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27 mai 2019 1 27 /05 /mai /2019 04:52

Il ne s’agit pas d’une collection de livres…

Didier SENECAL : Mortelle collection

Avant d’entrer dans l’édition en 1983, puis d’écrire (son premier roman publié chez Belfond – Le Cavalier grec – a obtenu le Prix du roman policier/Galeries Lafayette dans le cadre des 24 heures du livre du Mans en 1988) et d’être journaliste pour le magazine Lire pendant 17 ans, Didier Sénécal enseigna l’histoire en région parisienne ainsi qu’à Milan et New-York.

Ce qui explique les nombreuses références qui émaillent ce récit ancré dans l’épopée napoléonienne. Ce qui ne veut pas dire que le lecteur se trouve plongé dans un roman historique. L’intrigue se déroule à notre époque, dans le monde feutré et parfois délétère des collectionneurs, avec des protagonistes de nationalités différentes et issus de milieux divers.

Tout commence par un tragique accident de circulation sur la RN 85, dite route Napoléon. Bertrand Cousin qui était au volant s’en est sorti en ayant été éjecté de la voiture mais sa femme Maud n’a pas eu sa chance. Elle est décédée. Lorsqu’il se réveille du coma à l’hôpital de Grenoble, il clame qu’il a été victime d’une queue de poisson que lui aurait fait volontairement un chauffard à bord d’une voiture grise. Il a bien relevé le numéro d’immatriculation, mais l’enquête de gendarmerie n’a abouti qu’à une piste sans issue. Le véhicule de location incriminé a été rendu au loueur sans aucun dégât sur la carrosserie.

Agrégé d’histoire, Cousin est le responsable des collections napoléoniennes dans plusieurs musées. C’est un homme paisible, sans histoire, sans jeu de mots, aussi traîner derrière lui deux agents de la CIA, cela met la DST en ébullition. Bertrand Cousin parvient à soutirer du capitaine de gendarmerie qui a enquêté sur les lieux de l’accident, le nom et l’adresse du conducteur supposé avoir provoqué l’accident. Un certain Norman Clements, résidant en Australie.

Malgré un handicap, il se remet tout doucement de son bras droit cassé et d’une fatigue généralisée à laquelle s’ajoute un mal être consécutif à la mort de sa femme, il décide de se rendre aux antipodes. Si la DST, représentée par Pauline Dugast et un jeune stagiaire, Fabien, ne peut le suivre car ses compétences ne sont que territoriales, le duo d’Américains émargeant à la CIA eux ne se gênent pas pour le filer.

Péniblement Cousin parvient à l’adresse indiquée et au lieu d’un trentenaire décrit par l’employé de la société de location, il est face à un couple d’octogénaires. Norman Clements a reconstitué dans une immense pièce de sa maison la bataille de Waterloo à l’aide de soldats de plomb et autres figurines. Lors d’une promenade en solitaire Cousin est attaqué par un individu cagoulé et ne doit sa survie qu’à un couteau aborigène acheté dans une boutique locale. Il décide de revenir en France et de ne plus avaler ses médicaments qui lui sapent la santé et le moral.

 

On assiste dans ce roman marqué par l’empreinte de Napoléon et de ses maréchaux, de Victor Hugo aussi, à la renaissance d’un homme qui veut comprendre pourquoi quelqu’un a tenté de l’assassiner.

Poursuivi ou surveillé par des agents de la CIA et de la DST, il va trouver en quelques collectionneurs qui vivent entre rêve et réalité une aide précieuse : Xiao, le milliardaire communiste chinois, Gordon Fraser l’Ecossais qui milite pour le rattachement de l’Ecosse à la France et professe à l’encontre du maréchal MacDonald une admiration sans borne, les frères Albertinelli de Milan, marchands d’antiquités qui parfois dérogent à la déontologie.

Grâce à sa volonté Cousin passera d’homme insignifiant à quelqu’un de déterminé, menant à bien sa quête, perturbant souvent ses poursuivants et anges gardiens qu’il a repéré.

Un excellent roman écrit à trois voix, Bertrand Cousin le protagoniste principal, Mark Harrisson l'agent de la CIA et Pauline Dugast de la DST, et qui met en scène un personnage maniant avec bonheur l’imparfait du subjonctif et les citations extraites des Châtiments de Victor Hugo.

Didier SENECAL : Mortelle collection. Thriller Editions Fleuve Noir. Parution le 14 janvier 2010. 272 pages.

ISBN : 978-2265089433

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26 mai 2019 7 26 /05 /mai /2019 04:11

Lorsque Ernest Pérochon, Prix Goncourt 1920, se montrait visionnaire !

Ernest PEROCHON : Les hommes frénétiques.

Si le nom d’Ernest Pérochon reste indissociable de Nêne, son plus grand succès prix Goncourt 1920, il faut avouer qu’une grande partie de sa production littéraire est quelque peu oubliée de nos jours. Et Les hommes frénétiques est la seule incursion de Pérochon dans le domaine de la science-fiction.

Pourtant dans cette anticipation, la vision qu’il donne de l’humanité est crédible car par bien des points elle reflète ce qu’il se déroule de nos jours et met en scène des événements qui se sont produits vingt ans après sa première parution en 1925. Et encore de nos jours avec des « améliorations » scientifiques et technologiques.

Lorsque débute cette histoire, nous sommes au cinquième siècle de l’ère universelle, et le jeune scientifique Harrisson, élève du presque centenaire Avérine, savant reconnu et estimé de tous, vient de créer quelque chose et il se demande comment cette découverte va être perçue. Il travaille en compagnie de deux autres scientifiques plus âgés et de la jeune Lygie Rod, déjà célèbre pour ses travaux.

Il est content et, trentenaire, il possède encore un fond juvénile qui le pousse à taquiner Samuel, un gamin métis quelque peu arriéré, qui joue avec un chat. Mais ce n’est qu’une récréation après ses heures de recherches et il aspire également à s’imprégner de l’extérieur, de l’air frais, de l’odeur des plantes.

Mais il aime également compléter sa culture de l’histoire de la planète et il se plonge dans l’un des volumes de la bibliothèque de son maître, un volume relatant comment après la guerre de 1914-1918, les progrès ont déréglés l’humanité.

Le rôle des avions dans un environnement belliciste, puis les affrontements entre Nord et Sud, les avancées technologiques des Asiatiques, les guerres qui ravagèrent la planète, les avions de plus en plus performants déversant des bombes bactériologiques sur des cibles précises et autres formes scientifiques d’attaques.

Ecrivant l’histoire de l’humanité à l’âge scientifique, l’auteur, avec une implacable logique, démontrait qu’à l’origine de tout changement dans la marche de la civilisation, on trouvait une découverte dont personne, le plus souvent, n’avait tout d’abord mesuré l’importance.

Plus loin, Ernest Pérochon, après avoir décrit succinctement la guerre de 1914/1918, puis la suite anticipative, déclare :

Jamais peut-être l’humanité n’avait manqué à ce point de clairvoyance et de bonne volonté. La science progressait rapidement, et peu de gens songeaient à s’étonner et à se méfier. L’intelligence semblait quelque peu assoupie ou désorientée.

En plus d’une contrée, de grossiers histrions se hissaient aux tréteaux populaires ; des demi-fous brandissant la matraque, réussissaient à se faire écouter.

Mais ça, c’était avant. Depuis, l’humanité vivait en bonne intelligence, comme si elle avait compris l’enseignement. Les souvenirs lamentables du crépuscule chrétien sont-ils effacés ? Il faut croire que non. Des échauffourées se dressent entre les parallèles malgré les mises en garde d’Avérine, d’Harrison et du Conseil Central qui se positionne au-dessus des nations, comme tenta de le faire la SDN et de nos jours l’ONU.

Les échauffourées se transforment rapidement en guérillas, puis en guerres entre nations, et c’est bientôt l’embrasement.

Le péril jaune était depuis longtemps dénoncé dans des romans populaires, et Ernest Pérochon emboîte le pas dans son analyse.

En face, se dressait le bloc inquiétant des peuples jaunes. Ceux-ci, la science, comme le coup de baguette d’une fée, les avaient tirés d’un long engourdissement. Le réveil avait été prodigieux. Leurs savants égalaient en réputation les savants d’Europe et d’Amérique ; leurs industriels, leurs commerçants, leurs banquiers envahissaient les marchés du globe ; en même temps, une renaissance artistique sans précédent coïncidait chez eux avec une dépravation morale qui étonnait le vieux monde.

 

Les progrès scientifiques inéluctables semblent faire peur à l’auteur.

La société moderne (celle dans laquelle vivent Harrisson et consorts) devait avant tout, surveiller étroitement les recherches scientifiques. Or, rien n’était fait. Sous le prétexte de liberté individuelle, le savant demeurait maître de ses actions tout aussi bien que le mortel inoffensif.

Le déclenchement de cette nouvelle guerre qui devient internationale, planétaire même, est issu d’une simple revendication émanant des agents des transports aériens bientôt suivis par d’autres corps de métiers dont les gens de maison, les cinétéléphonistes, les météorologistes : la journée d’une heure. Mais les revendications de ces professions ne sont pas du goût des agriculteurs, des artisans à domicile, des distributeurs qui regroupent presque toute la population méridienne.

 

Harrisson et Lygie décèlent un phénomène qu’ils isolent et qu’ils désignent sous le nom de système féérique. Mais ce n’est pas le seul sujet sur lequel Harrisson travaille. Les effets s’en feront ressentir plus tard, mais l’on peut comparer le système féérique à ce qui équivaut à ce qui s’est déroulé sur le Japon en 1945 par le largage de bombes nucléaires. Quant à l’autre aspect scientifique, il s’agit ni plus ni moins que de la stérilisation des êtres humains.

 

Les guerres, celle de 1939/1945 puis celle qui fait l’objet de ce roman avec Harrisson comme protagoniste principal, sont longuement, soigneusement, méticuleusement décrites et pourtant il ne s’agit que de l’anticipation. Mais une anticipation réaliste par bien des épisodes.

On pourrait, sans exagérer, déclarer que ce roman est un compromis entre La guerre des mondes de H.G. Wells et les romans dits préhistoriques de Rosny Aîné. En effet la guerre vécue par Harrisson et ses amis se termine de façon cataclysmique et apocalyptique et, comme l’ont fait par la suite bien des auteurs de science-fiction, il existe une résurgence de l’humanité sous forme quasi préhistorique. Mais comment, cela est décrit dans ce roman qui dénonce certains ravages provoqués par une utilisation mal maîtrisée de la science et des technologies, et naturellement des guerres qui s’ensuivent à cause du refus de la prépondérance des peuples sur les autres par chefs d’états interposés. Paru en 1925, ce roman annonçait déjà l’arrivée de dictateurs tels que Hitler et quelques autres, et si l’on veut regarder autour de soi de nos jours, on peut en trouver d’autres en exercice.

Roman d’anticipation et de science-fiction, roman social, Les hommes frénétiques est aussi et peut-être surtout un roman humaniste et une vision de l’avenir désespérée et pourtant porteuse d’espoir.

Première édition : Plon 1925.

Première édition : Plon 1925.

Réédition : Editions Marabout Science-fiction N° 388. 1971.

Réédition : Editions Marabout Science-fiction N° 388. 1971.

Ernest PEROCHON : Les hommes frénétiques. Editions SNAG Fiction. Parution le 4 avril 2019. 352 pages. 18,00€.

Première édition : Plon 1925.

Réédition : Editions Marabout Science-fiction N° 388. 1971.

ISBN : 978-2490151097

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25 mai 2019 6 25 /05 /mai /2019 04:50

Faut pas mollir Maguy !

Paul FEVAL : Les Molly-Maguires.

Plus connu pour la série d’arrestations et les procès qui eurent lieu entre 1876 et 1878 en Pennsylvanie aux Etats-Unis à cause de leur mutinerie contre les propriétaires de mines qui refusaient le syndicalisme, les Molly-Maguires étaient des Irlandais regroupés dans une société secrète qui œuvra d’abord sur leur île en rébellion contre les Orangistes Britanniques. Les Catholiques contre les Protestants.

Au moment où débute cette histoire, au mois de novembre 1844, dans la région de Galway, nous faisons la connaissance de la famille du vieux Miles Mac-Diarmid. Attablé en train de souper, il est accompagné de ses huit fils dont l’âge s’échelonne d’une trentaine d’années à dix-huit ans, d’Ellen Mac-Diarmid, une parente âgée de vingt ans, d’un homme en haillons, invité à se restaurer, d’une gamine nommé Peggy. Seule manque à l’appel, Jessy, la jeune nièce de Miles Mac-Diarmid, qui est mariée depuis peu à Lord George Montrath. Mais le vieux Mac-Diarmid s’inquiète pour Jessy dont les nouvelles ne parviennent que rarement.

Néanmoins, il leur faut rendre hommage à Ellen, que Miles Mac-Diarmid considère comme sa noble cousine. Et il est qu’elle fait partie de la famille, descendante des Mac-Diarmid qui autrefois possédaient un château, aujourd’hui en ruines, dans la région. Et ce n’est pas pour rien qu’elle est surnommée l’Héritière. Le vieux Miles Mac-Diarmid vitupère contre les Mollies, une société secrète dont les membres brûlent et pillent. Morris, l’un des fils tente bien de justifier leurs actes, démentant les pillages, mais rien n’y fait. Miles Mac-Diarmid est un fidèle de Daniel O’Connell, un Irlandais qui refusait l’implantation des Orangistes sur son sol mais considéré depuis comme une sorte de traître par les rebelles.

Il est question aussi d’un major anglais qui serait dans la ferme de Luke Neale, un fermier considéré comme un usurier, un assassin et autres qualités incompatibles avec l’honneur des Irlandais. L’évocation de Percy Mortimer, le major anglais, trouble Ellen, et l’un des plus jeunes fils de Miles s’en rend compte. Elle l’aime, se dit-il.

Au moment de se quitter, l’homme en haillons qui se prénomme Pat prend à part chacun des fils, leur glissant un petit mot en sourdine. Et tous les fils Mac-Diarmid sortent, l’un après l’autre, et se retrouvent à la ferme de Luke Neale, étonnés de se retrouver ensemble et d’appartenir à cette confrérie des Molly-Maguirres, avec comme mot de reconnaissance les Payeurs de minuit.

Ils sont venus s’emparer de Percy Mortimer, qui est blessé, et de Kate Neale, la fille du fermier, mais un homme, un chef sans nul doute, habillé d’un carrick, sauve la vie de Mortimer, car entre eux il existe une dette de sang. L’un des frères Mac-Diarmid aime Kate Neale, ils sont même fiancés selon lui, et c’est assez pour que les autres frères laissent également la vie sauve à la jeune fille.

La ferme est incendiée et au milieu des débris est dressé un panneau sur lequel est inscrit : La quittance de minuit.

Fin du prologue intitulé Les Molly-Maguire.

Débute alors l’histoire de L’Héritière qui se déroule six mois plus tard, en juin 1845 toujours à Galway et ses environs.

Dans une auberge, deux femmes et deux hommes se tiennent assis sur un banc, et buvant un rafraîchissement. L’un des deux hommes est sous-contrôleur à la police métropolitaine de Londres, et l’autre un pauvre hère qu’il soudoie afin que celui-ci effectue un faux-témoignage.

En effet, Miles Mac-Diarmid, le vieux Mac-Diarmid, est emprisonné suite à l’incendie de la ferme de Luke Neale. Les preuves manquent, et il serait bon que ses enfants affirment devant la justice que le vieux Miles était présent lors de cet incendie. Comme l’homme est pauvre et ne peut nourrir ses rejetons, la solution est toute trouvée.

Mais dans Galway, la tension est étouffante, tout comme la chaleur. Les Orangistes et les Irlandais ne manquent pas de s’invectiver, voire de se porter des gnons. Les soldats tentent de maintenir l’ordre sous le commandement du major Percy Mortimer. Mais celui-ci est un homme probe, sachant faire la part des choses, il est honnête et n’accepte aucun débordement de la part de ceux qui sont sous ses ordres. On serait tenté d’écrire qu’il ménage la chèvre et le chou. Pourtant il est la cible des Irlandais qui désirent sa mort et le lui font savoir en lui envoyant des messages sur lesquels est dessiné un cercueil.

Dans cette ambiance délétère et belliqueuse, se trament des histoires d’amour entre Anglais et Irlandaise ou inversement, de trahisons liées non pas à une approche politique mais à cause du paupérisme vécu par certains, des affrontements divers dans lesquels des enfants jouent un rôle non négligeable.

Paul Féval ne cache pas professer une attirance pour les idées du peuple Irlandais, l’envie de se débarrasser d’un envahisseur qui impose ses lois et sa religion, alors que dans certains de ses romans il met en avant une certaine supériorité des fils d’Albion. D’ailleurs bon nombre de ses romans ont en commun de mettre en scène des Britanniques, comme dans Jean Diable, La Ville-vampire, Les mystères de Londres et autres.

 

Le titre exact de ce roman qui comporte deux parties, L’Héritière et La galerie du géant, est La Quittance de minuit. Mais les éditions de l’Aube ne rééditent que le prologue, qui donne son titre à l’ouvrage, et la première partie dite l’Héritière. Ce qui peut induire en erreur les lecteurs, qui de ce fait n’ont en main qu’un roman tronqué de sa seconde partie, et les laisser sur leur faim.

Les heureux possesseurs d’une liseuse, peuvent télécharger gratuitement et en toute légalité l’intégralité de roman, La quittance de minuit, en se rendant sur le lien ci-dessous :

Paul FEVAL : Les Molly-Maguires. Collection L’Aube poche. Editions de l’Aube. Parution le 20 octobre 2016. 272 pages. 10,80€.

ISBN : 978-2815920131

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24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 04:48

Prière de laisser cet endroit aussi propre que vous souhaiteriez le trouver en entrant !

Yvonne BESSON : Un coin tranquille pour mourir.

En ce mois de mai, la contestation sociale n’a pas épargné Marville, petite ville de la côte normande. La plupart des enseignants des collège et lycée locaux s’organisent, préparant activement la grève, malgré les diverses tensions qui souvent les divisent.

A l’issue de l’une de ces réunions houleuses, le corps de Robert, un jeune stagiaire boulimique en butte aux quolibets de ses élèves, est découvert enfermé dans les toilettes du collège. Il s’est tailladé les veines après avoir ingéré un sédatif. Le suicide ne fait aucun doute mais de vifs reproches sont adressés à Louise, son professeur tuteur, ainsi qu’à Vitré le chef d’établissement.

Les semaines passent. Carole Riou, promue commandant, a quitté le commissariat de Marville pour le SRPJ de Rouen. Elle végète dans sa nouvelle affectation, effectuant le trajet aller-retour quotidiennement.

Mi-août. Un nouvel incident défraye la chronique locale. Georges, le mari tétraplégique et tyrannique de Louise bascule de son fauteuil roulant et s’écrase au pied de la falaise. Louise est soupçonnée d’avoir poussé son mari dans le vide, mais les témoignages sont en sa faveur, comme peut le constater Carole, chargée de l’enquête.

 

Yvonne Besson nous décrit avec réalisme la vie d’une petite ville de province que l’on pourrait croire confite dans une quiétude léthargique. Il n’en est rien car sous la couche de tranquillité les passions, les tensions, les inimitiés, les jalousies se développent comme mousse dans l’humidité ombrageuse.

Le portrait des relations entre collègues de l’Education nationale, qui peut s’appliquer à toute entreprise, est amplifié par le rôle joué par les intervenants dans la société. Mais ce n’est pas le seul problème soulevé.

Ces rapports entre collègues peuvent dissimuler de profondes failles, sentimentales ou autres, et peu à peu le lecteur s’immisce dans les alcôves du cœur et de l’esprit sans devenir voyeuriste.

Carole Riou aussi se pose des questions sur sa profession, sur son avenir. L’insertion du journal du serial killer, qui se glorifie de sa transformation psychologique, apporte également un éclairage sur les aspirations, les désirs, les petites joies internes d’un quidam qui à partir d’un crime commit un peu par hasard, le révèle à lui-même.

Yvonne Besson nous offre un roman profond, humain, qui ne cède ni à la facilité ni à la démagogie, mais attention sous l’apparence de vraies fausses réalités, se dissimulent de faux vrais témoignages.

Un ensemble de miroirs dans lesquels la lumière rebondit de zone d'obscurité en reflet éclairé selon les projecteurs allumés par l’auteur et qui débouche sur une pirouette fort savamment contrôlée.

 

Réédition Pocket Policier. Parution le 9 mars 2006. 402 pages.  ISBN : 978-2266156325

Réédition Pocket Policier. Parution le 9 mars 2006. 402 pages. ISBN : 978-2266156325

Yvonne BESSON : Un coin tranquille pour mourir. Editions des Equateurs. Parution 14 octobre 2004. 350 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2849900086

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23 mai 2019 4 23 /05 /mai /2019 04:15

Linceul… et les autres à plusieurs ?

Clive BARKER : Confessions d’un linceul

Contrairement à ce qui est annoncé sur la couverture, et désolé de contredire l’éditeur, Confessions d’un linceul n’est pas un roman mais un recueil de nouvelles.

Et comme dans les précédents volumes qui composent le triptyque, Livre de sang et Une course d’enfer parus chez le même éditeur, ces nouvelles oscillent entre le noir et le rouge (comme aurait écrit un certain Henri Beyle !). Le noir du désespoir et le rouge du sang qui inexorablement se répand abreuvant la terre nourricière.

Clive Barker ne travaille pas dans la dentelle et ses nouvelles, tout comme ses romans, sont empreints de désespérance. Ses personnages sont confrontés à des situations perpétuellement périlleuses. Ils vont au devant de leur chaos et le lecteur-même se trouve en état de choc.

L’humour qui permettrait la décompression en est absent, ou alors sous-jacent comme dans L’enfant de celluloïd ou Confession d’un linceul, deux des nouvelles du recueil.

Un humour de situation, révélé comme à regret, comme par hasard.

La mort est le prolongement inéluctable de la vie, mais lorsque la vie et la mort ne font plus qu’un, il n’y a vraiment pas de quoi rigoler.

Clive Barker possède un extraordinaire pouvoir d’évocation en tant qu’écrivain. Ses histoires sont de véritables mises en scènes poignantes, cauchemardesques, et l’on sort de ce recueil comme vidé de toute substance.

Contradictoirement on n’en peut plus, et on en redemande.

Clive Barker crée le lecteur masochiste, pareil à un spectateur subjugué et effrayé qui met ses mains devant ses yeux pour ne pas voir la scène d’horreur tout en ayant soin d’écarter les doigts afin de vibrer quand même.

 

Sommaire :

1 - L'Enfant de celluloïd (Son of Celluloid), pages 13 à 63, trad. Hélène Devaux-Minié

2 - Rawhead Rex (Rawhead Rex), pages 67 à 134, trad. Hélène Devaux-Minié

3 - Confessions d'un linceul (de pornographe) (Confession of a (Pornographer’s) Shroud), pages 137 à 182, trad. Hélène Devaux-Minié

4 - Les Boucs émissaires (Scape-goats), pages 185 à 220, trad. Hélène Devaux-Minié

5 - Débris humains (Human Remains), pages 223 à 284, trad. Hélène Devaux-Minié

 

Réédition collection Epouvante N° 3745. Editions J’ai Lu. Parution 18 juillet 1994. Nombreuses réimpressions.

Réédition collection Epouvante N° 3745. Editions J’ai Lu. Parution 18 juillet 1994. Nombreuses réimpressions.

Clive BARKER : Confessions d’un linceul (Clive Barker's Books of Blood, volume 3, 1984 – traduction de Hélène Devaux-Minié). Collection Blême. Editions Albin Michel. Parution juin 1990. 290 pages.

ISBN : 2-226-04803-0

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22 mai 2019 3 22 /05 /mai /2019 06:12

Du côté de chez Lovecraft… mais pas que !

Brian STABLEFORD : Le testament d’Erich Zann suivi de La fille de Valdemar

Pour entrer dans ce double (court) roman, il faut se munir des clés adéquates. Notamment pour Le testament d’Erich Zann. Mais, les ayant égarées, peut-être d’ailleurs ne les ai-je point jamais possédées, je me suis vu contraint d’entrer par effraction dans ce qui pouvait être un théâtre dont je n’étais que le seul spectateur.

Sur la scène dont le décor représente une pièce dans un logement parisien, deux hommes conversent aimablement. La conversation tourne autour d’un mélodrame que le narrateur a vu deux nuits auparavant aux Délassements-Comiques, situé boulevard du Temple surnommé boulevard du crime. Son interlocuteur étant le Chevalier Dupin.

Le narrateur narre (c’est son rôle) ce qu’il a vu et entendu, un drame écrit par Frédéric Soulié (auteur notamment des Mémoires du Diable) mis en musique par Bazailles, intitulé la Cantate du Diable, inspiré d’une adaptation d’une œuvre de l’Italien Giuseppe Tartini. Paganini est également évoqué à cause de l’interprétation au violon, la technique de la scordatura, précise Dupin.

C’est à ce moment, ou presque, que le Préfet de Police Groix se présente chez le narrateur, assuré d’y retrouver le Chevalier. Clamart, qui fut le notaire d’Erich Zann, décédé quelques années auparavant, a été assassiné par trois coups assénés derrière la tête. Selon toute vraisemblance, Clamart connaissait son visiteur. Son ou sa, rectifie Dupin. Or, quelque temps auparavant, la tombe de Zann a été profanée, à la recherche de son testament, ou de papiers importants, ou de partitions. Quant au violon de Zann il avait été légué à Palaiseau, qui depuis joue dans la fameuse pièce.

Or ce violon a la particularité d’être un Stradivarius que le célèbre luthier n’aurait pas reconnu. Comme un père de famille ne veut pas reconnaître son enfant atteint d’un handicap. Et ce violon, lorsqu’il l’a décidé, se joue de son possesseur, se déréglant, ou se désaccordant lors de l’interprétation d’un morceau musical, puis se réaccordant de façon mystérieuse. Mais les événements se précipitent, et Dupin, accompagné du Préfet et de son fidèle narrateur-biographe, va devoir se rendre dans divers logements dans lesquels planent de sombres entités. Et c’est là que Lovecraft est évoqué sans l’être, car l’une de ces entités malveillantes se nomme, selon Dupin, Nyarlathotep dit le Chaos rampant.

Il est également question de magnétisme et de mesmérisme dans cette histoire qui, après en avoir forcé l’entrée, se révèle plaisante, quoique parfois un peu bavarde.

Si j’ai dit qu’il fallait posséder les clés, apparemment le narrateur lui non plus ne les possède pas. Ce qui conforte le lecteur dans son approche. Ainsi avoue-t-il à plusieurs reprises :

Excusez-moi, Dupin, dis-je. Mais je crains de n’avoir pas encore parfaitement tout saisi.

 

Je me sens toujours perdu dans un labyrinthe, et il est de plus en plus inextricable le temps passant.

 

D’après ce que j’ai appris ce soir – d’une façon quelque peu confuse, je l’admets – j’ai la ferme conviction…

 

 

Dans La fille de Valdemar, nous retrouvons les deux compères quelques années plus tard, exactement en février 1846, soit quelques années avant la disparition d’Edgar Allan Poe et d’Honoré de Balzac. Précisions utiles mais aléatoires car ces deux personnages, ces deux écrivains, jouent un rôle involontaire dans ce récit.

En effet, alors que Dupin s’invite, alors que la nuit est déjà bien entamée, chez le narrateur afin de parler littérature et philosophie tout en dégustant un cruchon de vin chaud, vin chaud dont il ne reconnait pas les habituels ingrédients qui fermentent dedans, une visiteuse demande à rencontrer le narrateur. Celui-ci est fort surpris car d’habitude, c’est Dupin qui est sollicité.

Elle s’inquiète de savoir si le docteur Collyer est bien arrivé et que le paquet qu’il devait remettre est bien mis en sécurité. Une entame quelque peu abrupte pour le narrateur qui tombe des nues. Elle accepte de bien vouloir expliquer qui elle est et quelle mission l’a conduite séant. Ce qui est la moindre des choses. D’autant qu’elle précise que la vie d’un homme est peut-être en jeu, et pas seulement la sienne, si le sens du récit de Chapelain a bien été compris.

Pour Dupin, la femme mystérieuse qui ne s’est pas encore présentée n’est pas une inconnue. D’abord elle avoue qu’Honoré lui a parlé du Chevalier, et ensuite Dupin l’a déjà rencontrée en certaine occasion. Il s’agit d’Ewelina Hanska, la maîtresse du forçat de l’écriture, et en ce cas il va forcément s’intéresser à l’affaire qui se profile. Et c’est ainsi que sont évoquées les personnages fictifs ou réels nommés mademoiselle Valdemar, Dupotet plus connu sous le nom de Baron du Potet, ésotériste et magnétiseur, Puységur et quelques autres.

Tout comme dans Le testament d’Erich Zann, tout tourne autour du mesmérisme, du somniloquisme (forme de somnambulisme), du magnétisme animal, mais également de l’hypnose dont une démonstration est déclinée lors d’une extraction dentaire auprès d’un académicien de second rang, opération réalisée dans un amphithéâtre accueillant partisans et contestataires de cette méthode médicale d’anesthésie.

 

Les amateurs, dans le sens de qui aime, de Lovecraft et de Poe se réjouiront à la lecture de ces deux longues nouvelles. Pour les profanes, comme moi, il s’agit de textes quelque peu ardus, et si l’on avait demandé mon avis, ce qui ne s’est pas fait et en un sens c’est aussi bien, j’aurais proposé que ces deux textes soient publiés séparément mais précédés des nouvelles qu’elles prolongent. C’est-à-dire en deux volumes distincts, La musique d’Erich Zann, de Lovecraft, publiée en 1922, avec pour suite Le testament d’Erich Zann, et La vérité sur le cas de M. Valdemar, conte paru en 1845 et présenté comme un pamphlet par l’éditeur et comme un rapport scientifique par les journaux anglais dupés, pour La fille de Valdemar. Dupés par Dupin, évidement !

Brian STABLEFORD : Le testament d’Erich Zann suivi de La fille de Valdemar (The Legacy of Erich Zann – 2011 et Valdemar’s Daughter – 2010). Traduction de Catherine Rabier. Les Saisons de l’Etrange. Editions Les Moutons électriques. Parution le 21 mars 2019. 240 pages. 16,00€. Version numérique 5,99€.

ISBN : 978-2361835507

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21 mai 2019 2 21 /05 /mai /2019 04:05

J'aime flâner sur les grands boulevards
Y a tant de choses, tant de choses
Tant de choses à voir…

René REOUVEN : L’assassin du boulevard.

Petit chef d’œuvre de la littérature policière, petit chef d’œuvre de la littérature tout court, L’assassin du boulevard est également un chef d’œuvre d’érudition et un modèle du genre dans le pastiche.

Ce roman narre une aventure de Sherlock Holmes relatée par lui-même, ce qui est rare, le détective n’ayant pris la plume que deux ou trois fois, laissant au docteur Watson le soin de raconter ses enquêtes.

Or cette aventure se déroule entre 1893 et 1894, levant le voile sur une partie des années d’ombre se déroulant entre sa disparition dans les chutes de Reichenbach, voir Le dernier problème dans Les mémoires de Sherlock Holmes, et sa réapparition dans La maison vide première des enquêtes relatées dans Le retour de Sherlock Holmes.

René Reouven, en véritable holmésologiste, comble les lacunes de Watson concernant les tribulations holmésiennes, certaines de ces enquêtes n’étant que simplement évoquées par le célèbre docteur.

Mais René Reouven ne se contente pas de mettre en scène Sherlock Holmes, il fait revivre pour la plus grande joie de ses lecteurs, et avec un souci d’exactitude qui l’honore des personnages réels et savoureux, parfois au destin tragique, que ce soit sous leur véritable patronyme ou sous un nom d’emprunt. Le tout donne au récit un air de véracité rendant le personnage de Sherlock Holmes un peu moins légendaire, un peu moins mythique.

A la lecture de roman on pourrait s’écrier, pastichant une phrase célèbre : Sherlock Holmes existe, je l’ai rencontré !

Réédition Le Livre de Poche Policier. Parution le 15 décembre 1992.

Réédition Le Livre de Poche Policier. Parution le 15 décembre 1992.

René REOUVEN : L’assassin du boulevard. Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution le 14 octobre 1985. 204 pages.

ISBN : 978-2207231852

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20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 04:29

Mais les brumes de décembre se répercutent toute l’année…

Daniel CARIO : Les Brumes de décembre.

La tête embrumée de Franck Hamonic n’est pas posée sur un corps, mais sur une barrique. Car il est fin saoul, Franck, et quasiment tous les jours. Une façon de vivre, de se comporter, et il a à peine dépassé les vingt ans d’existence !

Ce soir là n’échappe pas à l’habitude et quand il rentre avec sa fourgonnette chez lui, enfin dans le gourbi aménagé chez sa belle-mère, il tangue et il roule, même s’il est sur la terre ferme.

Le lendemain, 24 décembre, alors que tout devrait être propice à la fête, il est découvert pendu. Un suicide apparemment, seulement l’adjudant Philippe Derval, de la brigade de Port-Louis, n’est pas convaincu par ce qu’il lui semble être une mise en scène. Le médecin légiste bâcle son travail, mais Derval remarque sur les poignets d’Hamonic des traces de suspectes de ruban adhésif. Et vlan dans la suffisance du légiste qui n’a pas pris au sérieux cette affaire, trop occupé, peut-être, par l’approche de Noël.

Mais la brigade de Port-Louis est embarrassée par une autre affaire, banale et pourtant lamentable. Une gamine a été retrouvée morte dans un fossé, bousculée de son vélo par un chauffard. Mais pour retrouver l’indélicat personnage, qui ne s’est naturellement pas manifesté auprès de la maréchaussée, les pistes sont minces, voire effacées.

Philippe Derval va mettre son nez dans la vie privée d’Hamonic, une vie qui sent mauvais. Si sa belle-mère élève son fils Tristan, un gamin de deux ans et quelques, c’est parce que sa fille, et accessoirement la femme d’Hamonic, s’est suicidée peu après la naissance du gamin.

Enquêtant chez les parents Hamonic, Derval est intrigué par la jeune sœur de celui-ci, du nom de Sterenn, une adolescente mal dans sa peau, une gothique qui en fait sûrement un peu trop, en dit un peu trop, affabule sans aucun doute, mais dont les révélations ne manquent pas de saveurs. De saveurs et d’interrogations. Hamonic était un voyou, souvent accompagné de deux compères fréquentés depuis leur plus jeune enfance et dont la mauvaise réputation parle pour eux. Sterenn les suivait, petit chien fidèle de son frère et occasionnellement amie de l’un ou de l’autre des deux canailles.

Mais Derval va aussi se renseigner auprès de la maîtresse d’école de la gamine décédée accidentellement, qui eut plusieurs années auparavant dans une autre école du canton Hamonic et compères. En compagnie de son coéquipier, malgré parfois les avis divergents de son supérieur hiérarchique, du médecin légiste qui n’apprécie pas s’être fourvoyer, de la pression de la juge d’instruction, des réticences des parents d’Hamonic et ceux des amis de celui-ci, des fausses pistes placées comme des peaux de banane à cause d’idées préconçues ou involontairement envisagées comme des prétextes à défendre, à masquer certains faits, Derval patauge dans la vase des parc ostréicoles et les maraîchages.

Et comme son ménage ne va pas très fort, sa femme étant déçue de se retrouver comme une âme en peine dans une région qu’elle ne connait pas et dont elle ne souhaite pas faire la connaissance, Derval se sent attiré par la maîtresse d’école, qui par la force de l’attirance des sentiments, pourrait très bien se trouver investie dans un nouveau statut de maîtresse…

Seulement des coups de feu sont tirés, et pas perdus pour tout le monde…

 

Outre l’aspect policier qui forme la trame de ce roman, deux obsessions se dégagent dans le récit.

D’abord la Bretagne, la beauté de ses paysages, la rudesse du temps et des travaux, aussi bien à la ferme qu’à la pêche, les préjugés qui affadissent la région pour moult raisons, mais aussi la lente déliquescence qui ronge un couple.

Tu veux que je te dise une chose ? Il n’y a que les touristes à faire semblant d’apprécier la pluie et le vent. Les Bretons sont moins cons que les parigots. Par un temps comme aujourd’hui, ils se mettent à l’abri dans le premier bistrot venu devant un café bien chaud…

L’on ne dira jamais assez du rôle social des petits cafés !

Car en toile de fond, le lecteur assiste à l’échec des mariages. Pour de nombreux couples qui gravitent dans cette histoire, à des degrés divers. Mais la focalisation se porte sur celui de Philippe Derval qui maîtrise mieux ses enquêtes, même si celle-ci dure un mois et qu’il atermoie dans différentes suppositions, que dans la gestion de sa vie maritale. Est-ce-ce sa faute ou celle de sa femme qui envisageait pour elle un autre avenir que celui de femme au foyer ?

Cette dilution des sentiments était apparue bien avant de venir en Bretagne. Depuis, la situation s’était aggravée. Etait-ce le fruit de l’habitude ? Autant dans son métier l’adjudant faisait preuve de psychologie, autant avec sa femme il avait du mal à cerner les rouages de son fonctionnement mental.

Quant à l’enquête en elle-même, elle tourne en rond, peut-être parce que l’adjudant n’a pas pris le bon bout de la ficelle, qu’il s’est désintéressé des à-côtés, des personnages secondaires. Mais cela est facile au lecteur d’effectuer ce genre de déclaration, même si au départ, ou presque il se doute de l’identité du coupable. Mais c’était le pourquoi qui lui manquait pour justifier ses suppositions. D’autant que l’auteur joue avec les déclarations approximatives de certains protagonistes, ou des mythomanies d’autres.

Et en toile de fond, c’est la Bretagne que Daniel Cario célèbre, la Bretagne géographique, l’enquête évoluant dans les environs de Port-Louis, mais également la Bretagne sociale et ses travailleurs de la terre et de la mer qui ont bien du mal à joindre les deux bouts mais font preuve de pugnacité.

Moi, je trouve que c’est plutôt une preuve de bon sens de conserver ses racines, de ne pas renier ses ancêtres.

 

Daniel CARIO : Les Brumes de décembre. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 4 avril 2019. 560 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2258152649

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19 mai 2019 7 19 /05 /mai /2019 04:37

Vive le marié !

Gregory McDONALD : Fletch père et fils

Dans Fletch se défonce, roman paru dans la même collection, nous avions laissé Fletch au terme d’une enquête alors qu’il était sur le point de se marier.

Nous retrouvons notre journaliste fantasque et anticonformiste sur une falaise battue par les vents, en pleine cérémonie de mariage. Si vous êtes un habitué des aventures de Fletch, vous ne serez guère étonné d’assister à une cérémonie en rien conventionnelle.

Un homme mystérieux en profite pour lui glisser subrepticement une enveloppe, laquelle renferme deux passeports, des billets d’avion, des réservations d’hôtel et une lettre signée Fletch.

Son père qu’il croyait mort depuis sa naissance daigne refaire parler de lui et même s’inquiéter de son rejeton.

Changement de programme. Fletch et sa jeune femme ne partiront pas en voyage de noce au Colorado, à faire du ski, mais au Kénya. Un changement de destination impromptu avec des bagages peu adéquats pour leur nouvelle résidence.

Skis et gros pulls ne sont guère de mise dans un pays proche de l’Equateur. A l’aéroport de Nairobi, Fletch assiste à un meurtre dans les toilettes. Un voyage de noce qui commence bien !

Et les surprises ne s’arrêtent pas là. Le voyage non plus, d’ailleurs. Pourquoi ne pas aller à la recherche en pleine brousse d’une cité romaine disparue ?

 

Franchement délirant, ce roman policier n’a de policier que le prétexte mais ne boudons pas au plaisir de goûter à l’aventure et à l’exotisme.

Un roman truffé de petites phrases en forme de maximes, assenées comme des coups de massue, et aux dialogues percutants, jubilatoires, imprévisibles et loufoques, et, histoire de délayer la sauce, parfois répétitifs.

Un bon moment de détente, et cela fait du bien dans la morosité ambiante.

Gregory McDONALD : Fletch père et fils (Fletch, too – 1986. Traduction d’Alain Dorémieux). Collection J’Ai Lu policier N°2717. Editions J’Ai Lu. Parution le 6 décembre 1989. 288 pages.

ISBN : 9782277227175

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18 mai 2019 6 18 /05 /mai /2019 04:02

Le pêcheur au bord de l'eau
Abrité sous un chapeau
Est heureux et trouve la vie belle

Tandis que flotte son bouchon…

Philippe HUET : Une année de cendres.

Et que pêche-t-il le pêcheur ?

Les anguilles dans ce coin de port délabré, abandonné, bien installé sur le quai avec deux cannes trempant dans le bouillon saumâtre. Et en guise d’anguilles, elles se défilent tout le temps sachant que c’est son plat préféré à Bernard, il ramène une sorte de guérite, une caisse qui flotte à la verticale. Et dedans, car il est curieux Bernard, il découvre un corps mort. Strangulé le défunt. Bon va falloir appeler les flics pense-t-il tout en apercevant un paquet accroché qu’il ouvre, découvrant à l’intérieur des billets, des centaines de dollars, et des petits sachets qui n’ont du bicarbonate que la couleur.

Bernard s’approprie sans vergogne le butin, mais pas le cadavre qui ira rejoindre la morgue. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il est surveillé à la jumelle par deux hommes. Victor, le tueur à la corde à piano, et son commanditaire, Pascal Antonetti. Il n’y a plus qu’à attendre le résultat de l’enquête policière.

Ange Antonetti et son pote Baptiste Lanzi, qui faisaient partie du gang marseillais des Guérini, ont débarqué trente ans auparavant, en 1946, au Havre, afin de profiter des largesses des soldats américains basés dans les camps-cigarettes. Ils ont trafiqué, s’enrichissant, et développant par la suite un échange de drogue et autres avec les USA. Ils se sont fait leur trou, non pas au soleil, mais dans la cité havraise, et depuis ils règnent en petits rois, avec comme couvertures chauffantes, bars, restaurants, boîtes de nuit.

Mais depuis quelques temps, un autre gang marche sur leurs brisées, celui des Libanais, qui eux aussi se sont bien imposés dans la Cité océane en acquérant bars, restaurants et boîtes de nuit.

Naturellement la presse locale est sur les dents et le jeune localier Gus Masurier est présent sur les quais. Il connait bien le strangulé, un nommé Charoub, avec lequel il a pris plusieurs verres et fait partie du gang des Libanais. D’ailleurs il a des relations très suivies et nocturnes avec Fadia, la sœur d’un des pontifes du gang. La police est elle aussi sur les dents avec la présence du jeune inspecteur de police corse Cozzoli. Lui, il est plutôt, origine corse oblige, attiré par Ange Antonetti et Baptiste Lanzi.

Gus connait fort bien Bernard, le pêcheur, qui fut un ancien typographe au journal dont dépend le localier. Mais Bernard se rendant compte rapidement qu’il vient peut-être de faire une boulette en s’appropriant les sachets et l’argent, en réfère à l’un de ses compagnons de retraite et il décide de se mettre au vert. Comme la couleur des billets.

Débute alors une enquête menée séparément par Gus et son pote le policier corse, mais tout ne va pas comme ils le souhaitent. L’un marche sur les brisées de l’autre, tandis que les Corses ne sont pas satisfaits. Les sachets et l’argent avaient été mis dans la caisse flottante pour piéger les Libanais.

 

Au début, il me semblait entrer un fois de plus dans une sempiternelle guerre des gangs, et je suis entré dans cette histoire avec réticence. Mais au fur et à mesure de ma lecture, je me suis attaché à suivre cette narration qui prend de plus en plus d’ampleur, pour plusieurs raisons.

D’abord le plaisir de retrouver une vieille connaissance dont plusieurs aventures ont déjà été narrées par Philippe Huet, Quai de l’oubli et La Nuit des docks notamment, le journaliste Gus Masurier qui avait un peu plus de bouteille.

Dans ce roman nous assistons à un retour arrière avec ses débuts dans la profession.

Mais c’est également le plaisir de retrouver l’ambiance portuaire du Havre et l’ancienne commune de Sanvic placée sur les hauteurs du Havre. Un endroit qui ravive quelques souvenirs personnels.

Le port du Havre est en pleine mutation, avec l’agrandissement des lieux et le début des transports de marchandises à bord de containeurs, une évolution qui transforme l’attrait touristique. En effet, lors de l’arrivée des paquebots et des cargos, les gens du cru et les touristes pouvaient assister au déchargement des ventres de ces navires, qui étaient le fleuron de la Compagnie Générale Transatlantique, appelée familièrement la CGT, mais étaient moins renommés que Le France. L’Antilles, le Colombie, Le Flandre, le De Grâce... Souvenirs, souvenirs…

Il existe une forme d’humour sous-jacent dans ce roman qui ne manque pas de suspense ni d’action, et s’il s’agit de la guerre des Anciens et des Modernes, c’est également un reportage sur la ville portuaire et sur la façon de fabriquer un journal. Mais sans pour autant s’ancrer dans une forme de documentaire aride.

 

Philippe HUET : Une année de cendres. Collection Rivages/Noir. Editions Rivages. Parution le 13 mars 2019. 350 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2743646288

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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