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23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 13:59
Agatha CHRISTIE : Le Noël d’Hercule Poirot

Ils sont venus, ils sont tous là, il va mourir

le Papaaa…

Agatha CHRISTIE : Le Noël d’Hercule Poirot

Lire ou relire Agatha Christie, de nos jours cela semble incongru aux yeux des amateurs forcenés et acharnés du roman policier et du roman noir.

Des histoires que l’on pourrait croire simples, pour ne pas dire simplistes, désuètes, vieillottes, dépassées. Et j’en passe.

Et pourtant dans ce roman datant de 1938, les petites pensées ou échanges oraux, émis par les protagonistes, sont imprégnés de la situation internationale et jettent un regard dénué d’aménité sur les Britanniques en général. Il existe une dose de philosophie et une profondeur d’esprit que l’on ne peut capter que si l’on ne lit pas ces textes superficiellement.

Vieillard riche, quasi impotent, mais cynique, Simeon Lee a décidé de réunir en cette veille de Noël ses enfants. A part Alfred et sa femme Lydia, qui vivent à demeure dans la grande demeure de Gorston Hall à Addlesfield, les autres reviennent pour la première fois ou presque depuis des années de séparation. Si Alfred est tout dévoué à son père, Lydia elle n’apprécie guère le vieil homme.

George, politicien, membre du Parlement, député de Wersteringham, et sa belle et jeune femme Magalene. Elle est dispendieuse, tandis que George est constamment en quête d’argent, Simeon lui envoyant des subsides fréquemment. David, le rêveur qui en veut à son père depuis le décès de sa mère, décès qu’il impute aux frasques de son père, et sa femme Hilda, petite boulotte qui ne s’en laisse pas compter. Harry, le rebelle, le voyou, toujours par monts et par vaux, accumulant les méfaits. Enfin la jeune Pilar, sa petite fille née de Jennifer, sa fille et d’un Espagnol. Le père est décédé en prison depuis longtemps, et Jennifer depuis un an environ. Pilar est donc la seule rescapée et seule représentante féminine de la famille Lee. Les garçons n’ayant pas eu d’enfants et donc de garçons.

Invité surprise, Stephen Farr, qui passait dans la région et vient rendre visite au patriarche. Simeon et son père furent des amis lorsque tous deux vivaient en Afrique du Sud, exploitant des mines de diamants. D’ailleurs Simeon possède encore dans son coffre des pierres brutes, non taillées, ressemblant à de vulgaires cailloux mais dont la valeur s’élève à dix mille livres environ. C’est ce qu’il déclare à Pilar dont il s’est entiché.

Font partie de la maison, mais côté domestiques, Tressilian, le vieux majordome, quarante ans de service auprès de Simeon Lee. Plus quelques femmes de chambre, de cuisinières, et depuis un an environ Hornbury, le valet-infirmier, dont la seule fonction est de s’occuper de l’ancêtre. Un type bizarre, Hornbury, marchant comme un chat. On ne sait jamais où il est, se déplaçant sans bruit, semblant épier tout le monde.

Sugden, le policier local, demande à être reçu par Simeon, car il quête pour l’orphelinat de la police. Mais en début de soirée, il revient, car il a été appelé pour une affaire de vol. Les diamants ont disparu et il a été chargé par le vieil homme d’enquêter.

C’est à ce moment qu’un grand bruit se produit et qu’un cri retentit dans la maison. Cela provient de la chambre de Simeon qui est fermée à clé de l’intérieur. Tout le monde accourt, plus ou moins en même temps. Stephen et Harry unissent leurs efforts pour ouvrir la porte et ce qu’ils voient dépasse tout entendement.

Le riche vieillard a été égorgé, les meubles sont les uns par-dessus-les autres. Et du sang est répandu un peu partout. Comme le murmure Lydia : Qui aurait cru que ce vieil homme tant de sang en lui… Une référence à Shakespeare.

 

Alors qu’Hercule Poirot devise tranquillement en compagnie de son ami, le colonel Johnson, celui-ci reçoit un appel téléphonique de Sugden, l’avertissant d’un meurtre. Johnson invite Poirot à se rendre avec lui à Gorstan Hall.

Les candidats assassins potentiels sont nombreux mais tous possèdent un alibi conforté par les autres malgré les dissensions qui peuvent exister, s’élever entre eux.

Mais Hercule Poirot relève certaines anomalies, certains mensonges. Il effectue des comparaisons, regarde les tableaux accrochés dans les couloirs. Il vérifie ou fait vérifier les antécédents des invités, des employés, notamment d’Hornbury, car le personnage ne lui plait guère. Il s’intéresse à tout. Au passé de Simeon qui fut un coureur de jupons, ce qui d’ailleurs a entraîné la mort de sa femme. Et il soupçonne Harry, au passé trouble.

Selon les participants à cette soirée de Noël particulière, Simeon désirait annuler son précédent testament, ils en avaient eu confirmation lorsque convoqués, ils l’avaient entendu téléphoner à son notaire. Mais Simeon ne s’amusait-il pas avec eux ? Ou alors, désirait-il remplacer le nom de sa fille Jennifer par celui de Pilar, sa petite fille dont il s’était entiché. Voulait-il, comme il l’avait laissé entendre, couper les subsides alloués à George ? Un nouveau testament pouvait favoriser les uns, peut-être léser les autres.

Agatha Christie, dans ce roman construit sous forme de Cluedo (jeu qui ne fut invité qu’en 1943), de jeu avec le lecteur, dissimule les indices, qui parfois sont trop voyants, trop appuyés, pour être véritablement des indications fiables, et naturellement, elle sort de sa plume un coupable auquel nul de pensait. Mais à la relecture on s’aperçoit que tout est imbriqué avec machiavélisme et l’on ne peut que s’ébaubir à la réalisation sans défaut de cette intrigue qui aurait pu être un meurtre en chambre close.

L’histoire débute le 22 décembre et se clôt le 28 du même mois. Auparavant la romancière prend le temps d’installer et présenter ses personnages, d’abord Stephen Farr et Pilar qui se rencontrent dans le train qui doit les amener à Gordon Hall. Et naturellement elle distille les doutes, d’autant qu’elle jette les soupçons sans vraiment les compléter, les explications venant plus tard.

Ainsi Pilar, qui paraît ne pas être concernée par les événements, et est attirée par son oncle Harry, bel homme à la stature impressionnante, mais également par Stephen, et pourquoi pas par Sugden.

Mais Agatha Christie, en cette Angleterre encore victorienne, joue avec les mœurs de ses compatriotes, qu’elle juge froids, tristes. Pourtant Simeon, alors que c’était mal venu dans ce pays puritain, accumulait les bonnes fortunes, et pas seulement que les diamants. C’est un peu un coup de pied dans la mare. Et un roman subtil beaucoup plus intéressant qu’il y paraît, quoique certains puissent penser que les intrigues de la Bonne Dame de Torquay sont légèrement désuètes.

Agatha CHRISTIE : Le Noël d’Hercule Poirot (Hercule Poirot’s Christmas – 1938. Nouvelle traduction révisée de Françoise Bouillot). Collection Le Masque Christie. Editions Le Masque. Parution le 18 décembre 2012. 230 pages. 5,60€.

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22 décembre 2017 5 22 /12 /décembre /2017 08:47
Roland SADAUNE : Orange fusion.

Ce n’est pas forcément mécanique…

Roland SADAUNE : Orange fusion.

Selon quels critères peut-on qualifier un peintre de raté ?

Qu’il ait raté sa vie, oui, mais pour le reste ? Peut-être parce qu’il ne surfe pas sur la bonne vague, celle du succès, celle des attentes de clients, trop avant-gardiste ou au contraire, trop académique. Trop moderne, trop innovant. Allez comprendre… Bien d’autres peintres ont tiré le Diable par la queue, à défaut d’autre chose, durant leur existence souvent éphémère, et sont aujourd’hui reconnus mondialement comme des génies.

Luc Verdi, appelé aussi Lucky, est l’un de ces peintres qui végètent. Il loge au septième étage, mais pas au septième ciel, enfin pas tous les jours, d’un immeuble dont l’ascenseur a tendance à faire grève. De même que la minuterie du couloir menant à son gourbi où sont entreposées ses toiles, ébauchées ou en cours d’achèvement.

Il n’a plus vraiment la foi, et à cinquante ans passés, il a beau se pointer chez madame Paule Emploi, ses chances de dégoter un petit travail, dans ses compétences, sont très limitées pour ne pas dire nulles.

Il a plus de chance auprès de sa jeune voisine, qui elle ne manque pas de pratiques. Elle est la sœur Emmanuelle du sexe, vous savez celle qui se prélasse dans un fauteuil en osier. Et sa première intervention n’est pas facturée, pourquoi ne pas en profiter.

Mais Luc Verdi, comme il l’affirme à son ami Francis, n’est pas en manque. Avant c’était Marylin, mais c’est fini. Aujourd’hui elle s’appelle Sharon, c’est très suggestif comme prénom. Et puis elle est sympathique Sharon. Elle est avenante, toujours disponible. Et surtout elle est sourde et muette. Avec elle, pas de récriminations, de bouderies, de reproches, il peut lui dire ce qu’il veut, elle ne le contredira pas.

Noël approche, la neige tarde à tomber, est-ce pour cela qu’il est à moitié dépressif ?

 

Une nouvelle dont le début, surtout, est un peu en forme de trompe-l’œil, de faux-semblant. Tout en nuances (cinquante ?) de grisaille. Le coup de pinceau est habile, encore faut-il savoir manier le manche, ne pas laisser dégouliner la peinture, passer et repasser aux endroits délicats, ne pas se dégonfler quand la tâche est ardue.

Roland Sadaune joue avec le lecteur, et peintre lui-même, sait se montrer exigeant dans les descriptions. Il existe toujours une part de tristesse dans ses nouvelles. Nouvelles que j’apprécie plus que ses romans, même si j’aime bien ceux-ci.

Roland Sadaune est plus un miniaturiste sensible qu’un exécuteur de grandes fresques. Il nous dépeint l’univers de Luc Verdi, sans rougir, par petites touches subtiles. Mais ce n’est que mon avis...

 

Roland SADAUNE : Orange fusion. Nouvelle numérique. Collection Cullissime. Editions Ska. Parution le 30 octobre 2015. 21 pages. 1,49€.

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21 décembre 2017 4 21 /12 /décembre /2017 13:06

 

 

Ils ont tort !

Evelyne LALLEMAND : Les Sept ne croient pas au Père Noël. Série

Si le nom d’Enid Blyton, la créatrice de cette série qui est un peu le pendant du Club des Cinq, n’apparait pas sur la couverture de ce livre, c’est bien parce qu’il s’agit de nouvelles aventures imaginées par Evelyne Lallemand, auteur jeunesse, qui reprit les personnages afin de leur donner une seconde vie, tout comme Claude Voilier le fit avec le Club des Cinq.

 

Alors que sa mère est au téléphone, Colin s’impatiente. Il doit aller faire des courses mais la conversation s’éternise. Pour s’occuper, il s’amuse avec les pièces des achats qu’il doit effectuer, et les compare sur le pèse-lettre de son père. Bizarrement, les deux pièces de cinq francs ne font pas le même poids.

Il essaie de récupérer auprès des commerçants d’autres pièces similaires et en informe ses amis, Pierre, Jacques, Georges et les trois filles, Jeannette, Babette et Pam. Il leur faut vérifier la composition de ces pièces et à l’aide d’une scie à métaux ils découpent les pièces dissemblables.

Effectivement, l’une d’elles n’est pas totalement en métal mais pour autant ils doivent en connaître la provenance. Alors chacun d’eux se rendent chez des commerçants, échangent des billets auprès de passants sous le prétexte qu’ils ont besoin de monnaie, et autres astuces pour récupérer d’éventuelles fausses pièces.

Aux abords des grands magasins, deux Pères Noëls sont sur le trottoir, l’un prenant en photo les petits enfants en compagnie de l’autre. C’est ainsi qu’ils découvrent le trafic de fausses pièces, par hasard. Tout d’abord la mère de George demande une photo de sa petite sœur. Contre un billet de vingt francs, une fausse pièce de cinq est rendue. La pesée confirme ce qu’ils pressentaient.

Ils décident de surveiller les deux Pères Noëls et ils aperçoivent le manège d’un homme qui cache maladroitement son visage balafré. Un faciès qui n’inspire guère confiance mais il s’agit peut-être d’un policier. En effet l’homme bouscule l’un des pères Noël qui laisse échapper quelques pièces. En les ramassant les Sept se rendent compte que certaines d’entre elles sont fausses.

Ils continuent leur surveillance et à la fermeture des Grands Magasins, se mettent à les suivre. C’est ainsi qu’ils se rendent compte qu’il s’agit de deux adolescents déguisés, puis ils assistent à l’enlèvement d’un des Pères Noëls par le Balafré et deux autres hommes à bord d’une voiture.

Ils interrogent l’adolescent restant, qui est apeuré et leur raconte comment ils se sont retrouvés en possession des fausses pièces.

Les Sept, en compagnie de leur chien Moustique se mettent en chasse, pour délivrer le kidnappé et tenter d’arrêter les faux-monnayeurs, malgré la neige qui tombe et risque de perturber leurs tribulations dans la forêt où sont cachés les ravisseurs.

 

Une histoire gentillette destinée aux jeunes enfants qui semble un peu désuète de nos jours mais possède néanmoins un certain charme.

Si depuis les années 1980, les romanciers pour jeunes lecteurs se montrent parfois plus violents dans leurs descriptions, et usent volontiers de vulgarités dans les propos, l’évolution des mœurs paraît-il, ce genre d’historiette joue toujours sur le même principe.

Toutefois, en lisant attentivement les textes, on s’aperçoit que des messages sont parfois glissés à l’intérieur.

Ainsi Babette se plaint de ne pouvoir accompagner les garçons dans leur rencontre avec Michel, le Père Noël rescapé.

Comme d’habitude ! soupira Babette. C’est toujours la même chose. Nous, nous restons à nous rouler les pouces pendant que vous, messieurs les garçons, vous vous amusez bien…

Ce n’est pas grand-chose comme réflexion, mais c’est le début de la révolte contre la prépondérance masculine, les filles étant laissées de côté. Cela part d’un bon sentiment de la part de Pierre, qui ne veut pas que son amie soit confrontée au danger, ce que ne comprend pas Babette qui veut être considérée comme actrice à part entière dans cette aventure et participer aux efforts de tous.

Ce livre comporte des illustrations de Pierre Brochard, sur les pages de droite, tandis que les pages de gauche sont réservées au texte.

Evelyne Lallemand est née le 12 juillet 1951 et est décédée le 22 novembre 1997. Elle fut auteur d'ouvrages pour enfants et directrice de la collection pour adolescents Courts toujours chez Hachette.

 

Réédition d’octobre 2006.

Réédition d’octobre 2006.

Evelyne LALLEMAND : Les Sept ne croient pas au Père Noël. Série Les Sept. Bibliothèque Rose. Editions Hachette. Parution septembre 1981. 158 pages.

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21 décembre 2017 4 21 /12 /décembre /2017 09:17

On prend toujours un train pour quelque part,

Un grand train bleu, un grand train blanc, un grand train noir.

On prend toujours un train pour quelque part.

Au bout du quai flottent des mains et des

mouchoirs.

Trains de terreur. Anthologie d’épouvante et d’insolite ferroviaire.

Le récent et dramatique accident ferroviaire survenu ces jours derniers à Millas dans les Pyrénées Orientales, nous démontre une fois de plus, que malgré les nouvelles technologies et les consignes de sécurité, le risque Zéro n’existe pas.

Loin de moi l’idée de remettre en cause l’une ou l’autre des parties, de mener ma petite enquête, d’établir des suppositions, d’écouter les rumeurs, d’avoir des certitudes et de les formuler, force est de constater que depuis l’existence du train, les accidents, mortels ou non, alimentent les chroniques journalistiques, judiciaires, de même que les vols, les situations burlesques, et autres.

Chacun d’entre nous a entendu parler notamment de la mésaventure qui est arrivée au président Paul Deschanel le 23 mai 1920, tombant accidentellement de la fenêtre de son compartiment, alors que le train roulait en rase campagne.

Depuis 1827, date de la première mise en service d’une ligne ferroviaire, qui était destinée au transport de charbon entre Saint-Etienne et les rives de la Loire, les wagonnets descendant les rails par simple gravité et étant remontés par des chevaux, ce système de transport a bien évolué. Et en 1837, ce fut l’inauguration de la mise en service de la première ligne destinée au transport des voyageurs entre Paris et Saint-Germain en Laye.

La première grosse catastrophe ferroviaire eut lieu le 8 mai 1842 dans la tranchée entre Bellevue et Meudon, et parmi les nombreuses victimes figuraient le célèbre explorateur Dumont d’Urville, sa femme et son fils. Etrange destinée que celle de ce marin, qui entreprit notamment une expédition en Océan Antarctique en 1837.

Naturellement, ces accidents et incidents ont fournis des sujets d’importance aux journalistes, nouvellistes et romanciers qui apportèrent leurs rails à l’édification de ces lignes ferroviaires littéraires.

Et Philippe Gontier nous propose dans son recueil de nous faire voyager de 1886 à 1927 en compagnie des quelques scripteurs, dont certains qu’il exhume de l’oubli.

 

Dans Un drame en wagon, le premier conte du recueil, datant de 1886, l’auteur, Emile Blavet, dresse un réquisitoire contre le tapage fait autour d’arrestations, nombreuses, d’assassins ou chourineurs, ce qui pour lui est une publicité destinée à masquer les résultats négatifs dans des affaires dites sérieuses et les manques de résultat. Un constat qui est toujours d’actualité. Mais cela lui permet de mettre en scène l’aventure d’une jeune femme, apparentée à un haut-fonctionnaire, qui se retrouve face à un homme dans son compartiment alors qu’elle devait voyager seule et qui lui demande de lui rendre service. Une anecdote que l’on peut croire véridique ou sortie de l’imagination de cet auteur. Emile Blavet fut un journaliste par ailleurs controversé.

Maurice Renard, le plus célèbre des auteurs de cette anthologie, auteur notamment des Mains d’Orlac et du Docteur Lerne, sous-dieu, met en scène le petit et vieux monsieur Bourdure, rédacteur au ministère du Travail, qui revient dans le cadre de son travail de la Ferté-Milon. Trois voyageurs sont déjà installés dans son compartiment, et comme c’est un homme fort urbain, il demande aux hommes la permission de fumer une cigarette. Permission qui lui est accordée sans réticence puisqu’eux-mêmes fument pipes ou cigare. L’amateur de Havane lui propose même d’en déguster un. Seulement le tabac est-il imprégné d’une substance soporifique, c’est ce que le brave monsieur Bourdure pense car il s’endort. Lorsqu’il sort de son ensommeillement, c’est pour être le témoin d’un assassinat. Deux des voyageurs, dont le faciès ne lui revenait pas, balancent sur les voies le troisième voyageur. Cette histoire s’intitule Le Témoin et a été publiée en 1927.

Or en 1900, Edmond Haraucourt, auteur méconnu de nos jours et qu’il serait bon de remettre à l’honneur, avait publié une historiette au titre identique, Le Témoin. Et là encore il s’agit d’un voyageur qui est témoin d’un meurtre ferroviaire. Mais cette similitude s’arrête là, car tout aussi bien dans le traitement que dans l’épilogue, les divergences sont nombreuses. Les personnages réagissent différemment mais ils ne se conduisent pas en héros.

Georges Rodenbach déplace son intrigue sur la terre ferme dans Suggestion, conte de 1899. Comme son titre l’indique, un homme va, sous l’emprise d’une suggestion qu’il se forge visuellement, tuer sa femme. Pourtant il l’aimait cette épouse qui ne le méritait certes plus. Et tout ça à cause d’un fanal rouge sur une locomotive.

En effet si toutes ces nouvelles ont un rapport avec le train, toutes n’ont pas l’intérieur d’un wagon, ou d’un compartiment comme décor.

L’enfant du mécanicien de Pierre Duo met en scène un gamin dont le père est mécanicien sur une locomotive. Le jeune Jean-Marie Legorec est fort connu des cheminots de la gare de Rennes. Mais lorsque deux d’entre eux veulent jouer à ses dépens, cela confine à la bêtise humaine. Ils l’invitent à venir boire une bolée de cidre et, alors qu’il a le dos tourné, ils mélangent de petits verres de cognac dans sa bolée. Un vrai Breton, même à douze ans, ne recule jamais devant une bolée, jamais…

La stupidité d’un côté, la fierté de l’autre, il n’en faut pas plus pour sceller un drame.

Dernière petite historiette dévoilée, L’usufruit, de François de Nion. Un vieil homme paralytique mais riche passe ses journées à observer la rue, les voyageurs sortant de la gare, autant de repères qui se produisent tous les jours à la même heure avec les mêmes individus. Mais celui qui sort de la station en ce début de nuit, ne lui inspire guère confiance. Ce n’est pas un habitué et son visage est dissimulé. Ce pourrait-il que ce soit l’un de ceux qui briguent l’héritage ?

 

L’honneur du travail, de J. de Lorraine, n’est pas une nouvelle mais un chapitre extrait du roman éponyme publié en 1897. Ce texte n’apporterait rien de plus à l’édifice sinon qu’il est calqué sur La Bête humaine de Zola. Et Philippe Gontier met en parallèle quelques phrases des deux textes, l’original et la copie. Un plagiat manifeste et heureusement, c’est bien La Bête humaine qui est resté dans les esprits, constamment réédité et adapté au cinéma avec Jean Gabon notamment.

Ce recueil n’aurait d’autre intérêt que la redécouverte de textes anciens si Philippe Gontier n’apportait grâce aux notices qui accompagnent chaque nouvelle, des notices parfois plus longues que les nouvelles elles-mêmes, un éclairage sur le contenu et l’auteur. Un travail de forçat du rail qu’il faut ici saluer avec tout le respect que cela implique.

Des textes souvent parus dans des journaux et jamais réédités. Et si le décor a plus ou moins changé, si les moyens de communication ont évolué, si des technologies nouvelles sont apparues, certains de ces contes ne dépareilleraient pas de nos jours, car c’est le contexte qui importe. D’ailleurs si les façons de procéder ne sont plus tout à fait les mêmes, le principe et le résultat est identique. Mais il réside dans ces textes ce petit goût de nostalgie, pour ceux qui ont connu les trains à vapeur, cette senteur de fumée, ces escarbilles qui voletaient, toute une époque révolue.

Insomniaques et ferroviaires, ce recueil est pour vous.

 

Sommaire :

BLAVET Emile : Un drame en wagon.

LEPELLETIER Edmond : L'œil d'en haut.

DUO Pierre : L'enfant du mécanicien.

GODARD André : Le point rouge.

COSSERET Pierre : L'aiguilleur 113.

MONTJOYEUX : L'étreinte.

GEFFROY Gustave : Sous le tunnel.

LORRAINE de J. : L'honneur du travail, ch. XVII.

RODENBACH Georges : Suggestion.

JUSTICE Octave : Le train 104.

HARAUCOURT Edmond : Le témoin.

NION de François : L'usufruit.

ROCHON Jean : Voie barrée.

ROLLAND Jean : Le train 312.

HARAUCOURT Edmond : Les douze heures d'un tamponné.

MIODE de la Guy : En gare.

ALBANE d' Georges : Le baiser posthume.

THIBAULT Pierre : En wagon.

MILLE Pierre : La collision de Brébières-sud.

ROCHON Jean : Le drame du train 102.

PRICE Georges :         Une heure d'express.

RENARD Maurice : Le témoin.

Ces nouvelles sont suives de quelques documents, la plupart du temps non signés, comme souvent encore de nos les articles journalistiques relatant des faits-divers.

 

Si La Vie du Rail a publié quelques romans dans la collection Rail noir, il ne faut pas oublier que bon nombre d’auteurs francophones ont placé leurs romans sous des auspices ferroviaires.

Georges Simenon, sous le pseudonyme de Georges Sim a écrit Train de nuit.

Maurice Gouiran : Train bleu, train noir, une histoire qui prend sa genèse lors de la Seconde Guerre Mondiale, avec les déportations de Juifs mais également d’autres parias, de Drancy vers l’Allemagne nazie.

Mais il y en a bien d’autres que je vous le soin de découvrir.

 

Trains de terreur. Anthologie d’épouvante et d’insolite ferroviaire. Textes réunis et présentés par Philippe Gontier. Collection Terreurs anciennes. Une coédition Les Aventurier de l’Art Perdu & La Clef d’Argent. Parution le 2 décembre 2017. 298 pages. 19,00€.

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20 décembre 2017 3 20 /12 /décembre /2017 08:48

 

 

Le Noël de la rue

C'est la neige et le vent

Et le vent de la rue

Fait pleurer les enfants

Jason DARK : Noëls de sang

Noël ! Période de fête, de joie, de paix.

Période propice pour offrir des cadeaux, indépendamment de leur valeur, seul le geste comptant.

Dans les rues, dans les maisons, tout le monde s’affaire. Sapins, guirlandes, bougies, papier d’emballage, boîtes mystérieuses envahissent les appartements, si modestes soient-ils.

Martin Adamic, dix ans, malgré ses malheurs, une mère pocharde et un père gueulard qui ne se montre pas avare de taloches, Marin ose espérer. Depuis deux ans, il n’a pas connu de vrais Noëls, et, sentant pour une fois sa mère dans de bonnes dispositions, il rêve d’une soirée relativement calme, semi-familiale, avec, pourquoi pas, un petit cadeau en apothéose.

Il ne demande pas grand-chose, juste une montre, la moins chère possible, mais une montre qui fonctionne et qu’il pourra exhiber devant ses camarades de classe.

Alors que sa mère, qui est décidemment dans un bon jour, lui offre le cadeau tant attendu, l’intrusion de son père déguisé en Père Noël trouble la sérénité complice qui s’était instaurée entre la mère et l’enfant.

Accès de colère du père qui écrase sous son talon rageur la montre-cadeau et, devant la rébellion maternelle, inflige une mortelle raclée à la génitrice du pauvre Martin qui n’en peut mais.

Ensuite, lé père meurtrier emmène le fils, éberlué par cette scène guère digne d’un réveillon, si frugal et si misérable soit-il, dans les docks londoniens. Il a fait un pacte avec le Diable et il entend bien que sa progéniture suive le même chemin.

Emprisonné, le meurtrier s’évade dix ans après et entame un règlement de comptes ayant pour cible les policiers qui l’ont mis sous les verrous.

Première victime, la femme de l’inspecteur Blake qu’il assassine pratiquement sous les yeux de l’inspecteur Sinclair.

Les premiers témoignages font état d’un Père Noël au faciès cadavérique. Et voici John Sinclair entraîné dans de nouvelles aventures.

 

Terreur, angoisse et diableries pour cette sixième traduction française dans cette collection. Sur un rythme enlevé, rapide, débarrassé des scories descriptives et des réflexions métaphysiques, dont sont souvent empreintes les œuvres de Stephen King, Graham Masterton, et autres auteurs américains ou britanniques qui s’amusent parfois à encombrer leurs récits, ce petit roman allègre se lit avec plaisir, même s’il n’atteint pas les sommets du chef-d’œuvre.

Jason DARK : Noëls de sang (Mörderische Weihnachten – 1987. Traduction de Jean-Paul Schweighaeuser). Collection John Sinclair, chasseur de spectres N°6. Editions Fleuve Noir. Parution mai 1992. 192 pages.

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19 décembre 2017 2 19 /12 /décembre /2017 09:23

Angélique, Angélique

Tu seras toujours pour moi

Mon premier amour

Mon premier sourire

Mon premier printemps

Max OBIONE : Angélique. Sœur Fouettard 2.

Mais le printemps est terminé, pas depuis longtemps, mais quand même.

En ce 24 juin 1871, l’insurrection qui a agité durant deux mois la capitale est en passe de se calmer, même si quelques soubresauts se font entendre de l’autre côté des murs du couvent des Visitandines.

Marie Louise Berthet, fille de joie et communarde y a trouvé refuge alors qu’elle était traquée, comme le lecteur l’a appris dans le premier épisode de ses aventures (voir le lien ci-dessous).

Les religieuses l’ont accueillie, et la mère supérieure lui a démontré que l’hospitalité n’était pas un vain mot, surtout dans son giron. Quant à Fonfon, Alphonse le jardinier, il lui a démontré que malgré son âge, le poireau a beau posséder des poils blancs, le reste est encore vert.

Ce jour-là est un jour particulier, Marie-Louise va entrer dans la congrégation et elle se demande, accompagnée de Fonfon, de quel nom la mère supérieure va l’attifer.

Elle est rassurée. Angélique, cela lui convient très bien. Et son intronisation dans cette communauté moniale devrait s’effectuer sans problème. Les religieuses sont tellement contentes qu’elles se pelotent, se tripotent, se tripatouillent, n’hésitant pas à jeter leurs voiles et le reste aux orties, montrant à ses yeux ébaubis des appas mamelus et fessus de toutes formes mais pas forcément toutes de première jeunesse. Certaines d’entre elles vont même jusqu’à vérifier si le potager résidant dans la culotte de Fonfon est plus agréable que les sempiternelles carottes dont elles font usage sans pour autant ressentir des allergies.

Et Fonfon, aux anges, se laisse mener par le bout de la queue, jouissant de cet intermède qui n’était pas prévu. Ce qui va suivre non plus d’ailleurs.

Et Angélique démontre son savoir-faire quand au maniement des verges, et inverse le prétexte qu’on ne badine pas avec l’amour. Mais avec la partie charnue des moniales, si.

Gentiment érotique, ce feuilleton qui se déroule au début des années 1870, dans un petit coin de paradis parisien, ne manque pas d’humour. Et la description de cet étalage fessier m’ fait penser à la chanson de Pierre Perret le Zizi. Ce que l’on pourrait placer dans les pages d’anthologies érotiques.

Pour autant, le contexte historique et social n’est oublié, ce qui donne une dimension non négligeable à ce feuilleton.

Et bientôt sur vos écrans, la suite des aventures de Marie-Louise, dite Angélique, dite Sœur Fouettard.

 

Pour acquérir cet ouvrage numérique, une seule solution, pointez le curseur de votre souris sur le lien ci-dessous.

Max OBIONE : Angélique. Sœur Fouettard 2. Feuilleton érotique numérique. Collection Cullissime. Editions Ska. Parution 2 novembre 2015. 36 pages. 2,99€.

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18 décembre 2017 1 18 /12 /décembre /2017 09:25

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes…

Prisonniers des serpents. Collection Aventures N°9.

Jeune enquêteur judiciaire au département des Affaires d’Etat, Bao You, issu d’une famille de l’aristocratie militaire, pourrait, tout en cheminant en compagnie de Jiu Yonggan, son garde du corps, déclamer ces vers de Racine, s’il savait ce qui l’attend au bout de son voyage. Ou encore il pourrait fredonner de manière folâtre Nuit de chine, nuit câline, nuit d’amour… d’Ernest Dumont et Jean-Louis Benech

Mais l’heure n’est pas à la fantaisie ou à étaler sa culture qui, on le sait, est comme la confiture sur une tartine, moins il y en a plus on l’étale.

Non il est parti en mission, mission qu’il a revendiquée auprès de son supérieur le magistrat Yue. Des disparitions ont été signalées dans une commanderie dans la région des Nanman, un territoire qui correspond à peu près de nos jours au sud de la province du Yunnan.

Enfin, nos voyageurs, qui se meuvent à dos d’équidés, arrivent en vue de la cité de Jinghong. Mais quelle n’est pas la colère de Bao You lorsque le préfet militaire affirme qu’aucune disparition n’a été recensée. Pourtant une lettre leur avait signalé des enlèvements. Qui croire ?

Peut-être cette gamine, qui a entendu l’envoyé spécial se poser des questions et qui a du mal à s’exprimer en chinois (en mandarin ?). Elle demande Vous envoyé… envoyé le Empire de justice ? Bao You en sursaute d’étonnement et sa surprise s’accentue lorsqu’elle quémande Allez chercher… tous… s’il vous plait. On peut être sous l’emprise de la terreur tout en restant polie.

Et Bao You accompagné de Jiu, se rend à l’endroit indiqué, dans la forêt et effectivement un petit village se dresse dans une clairière. De modestes maisons en bambou. Les habitants ont probablement été enlevés, mais les maigres vivres dont ils disposaient n’ont pas été touchés. Un large panier tressé tressaute, et Bao You en arrache vivement le couvercle.

De nombreux serpents sont lovés à l’intérieur…

 

On remarquera au fil des lectures de ces petits fascicules que chaque auteur possède ce que l’on pourrait appeler son dada, sa passion, ses points forts, ses connaissances, et il les met au service de la rédaction d’une nouvelle à tendance Aventure, Fantastique ou Policière.

Nicolas Henry est passionné par la Chine, ancestrale, et c’est tout naturellement qu’il a mis en scène un jeune enquêteur qui pourrait être le digne successeur du Juge Ti, s’il lui plait d’imaginer de nouvelles pérégrinations plus ou moins dangereuses.

Nicolas Henry est également le coauteur de l’anthologie avec Romain D’Huissier Dimension Chevalerie chinoise, un volume paru dans la collection Fusée N°31, chez Rivière Blanche en avril 2014.

 

Et pour commander Prisonniers des serpents, ayez le bon réflexe en cliquant sur le lien ci-dessous :

 

Prisonniers des serpents. Collection Aventures N°9. Editions le Carnoplaste. Parution septembre 2017. 32 pages. 3,00€.

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17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 10:39

Mais qui les réparera ?

Jean-Marie PALACH : Sœurs brisées.

Rose, couleur bâtarde entre le blanc virginal et le rouge sang !

Il ne faut pas toujours se fier aux couvertures mais parfois elles sont révélatrices d’un état d’esprit qui imprègne le contenu. Cette couverture rose qui nous renvoie indéniablement à l’univers de Barbara Cartland, mais qui ne possède aucun des aspects de la littérature dite à l’eau de rose. Et puis ce médaillon, comme une sorte de miroir, mais un peu déformant, dont le reflet n’est pas l’exacte réplique de l’original. Mais quel est l’original ?

Héloïse et Faustine sont deux sœurs qui dès leur prime enfance avaient tout pour se différencier l’une de l’autre. Héloïse, de cinq ans plus âgée que sa sœur, franchissait deux par deux les étapes scolaires, tandis que Faustine était à la traîne. Ce qui désolait leur père. Et Faustine était aussi nettement plus jolie que sa sœur aînée, ce qui parfois peut entraîner une forme de jalousie qui n’a pas lieu d’être.

Et puis est survenu le drame dans leur existence. La mort des parents dans le crash d’un avion qui devait les conduire à Nice à l’appel d’Héloïse qui passait deux semaines de vacances chez une amie. Elles avaient respectivement dix-huit et treize ans. Et Héloïse s’est occupé de Faustine jusqu’à une nouvelle fracture s’immisce dans leur vie cinq ans plus tard.

Héloïse sortait avec Sébastien, ils s’aimaient, elle l’accompagnait aux matchs de football et en ce jour de la finale de la coupe du monde opposant la France au Brésil, en 1998, à la fin de la partie, ils avaient bu plus que de raison. Et ils avaient eu un accident de voiture coûtant la vie au jeune homme et blessant grièvement, voire plus, une mère et sa fille. Fini les espoirs d’une carrière prometteuse avec en poche une agrégation.

Depuis, après avoir souvent déménagé, Héloïse vit dans le quartier de Plaisance, dans le XIVe arrondissement parisien, plus précisément rue Raymond Losserand, et tous les jours les jours ou presque, elle se rend à l’église Notre-Dame du Travail dont la structure métallique intérieure rend hommage à la condition ouvrière. Un lieu de sérénité mais qui ne l’empêche pas de penser à toutes ces années gâchées. Elle corrige des copies par correspondance et a écrit dix romans, dont le dernier vient de connaître un succès improbable.

Faustine, s’est occupée de sa sœur après son accident, une forme de reconnaissance, puis elle a passé un concours administratif et depuis elle travaille au quarante-sixième étage de la Tour Montparnasse, dans un bureau de la direction du ministère des Affaires sociales. Elle est méthodique, pointilleuse, et ses rapports, pas toujours appréciés à leur juste valeur par sa chef de service, pensez-donc une énarque… ses rapports de souffrent d’aucune négligence. Elle ne fréquente personne, et encore moins une de ses collègues qui tire les couvertures à elle. Si, deux ans auparavant, elle sortait avec Frédéric, mais celui-ci est parti pour son entreprise aux Antipodes et elle n’a pas voulu le suivre.

Tous les jeudis, à midi et demi, Faustine déjeune chez Héloïse. Un repas de chez le traiteur, en regardant les informations à la télévision. La conversation est inexistante. Et cela dure de puis des années, jusqu’au jour où Héloïse doit se rendre au Salon du Livre de Paris, signer ses œuvres. Et Faustine apprend incidemment que sa sœur écrit depuis des années. Une écriture obsessionnelle qui tourne toujours autour d’un thème unique le passage de la vie à la mort, mais empruntant des vois différentes. Son dernier ouvrage en date traite de l’arrivée de Pinochet en Argentine.

 

Eglise Notre-Dame du Travail

Eglise Notre-Dame du Travail

Bien que sœurs, Héloïse et Faustine ne pratiquent pas ce concept moderne de la sororité, terme féministe désignant la fraternité. Si elles se voient une fois par semaine, pendant une heure, elles n’échangent pas de confidences, chacune restant secrète vis-à-vis de l’autre. Elles sont enfermées chacune dans une bulle.

Cette relation parfois conflictuelle est analysée avec profondeur et pudeur, de même que les relations extérieures des deux sœurs. Faustine face à ses collègues et chefs de service, Héloïse avec son éditeur et le jeune attaché de presse, efficace malgré un certain handicap.

S’incruste alors l’éclosion littéraire. Le premier roman d’Héloïse n’a trouvé preneur qu’au bout d’une vingtaine de démarches, mais ce fut le bon. Un petit éditeur vivant en dehors des pratiques germanopratines, qui a cru dès le début en son talent et l’a toujours soutenue, malgré des ventes plus ou moins catastrophiques, ne dépassant pas les quelques centaines d’exemplaires. Elle s’est toujours cachée, fuyant les salons, les entretiens, les séances de dédicaces.

Pourtant la reconnaissance littéraire se profile, grâce à un chroniqueur qui a su mettre en valeur son potentiel de romancière.

Un critique renommé a suscité un effet de mode. Les moutons de Panurge se sont engouffrés dans la brèche. D’une même voix, ils louent l’élégance du style, l’originalité du propos, la pertinence des analyses, l’œuvre gigantesque qu’elle édifie, la constance de l’auteur, une Bernard Palissy moderne.

Toutefois, elle est gênée, tout autant par ce projecteur qui vient de se braquer sur elle, que parce qu’elle a aperçu à plusieurs reprises et en divers endroits, quelqu’un se cachant sous une capuche, semblant la surveiller, l’épier. L’écriture est un besoin, une nécessité, pour se reconstruire, elle n’attend pas par ce biais la gloire, et les retombées financières.

Quant à Faustine, la nomination d’un nouveau directeur semble rebattre les cartes dans les bureaux. Elle se sent plus forte, mieux évaluée, mieux comprise, et elle va même regimber devant certains éléments qui polluent sa vie. Mais elle possède en elle un secret qui la taraude. IL faudra bien un jour qu’elle s’en débarrasse.

Si le cas de ses deux sœurs est le thème central du roman, la littérature et ses à-côtés en sont le vecteur qui permet à l’auteur de mettre en avant certaines pratiques, surtout de la plupart des lecteurs qui n’achètent qu’en fonction de la réputation des maisons d’édition et de leurs auteurs, et des prix obtenus.

Pour les écrivains, point de salut hors les écuries qui tiennent le haut du pavé. Héloïse découvre les dizaines de confrères, sagement assis derrière une pile de leurs bébés invendables, à l’affût des piétons qui ne s’arrêtent pas. Les gens considèrent avec méfiance ces déshérités, font un écart pour les éviter, ne pas les frôler.

Vous avez sûrement remarqué cette appréhension du chaland face à ces auteurs siégeant au stand d’une maison d’édition qui œuvre en toute discrétion. Et peut-être avez-vous évité l’achat, réservant vos billets pour une valeur sûre, en vous disant si je commence à en acheter à un, va falloir contenter tous les autres, c’est comme pour la mendicité, si l’on donne à un, il faut remplir toutes les sébiles tendues.

Il y donc un peu de Jean-Marie Palach dans ce roman qui joue sur le deuil, les relations familiales ou amoureuses, les différences, et bien sûr la littérature et les difficultés de pouvoir s’exprimer par l’écriture, se faire éditer et surtout se faire reconnaître.

Et Jean-Marie Palach s’amuse à écrire des histoires dans l’histoire, afin de mieux approfondir ses personnages, cerner leur personnalité, leurs sentiments.

 

Entrée station de métro Pernety, située sous un immeuble.

Entrée station de métro Pernety, située sous un immeuble.

Tout est centré ou presque sur ce quartier du XIVe arrondissement parisien, les rues Raymond Losserand, Vercingétorix (rue Vercin comme disent les habitants de ce village), d’Alésia, Pernety, des endroits bourrés de souvenirs, et qui a accueilli en son sein des personnalités comme Georges Brassens, qui a vécu rue d’Alésia puis Passage Florimond ou encore Renaud. Certains s’en souviennent encore… mais ceci est une autre histoire.

Jean-Marie PALACH : Sœurs brisées. Editions Daphnis et Chloé. Parution 23 novembre 2017. 262 pages. 18,00€.

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16 décembre 2017 6 16 /12 /décembre /2017 09:09

Tandis que l’amant dîne…

Lucienne CLUYTENS : Amandine à la cour du Tsar.

Malgré son emploi comme représentante de la fabrique de chocolats de ses parents, visitant les pâtisseries et clients désireux de se procurer d’aussi bons produits en région picarde, Amandine est nostalgique du temps où elle enquêtait avec son ami, et amant, Raoul Plantier inspecteur à la Brigade mobile parisienne.

En cet été 1912, elle rejoint Berck afin de promouvoir ses produits et rendre visite à son amie Juliette. D’ailleurs elle se rend souvent dans cette station balnéaire qui accueille une petite colonie de Russes, apprenant auprès de Loulia cette langue étrangère, pour son seul plaisir. Mais pour l’heure Amandine et Juliette se rendent à l’institut orthopédique du docteur Calot, chirurgien de renom, un hôpital qu’il a fait construire en bord de mer.

La société huppée russe est en pleine conversation, et si Amandine ne saisit pas tout, elle comprend que les discussions tournent autour de la personne de Raspoutine, ce pèlerin mystique guérisseur confident de l’épouse de Nicolas II. Les propos sont animés, mais la Princesse Nicolas de Grèce ainsi que sa petite cour composée de comtesses, de dames de compagnie et de caméristes, et de militaires, se taisent en s’apercevant de sa présence. Les chocolats d’Amandine deviennent la principale attraction.

Pourtant Amandine apprend qu’un cadavre a été retrouvé sur la plage, coincé entre des piquets, des bouchots sur lesquels s’agglutinent les moules, et d’après la description qui lui en est faite, elle ne tarde pas à se demander si justement ce Russe qui côtoie de près, de trop près aux dires de certains, la famille du Tsar Nicolas II.

Son instinct d’enquêtrice se réveille et il lui faut peaufiner ses renseignements. Et elle retourne à Berck, sous le prétexte de promotionner auprès de pâtissiers et autres confiseurs, les produits imaginés et fabriqués dans l’usine de sa mère.

Or elle apprend que le corps qui avait été entreposé à la morgue a disparu. Mais elle peut s’entretenir avec le légiste qui a procédé aux premières constatations, et ainsi établir une sorte de portrait robot, détaillant les vêtements portés par le cadavre. Elle fait part de ses doutes, qui deviennent des certitudes, à son père ainsi qu’à Raoul, son amant policier. Elle discute avec Loulia, son amie professeur de russe et dame de compagnie, avec Katia, la femme de chambre de la comtesse Olga Belaïevna, avec la comtesse elle-même et d’autres personnes de son entourage.

Mais une surprise bientôt l’interloque tout en lui faisant plaisir. Proposition lui est faite de se rendre à Saint-Pétersbourg, pour présenter ses chocolats et éventuellement procéder à l’installation d’une boutique. Une initiative qui la comble et bientôt, après en avoir informé ses parents, ainsi que Raoul, elle prend le Nord-Express qui va la conduire jusqu’à Saint-Pétersbourg. Quelle n’est pas sa surprise de constater qu’une passagère partage son compartiment, voyageuse qui n’est autre que Katia. Celle-ci argue de son désir de retrouver son fiancé qu’elle n’a pas vu depuis trop longtemps.

Sur place Amandine va connaître des désagréments et même se faire enlever. Par qui ? Pour quoi ? Ses investigations gêneraient-elles ? Pourtant, elle avait un chaperon, en la personne d’un attaché d’ambassade ou équivalent, en réalité un agent secret anglais.

 

Si Amandine est le pivot de cette histoire, les soubresauts qui agitent la Russie prennent une importance capitale dans ce récit. Les soulèvements, menés par des anarchistes, des révolutionnaires, des syndicalistes, entretiennent une ambiance délétère et la personnalité de Raspoutine, sa proximité avec la famille impériale y est pour beaucoup. Du moins dans une certaine couche de la société, car les ouvriers et les paysans réclament plus de liberté.

Ces événements extérieurs marquent Amandine, mais elle est en proie à un autre problème. Familial celui-ci. Sa liaison avec Raoul est cahotante. Elle ne se voit pas mariée avec un policier et être obligée à rester chez eux, à se faire du mouron tandis que son époux serait par monts et par vaux, traquant les bandits et être à la merci d’un assassinat. De même Raoul n’envisage pas de quitter la police, la brigade mobile, sa passion et sa raison de vivre. Mais un autre embarras surgit, et elle se demande bien comment elle va résoudre cette difficulté sans se mettre à dos parents et amant.

Et nous retrouverons, j’espère, Amandine dans de nouvelles aventures, passionnantes, et savoir si elle a résolu son embarras.

 

Lucienne CLUYTENS : Amandine à la cour du Tsar. Collection Belle-époque N°8. Pôle Nord Editions. Parution 31 août 2017. 212 pages. 11,00€.

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15 décembre 2017 5 15 /12 /décembre /2017 09:35

Allumer le feu !

Gaétan BRIXTEL : Une odeur de brûlé.

Le père au travail et la mère restant à la maison, n’ayant rien d’autre à faire que de s’occuper du lavage, du repassage, du nettoyage, de l’entretien, de préparer à manger et s’occuper des gamins, est une image qui longtemps s’est incrustée dans les idées et les mœurs.

Peu à peu, ce statut change, s’intervertit, et l’homme participe un peu plus à la vie familiale et s’investit dans l’éduction de ses enfants. Certains vont même à devenir père au foyer, s’occupant de tout, telle la bonne fée du logis, son épouse n’ayant plus qu’à enfiler ses chaussons avant de passer à table en rentrant du travail.

Vincent est aux petits soins pour le nouveau-né. Un petit Timothée qui a eu bien du mal à quitter le ventre maternel. Agathe, la parturiente primipare a souffert, le père aussi d’ailleurs, n’entrant dans la salle d’accouchement qu’à reculons.

Mais le plus dur est fait, il ne lui reste plus qu’à s’occuper de monsieur Bébé. Lui donner le biberon, pas le sein, on n’en est pas encore arrivé là, le changer, le cajoler, mais également passer l’aspirateur, traquer le moindre bout de commencement de début de fragment d’embryon de petit peu de pas grand-chose de morceau de poussière.

Cette situation, Vincent et Agathe ne l’ont pas délibérément choisie. Vincent est maniacodépressif, considéré comme handicapé, vivant avec des cachets à ingurgiter. Au début, tous deux étaient un peu perdus, mais il a bien fallu qu’Agathe reprenne son travail à la bibliothèque.

Dès qu’un petit pet de travers secoue Bébé, Vincent à tendance à s’affoler et téléphone à sa femme, quitte à la déranger.

Le pire arrive quand Bébé Timothée est atteint d’une crise de diarrhée, et Vincent est rapidement débordé.

 

Gaétan Brixtel joue avec les situations comme s’il avait vécu ce genre d’épisode. Il narre ce qui perturbe Vincent comme si lui-même avait été confronté à ce problème. Une histoire prise sur le vif, presqu’un reportage de ces nouveaux pères qui seuls doivent affronter des problèmes que les femmes, sans qu’elles aient été préparées à les résoudre, parviennent à dénouer sans pour autant s’affoler. Enfin pas toujours.

Ses nouvelles sont empreintes d’un réalisme troublant, jouant sur les situations du quotidien, sans forcer le trait et sans emprunter à des genres comme le fantastique. Un peu comme un témoignage pris sur le vif.

Au fil de ses nouvelles, Gaétan Brixtel s’affirme comme un nouvelliste de talent, dans le droit sillage de Guy de Maupassant, de Maurice Level, de Marc Villard, pour ne citer que quelques-uns des meilleurs représentants Français, mais dans un registre nettement plus intimiste.

 

Pour commander cette nouvelle, une seule adresse :

Pour quelques chroniques de plus :

Gaétan BRIXTEL : Une odeur de brûlé. Nouvelle numérique. Collection Noire sœur. Editions Ska. Parution décembre 2017. 15 pages. 1,99€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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