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30 septembre 2014 2 30 /09 /septembre /2014 08:56

Les fauves ne sont pas tous en cage !

Emmanuel VARLE : Le cirque s'invite au 36.

Un romancier devrait agir comme un jardinier : ne pas hésiter à supprimer des rejets afin que la plante soit plus belle, enlevez les stolons du fraisier pour que celui-ci ne s'étiole pas... Et pour cela il ne doit pas hésiter à supprimer les digressions, les radicelles n'ayant rien à voir avec l'intrigue, les phrases en trop, afin de privilégier l'essentiel au détriment de l'accessoire. Ces morceaux superflus qu'il jugeait intéressants et bien écrits, il pourra les réutiliser plus tard, dans un autre roman et ce à bon escient. D'ailleurs l'auteur s'en rend peut-être compte car il prête cette pensée à Enzo : Il avait hâte de connaître ce que la vieille avait à lui dire car il détestait, depuis sa prime jeunesse, que son interlocuteur tourne trop longtemps autour du pot.

Vieux truand sur le retour, René Bozzoni, plus communément appelé Jo, est toujours sur le qui-vive. Et lorsque l'on sonne à sa porte vers 21h00, une heure indue pour une visite non programmée, il se pose des questions, prend ses précautions et muni d'une arme à feu, il ouvre la porte vigoureusement, mais personne ne se tient sur le palier. Il regarde par sa fenêtre donnant sur la rue, mais le désert règne. Le lendemain il trouve devant sa porte un programme de cirque, un vieux fascicule sur lequel il apparait, silhouette entourée de rouge, prêt à intervenir en cas de besoin aux abords de la cage aux lions. C'était il y a quarante deux ans, et ce n'est pas son incartade de l'époque qui lui vaut ce retour dans le passé. A moins que le vol et la vente d'un bébé tigre à une autre famille de circassiens soit restés en travers de la gorge d'un des ses anciens patrons. Depuis Jo est perturbé, inquiet, oubliant souvent de sortir son chien. Et un soir quelqu'un l'aborde et lui tire dessus. Les policiers arrivent rapidement de même que les hommes de la Scientifique afin de relever les premiers indices. Mais ils ne se rendent pas compte qu'un gamin ramasse à terre la figurine d'un lion. Et pendant ce temps là, son chien se morfond chez lui.

Un père et son fils, partis pêcher dans un lac situé dans un bois limitrophe de la ceinture parisienne aperçoivent une forme blanchâtre qui flotte sur l'étang et il ne s'agit pas d'un poisson. D'ailleurs il n'y en a plus guère dans ces eaux polluées. Le lieutenant Enzo et ses adjoints, Stéphane et Corentin, constatent immédiatement les dégâts des eaux et les deux pêcheurs sont invités à passer au 36 Quai des Orfèvres pour effectuer leur déposition. Le gamin qui a récupéré une figurine de lion omet de signaler sa découverte. Le cadavre porte sur le bras le tatouage d'un tigre.

Le commandant Boussinet qui dirige le groupe 4, composé d'Enzo et ses collègues, hérite de l'affaire. Il est tarabusté par le commissaire Mingus (lequel ne se prénomme pas Charlie) qui exige des résultats rapides. Le noyé était un ancien petit voyou, et un lien se profile rapidement entre Jo et le dénommé André Récamier : tous deux ont travaillé plus ou moins longtemps dans un cirque. Mais de nombreuses années se sont écoulées depuis.

Alors qu'ils pataugent dans leur enquête ils apprennent à la faveur de la lecture d'un entrefilet journalistique qu'un patron de cirque vient d'être abattu en Normandie. Aussitôt ils récupèrent l'enquête et il ne leur reste plus qu'à lier le tout pour découvrir les coupables qui selon toutes probabilités ne seraient qu'un, l'arme ayant servi à ces trois meurtres étant la même.

Les enquêtes dites de proximité permettent de cibler quelques suspects potentiels. Un forain notamment qui magouille, des à-côtés qui lui permettent de nourrir ses animaux. Un individu qui bizarrement a habité près de chez Jo puis de Récamier. Un autre qui touche de près à Enzo puisqu'ils se sont fréquentés (c'est un bien grand mot) sur les bancs de l'école et qui est devenu libraire. Ils s'étaient perdus de vue, ce qui n'affligeait pas particulièrement Enzo, et c'est grâce à un réseau supposé social que le dit condisciple l'a contacté. Enfin un quatrième personnage, théoriquement repérable avec ses dreadlocks mais qui a disparu de la circulation depuis quelques temps et qui refuse de donner de ses nouvelles. Un point commun relie les deux derniers quidams puisqu'ils officient dans des associations de défense des animaux.

L'enquête traîne en longueur au grand dam de Mingus et des renforts sont mis à disposition de Boussinet and Co. Et c'est au bout de plus de six mois que tout se dénouera grâce à un coup de pouce du destin.

Emmanuel VARLE : Le cirque s'invite au 36.

L'univers du cirque n'a guère servi comme thème dans un roman policier, et pour l'auteur c'est un moyen de montrer la vie des animaux en cage. Mais également les débordements de certaines associations en faveur de la faune. Certes des pratiques inavouables ont eu et sont peut-être encore mis en œuvre pour "dresser" ces petites bestioles qui n'ont rien demandé et surtout pas à travailler sans bénéficier de la Sécurité Sociale. Mais dans le même sens, il ne faut pas non plus exagérer. Où alors, s'il faut absolument prendre la défense des animaux, il ne faut pas oublier que d'autres secteurs traumatisent les animaux : les personnes par exemple qui ont un chien mais l'attachent à longueur de journée à un bout de corde de deux mètres d'envergure et encore heureux quand le canidé peut se réfugier dans une niche lors des intempéries. Sans parler des agriculteurs qui tapaient sur leurs ânes, chevaux ou bœufs pour les faire avancer. Divagations aussi venant de la part de ceux qui déplorent et manifestent contre le dressage de chiens d'aveugles.

Emmanuel Varle, s'il met en avant les pratiques de dressage parfois désastreuses dans certains cirques, ne condamne pas systématiquement et fait la part des choses. Il se contente de décrire certaines situations. De même qu'il ne s'attarde pas trop sur les penchants homosexuels de Stéphane, préférant mettre en avant Boussinet et ses envies de sorties dans des boîtes de nuit spécialisées dans l'échangisme, invitant Enzo, lequel n'est pas trop enclin pour participer à ses marivaudages. Enzo est plus occupé à remonter le passé de son grand-père qu'il n'a pas connu et dont il découvre avec stupeur et intérêt son appartenance au monde du cirque et son passé de dresseur aux côtés du célèbre Alfred Court.

Emmanuel Varle, lui-même commandant de la Police Nationale, pratique le corporatisme, peut-être façon inconsciente, griffant au passage ses collègues de la Gendarmerie Nationale : Elle [la Gendarmerie] a été dessaisie très rapidement et c'est tant mieux pour nous, vu la façon dont bossent généralement les cruchots, au profit du SRPJ de Rouen. Et ce terme de cruchot revient par deux fois, constatant avec amertume que les gendarmes bénéficient d'avantages en nature et de promotions plus rapides que les policiers. Mais ceci est un débat qui ne nous concerne pas !

 

Emmanuel VARLE : Le cirque s'invite au 36. Collection Crimes et Châtiments N°52. Editions les Presses Littéraires. Parution le 8 juillet 2014. 356 pages. 13,00€.

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29 septembre 2014 1 29 /09 /septembre /2014 07:57

Malgré l’emprunt d’un pseudonyme viril, Mario Ropp, était une femme.

Mario ROPP : Un portrait.

De son vrai nom Maïa, ou Marie-Anne, Devillers née le 18 décembre 1917 à Héricourt (Haute Saône), elle est décédée le 20 décembre 2007 à Tonnerre (Yonne). Comme l’aimait à souligner Michel Lebrun, Ropp était le nom d’une marque de pipes, mais ce pseudonyme est tout simplement emprunté à Roppe, petit village situé dans le Territoire de Belfort, dont elle avait raccourci le nom. Quant au prénom de Mario, c’est Armand de Caro qui le lui avait suggéré. Elle “ déteste raconter sa vie ” (Correspondance personnelle), pour la simple et bonne raison qu’elle “ ne voit pas en quoi ma vie et mes opinions peuvent intéresser les gens qui me lisent ”. Ses goûts androgènes seraient dus à son signe astral (Sagittaire), ce qui expliquerait sa passion pour les animaux et les plantes. Et aussi pourquoi elle a choisi ce pseudonyme viril pour écrire au Fleuve Noir ou un prénom qui laisse planer l’ambiguïté pour les livres parus chez Ditis dans la collection la Chouette (Dominique Dorn). Une inclination qu’il ne faut pas traduire obligatoirement par misanthropie.

Après avoir passé son enfance à Belfort, elle s’installe à Paris avec sa famille et entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs pour en sortir, quatre ans plus tard, munie d’un diplôme aussi honorifique qu’inutile (FNI 22). Sa famille s’installe dans l’Ouest, à la limite de la Bretagne et de la Normandie. Puis c’est la guerre et l’après-guerre, période sur laquelle elle n’a rien à dire (FNI 22). De retour à Paris elle travaille comme simple ouvrière dans un atelier de brochage à l’expédition des journaux. Un travail fastidieux mais enrichissant sur le plan humain. Elle apprend beaucoup au contact de ses collègues féminines à qui elle raconte des histoires. Un auditoire qui l’écoute avec un mélange de confuse admiration et d’ahurissement. Son patron, qui la catalogue d’agitatrice et de pétroleuse, ne lui demande pas moins de réaliser les portraits de ses chiens de chasse. Par passion des bêtes et besoin d’exotisme, elle travaille ensuite chez un éleveur en grand de poissons exotiques et d’aquarium. Elle déclarait avoir beaucoup aimer cette période et les milliers de petits poissons qu’elle nourrissait, soignait et vendait chaque jour. Puis elle concrétise son rêve, partir en Afrique. Grâce à ses dons pour le dessin et à son diplôme des Arts Déco, elle est engagée par Théodore Monod, alors directeur de l’Institut Français d’Afrique Noire à Dakar, comme dessinatrice en botanique afin d’illustrer une monumentale flore de l’Afrique Occidentale. Elle passera trois ans à Dakar puis cinq ans près d’Abidjan. Lors d’un congé en France, en 1956, elle rencontre Armand de Caro et c’est le début d’une carrière littéraire qui durera 27 ans. Dès l’âge de quinze ans elle ressent le besoin d’inventer des histoires, écrivant aussi bien des poèmes que des romans d’aventures en passant par des histoires d’amour frisant l’érotisme (FNI 22). Dans ce même bulletin elle écrivait aussi : Sur le plan plus personnel, ou sentimental, que dirais-je ? Je suis trop indépendante pour me marier, j’aime trop vivre au milieu des animaux pour imposer cette compagnie à un homme, alors je reste seule. Ce qui n’est pas toujours drôle mais ce qui fait pourtant dire à la plupart des gens que j’ai choisi la meilleure part, et je me demande alors pourquoi ils ne font pas comme moi ! Il faut croire qu’ils ne trouvent pas cette part tellement bonne !

Si elle considère que la littérature populaire “ c’est peut-être parce que c’est la plus facile ”, sa préférence va pour les romans policiers, “ ce sont les plus drôles à écrire ”. D’ailleurs, à part Graham Greene “ parce qu’il a le sens de l’humour en toute circonstance ”, elle ne lisait plus que des romans policiers, de tous les auteurs, anciens ou actuels.

Maïa Devillers a produit des romans à la sensibilité féminine prononcée, vouant non seulement du respect mais également une forme d’amour pour ses personnages, bons ou mauvais. Ce qui l’amena parfois, malgré des intrigues originales, à écrire des romans qui selon certains critiques auraient eu plus leur place dans des collections spécifiquement féminines. Ainsi Louise Lalanne alias Maurice Bernard Endrèbe déclare dans M.M. 245 à propos de Ne rêve donc pas - “ Mario Ropp est au roman policier ce que Françoise Sagan est au roman tout court ”, et trouve que Mario Ropp serait plus à sa place dans la collection Présence des femmes. Or si Mario Ropp n’a jamais été publiée dans la collection Présences des femmes, c’est parce que « cela ne me dit pas grand-chose de raconter des histoires sentimentales ». Pierre Boileau se montre plus enthousiaste et à propos de La mort sur la piste, il écrit - “ C’est un excellent roman d’aventures policières, bien mené, avec des scènes émouvantes, et dont le héros, le brutal et pitoyable Karl Räder, est dessiné avec bonheur” (Le Saint 51). Pourtant certains de ses romans possédaient une ambiance glauque. Quelques uns de ses romans ont été traduits en Italie, en Espagne et même en Finlande. Ça va trop loin, A moins d’un miracle et Thalassa furent publiés en feuilletons entre 1965 et 1968, et Ne fais pas ça Isabella a été adapté à la télévision par Véronique Castelnau et Gilbert Pineau, réalisation de Gilbert Pineau avec pour vedette principale Anne Gaël, en 1967.

Mario Ropp avait complètement cessé d’écrire en 1983, année où elle a eu 65 ans, et où elle a jugé bon de prendre sa retraite. A l’époque elle possédait beaucoup moins d’animaux : Deux chiens, deux chats, deux oiseaux. Et elle se passionnait toujours pour les œuvres techniques scientifiques et s’intéressait à l’électronique. Enfin elle avait un train électrique. On retrouve d’ailleurs cette passion dans certains de ses romans comme Et si on jouait au train ? Les jeux des grandes personnes et quelques autres. On retrouvait aussi comme théâtre de ses romans sa région dont Une seule nuit à Saint Florentin.

Mario ROPP : Un portrait.
Mario ROPP : Un portrait.

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2014/09/dominique-dorn-les-chiens-ne-parlent-pas.html

Autres publications - sous le pseudonyme de Dominique Dorn, tous aux éditions Ditis, coll. La Chouette - Le parfum de la peur, 141 (1959); Le rêve de Corinne, 150 (1959); Le lévrier afghan, 162 (1960); Notre métro quotidien, 183 (1960); Les chiens ne parlent pas, 193 (1961); Solo, 206 (1961); Véronique et la Saint Médard, 216 (1961). Sous le pseud. de Maïa Walbert - Ed. Elan, Romans d’aujourd’hui - Cauchemar aux roches roses. Ed. Arabesque, Colorama - L’amour ne vient jamais seul (1959); Si peu le temps d’aimer (1959); La clé sous le paillasson (1960); Lucioles au vent (1960). Sous le pseudo de Michèle Vaudois - Arabesque, Coll. Les Nymphes - De myrtilles et d’amour (1961). Sous le pseudo Maïa de Villers - Samaïa, l’éléphant (1947) roman pour enfants.

 

Grands Romans

Thalassa

Mataï-Ino

 

Polar 50

29 - La route aux loups

 

Spécial Police

136 - Jeu sans joie

166 - La route aux loups

187 - La mort sur la piste

196 - Sans whisky ni cadavre

200 - Plus facile de mourir

217 - Pas encore assez mort

229 - Souviens-toi du vent

240 - Des trains et des morts

251 - Un coup pour rien

264 - Mauvais anges

274 - Bonne nuit, inspecteur

287 - La moto

299 - Mieux vaut l'oubli

309 - L'ange gardien

319 - Et la neige tombait...

334 - Les dangereux retours

347 - La fille sur le parvis

356 - Le hérisson

374 - Un très long cheveu

386 - Les enfants perdus

402 - Absence

421 - Hilda aux yeux trop clairs

434 - Ne jugez pas

446 - Ça va trop loin

462 - Le temps d'une chute

475 - Jeux de clés

488 - Celle des deux qui vivait

502 - Ne fais pas ça, Isabella

515 - L'homme sans auto

531 - Tornades

550 - Entre chiens et femmes

568 - Ne pleure pas pour moi

590 - Les cheveux d'Eléonor

597 - Tueurs d'occasion

614 - L'emporte-pièce

635 - Douce haine

650 - Ne rêve donc pas

671 - La nuit de l'araignée

684 - Les petits corniauds du destin

702 - Le fond du silence

719 - Le monde à personne

735 - Le temps du bulldozer

749 - Une seule nuit à Saint-Florentin

772 - Quand même pas pour une orchidée

781 - Furie en jaune

808 - Ce printemps trop froid

816 - Si elle était morte...

842 - Pourquoi voulez-vous qu'une alouette chante?

860 - La mort en peaux de phoque

872 - Un homme mort et un enfant

892 - Festival en mort majeur

904 - Des loups pour un chaperon rouge

914 - Une sournoise odeur de sapin

931 - Une fois de trop

954 - Revoir Deborah et mourir

967 - Une rose de sang pour Pénélope

985 - Trois malheureux accidents

997 - La vérité en filigrane

1018 - A cause d'une grille restée ouverte

1035 - Aucune raison de la tuer

1049 - La meute des affreux

1068 - Un train pour l'angoisse

1074 - Les eaux ou nagent les piranhas

1124 - Du mythe à la réalité

1130 - Jeux de hasard et de mort

1144 - Un flic dur à tuer

1151 - Le temps des enfants fous

1198 - Partis pour les Galapagos

1206 - La chatte dans un jeu de quilles

1219 - Mortelle mélopée mécanique

1227 - Ne volez pas n'importe quoi

1244 - Une fois, il y eut Vanina

1302 - Une entourloupe royale

1336 - Voler mais pas tuer

1346 - Tout du rat, sauf l'astuce

1362 - Au pays de nulle part

1381 - Prisons en noir et en couleur

1409 - Cocktails d'alcools et de morts

1429 - Le chaland passe, les morts restent

1443 - La ferme et l'arbre mort

1471 - Ci-gît Valmah

1489 - Le courage de l'inconscience

1507 - Une tornade nommée Risko

1517 - Les jeux des grandes personnes

1540 - Plongeon dans les eaux troubles

1558 - Mais à qui appartient Victor?

1577 - Il fallait détourner la tête

1599 - La panthère et le petit chien

1606 - La femme d'une autre mort

1631 - Vous ne pourrez jamais comprendre

1650 - Et si on jouait au train?

1683 - Héroïne sans héros

1724 - Plus facile de mourir Rééd. SP 200

1735 - La menotte ne fait pas le truand

1764 - Des millions pour un cauchemar

1795 - Le bouscule pas, c'est qu'un môme

1814 - Et la neige tombait... Rééd. SP 319

1839 - Mais Juana n'était pas morte

 

Autres publications - sous le pseudonyme de Dominique Dorn, tous aux éditions Ditis, coll. La Chouette - Le parfum de la peur, 141 (1959); Le rêve de Corinne, 150 (1959); Le lévrier afghan, 162 (1960); Notre métro quotidien, 183 (1960); Les chiens ne parlent pas, 193 (1961); Solo, 206 (1961); Véronique et la Saint Médard, 216 (1961). Sous le pseudo. de Maïa Walbert - Ed. Elan, Romans d’aujourd’hui - Cauchemar aux roches roses. Ed. Arabesque, Colorama - L’amour ne vient jamais seul (1959); Si peu le temps d’aimer (1959); La clé sous le paillasson (1960); Lucioles au vent (1960). Sous le pseud. de Michèle Vaudois - Arabesque, Coll. Les Nymphes - De myrtilles et d’amour (1961) Sous le pseud. Maïa de Villers - Samaïa, l’éléphant (1947) roman pour enfants.

Mario ROPP : Un portrait.

Voir également Les chiens ne parlent pas de Dominique Dorn, un alias de Mario Ropp

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2014/09/dominique-dorn-les-chiens-ne-parlent-pas.html

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29 septembre 2014 1 29 /09 /septembre /2014 06:52

« - Oui, la porte et les volets étaient fermés de l’intérieur. Mais le suicide de mon frère me paraît plus impossible encore que le fait de sortir d’une pièce en laissant tout fermé de l’intérieur.

- Le problème du meurtre dans une chambre close, murmura Hugo en détournant les yeux. Beaucoup d’auteurs de romans policiers se sont amusés à le résoudre, d’une manière plus ou moins probante… ».

Dominique DORN : Les chiens ne parlent pas.

Comme à son habitude, Weiss, le facteur, s’arrête chez Patrice Dulac afin de lui remettre son courrier. Ce matin-là, il est tout étonné que l’écrivain, qui se rend tous les ans pour quelques mois dans le petit village de Danfou situé entre Cruzy et Arthonnay, ne l’accueille pas sur le pas de la porte. La porte d’entrée n’est pas fermée, et Gino, le chien, gratte à celle du bureau dans lequel Dulac aime rédiger ses notes pour l’écriture de son prochain ouvrage. Aidé d’un voisin, Weiss défonce la porte et découvre le cadavre de Dulac, assis, une arme dans la main.

Les volets sont fermés de l’intérieur, de même que les fenêtres, et la porte close avec une targette sise à l’intérieure de la pièce. Pour les gendarmes qui effectuent les premières constatations, le suicide ne fait aucun doute. Pour Julien Dulac, son frère peintre, Patrice ne serait jamais suicidé, ce n’était pas dans son tempérament. Alors Julien s’installe et fouille dans les affaires de l’écrivain et découvre des notes renfermées dans des chemises personnalisées. Des notes prises sur le vif, concernant les habitants des lieux, ce qui n’était pas forcément du goût de tous.

Julien va faire la connaissance de ceux qui gravitaient autour de son frère, Doucette la jeune fille de dix-sept ans dont est amouraché Weiss le facteur mais qui apparemment jouait de ses charmes auprès de Patrice. Et puis il y a aussi les habitants du château de Sombrevent. La bâtisse est délabrée pourtant les occupants se conduisent comme de petits hobereaux de campagne suffisants et légèrement méprisants. Lucie, la grand-mère paralysée qui se déplace en fauteuil roulant, Hugo le petit-fils dont l’occupation première est la chasse et les promenades à bord de sa voiture, une ancienne 202, Sabine, la petite fille renfrognée, pas franchement laide mais qui ne fait rien pour s’arranger, Sophie, la soubrette, jolie et délurée. Julien tente de cerner le caractère complexe de tous ces personnages, ainsi que celle de Weiss qui n’apprécie pas que Doucette fasse les doux yeux à tous sauf à lui.

Chacun de ces protagonistes se conduit comme un être multiple : tour à tour ils se montrent arrogants, réservés, colériques, aguicheurs, renfrognés, expansifs. Comme des reproductions du docteur Jekill et Mister Hyde. Des personnages versatiles qui aimaient, et en même temps détestaient, Patrice Dulac. Mais l’écrivain ne se jouait-il pas lui-même de ses voisins, endossant l’habit d’entomologiste afin de mieux les étudier et s’en servir après ?

Seul Gino, le chien qui l’adopte, pourrait aider Julien dans sa quête de la vérité, ce n’est pas la justice qu’il souhaite mettre en avant mais comprendre, or Gino qui a assisté au drame connait sûrement le nom de l’assassin. Car Julien sait que meurtre il y a eu, un carnet appartenant à Patrice ayant disparu.

 

Un bon roman, simple, qui privilégie l’exploration de l’âme humaine plus qu’à l’histoire et se relit avec plaisir. Quant au mystère de la chambre close, les amateurs avertis auront facilement résolu le problème, car la machination est élémentaire, dénuée de machiavélisme, tout en tenant la route.

Entre 1959 et 1961, Dominique Dorn aura fourni sept romans à Frédéric Ditis pour sa collection La Chouette. Parallèlement elle en aura autant de publiés au Fleuve Noir dans la collection Spécial Police sous le nom de Mario Ropp ainsi que quatre chez l’Arabesque, collection Colorama sous le pseudo de Maïa Walberg et un dans la collection Les Nymphes sous celui de Michèle Vaudois. Une énorme production mais restera Mario Ropp avec des hauts et des bas.

Dominique DORN : Les chiens ne parlent pas. Collection La Chouette N° 193. Editions Ditis.

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28 septembre 2014 7 28 /09 /septembre /2014 12:59

Hommage à Ellis Peters, pseudonyme d'Edith Pargeter, née le 28 septembre 1913.

Ellis PETERS : Le capuchon du moine.

Si frère Cadfael est moine, il n'en est pas moins homme. Un homme qui a vécu, a participé à la première croisade, a porté l'épée comme soldat, et même a aimé de gentes dames dans sa jeunesse turbulente.

Maintenant tout cela ne fait plus partie de souvenirs qui remontent parfois et subrepticement à la surface. Des souvenirs nostalgiques certes mais que ne sont que de brefs interférences dans une vie tranquille, calme, rangée. Monastique en un mot.

Sauf quand le hasard et le crime le mettent en présence d'une personne qu'il a fort bien connue et aimée dans sa jeunesse. Cela remonte quand même à quelques décennies.

Tout ça à cause d'un riche propriétaire qui décide de léguer ses biens immobiliers à l'abbaye de Shrewsbury en échange du toit et du couvert pour lui et sa famille. Une retraite en viager en quelque sorte. Mais ce riche propriétaire décède dans des circonstances plus que douteuses et dramatiques, suite à l'ingestion malencontreuse d'un poison provenant de la réserve pharmaceutique de frère Cadfael. Le meilleur moyen de découvrir l'auteur de ce crime est de chercher à qui il profite.

Frère Cadfael va mener l'enquête car il n'est pas dit que quelqu'un puisse se servir impunément dans sa pharmacie et jeter le doute, la suspicion et l'opprobre sur ses talents d'herboriste, d'apothicaire et sur la communauté monacale tout entière.

Un moine bien attachant que ce frère Cadfael qui se montre résolu dans la traque de l'assassin, mais se révèle également magnanime. Les aventures de ce moine, déclinées en une vingtaine de romans et quelques nouvelles, proposent une incursion extrêmement intéressante dans l'époque féodale anglaise et dont la parution des premiers romans est antérieure au Roman de la Rose d'Umberto Eco. Des romans qui n'ont pas laissé les historiens insensibles, et les lecteurs amateurs de romans policiers historiques non plus d'ailleurs.

Ellis Peters et l'abbaye de ShrewsburyEllis Peters et l'abbaye de Shrewsbury

Ellis Peters et l'abbaye de Shrewsbury

Ellis PETERS : Le capuchon du moine. (Monk's Hood - 1980. Traduction de Serge Chwat). Editions 10/18. Collection Grands détectives N°1993. Première édition 1989. 288 pages. 7,10€.

Ellis PETERS : Le capuchon du moine.
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27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 15:23

Il ne faut jamais se fier aux apparences...

Sophie HANNAH : Meurtres en majuscules.

Lorsqu'il décide de prendre des vacances, Hercule Poirot ne fait pas dans le détail : il s'installe dans une pension de famille à quelques trois cents mètres de son domicile londonien.

Ce soir-là, alors qu'il dîne et déguste son café, un rituel qu'il accomplit tous les jeudis au Pleasant's Coffee, une jeune femme s'engouffre dans l'établissement. Elle semble angoissée ou en détresse, des sanglots dans la voix. Poirot, qui jusqu'alors était le seul client, lui propose de se joindre à elle, puis se présente en tant qu'ancien policier à la retraite. Jennie, c'est le nom de la jeune femme, affirme qu'elle est en danger, qu'elle est déjà morte ou que cela ne tardera guère. Poirot essaie de la faire parler mais ne comprend pas tout car elle s'exprime plutôt sous forme d'énigmes. Une fois Jennie partie il s'adresse à Fee la serveuse mais elle ne sait pas grand chose sur cette femme qui vient chercher régulièrement du café et des pâtisseries pour sa patronne, une lady. Et pour effectuer ses achats Jennie doit traverser toute la ville.

Edward Catchpool, jeune policier à Scotland Yard, est locataire dans la même pension où s'est installé Poirot pour s'oxygéner les neurones. Les deux hommes sont devenus amis, et en cette soirée du 7 février 1929 les événements se télescopent et ils seront amené à participer à la même enquête. En effet alors que Poirot narre sa soirée au Pleasant's Coffee, Catchpool se demande si la fameuse Jennie en question ne serait pas l'une des deux femmes qui viennent d'être assassinées dans un hôtel de luxe, le Bloxham.

Trois meurtres dans trois chambres situées à des étages différents. Les corps ont été retrouvés dans la même position, trois cadavres, deux femmes et un homme, allongés sur le dos, mains à plat sur le sol et jambes réunies. Chaque défunt a un bouton de manchette identique placé dans la bouche. Des boutons de manchette en or massif orné d'un monogramme PIJ. Or certaines paroles prononcées par Jennie semblent correspondre à ce triple meurtre, dont cette phrase : Je vous en prie, que personne ne leur ouvre la bouche !

Le mieux est de se rendre sur place afin de procéder aux constatations suggère Poirot et rendez-vous est pris pour le lendemain matin. D'après Lazzari, le directeur de l'établissement, les trois personnes étaient arrivées séparément le mercredi, et n'ont rien en commun selon toute apparence. Les chambres étaient fermées à clé, et un petit mot déposé à sur le bureau de la réception, à l'insu du réceptionniste, un homme hors de soupçon selon le directeur. Ce petit mot contenait le message suivant : Puissent-ils ne jamais reposer en paix. 121. 238. 317. Les numéros correspondent à ceux des chambres actuellement mortuaires.

Poirot examine les lieux, les cadavres, mais une question se pose : comment les chambres ont pu être fermées et les clés non retrouvées ? A moins que l'assassin présumé ait empoisonné d'abord les deux femmes puis l'homme et se soit enfui par la fenêtre de la chambre de celui-ci, fenêtre restée ouverte, et soit descendu dans le parc grâce aux branches d'un arbre proche. D'ailleurs Poirot, qui est un maniaque du rangement, est intrigué par un carreau de la cheminée. Un carreau qui dépasse légèrement et en le bougeant il découvre placée dans une niche la clé de la chambre. Les serveurs et femmes de chambre sont interrogés, notamment celui qui aurait servi une collation à ces trois personnes réunies dans la même chambre, et dont il ne reste pas trace. Sauf un verre de sherry. Et dans ce cas, pourquoi ces trois individus auraient éprouvé le besoin de se sustenter si leur mort était programmée, car la thèse d'un suicide collectif n'est pas écartée.

Les diverses vérifications établissent toutefois que ces trois défunts se connaissaient. Les deux femmes venaient du même petit village de Great Holling tandis que l'homme résidait dans le Devon depuis de nombreuses années mais auparavant lui aussi habitait à Great Holling. Catchpool est invité à se rendre sur place et il se rend compte immédiatement qu'il n'est pas le bienvenu. Les initiales PIJ correspondent à celles d'un pasteur décédé ainsi que sa femme seize ans auparavant. Les questions se pressent mais seule une habitante accepte de lui révéler quelques secrets entourant ces deux décès. Les rumeurs, la malfaisance, les ragots et les mensonges en sont à l'origine. Et tout ce petit monde se retranche derrière une vertu arborée fièrement mais qui n'est peut-être que de façade. Quant à Jennie, son nom revient comme un cheveu sur la soupe, une soupe indigeste.

Il faut souvent pour résoudre une énigme se plonger dans le passé des acteurs d'un drame, et ce qu'il en ressort n'est souvent pas très joli. Poirot et Catchpool vont le vérifier une fois de plus.

Poirot se montre comme à son habitude imbu de sa petite personne, pédant et surtout fier de ses neurones. Il est intraitable sur le bon emploi des mots, du vocabulaire, sur l'énoncé des questions et par voie de conséquence sur celui des réponses. Catchpool est encore un débutant dans la profession et il se fie à son mentor. Mais il n'est pas toujours satisfait de la façon dont Poirot mène l'enquête. Celui-ci à tendance à taire certaines informations, à reporter au lendemain des explications qui auraient pu être dites le jour même. Certes le lieu n'est pas toujours propice à s'adonner aux commentaires, aux remarques, mais pourquoi ne pas s'exprimer dans ce cas lors de leurs déplacements. Au moins cela permettait au deux voyageurs de débroussailler leurs remarques, leurs intuitions, sans perdre leur temps. Mais non, Poirot préfère tergiverser. Il se montre cabotin, jouant le rôle de maître de cérémonie. Et comme les explications finales, avec rebondissements, s'éternisent, le lecteur se demande quand il aura enfin la solution unique à ces meurtres.

Si dans le fond et dans la forme Sophie Hannah réussit son pari de mettre en scène Hercule Poirot sans parodier ou pasticher, elle veut trop en faire et les éclaircissements qu'elle prodigue nous font plus penser à un copieux plat de porridge qu'à ces petits gâteaux pleins de finesse dont se régalent les ménagères (peu importe l'âge) britanniques. Elle se montre retorse dans cette histoire et la scène finale est un peu longuette et poussive. A lire avec tous ses sens en éveil.

Sophie HANNAH : Meurtres en majuscules. Une nouvelle enquête d'Hercule Poirot (The Monogram Murders - 2014. Traduction de Valérie Rosier). Editions Le Masque. Parution le 10 septembre 2014. 358 pages. 20,90€.

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27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 09:53

La nuit, quand revient la nuit...

Odile BOUHIER : La nuit, in extremis.

Cela fait trois ans que l’armistice de la Grande Guerre a été signé, mais en ce mois de novembre 1921, les séquelles physiques et mentales assaillent toujours le commissaire Victor Kolvair de la police scientifique lyonnaise.

Outre son moignon de jambe qui se rappelle incessamment à son bon, ou mauvais, souvenir, la sortie d’Anthelme Frachant de prison le titille. Anthelme, qui n’avait que dix-sept ans à l’époque, avait participé à la mutinerie qui s’était déclarée dans le bourbier du Chemin des Dames, à la suite de l’incompétence, du mépris et de l’orgueil des autorités militaires. Certains révoltés avaient été passés par les armes, Anthelme n’eut que quelques années d’emprisonnement à purger. Or Victor Kolvair, qui a perdu une jambe lors des affrontements a côtoyé Anthelme, le soupçonnant d’avoir égorgé le soldat Bertail. Et il s’est promis d’être présent à la sortie de geôle du meurtrier présumé.

Seulement à cause de la douleur qui le tenaille de temps à autre Kolvair s’adonne à une pratique illégale qui endort sa douleur. Il est devenu cocaïnomane et à cause de cette addiction il manque d’une journée la sortie d’écrou de celui dont il veut suivre les faits et gestes afin de le confondre. Le directeur de la prison affirme qu’Anthelme était un prisonnier modèle, n’ayant jamais reçu de visites. Il indique même l’adresse de la pension qu’il a conseillée à l’ancien détenu, à Oullins. Comme il ne faut négliger aucune piste, Kolvair s’y rend, et après avoir eu confirmation des tenanciers, il loue une chambre afin de pouvoir surveiller les faits et gestes d’Anthelme. Il croise le jeune homme dans un couloir, mais celui-ci ne le reconnait pas. Il le suit dans ses quelques déambulations, mais ne relève rien d’irréprochable dans son attitude. Seul un pigeon décapité gisant sur le trottoir l’intrigue.

La douleur le tenaille et il a beau vérifier dans son pilon de bois, cachette habituelle des petits sachets de cocaïne dont il use assez fréquemment, la réserve est épuisée. Alors il se décide à se rendre à son bureau où il est persuadé en avoir caché, une fois de plus en vain. Il accuse un policier américain qui est en stage sur le sol lyonnais, Craig Copper, de l’avoir détroussé puis afin de pallier le manque de drogue il fouille dans le bureau voisin, celui du professeur Salacan et s’empare d’une fiole de laudanum. Ce qui lui fait du bien, mais il a perdu du temps. Lorsqu’il revient à la pension de famille, c’est pour découvrir un véritable massacre. Le propriétaire, sa femme, et l’un des pensionnaires ont été passés à la baïonnette. Kolvair voit ses prémonitions confirmées, et à cause d’un fichu sachet de cocaïne manquant, il n’a pu empêcher le drame.

Si l’histoire d’Anthelme sert de fil rouge, avec de nombreux retour sur la guerre de 14/18 et plus particulièrement sur les erreurs et la fatuité des gradés, sur les conditions de vie (et de mort) dans les tranchées, Odile Bouhier nous offre d’autres pistes de lecture en suivant les différents protagonistes, rencontrés dans ses deux précédents romans, Le Sang des bistanclaques et De mal à personne, dans leurs propres confrontations avec la vie quotidienne et ses aléas.

Ainsi le professeur Salacan, dont la jeune gamine Suzanne est atteinte de débilité, apprend que son fils Charles est diabétique. Il est profondément perturbé, peut-être plus que sa femme Justine, et essaie de découvrir un médicament afin de le guérir.

Jacques Durieux, qui fut le brillant élève du professeur Hugo Salacan, est devenu son assistant. Il pratique la course à pied dans le parc de La Tête d’Or, et rencontre souvent Blandine avec qui il a une liaison hebdomadaire. Visiblement la jeune femme est inquiète à cause de son frère Romain, qui fréquente les milieux anarchistes. C’est peut-être pour cela qu’elle fréquente Durieux.

Le procureur Pierre Rocher est en colère après ceux qui ont obligé (selon lui) sa fille à jouer dans des films d’amateurs pornographiques. Il veut à tout pris retrouver ces individus et a chargé de l’enquête l’inspecteur Legone, membre des Brigades du Tigre. Celui-ci lui déclare enquêter dans les milieux libertaires, alors que c’est lui-même qui officiait derrière la caméra. Il demande à travailler avec Kolvair.

Damien Baudou, le médecin légiste reconnu par ses pairs et auteur de quelques ouvrages, est dans la vie privée l’amant d’Armand Letoureur, bisexuel par commodité et journaliste qui se fait une joie de couvrir le procès de Landru. Damien Baudou, qui n’ignore pas qu’il serait discrédité si son homosexualité venait à être clamée sur les toits, s’est décidé à se marier avec Margot, qui n’est plus une oie blanche et sait ce qu’elle veut.

Bianca Serragio, la quarantaine épanouie, est psychiatre et directrice de l’asile de Bron. Aliéniste réputée elle assiste souvent Kolvair dont elle est l’amante. Elle doit analyser le comportement d’Anthelme et définir si celui-ci est conscient de ses actes ou schizophrène. Elle se heurte à un confrère dépêché par le procureur Rocher, lequel lorsqu’il tient un présumé coupable entre ses mains veut absolument l’envoyer à la guillotine. Il pourrait s’approprier sans vergogne cette phrase de Victor Hugo : Quand on est suspect, on est déjà aux yeux des flics déjà coupable.

Quant au policier américain, Craig Copper, il assiste Kolvair dans son enquête, l’informant de la chasse aux alcooliques, la fameuse prohibition, qui fit plus de dégâts que de bien et enrichi les trafiquants d’alcool.

Tous ces personnages, nous les retrouvons dans la première partie du roman, et ils évoluent au cours de l’intrigue. Nous assistons à leurs inquiétudes, leurs soucis, leurs désirs, leurs interrogations, leurs colères, leurs petites joies et grandes peines. Un roman qui est en même temps une chronique concernant plusieurs personnages gravitant dans le même système judiciaire et policier et que nous retrouverons dans un prochain roman, car déjà se profile une nouvelle intrigue dans l’épilogue. Et de loin, nous assistons au procès de Landru, procès qui fut l’événement marquant de cette fin d’année 1921.

Odile Bouhier déclare : J’avais envie d’écrire un roman noir qui parle de l’errance : l’errance de la France en cette année 1921, l’errance de la France, l’errance de la justice, l’errance du commissaire Kolvair et de son suspect Anthelme Frachant.

J’avais envie de confronter le commissaire à sa solitude, ses manques et ses névroses de guerre.

J’avais envie d’écrire sur un poilu : un patriote devenu malgré lui un criminel.

Odile Bouhier ne nous mène pas en errance dans cette histoire, et elle a réussi à gagner son pari, si c’en était un, ou à tout le moins à transmettre son envie au lecteur.

Odile BOUHIER : La nuit, in extremis. (première parution les Presses de la Cité). Réédition éditions 10/18. Parution le 4 septembre 2014. 288 pages. 7,50€.

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26 septembre 2014 5 26 /09 /septembre /2014 13:19

Mais on n'en ressort pas forcément vivant non plus !

Frédéric DARD : On n'en meurt pas.

A trente quatre ans, Robert Trajo dit Bob, se sent en pleine forme. Quatre fois champion d'Europe de boxe, il n'a pas l'intention de décrocher et possède une foi inébranlable en son avenir de pugiliste.

Mais Bodoni, son manager et mentor, ainsi que Goldein, qui dirige le Palais de la Boxe, ne partagent pas son enthousiasme. Pour eux Bob est un boxeur en fin de carrière. Il ne s'en rend pas compte mais un autre champion doit prendre la relève et ils songent à Jo Andryx, un petit jeune pétri de talent et qui fait partie de leur écurie. Et ce qu'ils lui proposent n'est pas si déshonorant que ça toute réflexion faite, pense Bob en dégustant une eau minérale au bistrot d'en face tenu par Jérémy, un ancien boxeur. Et Jérémy pense lui aussi que Bob devrait songer à passer la main, à ne pas faire le match de trop.

Bob a été élevé dans un orphelinat, et pour manger il fallait jouer des poings. Ce qui a peut-être influé sur sa vocation. Il a commencé très tôt à travailler, a pris des cours dans un club populaire où il a été remarqué par Bodoni, lequel l'a pris sous son aile tutélaire (j'aime bien cette expression, pas vous ?). Il lui a aussi permis de parfaire son éducation en lui présentant une jeune institutrice, Cathy, qui lui a inculqué les bases scolaires fondamentales puis qui est devenu sa femme.

Lorsqu'il rentre chez lui à Montfort-l'Amaury, non seulement il apprend que Cathy était déjà au courant de la proposition de Bodoni mais que de plus elle a invité Jo Andryx à manger avec eux. Ce que Bodoni et Goldein ont imaginé n'est pourtant pas honteux : Bob doit combattre Andryx une première fois, match nul à la fin des dix reprises puis remettre son titre en jeu et cette fois-là se faire battre, bien entendu à la régulière. Andryx, redoutable combattant sur le ring, sait ce qu'il doit à Bob, lequel lui a mis les pieds ou plutôt les gants à l'étrier, et il est peut-être amoureux de Cathy. Du moins c'est ce que Bob pense lorsqu'il le voit arriver avec un gros bouquet de fleurs dans les mains, et l'œil de velours.

Quelques tergiversations plus tard, le match a lieu, nul comme de bien entendu. Seulement un geste de Jo Andryx attise la colère de Bob et il rumine ce mantra : Je vais le tuer...

 

C'était un temps où la boxe, comme pratiquement tous les sports, n'était pas le réservoir à pognon que c'est devenu de nos jours. Même si les matchs truqués existaient, de nombreux films traitant de cette déviance ont été tournés. Certes les champions pouvaient tirer leur épingle du jeu et s'installer la plupart du temps comme cabaretier, devenir riche comme Bob Trajo, s'ils n'avaient pas tout bu avant. Aujourd'hui c'est devenu du grand spectacle, paillettes et lumières, pompom girls entre les rounds, décisions arbitrales et notations des juges souvent contestables. La boxe, même si ce n'est pas un sport qui a été souvent pris comme thème, a fourni toutefois d'excellents romans, dont l'un des derniers en date reste Le Paradoxe du cerf-volant de Philippe Georget. D'ailleurs la scène du combat entre Bob et Jo est très visuelle, et point n'est besoin de connaitre les arcanes de ce noble sport pour en comprendre les règles. Mais les coups et les douleurs, c'est un choix à assumer.

Un roman ancré dans son époque certes, à cause notamment de quelques petits détails, comme les opératrices du téléphone car en banlieue parisienne il fallait s'adresser à ces charmantes dames (pas toujours, j'en conviens) pour obtenir son correspondant.

Les anciens apprécieront les petits clins d'œil adressés à Max Favalleli, célèbre verbicruciste entre autre, et Claude Darget, journaliste sportif.

Frédéric DARD : On n'en meurt pas.

Ce roman a paru pour la première fois dans la collection Spécial Police du Fleuve Noir sous le numéro 122, au cours du deuxième trimestre 1957. Et à part ces quelques petits détails qui ancrent ce texte dans le milieu des années cinquante, il n'a guère vieilli, et nous ramène à une époque qui a changé en bien des points mais dont la thématique, le comportement des personnages est intemporel. Alors pour les seniors (on ne dit plus Anciens, c'est devenu péjoratif !), ce sera une bouffée de fraîcheur assaisonnée de nostalgie, pour les plus jeunes, ce sera le plaisir de la découverte d'un auteur majeur.

 

Les vivants se croient supérieurs aux morts, mais ce ne sont que les morts de demain...

 

Frédéric DARD : On n'en meurt pas. Editions Pocket. Parution le 25 septembre 2014. 224 pages. 6,20€.

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26 septembre 2014 5 26 /09 /septembre /2014 12:07

Le ver à soie n'est pas le verre à tous...

Odile BOUHIER : Le sang des bistanclaques.

Le titre à lui seul est énigmatique. La solution nous est révélée dans le prologue. Il s’agit du surnom donné par les canuts à une machine à tisser au XIXème siècle, à cause des sons, bis – tan – clac, émis par la machine lors des trois étapes consistant à former la trame du tissu. Et c’est dans un atelier de la Croix-Rousse, en cette année 1920 à Lyon, qu’une vieille ouvrière, qui préfère travailler de nuit ou de bon matin étant quasi aveugle, est retrouvée assassinée, violentée, ayant subi une agression anale, emberlificotée dans son métier à tisser.

Si l’identité de la victime est rapidement établie, ce n’est pas le cas pour le cadavre défiguré, putréfié, retrouvé enfermé dans un sac de jute, dans un ruisseau au lieu dit le Pré aux moines. Pourtant quelques similitudes existent entre ces deux meurtres et elles sont relevées par le professeur Hugo Salacan et ses adjoints, du laboratoire de recherches scientifiques, division policière nouvellement créée sous l’impulsion du Professeur Edmond Locard et dirigée par le commissaire Victor Kolvair. Par exemple les victimes sont septuagénaires et un fil a été passé dans leur larynx à l’aide d’une force, un outil utilisé par les canuts. Même si ce n’est pas encore la guerre des polices, la Brigade du Tigre lyonnaise est chargée de l’enquête en la personne de l’inspecteur Legone, un personnage plutôt antipathique qui raisonne à l’ancienne, tandis que la police scientifique, comme son nom l’indique, prélève des indices afin de démasquer le coupable.

Un troisième meurtre est annoncé, la femme d’un tisseur, mais s’il existe des ressemblances entre tous ces assassinats, il semble bien qu’il ne s’agit dans le dernier cas que d’un duplicata grossier perpétré selon la méthode dévoilée par le journal Le Progrès. Bianca, une aliéniste, est chargée d’étudier le comportement de supposés coupables, et de ceux qui se dénoncent alors que preuve est faite qu’ils ne pouvaient être à l’origine de ces meurtres.

Une enquête complexe et qui pose de nombreux problèmes à Kolvair et Salacan. D’autant que Kolvair est handicapé et est affublé d’une prothèse suite à un feu nourri de la part des Allemands durant la première guerre mondiale, occasionnant l’amputation d’une jambe. D’ailleurs il profite d’un creux de sa jambe artificielle pour y cacher quelques grammes de cocaïne, poudre qu’il mélange à son tabac lorsqu’il se roule une cigarette. Legone n’est pas mieux loti, complètement défiguré durant le conflit dont la France se relève péniblement et possédant un passé qu’il cache soigneusement. Dans un contexte historique tous ces personnages évoluent dans un milieu huppé, celui des soyeux. La guerre a laissé des traces morales et physiques, et outre ce nouveau service de police scientifique, d’autres institutions sont en pleine mutation. Les Prud’hommes, les revendications des ouvriers, les méthodes de travail, leur durée légale. Seuls la morale bourgeoise, les cachotteries familiales perdurent, au détriment des rejetons. A noter qu’il était de bon ton que les personnages importants de la cité fréquentassent le lupanar « Chez Lili », afin de déjouer les suppositions malveillantes concernant leur possible homosexualité.

 

Odile BOUHIER : Le sang des bistanclaques.

Odile Bouhier délivre ses révélations, dévoile ses indices, impose ses personnages par petits touches, et la complexité psychologique des personnages, qui semblent arriver comme un cheveu dans la soupe, est dévoilée peu à peu. Et lorsque le lecteur est en présence de tous les éléments, il lui semble que l’intrigue était cousue de fil blanc. Toutefois tout n’est pas écrit sur l’avenir de certains des protagonistes, et il me parait évident qu’Odile Bouhier doit se remettre à l’ouvrage, tisser une nouvelle intrigue, afin de mieux développer les caractères, et donner une suite aux aventures de Kolvair, Salacan, Bianca et surtout Legone qui ne peut être abandonné comme ça. Enfin, on ne m’ôtera pas de l’idée que les procureurs en général sont des personnages profondément antipathiques, et celui incarné par Rocher le démontre. Et comme tout n’est pas fictif dans ce roman, un hommage est rendu au juge Puzin, personnage du roman et grand-père maternel de l’auteure. Un autre hommage est rendu aux frères Lumières et leur invention du cinéma qui à l’époque, grâce ou à cause d’opportunistes, n’était déjà pas forcément destiné à tout public.

Odile BOUHIER : Le sang des bistanclaques. (Première édition Collection Terre de France ; Presses de la Cité). Réédition éditions 10/18. Parution 21 février 2013. 264 pages. 7,50€.

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25 septembre 2014 4 25 /09 /septembre /2014 12:57

Et dire que certains affirment que la nuit porte conseil...

William KATZ : Nuits sanglantes

Atteinte d'insomnie depuis plusieurs mois, Anne Seibert allume sa lampe, se lève et s'installe dans un fauteuil du salon tout essayant de lire un journal. Elle a compté les moutons, un procédé qui n'a pas donné de résultats, elle s'adonne à des exercices respiratoires, mais rien n'y fait. De plus elle refuse de prendre des médicaments, ce dont son psychologue la félicite. Elle est rédactrice publicitaire indépendante et travaille actuellement pour une boîte d'importation de voitures allemandes, mais son manque de sommeil influe sur sa créativité. Un trouble du sommeil dont elle est honteuse et elle préfère ne pas en parler.

Son voisin d'en face rentre tard la nuit et elle l'entend lorsqu'il arrive avec sa voiture, une Jaguar dont il est fier. Il se gare à l'arrière de sa villa et elle l'entend traficoter, des bruits de portières ou de coffre. Et bien évidemment cela l'intrigue. D'autant qu'il n'allume la lumière dans ses pièces que longtemps après être rentré.

Mark Chancey est avec son ami Emil à la tête d'un cabinet de conseil financier. Ils se connaissent depuis leurs jeunes années de scolarité, et possèdent de nombreux points communs. Mais ses déplacements nocturnes ne sont pas tous à mettre à l'actif des placements financiers que les deux hommes conseillent à des clients désireux de procéder à une épargne à rendement élevé. Il exécute une vengeance et transporte dans le coffre de sa voiture un grand sac poubelle dans lequel il a glissé le corps d'une de ses victimes. Ils professent à l'encontre de certains représentants du corps enseignant de l'établissement scolaire de leur jeunesse un grand ressentiment. A cause d'eux Emil et lui ont séjourné durant des années lors de leur adolescence dans une maison de correction, alors quelques années plus tard il se débarrasse systématiquement de ceux qu'ils considèrent comme leurs bourreaux. Et il place méticuleusement les corps dans des congélateurs entreposés dans sa cave.

La lumière chez sa voisine le perturbe. Il lui téléphone, elle lui affirme qu'elle est en train de travailler. Anne est tout heureuse de savoir que quelqu'un s'inquiète d'elle. Elle vient de divorcer d'un mari violent, d'où ses insomnies et elle pense que si elle pouvait faire la connaissance d'un homme susceptible d'apporter romantisme et chaleur dans sa vie, ses ennuis s'effaceraient. Louable intention mais Anne qui cache son état préférant évoquer de l'ouvrage en retard, devient encombrante, invasive, intrusive dans la vie de Mark. Elle s'invite chez lui avec des boissons et des gâteaux, lui demande de visiter sa maison, sa cave aussi. Là c'est plus que ne peut en supporter Mark mais il est obligé de faire bonne figure et trouve toujours une bonne raison pour ne pas contenter la curiosité d'Anne. Il profite qu'elle se rende à son travail pour examiner par les fenêtres l'intérieur de sa villa. Tout d'abord tout semble honnête jusqu'à ce qu'il aperçoive un appareil photo de qualité. Les questions se pressent en lui. Est-elle vraiment ce qu'elle affirme ou émarge-t-elle comme policière ?

Alors Mark, tout sourires en dehors et ressentiments intérieurs décide de se débarrasser de cette voisine indiscrète. Il lui propose de se rendre dans un parc à Jersey Palisades, et envisage de la pousser du haut de la falaise. Mais pour cela il lui faut gagner sa confiance et surtout bien préparer son opération "bon débarras". Tout comme celle qui consiste à éliminer ses anciens professeurs et consorts. Elle lui fait des petits cadeaux qui alimentent sa défiance envers elle tandis qu'il lui propose de garder son chat lorsqu'elle-même est obligée de se déplacer à Détroit dans le cadre de son travail. Ce n'est pas tant qu'il soit un fanatique des animaux, mais ce félidé peut l'aider à réaliser un dessein qu'il peaufine.

 

Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'une équipe de la police municipale de New-Rochelle, banlieue chic au nord de New-York où ils résident, surveillent plus particulièrement les déplacements de Mark, tout au moins jusqu'aux limites de la commune. Ils n'ont pas le droit d'aller plus loin sauf si...

 

 

Jersey Palisades & New-RochelleJersey Palisades & New-Rochelle

Jersey Palisades & New-Rochelle

Dans ce roman, William Katz démontre que le petit cinéma intérieur que l'on se réalise et se projette n'est que fabulations, tout étant soumis à des impressions qui ne sont pas vérifiées. Anne Seibert par exemple à cause de sa réticence à vouloir avouer son insomnie ce qui l'entraîne sur la pente dangereuse du mensonge. De même Mark devient paranoïaque devant les avances d'Anne, supposant que celle-ci l'épie alors qu'elle ne recherche qu'un compagnon. Des maladresses de comportement de part et d'autre qui les entraînent dans une spirale chaotique, éprouvante et sujette à affrontements larvés.

Evidemment le lecteur qui suit les déplacements de ces deux personnages, entre dans leurs pensées, participe visuellement à leurs actions et entend leurs conversations, Mark avec Emil, Anne avec Carol, son amie et collègue, et avec son psy, le lecteur se rend compte des bévues et des erreurs d'appréciation commises d'un côté comme de l'autre. Et ce lecteur a envie de leur souffler de prendre une autre attitude, de penser autrement, de réfléchir, de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Parfois il vaudrait mieux réagir comme Saint Thomas que d'extrapoler à tort et à travers. Mais on ne change pas la nature humaine.

 

Par l'auteur de Fête fatale et de Violation de domicile.

Ce roman a également été apprécié par Claude Le Nocher sur Action Suspense .

 

William KATZ : Nuits sanglantes (After-Dark - 1988. Traduction de Benjamin Arnault). Editions Presses de la Cité. Parution le 11 septembre 2014. 300 pages. 21,00€.

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25 septembre 2014 4 25 /09 /septembre /2014 07:43

Où il y a Gênes, il n'y a pas de plaisir !

Romain SLOCOMBE : Première station avant l'abattoir.

Correspondant à Paris du journal britannique Daily World d'obédience bolchéviste, Ralph Exeter vit avec sa femme Evguénia, d'origine Russe et leur fils Fergus à Saint-Cloud. Il cohabite plutôt car le ménage bat de l'ile, ses nombreuses incartades nuisant à la paix du ménage. Il accumule les conquêtes dont la dernière est Emma Sinclair Medley, poétesse et auteur dramatique américaine, dont il veut se séparer. Il professe des idées politiques favorables aux communistes, Fania sa belle-sœur étant elle-même marxiste. Seulement Fania, si elle est intelligente mais laide, a été écartée au profit d'Evguénia car la jolie poupée russe était enceinte des œuvres d'Exeter.

Parallèlement à ses activités journalistiques, Ralph Exeter émarge au Komintern, le réseau de propagande, d'agitation révolutionnaire et de renseignement créé en 1919 à Moscou et destiné à contrôler les partis communistes étrangers. Durant la Première Guerre Mondiale il avait été affecté au service du Renseignement de la Royale Air Force et, à cause d'une bévue épistolaire, il avait été convoqué par le colonel William Evans. Or heureusement pour Exeter celui-ci ressentait des sympathies envers la révolution russe. Depuis ce temps, Exeter continue à recueillir des informations et les remet à Evans, lequel en échange lui glisse une enveloppe bourrée de billets destinés à payer ses informateur.

En ce mois d'avril 1922, doit se tenir à Gênes une conférence internationale et des diplomates, des ministres de toute l'Europe y participeront ainsi que, pour la première fois, des délégués du gouvernement soviétique. Exeter fait partie de ces journalistes désignés pour couvrir l'événement avec une mission de confiance à remplir. Dans un café Evans lui confie une enveloppe qu'Exeter doit remettre à Rakovski, et à lui seul, l'un des envoyés du gouvernement russe. Mais il lui faudra se méfier de l'entourage du délégué russe qui est accompagné de Tchitchérine, Ioffé, Vorovski, Krassine et Litvinov ainsi que d'hommes de la de l'ancienne Tchéka devenue le Guépéou, la police politique soviétique.

Dans le train qui l'emmène à Gênes, Exeter voyage en compagnie d'un individu prétendant se nommer Marius Moselli qui lui fait un cours sur les pucerons lanigères. L'homme est un représentant de commerce en engrais et produits insecticides et s'avère particulièrement ennuyeux. Au cours du repas qui est servi dans la salle de restaurant du train, tandis qu'Exeter déjeune en compagnie d'un autre voyageur croisé dans un couloir, son regard est attiré par une belle jeune femme. Son nouveau compagnon Herbert Holloway est un journaliste américain qui a pour habitude de boxer contre son ombre et de gloser sur la pêche. La jeune femme se nomme Melicent Theydon-Payne et Moselli s'invite à sa table.

Lorsqu'Exeter et Holloway retrouvent le compartiment du journaliste britannique, ils sont attendus par Moselli qui braque un revolver et réclame l'enveloppe confiée à Exeter. S'ensuit des échanges de coups et Holloway défenestre l'homme alors que le train roule en pleine campagne. La mission d'Exeter est fortement comprise. L'incident passe inaperçu mais ce qu'Exeter et son compagnon ne manquent pas de remarquer à Pavie ce sont les exactions perpétrées par des Squadristis à l'encontre d'un de leur confrère. Un passage à tabac en règle et pour faire passer les coups quelques bolées d'huile de ricin.

Le séjour d'Exeter à Gênes est ponctué d'incidents de toutes sortes, et il risque même à plusieurs fois d'y laisser sa vie. Entre les soldats italiens qui lui retirent son passeport, les membres de la Tchéka qui surveillent l'hôtel Impérial à Santa Margharita où sont logés les délégués russes, les squadrisi à la botte de Mussolini, sa rencontre avec le Duce, le meurtre de Yatskov, et autres épisodes douloureux et hauts en couleurs, Exeter ne sait plus où donner de la tête. Ses rencontres mouvementées avec Milicent qu'il a fini par retrouver, mais aussi d'autres protagonistes dont Eastman, un journaliste américain proche du parti communiste, Jo Davidson, un plasticien, Elyena Krylenko, l'une des secrétaires de la délégation, Styrne au caractère impitoyable ou encore Bielefeld le galeriste d'art. Les Russes recherchent qui dans leur camp est à l'origine de fuites transmisent à un agent britannique du nom de Stephen Reilly, alias Sigmund Rosemblum dont la présence à Gênes est indéniable, mais sous quels traits, et qui aurait pu être confondu si Exeter ne s'était pas fait subtiliser le document.

Première station avant l'abattoir, titre emprunté à une expression de Louis-Ferdinand Céline, est tout aussi bien un roman d'aventures dans la grande tradition du genre, qu'un roman d'espionnage mâtiné de roman policier ou qu'un documentaire politique qui pourrait figurer dans une revue d'histoire. En effet Romain Slocombe retrace les soubresauts dans le début des années 1920 des tensions entre pro et antibolchéviques, mais surtout les tensions nombreuses entre les différents responsables du parti communiste. Le profil psychologique des différents protagonistes qui n'apparaissent pas dans ce roman, Lénine, Trotsky, Staline, est étudié en profondeur, mettant en avant leur caractère et les nombreux antagonismes qui les habitaient, les décisions qu'ils prenaient et les méfaits dont ils se rendirent coupables. Mais ce sont surtout leurs partisans, des fanatiques, qui sont décrits dans leurs actes et leurs paroles. Mussolini, dont les idées politiques étaient totalement différentes n'est pas épargné non plus, et ses adeptes se conduisent en véritables bêtes dénuées d'humanisme. L'intolérance, la force brutale, les exactions sont profession de foi et ils torturent en toute impunité des innocents. Dénués de scrupules, ils se conduisent en despotes, et n'hésitent pas à éliminer ceux qui n'adhèrent pas à leurs idées, ou leur font de l'ombre. Cette partie documentée laisse place peu à peu à une succession d'épisodes mouvementés et le lecteur qui avait entamé sa lecture en mode diesel est happé par cette intrigue au nombreux rebondissements.

Un fin de volume Romain Slocombe a établi une présentation des personnages réels, des faux vrais protagonistes dont Herbert Holloway alias Ernest Hemingway et personnages fictifs.

Romain SLOCOMBE : Première station avant l'abattoir. (Première édition Le Seuil Policiers. Septembre 2013). Réédition Points. Parution 4 septembre 2014. 448 pages. 7,90€.

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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