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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 13:41

  J'aime flâner sur les grands boulevards, y'a tant de choses, tant de choses, tant de choses à voir...

 

vierge-folle.jpg


Mai 1861. Sous les ordres du baron Haussmann, de vieux immeubles et des maisons insalubres sont démolis, des bidonvilles sont rasés, afin de récupérer de la place pour l’ouverture de boulevards, la construction d’immeubles de prestige et de parcs. La surface viabilisée de la capitale passe de treize arrondissements à vingt et les travaux concernant le boulevard Malesherbes et le parc Monceaux doivent être terminés pour le 13 août date officielle de l’inauguration.

En ce lundi 27 mai, malgré les consignes qu’il avait données la veille à sa vieille nourrice Tamara, Achille Bonnefond est réveillé de bonne heure. Un envoyé du ministre de l’Intérieur Victor de Persigny, lui annonce qu’il est attendu Place Beauvau, le nouveau siège du ministère. Détective privé, spécialiste des affaires criminelles, ayant l’oreille de Napoléon III, Achille se voit souvent confier des enquêtes en raison de ses capacités, enquêtes qui ne peuvent être diligentées par les forces de polices habituelles. Or celle qui se profile entre ce cadre d’une mission de confiance et doit être tenue secrète.

Dans le parc Monceaux qui est en rénovation, le cadavre d’une jeune femme a été découvert. Il est malaisé de l’identifier car le visage et le corps, même les parties intimes qui sont en général à l’abri des regards, ont été arrosés de vitriol. Seule particularité, ses longs cheveux roux. Le cadavre tenait dans la main un mot signé par la Nouvelle Charbonnerie Démocratique Universelle. En effet les carbonari italiens ne se sont pas remis de la condamnation puis de l’exécution d’Orsini qui avait perpétré un attentat visant Napoléon III trois ans auparavant et ils veulent venger leur compagnon. Sous sa tête est glissée une lame de tarot.

D’après le médecin légiste, cette inconnue vivait misérablement, aurait eu un enfant et peut-être eu à faire avec une faiseuse d’anges. Cela n’avance guère Achille qui décide de confier l’enquête à son ami et ex-associé Félix. Ils s’étaient connus sur les bancs de l’école puis ils avaient monté ensemble une agence de détectives privés. Achille préférant enquêter en solo, Félix avait gardé l’agence. Il s’est marié, contrairement à Achille qui aime la liberté mais accumule les conquêtes, il s’est enrobé aussi tandis qu’Achille est resté svelte. Félix accepte donc la mission, et d’après la description qui lui a été faite de la jeune femme, il décide de se renseigner auprès d’une de ses connaissances, un chiffonnier du nom de Baise-la-mort surnommé ainsi pour avoir échappé à l’échafaud et au bagne. Seulement Félix est victime d’un accident de la route et il est obligé de garder le lit, Cécile son épouse le bichonnant. Avec une double fracture de la jambe et des côtes cassées, il ne peut plus assumer sa tâche.

Achille reprend alors le flambeau et s’enquiert du dénommé Baise-la-mort, lequel va l’entraîner de la Petite Pologne (près de l’actuel Parc Monceau) jusqu’à Clichy en passant par le Champ Perrey (aujourd’hui Neuilly et Levallois-Perret), les quartiers Mazas et Maubert. Tous quartiers miséreux servant de refuges aux indigents, aux relégués de la société, aux chiffonniers… Achille, sous la houlette de Baise-la-mort se déguise en biffin et arpente les venelles, les taudis, les bouges de ces endroits déshérités, à la rencontre de personnes susceptibles de pouvoir fournir une identité à la morte. Enfin, un nom leur est proposé, la Vierge-folle. Suffit de trouver quelqu’un l’ayant suffisamment connue pour dévoiler son identité réelle et ses antécédants.

Après avoir planté le décor historique et parisien dans lequel vit Achille Bonnefond, qui demeure boulevard des Capucines, avoir exposé son passé familial, il est le fils d’un riche homme d’affaires mais a coupé les ponts pour emboiter le pas dans les traces de son idole Vidocq, décrit ses amours, actuellement la belle et jeune Lucille de Brizacq mariée à un homme complaisant et surtout riche, et dont il commence à se lasser se rendant compte qu’elle est surtout égoïste, sa maîtresse Marthe qu’il retrouve de temps à autre, sa nourrice et servante Tamara et sa chatte Pakoune qui n’a qu’un œil, Frédérique Volot change tout à coup de registre.

Après l’étude d’une société bourgeoise et d’une ville en pleine mutation, ce dont profitent les spéculateurs immobiliers, Frédérique Volot nous plonge dans l’envers du décor. Loin des fastes, des ors, des dorures, des insouciances, le lecteur est invité à visiter les quartiers où se terrent les miséreux, les ivrognes, les pochardes, les filles de joie, les pédophiles, les incestes, les gamines ayant déjà connu les assauts des mâles, des chiffonniers. Ces derniers forment une sorte de caste organisée en une sorte d’échelle sociale. Le lecteur ne peut s’empêcher de penser aux Mystères de Paris d’Eugène Sue en découvrant cet univers cosmopolite. A noter que les chiffonniers, ou biffins, procédaient déjà au tri sélectif et au recyclage, des activités dont Achille Bonnefond ignorait l’existence. Achille et son compagnon Baise-la-mort, affublé d’un chien portant le sobriquet de Totor la guillotine, marchent dans la boue et les détritus, dorment dans des endroits insalubres, côtoient la maladie, les miasmes et les rongeurs. Grimé plus vrai que nature, Achille essaie de se fondre dans la masse, regrettant son logis douillet et ses repas fins.

Le côté énigme policière sert de fil rouge à ce roman historique afin de reconstituer une époque en pleine mutation dans un roman qui est aussi une étude de mœurs et nous ne sommes pas loin des romans naturalistes chers à Zola et confrères.

Voir également l'avis de Claude sur Action-Supense ainsi que chez Yv.


Frédérique VOLOT : La Vierge-Folle. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. 336 pages. 19,50€.

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commentaires

B
Bonjour, je vais m'en tenir à votre chronique. Je prends à l'essai. A suivre. blʌdʒən
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O
<br /> <br /> Bonjour et merci de me faire confiance<br /> <br /> <br /> Voici le genre de roman que j'aime mais je laisse le lecteur effectuer son  appréciation...<br /> <br /> <br /> Chacun ses goûts n'est-ce pas ?<br /> <br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
F
Merci Paul, pour "la révélation de l'année" ! J'en suis toute chose... Simplement, je voulais indiquer que mon livre n'est pas un pur polar. Il s'agit plus d'une intrigue policière qui prend place<br /> dans le Paris du Second Empire avec son côté pile et son côté face, une étude de la société de l'époque sur fond d'enquête policière. Et à tous celles et ceux qui se posent la question : oui, j'ai<br /> prévu une suite. J'aime trop "mon" Achille pour m'en séparer ! Amicalement, Frédérique
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O
<br /> <br /> Mais ce n'est point de ma part vile flagornerie car je pense sincèrement ce que j'ai écrit. Oui ce n'est pas à proprement parlé d'un roman policier, et c'est bien pour cela que je l'ai aussi<br /> catalogué sur Babelio comme roman de moeurs. Cela ma ramène à d'anciennes lectures juvéniles avec Sue, bien sûr, mais aussi à quelques autres auteurs de cette époque pour qui la connaissance du<br /> contexte dans laquelle se déroulait l'intrigue était primordiale.<br /> <br /> <br /> Et je ne voulais pas en parler, mais j'attends Achille de pied ferme<br /> <br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> <br /> <br />
Y
Avis très similaire de ma part, une balade sympa sous le second empire, une manière de plonger dans cette période avec une intrigue qui tient
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O
<br /> <br /> Voui, j'ai vu Yv et cette balade parisienne me ramène à mes jeunes années, lorsque j'habitais la capitale et me promenais du côté des Grands Magasins, de l'Opéra, du Parc Monceau, de Clichy (ah<br /> Clichy et Saint-Ouen et le marché aux puces...) et autres quartiers.<br /> <br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
A
Bof, pas tentée par le côté Zola.
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O
<br /> <br /> Bonjour Alex<br /> <br /> <br /> Si j'ai cité Zola, c'est pour son côté naturaliste. Par exemple Nana pour la première partie, l'Assommoir pour l'autre partie. Mais ce roman n'est pas du tout ennuyeux ou longuet comme chez Zola.<br /> Pour moi Frédérique Volot est l'une des révélations de l'année. Et si tu as l'occasion de lire ce roman, je pense que tu reviendras sur ton idée première...<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
C
Salut Paul<br /> Je ne saurais mieux dire que l'auteure elle-même ci-dessus : une belle reconstitution de cette époque.<br /> Amitiés.
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O
<br /> <br /> Evidemment, mon cher Claude, que l'avis de l'auteur est primordiale pour nous blogueurs. Et nous pouvons nous enorgueillir, mais pas trop, d'avoir su décrypter le message.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
F
Merci l'Oncle Paul pour cette belle et longue chronique qui résume parfaitement l'esprit de mon livre. Amicalement, Frédérique
Répondre
O
<br /> <br /> Merci de votre visite Frédérique ainsi que votre appréciation qui me va droit au coeur<br /> <br /> <br /> A bientôt pour de nouvelles aventures ?<br /> <br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> <br /> <br />

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