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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 13:42

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Bouquiniste érudit, amoureux passionné des livres, Julien Gras est en train de lire tout en rêvassant lorsque trois malabars déboulent dans sa boutique et lui donnent deux jours pour trouver, si possible dédicacé, Les casseurs de Colombes de Boris Vian. Seulement ce livre annoncé en quatrième de couverture aux éditions du Scorpion en 1951, n’a jamais été édité. Des Vian, il y en a eu, des Vernon Sullivan aussi, mais celui-là, nib de nib, comme on disait à l’époque. Julien est perplexe, dubitatif, désorienté, bref, il ne sait à quel saint se vouer, si ce n’est à saint Boris, mais celui-ci peut-il réellement faire quelque chose pour lui ? Il potasse, d’après les exemplaires des éditions du Scorpion qu’il possède, les dates d’impression, les édités, les annoncés, il compare, étudie les ouvrages sur Vian, les épluche, et arrive à cette conclusion désolante : le bouquin n’a jamais été écrit. Un de ses clients habituels, qui passe tous les mercredis par hasard, lui demande s’il n’a pas en réserve du Forton, pas celui qui créa les Pieds Nickelés, mais l’auteur chez les Gars Limard de La cendre au yeux, Cantemerle ou L’herbe haute. Il recherche La ville fermée, manuscrit refusé par les Gars Limard et qui aurait dû être édité par Jean d’Halluin, le directeur des éditions du Scorpion en 1959. Bigre ! Forton et Vian côte à côte au Scorpion !

La supercherie Vian :Sullivan n’ayant pas plu aux instances dirigeantes des éditions Gallimard, Vian ne fut plus édité par cette maison d’édition et Forton, qui aurait dû être sacré Prix Goncourt en 1960, ne le fut pas à cause de sombres magouilles de la garde littéraire jésuite avec aux premières loges André Billy et François Mauriac. Deux destins littéraires brisés. De Jean Forton, peu de gens se souviennent aujourd’hui, quant à Boris Vian, nul n’est besoin de le présenter. Outre son statut de romancier, Vian fut un admirable polymorphe, trompettiste de jazz et clarinettiste, chroniqueur, auteur d’essais, parolier (Le déserteur, bien évidemment, mais aussi des tubes inoubliables en collaboration avec Henri Salvador : Blouse du dentiste, Moi j’préfère la marche à pied, Faut rigoler, ou Trompette d’occasion…) et même peintre. L’artiste complet. Julien Gras va donc se mettre à la recherche d’une problématique édition originale et de Paris à Eus, dans les Pyrénées Orientales, en passant par Bordeaux, se lance dans une véritable enquête, ou plutôt une quête littéraire, pour la plus grande joie du lecteur. Boris Vian est décédé à trente neuf ans, dans des conditions dont je vous laisse la découverte dans ce roman, pour ceux qui ne le savent pas, et s’il ne fut jamais élu à l’Académie française, trop jeune et trop insolent littérairement parlant, il restera pour chacun de nous, j’en suis persuadé, un Immortel.


En véritable amoureux et passionné de Vian, de Forton, de Guérin et quelques autres figures, marquantes ou non des années 50, qui auraient mérité une reconnaissance de leur talent moins tardive, et plus prosaïquement de leur vivant, François Darnaudet a écrit plus qu’un roman : une ode destinée à mieux connaître les tribulations d’un auteur marquant et d’une maison d’édition dont les ouvrages sont aujourd’hui fort recherchés, car par exemple sous le pseudonyme de Sally Mara, Raymond Queneau y fut publié. Mais il ne connut pas l’opprobre de l’intelligentsia parisienne car sur ses faux romans américains n’apparaissait pas son nom, au contraire de Vian qui eut la délicatesse de signer de son patronyme ses traductions, vraies ou fausses. Au fait, mais tous les amateurs auront reconnu, Bison ravi est l’anagramme de Boris Vian. Et j’aime ce genre de petite phrase : “ Ce type avait un beau brin de plume pour un journaliste ”.


François DARNAUDET : Bison ravi et le scorpion rouge.

Version Papier : Editions Mare Nostrum. 120 pages. 10 €.

Version Ebook : Kindle Amazon : 3,23€

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