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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 07:48

Où il y a Gênes, il n'y a pas de plaisir !

 

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Correspondant à Paris du journal britannique Daily World d'obédience bolchéviste, Ralph Exeter vit avec sa femme Evguénia, d'origine Russe et leur fils Fergus à Saint-Cloud. Il cohabite plutôt car le ménage bat de l'ile, ses nombreuses incartades nuisant à la paix du ménage. Il accumule les conquêtes dont la dernière est Emma Sinclair Medley, poétesse et auteur dramatique américaine, dont il veut se séparer. Il professe des idées politiques favorables aux communistes, Fania sa belle-sœur étant elle-même marxiste. Seulement Fania, si elle est intelligente mais laide, a été écartée au profit d'Evguénia car la jolie poupée russe était enceinte des œuvres d'Exeter.

Parallèlement à ses activités journalistiques, Ralph Exeter émarge au Komintern, le réseau de propagande, d'agitation révolutionnaire et de renseignement créé en 1919 à Moscou et destiné à contrôler les partis communistes étrangers. Durant la Première Guerre Mondiale il avait été affecté au service du Renseignement de la Royale Air Force et, à cause d'une bévue épistolaire, il avait été convoqué par le colonel William Evans. Or heureusement pour Exeter celui-ci ressentait des sympathies envers la révolution russe. Depuis ce temps, Exeter continue à recueillir des informations et les remet à Evans, lequel en échange lui glisse une enveloppe bourrée de billets destinés à payer ses informateur.

En ce mois d'avril 1922, doit se tenir à Gênes une conférence internationale et des diplomates, des ministres de toute l'Europe y participeront ainsi que, pour la première fois, des délégués du gouvernement soviétique. Exeter fait partie de ces journalistes désignés pour couvrir l'événement avec une mission de confiance à remplir. Dans un café Evans lui confie une enveloppe qu'Exeter doit remettre à Rakovski, et à lui seul, l'un des envoyés du gouvernement russe. Mais il lui faudra se méfier de l'entourage du délégué russe qui est accompagné de Tchitchérine, Ioffé, Vorovski, Krassine et Litvinov ainsi que d'hommes de la de l'ancienne Tchéka devenue le Guépéou, la police politique soviétique.

Dans le train qui l'emmène à Gênes, Exeter voyage en compagnie d'un individu prétendant se nommer Marius Moselli qui lui fait un cours sur les pucerons lanigères. L'homme est un représentant de commerce en engrais et produits insecticides et s'avère particulièrement ennuyeux. Au cours du repas qui est servi dans la salle de restaurant du train, tandis qu'Exeter déjeune en compagnie d'un autre voyageur croisé dans un couloir, son regard est attiré par une belle jeune femme. Son nouveau compagnon Herbert Holloway est un journaliste américain qui a pour habitude de boxer contre son ombre et de gloser sur la pêche. La jeune femme se nomme Melicent Theydon-Payne et Moselli s'invite à sa table.

Lorsqu'Exeter et Holloway retrouvent le compartiment du journaliste britannique, ils sont attendus par Moselli qui braque un revolver et réclame l'enveloppe confiée à Exeter. S'ensuit des échanges de coups et Holloway défenestre l'homme alors que le train roule en pleine campagne. La mission d'Exeter est fortement comprise. L'incident passe inaperçu mais ce qu'Exeter et son compagnon ne manquent pas de remarquer à Pavie ce sont les exactions perpétrées par des Squadristis à l'encontre d'un de leur confrère. Un passage à tabac en règle et pour faire passer les coups quelques bolées d'huile de ricin.

Le séjour d'Exeter à Gênes est ponctué d'incidents de toutes sortes, et il risque même à plusieurs fois d'y laisser sa vie. Entre les soldats italiens qui lui retirent son passeport, les membres de la Tchéka qui surveillent l'hôtel Impérial à Santa Margharita où sont logés les délégués russes, les squadrisi à la botte de Mussolini, sa rencontre avec le Duce, le meurtre de Yatskov, et autres épisodes douloureux et hauts en couleurs, Exeter ne sait plus où donner de la tête. Ses rencontres mouvementées avec Milicent qu'il a fini par retrouver, mais aussi d'autres protagonistes dont Eastman, un journaliste américain proche du parti communiste, Jo Davidson, un plasticien, Elyena Krylenko, l'une des secrétaires de la délégation, Styrne au caractère impitoyable ou encore Bielefeld le galeriste d'art. Les Russes recherchent qui dans leur camp est à l'origine de fuites transmisent à un agent britannique du nom de Stephen Reilly, alias Sigmund Rosemblum dont la présence à Gênes est indéniable, mais sous quels traits, et qui aurait pu être confondu si Exeter ne s'était pas fait subtiliser le document.

Première station avant l'abattoir, titre emprunté à une expression de Louis-Ferdinand Céline, est tout aussi bien un roman d'aventures dans la grande tradition du genre, qu'un roman d'espionnage mâtiné de roman policier ou qu'un documentaire politique qui pourrait figurer dans une revue d'histoire. En effet Romain Slocombe retrace les soubresauts dans le début des années 1920 des tensions entre pro et antibolchéviques, mais surtout les tensions nombreuses entre les différents responsables du parti communiste. Le profil psychologique des différents protagonistes qui n'apparaissent pas dans ce roman, Lénine, Trotsky, Staline, est étudié en profondeur, mettant en avant leur caractère et les nombreux antagonismes qui les habitaient, les décisions qu'ils prenaient et les méfaits dont ils se rendirent coupables. Mais ce sont surtout leurs partisans, des fanatiques, qui sont décrits dans leurs actes et leurs paroles. Mussolini, dont les idées politiques étaient totalement différentes n'est pas épargné non plus, et ses adeptes se conduisent en véritables bêtes dénuées d'humanisme. L'intolérance, la force brutale, les exactions sont profession de foi et ils torturent en toute impunité des innocents. Dénués de scrupules, ils se conduisent en despotes, et n'hésitent pas à éliminer ceux qui n'adhèrent pas à leurs idées, ou leur font de l'ombre. Cette partie documentée laisse place peu à peu à une succession d'épisodes mouvementés et le lecteur qui avait entamé sa lecture en mode diesel est happé par cette intrigue au nombreux rebondissements.

Un fin de volume Romain Slocombe a établi une présentation des personnages réels, des faux vrais protagonistes dont Herbert Holloway alias Ernest Hemingway et personnages fictifs.


Romain SLOCOMBE : Première station avant l'abattoir. Editions du Seuil, collection Le Seuil Policiers. Parution le 5 septembre 2013. 416 pages. 21,50€.

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commentaires

A
Alors si le titre est emprunté à Céline, je note.
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O
<br /> <br /> Hé, hé, je savais bien qu'en précisant cela, cela ne manquerait pas d'attirer l'attention...<br /> <br /> <br /> <br />
C
Salut Paul - et Bruno<br /> Notre ami Roland Sadaune (peintre de polars) prépare un petit livre réunissant ses portraits d'auteurs polardeux et des courts hommages à ceux-ci. Il m'a fait l'honneur de me demander un texte sur<br /> Romain Slocombe, ce qui m'a beaucoup touché. Car j'aime autant les romans que la personnalité de cet artiste complet qu'est Slocombe.<br /> Amitiés.
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O
<br /> <br /> Bonjour Claude et Bruno<br /> <br /> <br /> En effet Roland Sadaune prépare ce petit livre que j'ai hâte de découvrir, ayant personnellement rédigé quelques fiches. Mais j'évite d'en parler tant que le projet n'est pas abouti...<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
L
Le passionné d'histoire que je suis ne peux que mettre ce roman sur ma table de nuit pour une prochaine lecture ! d'autant que je n'ai pas encore eu la chance de lire cet auteur que je sais<br /> talentueux ! l'occasion donc de le découvrir et me faire une idée de sa plume. Amitiés
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O
<br /> <br /> Bonjour Bruno<br /> <br /> <br /> Je dois avouer que je n'aime pas tout de Romain Slocombe, particulièrement son fétichisme à l'encontre des Japonaises et du bondage. Cela n'entre pas dans mes goûts de lecteur. Mais ce roman est<br /> vraiment puissant et je te le conseille<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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