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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 16:21

 CONTRUCCI-71a97.jpg

Vous avez été journaliste. Est-ce pour cela que votre héros est lui-même journaliste, et vous reconnaissez-vous en lui ?

Oui et non. Raoul Signoret a beaucoup plus de dons et de vertus que moi ! L’avantage de la fiction est qu’on peut doter son personnage préféré de toutes les qualités qu’on aurait aimé soi-même avoir. D’autre part, c’est un héros de feuilleton – car toute la série des “ Nouveaux Mystères de Marseille ” est un hommage à ces romanciers populaires qui avaient le chic pour trousser des histoires palpitantes propres à donner envie d’acheter le journal du lendemain pour connaître la suite. Ces techniques pour “ accrocher  ” donnent au genre une allure, un tempo particuliers qui me plaisent en tant que lecteur et que je tente de retrouver dans mes propres productions. Quant au personnage central lui-même, tant qu’à faire, autant de doter de qualités – jeunesse, beauté, courage, générosité,- qui sont celles des héros de feuilletons, cela met en relief par contraste la noirceur, la cruauté, l’immoralité des “ méchants ” auxquels il s’affronte. 

 

Raoul Signoret est à la fois Rouletabille et Nestor Burma. En effet comme le héros de Léo Malet qui dans Les nouveaux Mystères de Paris enquêtait à chaque fois dans un quartier différent de Paris sans empiéter sur les autres. Les parcours de Raoul Signoret sont un peu semblables dans la ville de Marseille et ses environs. Un hasard, un hommage ?

Certainement pas un hasard. Bien sûr, j’ai pensé à Léo Malet et c’est un  clin d’œil admiratif que j’ai voulu lui faire en reprenant son projet à mon compte et en le “ marseillisant ”. contrucci5.jpgQuand nous avons décidé, Laurent Laffont, mon éditeur, et moi, de bâtir une série à partir du premier tome (L’énigme de La Blancarde) qui dans mon esprit, au départ, devait rester unique, nous avons établi une sorte de “ cahier des charges ” : des héros récurrents (Raoul, son épouse Cécile, le commissaire Baruteau, son oncle, c’est à dire la “ tribu ” familiale, bientôt grossie des enfants (Adèle et Thomas) qui tous jouent un rôle plus ou moins important durant l’enquête, auxquels s’agrègent des “ seconds rôles ” propres à chaque épisode. Et puis, Marseille s’y prêtant, nous avons pensé à situer chaque intrigue dans un quartier différent de la ville, ce qui permettrait d’en souligner la diversité. Au cours de sa longue histoire, la cité s’est bâtie en absorbant peu à peu la couronne de villages ruraux qui la cernaient. Ces “ villages ” sont aujourd’hui devenus des quartiers, mais beaucoup ont gardé leur spécificité en dépit d’une certaine uniformisation imposée par la vie “ moderne ”. Un Marseillais ne dira jamais : “ je suis du 9è arrondissement ou du 5è ou du 16è ”, mais “  de Mazargues, ” “  de La Plaine ” “ de l’Estaque ”, son quartier natal.

Je signale donc à propos aux amateurs que Marseille étant constituée de 111 quartiers, il me reste 103 volumes à écrire. À raison d’un par an, je me demande si un jour où l’autre je ne vais pas avoir des problèmes de finition.

 

Etes-vous obligé d’effectuer de longues recherches puisque les affaires évoquées dans vos romans ont véritablement existées. Mais l’épilogue est différent et vous proposez des conclusions, des meurtriers différents que ceux qui ont été arrêtés, lorsqu’ils l’ont été ?

Oui, il y a un très gros travail préparatoire, car j’ai la prétention de vouloir donner à mes fictions une assise historique solide. Comme la série se situe à la Belle Époque, je suis soumis à un travail qui se rapproche de celui de l’historien, dans la mesure où je restitue une ambiance,contrucci3 un décor, un mode de vie, une société qui n’existent plus. Donc,  avant de penser à l’intrigue proprement dite, je décide qu’elle va se dérouler à telle date, entre tel mois et tel mois, puis je commence par lire systématiquement la presse quotidienne correspondante aux dates retenues, afin de voir quelles étaient les préoccupations de mes concitoyens, les événements qui les avaient marqués. Je m’en sers ensuite pour nourrir leurs dialogues, leurs préoccupations, etc. Certains événements ou faits divers locaux me fournissent même des péripéties que je reprends dans ma fiction ou que je prête à mes personnages.

Cela dit, si quelques fois je pars d’un fait divers réel ou d’un personnage ayant existé, ce n’est qu’un tremplin. Tout le reste est inventé. Le seul épisode qui suive la réalité historique au plus près est le premier (L’énigme de La Blancarde) qui reprend une affaire judiciaire jamais élucidée et propose une solution romanesque, (puisqu’on n’a jamais su le fin mot de l’histoire, comme dans  L’affaire Dominici ou L’affaire Villemin), mais vraisemblable. À partir du second (La faute de l’abbé Richaud) c’est un personnage réel qui inspire une fiction totale. Je me suis abrité à l’ombre de grands anciens : Flaubert n’a rien fait d’autre avec Madame Bovary et Stendhal avec Julien Sorel.

Pour en revenir à mes modestes productions, le dernier paru : Le vampire de la rue des Pistoles est typique de ma méthode. Le personnage du guérisseur-fou est historiquement attesté. Arnaud (c’était son vrai nom) a été retrouvé une nuit enveloppé dans un drap devant l’hospice de la Charité, ouvert du pubis au sternum et soigneusement recousu au point de surjet, un morceau du foie emporté. Mais on n’a jamais su qui l’avait mis dans cet état et pourquoi. Il y avait la place - dans l’interrogation que suscite cette scène de grand guignol - pour imaginer les 400 pages suivantes…

 

Dans vos romans vous faites des incursions dans le domaine social de l’époque. Ainsi dans L’énigme de la Blancarde, vous fustigez le sort des prostituées, des infirmières, le rôle de la justice. Dans Les Diaboliques me semble-t-il vous mettez en doute les “ bienfaits ” de la colonisation, dans Le guet-apens de Piscatoris la religion et l’athéisme s’affrontent, enfin dans votre dernier ouvrage Le vampire de la rue des Pistoles, ce sont le racisme, l’ostracisme qui sont mis en cause. Dernière précision, ce n’est pas l’auteur qui parle mais les personnages qui s’affrontent verbalement. Vous teniez à vous effacer ?

Puisque j’ai la prétention de donner une couleur historique à mes intrigues policières, je les situe dans leur contexte social, politique, humain. Si je donne l’impression de m’effacer, c’est parce que je ne confonds pas roman et thèse. C’est avant tout une histoire que je raconte à de grands enfants. Il faut se garder de pontifier et de démontrer. Ce serait la meilleure façon de “ plomber ” le roman.

 

contrucci4Ces intrigues se passent au début des années 1900 et rien ne semble avoir changé. C’est pour cela que vous démontrez que tout reste à faire malgré les multiples promesses électorales ?

Je ne vous le fais pas dire.

 

Avant d’écrire des romans policiers historiques vous aviez déjà été publié. Pouvez-vous nous parler de cette production dans laquelle Marseille est toujours plus ou moins présente.

Avant la série des “ Mystères ”, commencée en 2002, outre des recueils de chroniques et des ouvrages historiques, j’ai publié quatre “ romans romanesques. ” Comme par hasard ils ont tous Marseille pour décor. Car j’ai toujours eu le souci de ne parler que de ce que je connais bien. Outre que j’ai toujours voulu “ vivre et travailler au pays ” comme disait un slogan de 68. Le premier est de 1981, il s’intitule “ Pris au piège ” (c’est déjà un polar et le héros est déjà un journaliste (piégé). Il a fait l’objet en 92 d’un téléfilm de Michel Favart, diffusé  par France 2 avec Jean-Michel Dupuis et Didier Flamant. Le second “ Comme un cheval fourbu ” paru en 84 a été repris en poche chez L’Écailler du Sud, le troisième, Un jour tu verras, a fait l’objet d’une réédition (sept 2009) dans la collection Archipoche. Je ne désespère pas de faire rééditer un jour La cathédrale engloutie, un roman auquel je tiens d’autant plus que - grâce à l’indifférence des éditions Grasset - il est passé inaperçu. Pour ceux que tout ça intéresserait je conseille de se rapporter à mon site personnel, où tout est détaillé.

 Site personnel :
http://jeancontrucci.free.fr/

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commentaires

Z
et oui, nous sommes au XXIème !!!!
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O
<br /> <br /> Mais j'aime bien les romans du XIXème et XXème siècles , ou les histoires qui se déroulent pendant le Moyen-âge et plus tard. mais il y en a pour tous les goûts n'est-ce pas ?<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
Z
Moi qui croyais que ces lives dataient du début du siècle !!!
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O
<br /> <br /> Mais oui, ils datent bien du début du siécle, mais de l'autre ! Du moins pour l'histoire car l'auteur les a bien écrit au début du siècle, celui-ci !<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bonjour Oncle Paul,<br /> nous en parlions il y a peu, et voilà : un bel entretien !<br /> :-)<br /> Amitiés.
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O
<br /> <br /> Bonjour Christine<br /> <br /> <br /> c'est un entretien que j'avais réalisé pour mon ancien blog et que je me suis fiat un malin plaisir de rapatrier pour fêter la réédition de L'inconnu du grand hôtel. L'avantage, c'est que j'ai vu<br /> l'auteur en 2005 à Saint Quentin en Yvelines et nous avons discuté à bâtons rompus. C'est plus facile pour réaliser un entretien !<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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