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11 septembre 2020 5 11 /09 /septembre /2020 03:52

Crème anglaise… et américaine !

HITCHCOCK présente : Histoires de la crème du crime.

Comme c’est l’habitude dans cette collection, il n’existe aucune présentation des auteurs et des textes. Il faut faire appel à l’Archiviste qui a dénombré cinq nouvelles déjà publiées dans Hitchcock Magazine, les autres étant inédites. Quant aux auteurs, certains sont de célèbres inconnus et une petite notice les concernant eut été la bienvenue. D’autant que le nom William Jeffrey est attribué à Bill Pronzini par certains spécialistes, mais la nouvelle qui figure dans ce recueil est recensée dans la bibliographie du créateur du détective sans nom (le Nameless) en collaboration avec Jeffrey Wallman.

 

Mais détaillons un peu ce recueil.

A la fenêtre de Kim Antieau est ce que l’on peut définir comme une histoire en boucle. En voyage au Mexique avec son mari et le frère de celui-ci, une jeune femme aperçoit un soir dans la rue une autre femme trainée par deux policiers prêts à se servir de leurs armes. Cet incident la perturbe fortement, déjà influencée par son beau-frère qui ressent continuellement de la peur. Rentrée chez elle, elle ne peut s’empêcher de penser à ce qu’elle a vu et décide de retourner dans le village mexicain.

 

Le grand saut de Gary Brandner est comme une parodie mettant un jeune détective privé de vingt-deux ans qui a obtenu sa licence par correspondance. Comme il ne peut payer son loyer, sa logeuse est décidée à le flanquer dehors, à moins qu’il accepte une petite enquête. Il se prend tout aussi bien pour Bogart que pour Mike Hammer de Mickey Spillane.

Le mariage, cita-t-il, c’est comme le piment. Une fois qu’on y est habitué, on ne trouve plus ça aussi piquant.

Mensonges d’un jour d’été de Nora H. Caplan, met en scène une gamine dont les parents viennent de s’installer dans une vieille maison plus que centenaire dans un petit village à quelques cinquante kilomètres de Washington. La fillette s’ennuie jusqu’au jour où elle se trouve une amie de son âge. Mais à chaque fois que la mère veut voir cette nouvelle compagne, celle-ci vient de partir. Une histoire qui frise le fantastique.

Fortune de mer de James Holding, un habitué de Mystère Magazine et Hitchcock Magazine, est plus une nouvelle maritime qu’une nouvelle policière proprement dite. Vetuka, vieux pêcheur, appartenant au Clan des Requins, installé dans une des îles Salomon et ayant participé au conflit mondial lors de la bataille de Guadalcanal, reçoit la visite de son neveu Likuva et d’un ami de celui-ci, un Japonais du nom de Michiko. Ils désirent se rendre sur le lieu d’échouage d’un navire japonais, coulé lors du conflit, et contenant 50 000 yens or. Ils demandent donc à Vetuka de les emmener sur place avec une arrière-pensée en tête.

Mauvaise mine de William Jeffrey a pour personnage principal Flagg, qui prétend appartenir à l’administration du fisc américain, département des fraudes. C’est ce qu’il déclare à la jeune serveuse du bar L’oasis de Barney qui l’a surpris en pleine nuit farfouillant dans le bar. Il s’est rendu compte que le whisky qui lui avait été servi quelques heures plus tôt était un alcool de contrebande. Il vérifie donc les bouteilles au bar et dans la réserve et sa conviction est faite. Il ne lui suffit plus qu’à remonter à la source. L’épilogue nous réserve une surprise enivrante.

 

Permettez-moi de présenter les autres histoires très rapidement afin de ne pas déflorer tout le contenu du recueil et de vous occasionner une indigestion. Précisons donc que Charles Peterson, dans Idolâtries met en scène un loubard rangé des voitures et qui est sollicité pour effectuer un nouveau petit travail illégal. Dans Hold-up de Talmage Powell, une vieille femme se présente au trésorier et chef-comptable d’un hôpital et sous la menace l’oblige à lui remettre l’argent confiné dans le coffre. La fin morale ne surprendra personne, lorsque l’on connait les difficultés que subissent les Américains pour payer les établissements de santé. Une histoire toujours d’actualité.

Ça sent mauvais de John F. Suter nous propose une virée dans la campagne. Un individu à la mauvaise réputation est découvert assassiné dans un terrain boisé près d’une rivière. Seuls les deux propriétaires des lieux sembleraient être les coupables, tandis qu’une odeur nauséabonde poursuit le shérif, voire le précède. Ce n’est qu’une mouffette qui secrète un liquide malodorant dans son sillage.

Dans Comme un porc de Brice Walton, nous pataugeons dans la mangrove et les bayous à la suite d’un adolescent de dix-huit ans, qui vient de se marier avec une gamine de seize ans. Le lendemain de son mariage il a été arrêté pour voies de fait à cause d’un accès de jalousie, soupçonnant sa femme de le tromper. Il a bu, un acte inhabituel chez lui. Mais il n’est pas le véritable responsable moral, étant trop dépendant psychiquement de son père.

Enfin, dans L’âge ne fait rien à l’affaire, de Stephen Wasilik, nous suivons deux retraités se lançant dans une enquête concernant la petite-fille d’une amie d’une résidente qui est accusée de meurtre envers son compagnon trop volage. Ils vont démontrer, avec humour, au policier chargé de l’enquête qu’il a trop rapidement résolue, qu’il faut voir parfois plus loin que le bout de son nez et ne pas se fier aux apparences.

Décidément, Morley, tu n’arriveras jamais à te mettre dans la tête qu’il n’y a plus de vieux dans ce pays, mais seulement des électeurs du troisième âge que les hommes politiques doivent choyer et traiter avec le plus grand respect, car ils seront la majorité de demain.

 

Sommaire :

ANTIEAU Kim : A la fenêtre (At a window facing west – 1990. Traduction Christiane Aubert).

BRANDNER Gary : Le grand saut (The wet goodbye – 1979. Traduction Jean-Paul Gratias). Publié dans Hitchcock Magazine Nouvelle série N°3.

CAPLAN Nora H. : Mensonges d'un jour d'été (Summer evil – 1960. Traduction Bruno Martin). Publié dans Hitchcock Magazine N°87.

HOLDING James : Fortune de mer (Shima Maru – 1980. Traduction Philippe Kellerson).

JEFFREY William : Mauvaise mine (Day of the moon – 1970. Traduction Arlette Rosenblum). Publié dans Hitchcock Magazine N°114.

MCKIMMEY James : Epaves (A delicate balance – 1969. Traduction Pierre Billon).

MULLINS Terry :         Peuple de paix (People of peace – 1990. Traduction Jean Esch)

NATSUKI Shizuko : Châtiment divin (Divine punishment – 1991. Traduction Philippe Kellerson).

NEVINS Junior Francis M. : La leçon de choses (A picture in the mind – 1977. Traduction D. Wattwiller).

PETERSON Charles : Idolâtries (Works for Idol hands – 1982. Traduction Philippe Barbier).

POWELL Talmage : Hold-up (The hold-up. 1979. Traduction Maurice-Bernard Endrèbe). Publié dans Hitchcock Magazine Nouvelle série N°6.

SUTER John F. : Ça sent mauvais (Haunted my memory – 1990. Traduction L. de Pierrefeu).

WALTON Brice : Comme un porc (Just like a hog – 1958. Traduction Jean-Bernard Piat). Réédition de Travail de boucher publié dans Hitchcock Magazine N°41.

WASYLYK Stephen : L'âge ne fait rien à l'affaire (The liberating of Olivette Goudy – 1979. Traduction Louis de Pierrefeu).

HITCHCOCK présente : Histoires de la crème du crime. Le Livre de Poche N°4299. Parution février 1992. 320 pages.

ISBN : 9782253059318

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9 septembre 2020 3 09 /09 /septembre /2020 03:53

Limat ? C'est le Pérou...

Maurice LIMAT : L’étoile de Satan.

En cette année 2931, les membres de l’astronef Scorpion se déplacent aux confins de l’univers, vers la constellation d’Hercule. Ils sont à la recherche d’un vaisseau fantôme qui se signale par un œil rouge. Or aucun des vaisseaux s’étant aventurés près de cet Œil Rouge n’est jamais revenu sur Terre, perdus corps et biens, ou alors des navigateurs ont recueillis, en plein espace, des naufragés flottant dans leurs scaphandres protecteurs. Ces naufragés de l’espace étaient vivants mais fous.

A bord du Scorpion, outre les membres d’équipage, des scientifiques sont présents. Ils savent qu’ils encourent des nombreux dangers, mais la curiosité et l’espoir de percer le secret de l’Œil Rouge les animent. Deux couples, des scientifiques, des pionniers, composés de la brune Wanda, minéralogiste, Ulric son coéquipier océanographe, la blonde Norma et son compagnon Didier, tous deux botanistes-zoologistes.

Un fanal rouge étincelle dans l’immensité galactique et aussitôt tout le monde se retrouve dans la cabine du commandant. Il leur faut se mettre en contact avec cet astronef inconnu, et cette tâche est confiée au lieutenant Bruno Coqdor qui possède un pouvoir hors du commun. Il est capable de se mettre en relation mentalement avec d’autres êtres, humains ou non, et il est considéré par tous comme un voyant.

Coqdor communique donc par télépathie avec les occupants de ce vaisseau au fanal rouge. La réponse qui émane de ses correspondants le laisse sans voix. Presque puisqu’il peut restituer leur message : ils veulent périr de leur main. Ils rendent un culte à la Mort, la vie leur fait horreur. Ce vaisseau navigue depuis des siècles avec toujours le même équipage à bord. Et de l’Œil Rouge émane cette pensée : Bienvenue à nos meurtriers. Etrange accueil qui incite le commandant et Coqdor à envisager une sortie afin de se rendre auprès de cet astronef.

Coqdor, accompagné des quatre savants et de deux hommes d’équipage, rejoignent le vaisseau fantôme où ils sont accueillis d’abord par un drôle d’animal tenant du chien et de l’écureuil, avec des ailes membraneuses qui lui permettent de sauter et de se soutenir en l’air, et une gueule de bouledogue. Il se nomme Râx, explique le chef des morts vivants, des sortes de zombies complètement décharnés, vieux de plusieurs siècles qui apparaissent alors. Râx veut s’élancer sur Coqdor mais il est rapidement mâté par le Chevalier de la Terre. Un échange de regards et une forme de communion s’établit entre l’homme et l’animal.

Les spectres, du moins ces vieillards issus de la planète Dzo, qui ressemblent à des spectres, sont devenus immortels grâce, ou à cause d’un savant fou qui s’était trompé dans ses préparations. Depuis, ils ne peuvent décéder que lors d’un accident. Mais le suicide, la tuerie collective, ou individuelle, leur sont interdits. Aussi ils demandent à Coqdor et à ses compagnons de les aider à mourir, ce que refuse naturellement le Chevalier. Alors ils sont pris en otages et débute une aventure qui s’avérera dramatique, tragique, pour certains mais dont Bruno Coqdor s’en sortira non sans mal, ce qui n’est pas le cas de tous ses compagnons.

 

L’étoile de Satan constitue la première aventure du Chevalier de la Terre, ainsi est-il défini dans ce roman qui met en scène l’un des héros récurrents de Maurice Limat dans la collection Anticipation.

Il s’agit d’un roman philosophique et psychologique dont les meurtres et le suicide sont ardemment prohibés aussi bien par ces centenaires, que par Coqdor et ses compagnons qui ne veulent pas tuer délibérément des créatures humaines. Un cas de conscience difficile à supporter et qui est proche de celui de l’euthanasie.

Seulement le prosélytisme est trop appuyé, trop de références religieuses sont énoncées, et cela retire un peu du crédit que l’on pourrait apporter à cette histoire qui se déroule en l’an 2931. Car toutes les extrapolations sont possibles en matière d’avancées technologiques et d’explorations des planètes, mais le sixième commandement du Décalogue, Tu ne tueras point, est bien ce qui constitue la trame principale de ce roman.

 

Réédition Les Maîtres Français de la S.F. N°6. Editions Fleuve Noir. Parution juillet 1988. 192 pages.

Réédition Les Maîtres Français de la S.F. N°6. Editions Fleuve Noir. Parution juillet 1988. 192 pages.

Maurice LIMAT : L’étoile de Satan. Collection Anticipation N°241. Edition Fleuve Noir. Parution 1er trimestre 1964. 186 pages.

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8 septembre 2020 2 08 /09 /septembre /2020 03:59

Romanciers, attention : ceci peut vous arriver !

Michel PAGEL : Désirs cruels.

Toute jeune voleuse, Marilith s’introduit nuitamment dans une propriété afin de dérober une toile de maître. Seulement elle ignore qu’une caméra dissimulée dans une boiserie filme ses faits et gestes. Et elle est toute surprise lorsqu’un homme armé l’arrête dans son élan. Il n’est pas seul, étant suivi par son patron, le romancier Marbœuf.

Après l’avoir complimentée sur sa jeunesse, sa joliesse, ses yeux verts, Marbœuf lui intime de se déshabiller. Pas de quoi déstabiliser le domestique nommé Baptiste, tranquille comme son prénom l’indique, ni la jeune femme qui se défait de son collant intégral. Alors qu’elle s’apprête de se débarrasser de ses sous-vêtements, l’écrivain l’arrête dans son élan. Ce n’est pas un individu lubrique. C’était juste pour vérifier qu’elle n’est pas armée.

Il sort de l’ombre dans laquelle il était resté et Marilith distingue alors un homme âgé, décrépit, le visage rongé comme s’il y avait eu projection d’acide. Marbœuf a connu son heure de gloire et a même loupé le Prix Goncourt quinze ans auparavant. Mais depuis, non seulement il est atteint d’une sorte de maladie qui le ronge physiquement, mais de plus, il ne produit plus rien. Son inspiration s’est épuisée. Lui aussi d’ailleurs est épuisé. Alors il propose un étrange marché à sa visiteuse nocturne.

Elle doit lui narrer quatre histoires, complètes et inédites, durant quatre nuits. Une par nuit. Et Marilith ne manque pas d’imagination, se renouvelant à chaque fois, abordant des thèmes différents.

 

La première nuit, Marilith raconte Rosie, nouvelle dédiée à Richard D. Nolane et S.K. Sheldon. Une histoire de routier légèrement éméché qui prend en stop une jeune femme trempée par la pluie. A bord deux petits personnages sèment la perturbation, Séraphin et Adonides, ange et démon. Castaing, le routier, sympa, sauve un vieux couple qui se défend, en pleine nature, comme il peut des attaques de deux loubards. Un couple bizarre qui roule à bord d’un vieux véhicule, une voiture vivante qui se délecte de chair et de sang.

L’île des révélations, c’est l’île d’Yeu qui sert de décor. Ou plutôt de lieu d’arrivée prévu pour quelques touristes d’horizons divers qui empruntent la navette qui relie le continent à l’île. Mais au cours du voyage, le ferry est victime d’un naufrage et les rescapés échouent sur une île inconnue. Chacun d’eux va peu à peu révéler sa véritable nature.

Les mains de Farah Yole met en scène une femme peintre qui œuvre dans le surréalisme morbide. Cette nouvelle est dédiée à Clive Barker et il n’est donc point besoin de décrire plus l’ambiance qui règne dans ce récit.

Enfin quatrième nuit, La balade de Luna Park nous entraîne dans un parc d’attractions un peu, voire beaucoup, spécial. Et cette promenade monstrueuse met en scène, entre autre, Imma, une Noire qui se métamorphose, devant les yeux ébaubis du public, en gorille. Une nouvelle dédiée à Roland C. Wagner.

 

Peu à peu, au fil des nuits, Marbœuf se régénère, rajeunit. Le vieil homme scrofuleux reprend des forces et guérit, physiquement et psychiquement. Mais il existe un revers à la médaille.

Calqué sur le principe des Contes des mille et une nuits, mais avec toutefois une notable différence : une nuit, une histoire complète, ce roman de Michel Pagel qui contient non pas quatre nouvelles mais cinq, le fil conducteur pouvant être considéré comme une nouvelle également, est un exercice de style qui conforte tout le bien que l’on pensait de l’auteur comme romancier et nouvelliste accompli. Même si certaines de ces nouvelles sont un peu faibles, l’univers décrit est captivant, souvent surréaliste, et lorgne aussi bien vers le romantique, sans que cela soit pour autant une bluette, que vers le gore.

 

Réédition dans La Comédie inhumaine. Bibliothèque du Fantastique. Editions Fleuve Noir. Parution novembre 1998. 640 pages.

Réédition dans La Comédie inhumaine. Bibliothèque du Fantastique. Editions Fleuve Noir. Parution novembre 1998. 640 pages.

Réédition : La comédie inhumaine volume 1. Les Moutons électriques. Parution mai 2020. 960 pages.

Réédition : La comédie inhumaine volume 1. Les Moutons électriques. Parution mai 2020. 960 pages.

Michel PAGEL : Désirs cruels. Collection Anticipation N°1725. Editions Fleuve Noir. Parution décembre 1989. 192 pages.

ISBN : 2-265-04232-3

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7 septembre 2020 1 07 /09 /septembre /2020 04:05

Au rendez-vous des bons copains,

y'avait pas souvent d'lapins...

Georges Brassens : Les copains d'abord.

 

Jules ROMAINS : Les copains.

Attablés dans un café de la Butte, ils sont sept. Comme les sept jours de la semaine, les sept mercenaires, ou les sept nains. Ce sont les sept copains, Broudier, Bénin, Lesueur, Omer, Huchon, Martin et Lamendin, qui, un peu éméchés, s’en prennent d’abord au tavernier, désirant vérifier si ses pichets d’un litre contiennent bien un litre. Une vérification s’impose. D’ailleurs, en France tout s’impose.

C’est alors que Bénin, l’une des têtes pensantes, et penchantes, du groupe avec Broudier, déclare qu’il est monté au grenier et que sur une carte de France, apparaissent des yeux plaqués sur chaque département. Deux yeux lui ont parus insolents. Deux yeux auxquels sont accolés les noms d’Ambert et d’Issoire dans le Puy de Dôme. Il n’en faut pas plus pour exciter les esprits et bientôt les strophes, plus ou moins nourries et adéquates, bouts rimés et à-peu-près, fusent des sept convives éméchés. Une sanction envers ces deux sous-préfectures auvergnates est envisagée.

Et les deux compères que sont Bénin et Broudier décident de solliciter l’avis d’un somnambule qui déambule nuitamment sur l’arête d’un toit, après avoir consulté un annuaire, plantant une aiguille au hasard sur un nom. Munis de renseignements aléatoires (Et pourquoi aller à Thouars ?) ils organisent un déplacement vers Ambert, leurs comparses les rejoignant, effectuant eux aussi le voyage dans des conditions différentes. Le tout est de se retrouver sur place.

Une partie de la promenade de Bénin et Broudier s’effectue à vélo avec les rencontres et les avatars que cela implique. Enfin ils arrivent à Ambert et, après avoir visité la caserne, Broudier endossant l’identité d’un ministre, Bénin, se faisant passer pour un théologien, un envoyé du pape auprès du curé de la paroisse locale, harangue les fidèles. Il prend le contre-pied de l’Eglise en prônant l’acte de chair, en chaire, démontrant à l’assemblée médusée les bienfaits de la copulation et de la luxure. Un sermon qui ne laisse pas de glace les paroissiens médusés.

Puis à Issoire, ils organisent l’inauguration d’une statue de Vercingétorix. Une cérémonie qui étonne les badauds, et émoustille certaines femmes, puisque le Vercingétorix n’est autre qu’un des compères, juché nu sur un cheval.

 

Les Copains est un roman facétieux, humoristique, iconoclaste, rabelaisien, et possède une verve avinée dont Marcel Aymé et René Fallet furent les dignes continuateurs. Les dialogues sont savoureux et plus les chopines se vident, plus l’éloquence des convives est comparable à celle des tribuns. Pas de bafouilllement de leur part mais des tirades théâtrales, des conversations qui peuvent être décousues mais une logorrhée jamais défaillante.

Et les personnages sont campés avec une description désopilante, je vous laisse en juger avec l’extrait ci-dessous :

Une femme obèse parut. Son abdomen la précédait d’un bon pas. Sa poitrine venait ensuite, comparable à deux sacs de farine battant la croupe d’un cheval ; puis sa tête, renversée, bourrée d’une graisse blanche ; et, sur sa tête, deux yeux ronds et saillants que la marche ballotait du même mouvement que sa poitrine.

 

Le roman a fait l'objet d'une adaptation au cinéma, sortie en janvier 1965, sous le titre Les Copains, dans un film réalisé par Yves Robert, sur un scénario d'Yves Robert et François Boyer, avec notamment, pour interpréter les rôles des sept copains, Philippe Noiret (Bénin), Guy Bedos (Martin), Michael Lonsdale (Lamendin), Christian Marin (Omer), Pierre Mondy (Broudier), Jacques Balutin (Lesueur) et Claude Rich (Huchon). Le film a donné lieu à la création, par Georges Brassens, d'une de ses plus célèbres chansons, Les Copains d'abord, en ouverture de l'album éponyme, sorti en novembre 1964, deux mois avant le film (Source Wiki).

 

Jules ROMAINS : Les copains. Le Livre de Poche N°279. Parution 4e trimestre 1966. 192 pages.

Première édition 1913.

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6 septembre 2020 7 06 /09 /septembre /2020 04:26

Cours plus vite Charlie et tu gagneras
Ne te retourne pas…

Alain GERBER : Charlie.

Alain Gerber se nourrit de jazz et son corps en est tellement imprégné que sous ses doigts la musique s’écoule comme d’une source intarissable et multiforme. Ses ouvrages réédités au Livre de Poche en sont la parfaite exemplarité.

Charlie Parker, the Bird. Dès la première phrase il nous en dit tout le bien qu’il pense, sans ambages, sans affectation, concernant celui qui fut considéré, et l’est aujourd’hui encore, comme l’un des tout saxophonistes alto majeurs de tous l’ère jazzistique : Dans le domaine du jazz, je ne place aucun créateur au-dessus de Charlie Parker. Pourtant comme il nous le narre si bien Charlie n’était à l’origine aucunement un génie précoce. Mais ceci n’est qu’une entame, juste de quoi faire saliver le lecteur et l’amateur de jazz.

Le début de l’ouvrage résonne comme une incantation, empreinte de la marque de fabrique poétique d’Alain Gerber, mettant en place le décor de Kansas City, Kay Cee pour les initiés, usant d’une image biblique avec Benjamin le prophète. Puis il laisse la parole à plusieurs interlocuteurs, comme se relayent les solistes d’un band, se réservant le rôle de scripteur d’arrangeur et chef d’orchestre.

Du 29 août 1920, naissance de Charlie Parker junior à Kansas City au 12 ars 1955, décès à New-York de celui qui entre temps est devenu le Bird, chez la baronne Pannonica de Koeningswarter, la mécène du jazz, toute la vie du musicien défile sous la plume sensible d’Alain Gerber ; ses débuts d’enfant « gâté – fils unique et surprotégé par sa mère, querelleur, tyrannique, plein de morgue – et comme un apprenti musicien aux dispositions plus que médiocres, aux progrès laborieux, aux débuts catastrophiques », les influences subies, car Kansas City était à l’époque le lieu de réunion, de rendez-vous des grands musiciens de jazz, comme Count Basie, qui se rencontraient et s’affrontaient par instruments interposés, jusqu’à sa mort à l’âge de trente quatre ans, le médecin légiste devant ce corps usé, abimé, épuisé lui en donnant entre cinquante et soixante.

La vie de Charlie Parker est consacrée au saxophone. Il débute à cet instrument à onze ans et intègre l’orchestre de l’école à quatorze. A dix-sept ans il joue dans des bands de Kansas, et pour parfaire sa technique il écoute sans relâche les disques qu’il parvient à acquérir, enregistrés par les maitres du saxophone de l’époque : Coleman Hawkins, Lester Young, Johnny Hodges, mais aussi d’autres artiste comme Duke Ellington ou Louis Armstrong. Puis il effectue une tournée à New-York. En 1942, date approximative, ce sont les débuts du Be-bop, style engendré avec des musiciens comme le trompettiste Dizzy Gillespie, le pianiste Thelonius Monk, le guitariste Charlie Christian, et les batteurs Max Roach ou Kenny Clarke, et créé dans le but que ceux qui tenaient le haut du pavé en matière de swing, Benny Goodman, Glenn Miller, Tommy Dorsey et autres représentants d’une « ancienne » génération, ne puissent pas jouer ce nouveau genre.

Mais la musique n’adoucit pas forcément les mœurs, l’alcool et la drogue s’immiscent souvent dans le quotidien de ces artistes en recherche de sensations. L’addiction aux drogues, morphine puis héroïne, plus l’abus d’alcool, n’entachent pas sa créativité. Seulement la recherche frénétique de ses doses prime souvent sur ses engagements et il arrive en retard ou n’assure pas concerts et sessions d’enregistrement.

En 1946 il séjournera six mois dans un hôpital psychiatrique. Si ses enregistrements réalisés avec entre autres Dizzy Gillespie et un jeune trompettiste qui deviendra célèbre, Miles Davis, sont aujourd’hui encore considérés comme des chefs d’œuvre, ce ne sont que la partie visible de l’iceberg Charlie Parker.

Alain Gerber s’intéresse aussi profondément à la partie immergée, mais avec compassion, avec sympathie, avec empathie même pourrait-on dire. Car Alain Gerber ne rédige pas une simple biographie, il retrace avec brio et enthousiasme la vie de ces musiciens dont l’existence fut torturée, mouvementée, accidentée, connaissant des hauts et bas, des heures de gloire mais éphémères, des heures de mélancolie et de cauchemar, leur dépendance aux produits illicites étant trop prégnante.

Aujourd’hui c’est Charlie Parker qu’il délivre du mal, tout comme il l’avait fait pour Chet Baker ou Lady Day. Pour Alain Gerber, le jazz est un roman et il en est le chantre.

Un livre indispensable pour mieux comprendre un musicien, une musique, une époque.

Alain GERBER : Charlie. Le livre de Poche n° 32012. Première édition Fayard. Parution Janvier 2011. 512 pages.

ISBN : 9782253123774

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5 septembre 2020 6 05 /09 /septembre /2020 04:25

A l’ombre des gnomes en fleurs ?

Serge BRUSSOLO : L’ombre des gnomes.

Dans le cimetière de San Carmino, quelque part entre l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud, près de l’océan, des singes n’en font qu’à leur tête. Des singes nus, sans poils, roses comme des petits cochons qu’ils sont, déterrant les cadavres et les mangeant. L’endroit est négligé, laissé à l’abandon.

Pourtant une vieille dame, Maria Estravieja, qui parfois nourrit l’un des gamins du bidonville, sent une force en elle l’inciter à se rendre au cimetière visiter la tombe de son mari afin de vérifier les dire. Tout semble normal. C’est alors qu’elle est victime d’une sorte d’hallucination. La chaleur intense peut-être. Les singes s’amusent avec des cadavres, mordant des index. Lorsqu’elle sort de son étourdissement, tout est normal ou presque. Pourtant sur sa jambe la trace bleuâtre d’une morsure apparaît. Une blessure qui attire l’attention du père Papanatas, le curé du village.

Journaliste scientifique new-yorkais, Mathias Gregory Mikofsky est reçu par le lieutenant de police Manuel Corco. Lequel est troublé par les événements qui se propagent dans la cité divisée en deux, d’un côté les riches retraités vivant dans des constructions neuves, de l’autre le bidonville où sont parqués les miséreux, d’anciens ouvriers la plupart du temps. Et au milieu, dans une sorte de no man’s land, le territoire des frères Zotès, des ferrailleurs débiles qui entretiennent une garde composés de gamins sélectionnés pour garder l’endroit. Corco se plaint de ce que la ville devient folle.

Et les habitants deviennent véritablement fous. Comme une sorte d’épidémie qui se propagerait mais dont l’origine est inconnue. Au départ. Car bientôt Corco et le journaliste se rendent compte que cette épidémie se transmet par morsure. Ceux qui en sont atteints mordent leurs congénères, attirés par la viande fraîche. Et ils se dévorent eux-mêmes, s’automutilant avec délectation.

L’origine résiderait, selon le père Papanatas, d’une invasion d’extra-terrestres datant de quinze mille ans auparavant et dont les vestiges sont encore visibles au Pérou. Du moins c’est ce qu’il déclare à Mikofsky. Et le village de San Carmino aurait été édifié sur un territoire tabou, les singes roses atteints d’alopécie défendant leur terroir. Cet invasion se serait produite soixante ans auparavant, lorsqu’un religieux, un missionnaire accompagné de deux nonnes, se seraient installés dans ce petit village de pêcheurs, s’incrustant dans une ethnie Ayacamaras. Ce qui se produit alors serait une conséquence de cette intrusion.

 

Comme très souvent avec Serge Brussolo le très bon côtoie le n’importe quoi. Je ne parle pas des scènes scatologiques, mais de l’intrigue qui partant dans un sens, se disperse et propose une fin ouverte, comme si l’auteur en cours de route avait décidé de changer d’orientation et ne savait plus comment conclure.

Serge Brussolo ouvre une possibilité sur la compréhension des méfaits des colonisations et du prosélytisme envers des populations qui ne demandent rien à personne, mais que l’on veut asservir à des idées, des modes de vie, un mode de société dont ils n’ont rien à faire et qui se montrent délétères.

Mais pourtant ce roman, qui aurait très bien pu figurer dans la collection Gore, et qui fait suite au roman Les animaux funèbres, promettait et était même addictif. Mais l’épilogue laisse sur sa faim, et on s’en mordrait les doigts.

Serge BRUSSOLO : L’ombre des gnomes. Collection Anticipation N°1594. Editions Fleuve Noir. Parution décembre 1987. 192 pages.

ISBN : 2-265-03730-3

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4 septembre 2020 5 04 /09 /septembre /2020 03:59

Bouche des goûts ?

Pascal DESSAINT : Bouche d'ombre.

Ce n'est pas vraiment par humanisme que Daniel sort du caniveau où il croupissait depuis quelques mois Simon. Le jeune homme l'apprendra à ces dépens, mais tout compte fait, sa nouvelle vie n'est pas pour lui déplaire.

La condition de chauffeur garde du corps n'est certes pas bien payée, mais le travail n'est guère fatiguant.

Et puis il y a Elvire, la sœur de Daniel, qui ne le laisse pas insensible. Elvire, elle, est à la merci de ce frère qui ne lui donne que le minimum vital pour acheter les provisions. Ce qui ne l'empêche pas de rogner pour se payer une bouteille de porto, trouvant dans l'euphorie dispensée par l'alcool, la force de continuer à vivre.

Daniel ne possède pas vraiment la fibre familiale et considère sa sœur un peu comme une Cendrillon dont il pourrait abuser à volonté. D'ailleurs il vérifie si elle prend bien la pilule, on ne sait jamais, certains débordements peuvent amener à une grossesse non désirée.

Julia, c'est l'extra, le jardin secret de Daniel, sa fleur sauvage. Elle ne connaît rien de lui mais couche avec lorsqu'il en ressent l'envie.

 

Perfidie, machiavélisme, duplicité sont les maîtres mots de ce roman qui aurait pu être un vaudeville si Pascal Dessaint sciemment ne l'avait profondément ancré dans le drame.

Noir c'est Noir, un univers que ce jeune auteur explore avec de plus en plus d'intensité, fouillant, creusant, extirpant de l'âme humaine toute la vilenie qu'elle recèle, la mettant en lumière, la portant à bout de bras. Chaque nouveau roman semble être une gageure que Pascal Dessaint s'impose et dont il sort avec brio.

Il s'affirme comme le prétendant sérieux du roman noir français, apportant sa touche, sa sensibilité, sa conviction dans l'écriture.

(Chronique rédigée le 28 octobre 1996)

Pascal DESSAINT : Bouche d'ombre. Collection Rivages Noir N°255. Editions Rivages. Parution septembre 1996. 252 pages.

ISBN : 9782743601218

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3 septembre 2020 4 03 /09 /septembre /2020 03:40

A ne pas confondre avec L’époux vante…

Maurice LEVEL : L’épouvante.

La trentaine, Onésime Coche, journaliste au Monde, désire s’imposer dans la profession. Et il égratigne souvent les représentants de l’ordre en déclarant à la fin de ses billets : La police est mal faite.

Un soir d’hiver, en sortant de chez son ami Ledoux où il a dîné, il entrevoit comme dans un rêve, la Gloire se promettre à lui. Comme si un double s’immisçait dans son esprit. Il est vrai que des vapeurs d’alcool flottent dans sa tête,

Il avait [déjà] éprouvé cette même sensation inattendue et nette d'être quelqu'un, de porter en lui de grandes choses, et de se dire: «En ce moment, si j'avais une plume, de l'encre et du papier, j'écrirais des phrases immortelles...»

Il est minuit et demi et il sait qu’il vient de louper le dernier tramway. Il ne lui reste qu’à remonter le boulevard Lannes, emprunter la rue Henri-Martin et rentrer chez lui à pied. C’est alors qu’il est le témoin d’une scène opposant deux hommes et une femme. Ils viennent de s’introduire dans l’une des demeures de l’avenue, s’emparant d’objets précieux. Mais l’un des hommes est blessé, ensanglanté.

Alors, effectuant des recherches, et grâce à quelques déductions, Onésime retrouve l’endroit du cambriolage. Il s’introduit dans la demeure, découvre un vieil homme décédé depuis peu, assassiné, et la pièce où il gît chamboulée. Comme l’un de ses mantras est de déclarer que la police est mal faite, il décide de ranger le bazar, et de disposer négligemment quelques indices, dont un bouton de manchette et des morceaux épars d’une enveloppe dont la suscription portait son nom mais n’est plus qu’une sorte de message. Il met les policiers au défi de remonter jusqu’à lui, qui est innocent.

Onésime fait parvenir à son journal un papier dans lequel il narre ce meurtre et le vol. Puis, au petit matin, il s’insère parmi les enquêteurs, se mêle aux journalistes présents, recueille auprès du commissaire du quartier quelques renseignements qu’il divulgue à certains de ses confrères. Puis il donne sa démission et décide de quitter son appartement, change deux trois fois de lieu de résidence afin d’effacer ses traces.

Le commissaire du quartier est dans l’embarras, échafaude un raisonnement ni bon, ni mauvais, mais son adjoint s’attelle à la tâche de résoudre cet imbroglio. La chasse est ouverte et Onésime se sent peu à peu traqué. Au départ ce qui n’était dans son esprit qu’un jeu, une bravade, se retourne contre lui. La descente aux enfers débute.

Qui va gagner dans ce bras de fer ?

 

Placé sous le signe de l’angoisse, qui peu à peu va transformer en épouvante comme l’indique le titre de ce roman, ce texte pourrait être considéré comme la fable de l’arroseur arrosé.

Et à force de vouloir jouer avec le feu, Onésime risque de se brûler les ailes et de finir sur l’échafaud. C’est ce combat entre le journaliste orgueilleux et bravache et les policiers déboussolés mais accrocheurs que Maurice Level raconte. Le suspense va grandissant, étant de plus en plus prégnant. La tension monte progressivement mais inéluctablement.

 

Vous pouvez télécharger gratuitement et légalement ce texte en vous rendant à l’adresse ci-dessous :

Maurice LEVEL : L’épouvante. Edition Ebooks libres et gratuits. Date parution mars 2012. 156 pages.

Première édition 1908.

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2 septembre 2020 3 02 /09 /septembre /2020 03:41

Trompette de la renommée…

Michel BOUJUT : Souffler n’est pas jouer.

Le jeu, c’est aussi une façon de communiquer avec son prochain, de lui faire partager des sentiments. Mais dans le cas que je vais vous évoquer, il ne s’agit plus du jeu tel que décrit ci dessus, mais de musique, dans un roman qui ne manque pas de souffle. Guest star, comme on dit au cinéma, Louis Armstrong. Année de référence, 1934. Lieu, la France, principalement Paris et sa région, mais également Le Havre et la frontière suisse. Le thème, l’argent, bien évidemment, ou plutôt la corruption.

Attention, ce mot n’est pas écrit, mais c’est tout comme. Louis Armstrong s’est séparé de son agent et celui-ci, affilié avec la Mafia, n’a pas apprécié ce congé venant de la part d’une vedette internationale, d’autant que son poulain n’est pas de race blanche. Alors il lance sur les notes du trompettiste un duo d’affreux jojos dont la mission est d’opérer un kidnapping, histoire de montrer au musicien qui commande. Commence une histoire qui va entraîner les deux ravisseurs dans une course poursuite qui deviendra une cavale.

La reconstitution d’une époque où le jazz prenait son envol, accueilli en France comme une musique évolutive, les divers personnages qui émaillent le parcours tels que Joséphine Baker, Hugues Panassié, Robert Desnos, Henry Miller, Howard Hugues ou encore Boris Vian adolescent, insufflent à ce court roman picaresque une note musicale harmonieuse, joyeuse et triste à la fois, comme seuls savent les musiciens de jazz exprimer leurs sentiments à l’aide de leurs instruments.

Michel Boujut est un fin connaisseur et il s’est amusé, pour son plus grand plaisir et celui du lecteur, à imaginer un avatar à l’une des plus grandes stars de la musique, avatar qui est en même temps un divertissement. Un régal.

Michel BOUJUT : Souffler n’est pas jouer. Collection Rivages Noir N°349. Editions Rivages. Parution 2 février 2000. 156 pages.

ISBN : 978-2743606015

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1 septembre 2020 2 01 /09 /septembre /2020 03:51

Loft story…

Luis ALFREDO : Téléréalité.

Pour le commandant René-Charles de Villemur, cette soirée aurait dû se dérouler comme les autres. Dans le calme et la sérénité, avec ses pensées vagabondes et mortuaires.

A partir de 19h30, la télévision est éteinte, et il préfère choisir un livre au hasard dans sa monumentale bibliothèque, placer un CD dans le lecteur, déguster un verre et un cigarillo. Et ses idées vagabondent, revoyant les morts qui jalonnent son parcours amoureux. Christian, son ami-amant avec lequel il a vécu deux ans, leur séparation et la découverte de son cadavre sur une plage landaise, ou encore Patricia dont il avait fait la connaissance lors de la traque d’un serial-qui-leurre, Patricia qui s’est suicidée. Il pense également à Joan Nadal, le détective parti à Lourdes pour régler une affaire de cocufiage confiée à lui par un mari jaloux.

Le téléphone l’arrache à ses pensées négatives. D’abord Patrick, le journaliste, qui l’informe qu’il se rend immédiatement à Lourdes, un reportage sur un mort tombé du haut de la Basilique et retrouvé parmi les cierges une dizaine de mètres plus bas. Les cierges ont-ils résisté à cette chute, l’histoire ne le dit pas.

Nouvel appel téléphonique, émanant cette fois-ci de son adjoint Octave avec lequel il fait ses gammes depuis dix ans. L’affaire est sérieuse. Une concurrente d’une émission de téléréalité a été découverte morte, un poignard dans le cœur. Dwelling s’appelle cette émission culturelle suivie par des millions de téléspectateurs qui se délectent à regarder les évolutions d’une bande de jeunes au physique hollywoodien confinés dans une demeure aménagée exprès pour cette étude sociale.

Cette demeure (dwelling en français) se situe à une dizaine de kilomètres de Toulouse (pour la candidate, c’est to loose !) aux portes de Muret, dans un ancien restaurant. Géraldine, la concurrente, a été retrouvée morte dans les toilettes, un poignard dans le cœur. Et les cabinets d’aisance n’étaient pas fermés de l’intérieur !

 

Débute pour le commandant Villemur, une enquête en local clos avec tout ce que cela implique d’interrogations et de démarches parfois inutiles.

René-Charles de Villemur se fait d’abord expliquer les règles du jeu auprès de la productrice déléguée, du réalisateur, du psychiatre de service, de quelques concurrents. Géraldine aurait dû depuis longtemps quitter cette résidence, mais le vote des téléspectateurs l’avait à chaque fois repêchée. Et il apprend également que les séquences montrées à la télévision ne reflètent pas forcément la réalité, car il faut du gratiné pour entretenir le suspense et surtout capter l’attention du public, sinon c’est la désaffection, et donc une perte irrémédiable de recettes publicitaires.

Et il hésite entre conclure à un meurtre, certains des candidats n’appréciant guère leur compagne de réclusion, volontaire au départ, ou à un suicide. Mais le suicide n’est guère envisageable car la poignée du couteau a été soigneusement nettoyée. De plus certaines séquences enregistrées ont été effacées, et d’autres caméras, dont celle placée dans les WC, sont factices.

Une enquête résolue en quelques heures par le commandant et son adjoint, mais cette intrigue n’est pas le seul intérêt de cette histoire. Le lecteur découvre les coulisses de ce genre d’émission de téléréalité suivie par des millions de téléspectateurs-voyeurs et se rend compte que le sensationnel prime sur la vérité.

Il est dommage que Luis Alfredo se complaise à cette mode abêtissante de l’utilisation d’un vocabulaire anglo-saxon, le mot dwelling et ses déclinaisons étant assénés à longueur de pages alors qu’il possède ses équivalents en français. D’autant que Villemur se montre quelque peu vieille France avec son nœud papillon, son couvre-chef mitterrandien et ses cigares dont il se délecte dès la nuit tombée, ses vis-à-vis profitant souvent des émanations fumigènes nocives.

Luis ALFREDO : Téléréalité. Itinéraire d’un flic. Saison 2, épisode 1. Collection Noire Sœur. Editions SKA. Parution 24 août 2020. 96 pages. 2,99€.

ISBN : 9791023408256

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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