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30 novembre 2011 3 30 /11 /novembre /2011 17:53

Plonger dans l’univers de Serge Brussolo, c’est s’immerger dans un monde étouffant, oppressant, envoûtant, angoissant, c’est aussi se prendre une bonne claque revigorante, façon douche écossaise. On connait les recettes de Serge Brussolo et pourtant à chaque fois il réussit le tour de force de se renouveler. Ainsi dans Ceux d’en bas, le second volet de L’Agence 13, les paradis inhabitables, il alterne réalité et imaginaire, avec sa propension à utiliser une pointe de fantastique dans une mise en scène solide n’excluant pas le côté poétique.Ceux-d-en-bas.jpg

Mickie Katz travaille dans une agence spécialisée dans l’aménagement de terrains en parc de loisirs et de remise en forme. En fait elle est chargée d’embellir d’anciennes scènes de crimes, afin d’effacer les atrocités commises et appâter les éventuels touristes. Sa nouvelle mission consiste en l’étude d’une proposition dans le Montana, à la limite du Canada. Hantée par le souvenir de son père terroriste en fuite, elle vit en marge, fuyant Los Angles pour un coin de désert. Son guide, Trois Griffes, descendant d’Indiens, la met en garde. Late Encounter, l’ultime rencontre, déformation de Lake Encounter, lac de la rencontre, le lieu où ils se rendent, n’a pas bonne réputation. Ses quelques quatre cents habitants vivent quasiment en autarcie, dans un village près d’un lac et sur lequel plane une malédiction. Dans la cabane qui a été attribuée à Mickie, a séjourné Lenora, une jeune femme elle aussi décoratrice, mais son séjour s’est terminé dans le lac en chemise de nuit. Mickie trouve, coincé entre des livres, un petit carnet sur lequel Lenora a consigné ses démêlés dans le village. Mickie aimerait en savoir un peu plus mais tous ceux auprès de qui elle se renseigne se referment, ne lâchant qu’avec regrets leurs révélations. Le shérif Pitman tient sa petite communauté d’une main de fer. Tanner Holt, ancien scénariste de télévision sur le déclin assure les programmes télévisés locaux tandis que Noah Jenson, le chargé de communication, vit depuis quelques années et semble avoir été adopté. Mais tout n’est que façade. L’origine de ce village remonte à deux cents ans en arrière, alors que des chercheurs d’or envahissaient ce coin montagneux du Montana occupé par les indiens Kichawas. Afin d’éliminer les occupants l’un des chercheurs a employé un stratagème subtil, sans effusion de sang et sans gaspillage de munitions. Il a simplement fourni aux autochtones des couvertures ayant servi à envelopper des malades atteints de la variole. Peu après la communauté indienne était décimée. C’est l’une des légendes qui court sur cet endroit, mais ce n’est pas la seule. Un archer énigmatique arrose de trois flèches à intervalles de plus en plus serrés les habitants de Late Encounter, parfois occasionnant des dégâts corporels. Les événements mystérieux se succèdent et à chaque fois Mickie est en possession de deux versions selon ses interlocuteurs. Ceux déjà cités mais aussi Sue Rolden la veuve présumée d’un plongeur hydrographe dont la dépouille n’a jamais été retrouvée et son fils Billy Bob, ou Ron-Russo Wichita, un octogénaire qui vit dans une résidence imposante et luxueuse sur le flanc de la montagne. Démêler le vrai du faux et le faux du vrai, deux rôles qu’endosse Mickie tout en travaillant sur le projet qui lui a été confié. Les révélations, les agissements des uns et des autres, les tragédies qui se succèdent, ses propres initiatives la conduisent dans le lac au péril de sa vie et dans une excavation secrète qui recèle beaucoup plus que ce qu’elle croyait trouver.

Ceux-d-en-basSerge Brussolo joue avec les nerfs de ses lecteurs, entretenant le suspense tout au long du récit qui se déroule sans temps mort, dans une atmosphère d’angoisse de plus en plus prenante, et minutieusement installée dès le début de l’histoire. Si certains n’hésitent pas à le placer près de Stephen King, personnellement je trouve que son sens de l’intrigue et sa virtuosité dans le gravissement progressif de l’échelle de l’angoisse sont plus forts, plus prégnants que chez Stephen King. En effet le maître de l’horreur américain souvent s’englue dans les premiers chapitres, l’histoire ne décollant véritablement qu’au bout d’une centaine de pages. Serge Brussolo instille dès le prologue un climat envoûtant, tout en prévenant son lecteur à plusieurs reprises, instaurant une muraille fictive entre réel et imaginé. Ainsi page 11 il écrit : Aucun de ces romanciers de pacotille qui écrivent des romans d’horreur n’oserait inventer une chose pareille ! Plus loin, il persévère : Personne n’est assez bon pour réussir un coup pareil, sauf au cinéma ou dans les romans. Comme si ce qu’il raconte est issu d’une histoire véridique et non pas une fiction provenant d’une imagination fertile. Il n’y a que dans les romans policiers que tout s’explique à la fin, dans la réalité, des zones d’ombre demeurent, et rien ne parvient jamais à les éclairer, tous les flics le savent. Quant à Mickie, jeune femme décalée, qui aimerait avoir un enfant, en choisissant un géniteur selon son goût, ni trop fade, ni trop musclé, elle est composée de deux éléments antinomiques : Parfois j’aurais voulu être une ménagère modèle vivant dans un joli pavillon d’une banlieue du Connecticut pour cadres huppés, parfois également, je me disais que ce genre d’expérience m’aurait rendue folle d’ennui, et que j’avais beaucoup de chance de tomber sur des cadavres chaque fois que j’ouvrais un placard. C’est bien connu, les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent !

Serge BRUSSOLO : Ceux d’en bas. Editions Pocket (réédition de Fleuve Noir).

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