’Amour se découvre enceinte. Ils avaient quelque peu précipité les noces, et elle se retrouve la risée, la honte de pratiquement tout le village. Même son père pourtant si calme et si accommodant lui fait la tête. Elle travaille dans une usine de couture et sa joliesse attire les yeux du contremaître. Elle refuse de se laisser aller, de devenir une femme soumise, et taloche le malotru devant ses collègues.

Les ans passent, elle ne reçoit pas de courrier de Bernard. Elle pense qu’il l’a oublié et entame des études du soir afin d’apprendre à lire et à écrire auprès d’un jeune adulte bénévole. Bientôt celui-ci tombe amoureux d’elle mais elle refuse de manquer à sa parole donnée à Bernard. Sept longues années durant lesquelles la petite Bernardine grandit gentiment. Jusqu’au jour où, au cours d’une algarade avec un voisin, un dénigreur et un malveillant qui ose appeler sa petite-fille la petite bâtarde, Bernard est tué à l’aide d’un compas. L’homme a beau jeu de rejeter la faute sur Bernard et la honte une fois de plus déteint sur Rose d’Amour.

 

Romans de terroir, réaliste et misérabiliste, comme c’était la mode à l’époque, Rose d’Amour serait une nouvelle ou un roman catalogué, de nos jours, comme une romance destinée à l’édification des jeunes filles vertueuses. Mais il y a un peu de Zola dans cette histoire sociale ou plutôt le contraire car si Assolant a fait paraître Rose d’Amour en 1862, La Terre de Zola date de 1887.

L’histoire se déroule dans un petit village, Saint-Sulpice, en Auvergne. Peut-être dans le Puy-de-Dôme, mais rien ne permet de l’affirmer.

Rose d’Amour est un roman écrit à la première personne et la narratrice, Rose d’Amour, s’adressant à une interlocutrice dont on ne sait rien, narre ses mésaventures et dénonce les ragots, les rumeurs, les fausses déclarations, les préjugés, les jalousies également ainsi que ceux qui veulent profiter du malheur des autres pour en tirer bénéfice. Un constat peu flatteur de la campagne d’alors mais qui n’a guère changé dans les mœurs même si celles-ci sont plus libres et plus tolérantes. Et ce problème n’est pas l’apanage de la campagne car on le retrouve également dans les villes et les banlieues. Le syndrome de la fille-mère est encore bien prégnant dans les esprits étroits, mesquins, bigots, et enfreint la morale de certaines religions intégristes.

Nous sommes loin des aventures débridées décrites dans Les Aventures (merveilleuses mais authentiques) du Capitaine Corcoran, un roman destiné à la jeunesse et prenant l’Inde pour décor, mais ces deux ouvrages possèdent en commun d’être des contes philosophiques. Si Rose d’Amour est l’histoire d’une fille-mère à cause d’événements imprévus et dans l’obligation de trouver un remplaçant si le tiré au sort ne veut pas partir à la guerre, contre rétribution onéreuse, Capitaine Corcoran dénonce le colonialisme anglais et par là-même toute forme de colonialisme.

Le côté social prédomine et le système de la conscription est un privilège accordé aux riches qui peuvent y échapper contre monnaie sonnante et trébuchante :

Ah ! dit le père Bernard, il est bien dur de travailler toute sa vie et d’amasser avec beaucoup de peine quatre ou cinq mille francs pour en faire cadeau au gouvernement ou n’importe à qui, quand on est vieux et quand on ne peut plus travailler.

 

La question de l’égalité des salaires est également soulevée, mise en avant comme un fait acquis qu’il faut dénoncer :

Car il faut vous dire, madame, que je travaillais dans un atelier avec trente ou quarante ouvrières. Chacune de nous avait son métier et gagnait à peu près soixante-quinze centimes. Pour une femme, et dans ce pays, c’est beaucoup ; car les femmes, comme vous savez, sont toujours fort mal payées, et on ne leur confie guère que des ouvrages qui demandent de la patience.

 

Pour vous procurer ce court roman en version numérique gratuite, une seule adresse :

Alfred ASSOLANT : Rose-d’Amour. Nouvelle. Version numérique. Editions Ebooks libres et gratuits. Environ 70 pages.

Première édition : L. Hachette & Cie. 1862. Contenait en outre Jean Rosier ainsi que Claude et Juliette.

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21 avril 2019 7 21 /04 /avril /2019 04:20

La Bible, un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains !

Viviane JANOUIN-BENANTI : La serpe du maudit.

Pourquoi Pierre Rivière a-t-il en 1835, à l’âge de vingt ans, tué sa mère, sa sœur et son frère ? Quels sont les évènements qui ont précédé son acte, l’amenant à commettre trois meurtres dans un petit village du Calvados ?

Pierre est le premier enfant de Marie et de Basile, mais sa mère désirait avant tout une fille. Dès sa naissance, cet enfant non désiré subira les brimades maternelles tandis que le père courbera l’échine sous les récriminations de son épouse qui rêvait de devenir riche. Pourtant ce paysan travailleur ne cesse de combler comme il peut sa femme qui ne lui en sait pas gré.

Le mariage était arrangé, comme bien souvent à cette époque, pourtant Basile est follement amoureux de son épouse. Pierre survit, sa mère ne l’allaitant qu’au compte-gouttes, ne s’occupant guère de lui, le rejetant. Un deuxième enfant arrive au foyer, une fille qui accapare tout l’amour de sa mère. Pierre possède un faciès qui rebute quelque peu de même que ses réactions.

Il est intelligent puisqu’il apprend à lire très jeune, trouvant en la Bible une source de réconfort et d’invectives, apprenant par cœur des passages entiers. Pourtant à l’école, ce n’est qu’un cancre. Il aime sa mère même si celle-ci ne le lui rend pas et il accepte avec difficulté de partager un amour, qui n’est pas réciproque, avec ses autres frères et sœurs. Les relations se dégradent rapidement entre les deux époux et Marie met à la porte Basile et Pierre.

Seulement Basile doit travailler les champs de sa femme, régler les dettes qu’elle contracte chez les commerçants du village. Parfois il a droit de coucher avec son épouse malgré cette séparation de corps. D’autres enfants naissent et échoient à Basile. Pierre est imprégné de cette Bible qui ne le quitte quasiment jamais et il ressent une profonde injustice qui le conduira un jour de colère à perpétrer cet effroyable meurtre nourri de rancœurs, de brimades.

 

Viviane Janouin-Benanti nous livre le portrait d’un criminel intelligent doublé d’un schizophrène, maladie inconnue à l’époque, retraçant ce parcours avec minutie, dans l’esprit d’un roman tout en empruntant la réalité puisée à travers des journaux d’époque et des archives.

Héros solitaire d’une famille nombreuse, le destin de Pierre Rivière ne peut laisser indifférent. Mais l’auteur ne se contente pas de narrer cette histoire misérable dans laquelle la mère se montre particulièrement fieffée, odieuse, rouée envers son mari et une partie de sa progéniture.

Viviane Janouin-Benanti l’intègre dans le contexte historique de l’époque. Ce qui au début gâche un peu la vivacité du récit, mais permet également de mieux comprendre cette société dans laquelle ne peut s’intégrer un adolescent en mal de vivre et en mal d’amour.

Viviane JANOUIN-BENANTI : La serpe du maudit. Comprend un cahier photo de documents d’époque. 3E éditions. Parution le 1er mars 2017. 368 pages. 11,00€. Version numérique 4,99€.

ISBN : 979-1095826712

Première édition : Collection Crimes et Mystères aux éditions Cheminements. Parution mars 2003.

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20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 04:00

C’est pour être sûr que le cadavre est bien mort ?

Eric FOUASSIER : Par deux fois tu mourras.

La période qui se situe entre la fin de règne de Clovis et des Mérovingiens et celle de Charles Martel puis de son fils Pépin le Bref auquel succédera ce sacré Charlemagne qui a inventé l’école et des Carolingiens, n’est que très peu abordée dans les manuels scolaires.

On retiendra surtout les images montrant ces Rois Fainéants avachis dans des chariots tirés par des bœufs, mais cet intervalle fut occulté d’abord par Eginhard, auteur de la première biographie officielle de Carolus Magnus dit aussi Charles 1er. Il en diffusa une image terne et un dénigrement qui furent repris par les historiens jusqu’à nos jours, et ce particulièrement dans l’enseignement.

Depuis quelques décennies, de nombreux historiens se sont penchés sur les textes, notamment de l’évêque Grégoire de Tours qui a rédigé l’Histoire des Francs. Mais l’avis de ces chercheurs divergent parfois selon les sources auxquelles ils se réfèrent. Eric Fouassier a écrit l’histoire de la reine Galswinthe, la jeune épouse de Chilpéric, de sa mort puis de l’enquête effectuée par le jeune Arsenius Pontius à la demande de la sœur de Galswinthe, Brunehilde la reine d’Austrasie et femme de Sigebert 1er.

 

Or donc ce récit débute en 569 par l’assassinat dans le palais de Rouen de Galswinthe, épouse depuis peu de Chilpéric en remplacement d’Audowhère, répudiée. Galswithe est une princesse Wisigoth et elle apportait dans son l’escarcelle de son époux richesse et noble alliance. Seulement Chilpéric ne se contentait pas d’une seule femme et il avait pour maîtresse Frédégonde, une maîtresse femme puis-je dire, et ce concubinage forcé ne lui plaisait guère et elle s’en plaignait.

Un inconnu s’est glissé dans la chambre où dormait Galswinthe et l’a étouffée en lui plaquant un oreiller sur le nez et la bouche et en l’étranglant. Seulement pour lui, cet assassin ne savait pas qu’il était surveillé et il meurt une dague enfoncée dans le torse. Et de deux. On ne rigolait pas à cette époque.

 

Quatre ans plus tard, en 573, les éléments sont déchainés. Pluie, vent, pluie toujours et encore, et la terre se délite entraînant avec elle des constructions de bois qui s’effondrent. Une porcherie est ainsi mise à mal. C’est alors que soldats, esclaves et autres habitants de la cité, assemblés pour constater les dégâts matériels, découvrent des ossements parmi la boue. Wintrude, esclave des Francs et ancienne princesse thuringienne, aperçoit alors niché parmi ces reliquats un collier constitué de griffes d’ours. Aucun doute, cette parure appartient à son frère Aarbald disparu mystérieusement depuis quatre ans.

Prise à partie par les soldats, elle se réfugie au couvent d’où elle envoie une missive à la reine Brunehilde, lui contant sa peur et surtout le fait qu’elle pense que son frère a été assassiné en représailles.

Aussitôt Brunehilde charge Arsenius Pontius, jeune lettré gallo-romain, d’aller enquêter sur la mort mystérieuse de sa sœur et de découvrir son assassin.

Arrivé à Rouen en compagnie de quelques hommes d’armes, Arsenius se présente auprès de l’évêque de Rouen, Prétextat, prétendant apporter un message de réconciliation entre les trois frères qui se sont partagé le royaume. Il est reçu tel un ambassadeur, ou presque car son statut de filleul de l’évêque Grégoire de Tours plaide en sa faveur.

Wintrude s’enfuit, et Arsenius se trouve embarqué dans une affaire qui s’avère plus compliquée qu’elle le paraissait au premier abord. En effet, en discutant incidemment avec le médecin du château, il apprend que non seulement le présumé assassin de Galswithe a été lui-même assassiné par un inconnu, mais que l’épouse de Chilpéric a, non seulement été poignardée, mais également étouffée. Or cet étouffement a bien provoqué le décès de la jeune femme, le poignard n’ayant frappé qu’un cadavre. Un leurre pour détourner les soupçons sur un homme de paille au lieu du véritable meurtrier.

Arsenius se rend compte que son séjour à Rouen indispose et il est victime d’une tentative de meurtre. Il apprend également qu’une guerre fratricide pourrait bien éclater entre les royaumes de Neustrie et d’Austrasie. Et Guntramm, frère des deux autres et roi de Burgondie, pourrait très bien entrer dans cette partie, un jeu de trônes ou Game of Thrones comme disent si bien nos amis Britanniques et ceux qui se piquent de culture, employant volontiers des locutions d’Outre-manche au lieu des mots français. Un snobisme ! Et une digression intempestive cde ma part.

 

Roman historique ou récit historique ? Les deux évidemment, car si une histoire et une intrigue sont proposées aux lecteurs, l’aspect documentaire prime.

Il est vrai que cette période de l’histoire de France est assez obscure, de par son côté oublié des manuels scolaires, et peut-être du manque d’informations car peu de scripteurs à l’époque rédigeaient les événements qui se déroulaient, par manque de supports. Les chercheurs de nos jours puisent dans des archives parfois contradictoires, selon les sentiments politiques qui animaient ces scripteurs, attachés qu’ils étaient à telle ou telle personnalité, rois et seigneurs.

Toutefois, Eric Fouassier a compulsé de nombreux ouvrages afin de nous restituer cette atmosphère, cette ambiance, ces décors, ces conflits, ces modes de vie, et en a tiré un ouvrage fort documenté. Et l’aspect documentaire prend, parfois à mon avis, une prépondérance qui nuit au développement de l’aspect romancé. Il s’agit un peu avec quelques siècles d’avance de reconstituer un épisode à la façon des Rois Maudits de Maurice Druon et ses collaborateurs dont José-André Lacour.

Mais je garde un trop bon souvenir de la trilogie Sans peur et sans reproche dont les figures principales en étaient le Chevalier Bayard et la jeune apothicaire Héloïse Sanglar dans Bayard et le crime d’Amboise, Le piège de verre et Le disparu de l’Hôtel-Dieu que Par deux fois tu mourras m’a intéressé mais moins captivé que la trilogie précitée.

Une préférence peut-être pour l’époque historique de Bayard, le début du XVIe siècle appelé bas Moyen-âge ou Moyen-âge tardif qui se situe du XIIe au XVIe siècle par opposition au premier Moyen-âge ou très haut Moyen-âge qui va du Ve au VIIIe siècle ou haut Moyen-âge qui est situé du Ve au XIIe siècle.

 

Il est vrai qu’en bien des domaines, et plus particulièrement en médecine, le dogmatisme devrait plus souvent céder le pas aux fruits de l’expérience.

 

Pour mémoire :

Eric FOUASSIER : Par deux fois tu mourras. Roman historico-policier. Editions Jean-Claude Lattès. Parution le 1er mars 2019. 498 pages. 20,50€.

ISBN : 978-2709663908

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18 avril 2019 4 18 /04 /avril /2019 04:37

Quand la SNCF fait de la contrebande, ou plutôt du trafic de voyageurs, en vingt-quatre stations…

Jeanne DESAUBRY et Claudine AUBRUN : Voyageurs.

Lâchez votre téléphone portable, votre tablette, ou tout autre objet inutile destiné à capter votre attention et vous empêcher de regarder le monde en face !

Vous êtes confortablement assis, ou non, dans le train, dans le métro, ou tout autre moyen de transport public (pour encore quelques années) roulant vers une destination qui vous apportera plaisir (vers une personne du sexe opposé ou non), joie (découverte d’un lieu que vous aviez envie de visiter depuis longtemps), fatigue (rendez-vous professionnel vers un lieu de travail qui commence à vous peser) ou repos (enfin retour à la maison).

Alors, prenez le temps de regarder autour de vous et de vous immiscer dans les pensées des voyageurs qui vous entourent. Des couples, avec ou sans enfants, de vieilles dames revêches, ou passionnées par la lecture de leur magazine dit people quoiqu’il ne s’intéresse qu’aux personnes qui vivent justement en dehors du peuple, qui comme vous tout à l’heure s’amusent avec leur objet destiné à l’origine pour téléphoner, à cet homme qui visiblement se rend au travail, bien mis pour le cataloguer comme cadre bientôt en réserve professionnelle, c’est-à-dire mis sur la touche.

Ou encore ceux qui pour passer le temps s’adonnent aux mots croisés qui parfois deviennent des maux croisés, la mère gênée par les émanations nauséabondes provenant du postérieur de son jeune gamin, et puis tous ceux rencontrés sur le quai, ou descendant du wagon et qui s’ébrouent comme les volailles lâchées par une fermière dans la cour de récréation. Et ça caquète, et ça bat des ailes, et ça exprime sa satisfaction d’être arrivés sains et saufs au port (c’est une image).

 

En parlant d’images, il signaler le support proposé par Claudine Aubrun qui a croqué au cours de ses pérégrinations voyageuses ses voisins et voisines, sans oublier les enfants, turbulents ou pas, ceux qui stationnent dans les halls d’accueil ou salles des pas perdus afin de se réchauffer ou enfin peuvent s’aérer les poumons avec la fumée d’une cigarette longtemps tripotée avant d’être allumée.

Comme une séance de diapositives accompagnées de petits textes explicatifs. Des croquis pris sur le vif reflétant toute une faune que vous côtoyez tous les jours et à laquelle vous ne faites plus attention, blasés que vous êtes.

Un petit moment de détente à lire entre deux stations afin de décompresser, on en a toujours besoin, et de se nettoyer les neurones.

 

Jeanne DESAUBRY et Claudine AUBRUN : Voyageurs. Préface de Dominique Sylvain. Collection Graphique. Parution 02 avril 2019. 30 pages environ. 3,99€.

ISBN : 9791023407624

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