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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 09:30

Qui de l’œuf ou de la poule est arrivé le premier ?

 

Paris-apache.jpg


Cette question biologique fondamentale dont la réponse est aléatoire peut s’appliquer également à ce couple d’individus antithétique : le policier et le malfrat.

En effet les policiers ont-ils été engendrés afin de juguler les méfaits des malfrats, ou ceux-ci sont-ils apparus afin de justifier la création de ce métier ?

Foin de tergiversation et contentons-nous de nous intéresser à cet ouvrage qui justement explore cette dualité avec deux témoignages qui reflètent l’avers et le revers de la médaille. Une complémentarité qui permet de mieux appréhender cette époque, et une vision à double facette qui, pour être placée dans des camps adverses, démontre une indissociabilité de deux éléments contraires, opposés et imbriqués. Tout en sachant que par nature, les petits Français, qui dans la cour de l’école jouaient volontiers aux gendarmes et aux voleurs, manifestaient une nette préférence pour la deuxième catégorie. De tout temps l’aura de l’anarchiste qui sommeille en nous se réveille aux exploits des mauvais garçons, pour peu qu’ils se montrent sympathiques.

Le premier texte, inédit en volume est composé des mémoires de Casque d’or, immortalisée à l’écran par Simone Signoret. Amélie Elie, surnommée Casque d’Or, témoigne dans la revue littéraire Fin de siècle, dix-huit livraisons du 5 juin au 3 aout 1902, de l’affrontement entre deux bandes rivales dirigées par Manda de la Courtille et Leca de Charonne qui se disputaient la jeune fille.

Dans les premières lignes de sa préface à ses mémoires, Amélie Elie déclare : J’entreprends d’écrire ma vie… Je n’ai aucune espèce d’illusions et ça vaudra ce que ça vaudra… Pourtant ce sera sincère. Tout ce que mes souvenirs voudront bien me donner, je le noterai ici. Je dirais tout ce que je sais : les grandes secousses de ma vie, les fièvres splendides que j’ai connues. Quand ma mémoire me dira : Ici, Casque d’or, souviens-toi ; tu t’es tordue comme une baleine ! J’écrirai sans ambages : Ici Casque d’Or se roula comme une baleine ! De même, si j’ai pleuré, sans attendre vous le saurez !

Avec simplicité, avec sincérité n’en doutons point, avec une certaine pudeur, Casque d’Or déroule sa vie de turbulences, d’amours, de turpitudes, de liaisons et de rivalités, le tout enrobé sous les flonflons des bals populaires. Egérie des Apaches, elle est aussi prostituée, et se dresse comme la figure mythique d’une époque qui n’était pas plus en déliquescence qu’aujourd’hui. Elle a commencé tôt son apprentissage du corps : Je me suis mise en ménage à treize ans et deux mois ; c’était un lundi. J’ai perdu ce qu’on est convenu d’appeler le petit capital d’une femme exactement quinze jours plus tard, et c’était encore un lundi. Ces deux dates sont trop précieuses pour que je les oublie jamais. C’était avec Petit Matelot, quinze ans, malhabile, inexpérimenté, hésitant. Leur jeunesse jouait en leur faveur car dans la rue, se promenant bras dessus bras dessous, les passants croyaient avoir à faire à un frère et sa sœur. Après il y en a d’autres, dont Bouchon, officiellement marchand des quatre saisons, ayant purgé une peine de prison pour avoir pendu sa femme et fréquentant Ravachol.

Il est à noter que dans les deux dernières pages écrites sous forme de Post-scriptum ; Casque d’or émet une diatribe à l’endroit du préfet de police, diatribe qui peut être reprise aujourd’hui par de nombreux détenus. Interdite de jouer au théâtre, de chanter, de se produire dans un cirque dans la cage aux lions, elle ne peut que s’exclamer : Le préfet n’entend pas que je quitte cette société de contribuables pour entrer chez les lions. C’est évidemment un point de vue… point de vue qui me gêne parce que, au prix où je trouve le beurre chez ma crémière, je voudrais bien avoir le traitement d’un préfet de police. Il est extraordinaire, le préfet ! Il affirmerait devant le conseil de préfecture, il soutiendrait devant l’empereur de Russie qu’il est honteux de vivre comme j’ai toujours vécu, seulement, et c’est plus fort que lui, il me pourchasse dans tous les coins et me renvoie à ma vie.

Le second texte composant ce volume est l’œuvre d’Eugène Corsy, gardien de la paix. C’est le récit dramatique de la mort du gardien de la paix stagiaire Joseph Besse, attaché à la brigade du 20e arrondissement de Paris, quartier du Père-Lachaise, assassiné par un souteneur dans la nuit du 3 au 4 juillet 1905.

Intitulé La médaille de mort, ce qui peut s’apparenter à un rapport est adressé à son supérieur, M. Reisse, officier de paix. Il est évident, qu’écrit sous le coup de l’émotion, ce texte ne doit souffrir d’aucune subjectivité. D’ailleurs il écrit Observateur attentif de tout ce qui a rapport à mon métier de gardien de la paix que j’aime malgré tous les déboires passés, l’idée m’est venue de chercher à retracer dans le sens qui me parait le plus vraisemblable et sous la forme anecdotique, tout en m’appuyant sur des témoignages irréfutables, les péripéties de ce drame terrible dans lequel un de nos bons camarades a trouvé une mort aussi affreuse que prématurée, venant ajouter à la liste déjà si longue, hélas, des victimes du devoir.

Objectif ? Lorsque l’on décortique cette phrase, des doutes peuvent se glisser dans l’esprit du lecteur. Chercher à retracer dans le sens qui me paraît le plus vraisemblable, ne veut pas dire relater la vérité, car celle-ci n’est pas toujours vraisemblable. De plus sous une forme anecdotique, c’est-à-dire romancée ? Quant à s’appuyer sur des témoignages irréfutables, on sait ce que peuvent être les témoignages recueillis auprès de personnes qui déclarent avoir tout vu et dont on s’aperçoit que de là où ils se trouvaient, ils ne pouvoir avoir qu’une vision floue des événements. Et l’on sent déjà un malaise, malaise ressenti aujourd’hui encore par les policiers dans l’exercice de leur fonction, se profiler dans cette profession, qui est sans aucun doute une vocation, comme instituteur ou médecin.

Ce texte qui pourrait être un rapport romancé, est complété par des articles de presse, extraits du Moniteur du 20e arrondissement, du journal La Presse, du Petit Parisien, ainsi que des discours prononcés par les officiels, le maire, le président du conseil municipal, le représentant du ministre de l’Intérieur et Louis Lépine, Préfet de Police. Certains journaux, comme Le Moniteur, sous la plume de Thomas Pierre de Castelnau, se montrent virulents, déplorant que la peine capitale ne soit plus appliquée dans la capitale (oui, cela fait répétition) par manque d’emplacement pour installer la guillotine. Et de déclarer, au risque d’attiser le brûlot : Cependant il serait temps que cela finisse, ou autrement nous n’aurons plus d’autres ressources que de mettre en vigueur la loi de Lynch en nous faisant justice nous-mêmes. Sans oublier les exagérations émises par des plumitifs survoltés qui déforment la réalité. Ce qui démontre que ceux, qui, dans un but d’historien, se fient aux journaux d’époque, ne doivent pas prendre pour argent comptant les articles et se méfier des erreurs qui ont été écrites, assenées, tout comme aujourd’hui d’ailleurs et que l’on doit comparer les articles de journaux d’opinions et d’obédience politiques différentes.


Chroniques du Paris apache ; 1902 – 1905. Edition présentée et annotée par Quentin Deluermoz. Editions Mercure de France. 252 pages. 5,50€.

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commentaires

C
Salut Paul<br /> Voilà un ouvrage qui semble très intéressant. Oui, les "Apaches" étaient loin de la morale bourgeoise de l'époque. On les présentés comme des voyous dangereux, version reprise trop facilement par<br /> historiens et autres criminologues. Sûrement pas des tendres, non. Pas plus que n'étaient tendres les marins d'alors, ni les bouchers des Halles, ni les mineurs de fonds, ni aucun de ces hommes qui<br /> firent ensuite la guerre de 14/18. Et leurs "poules" étaient plutôt plus romantiques (mais pas si naïves, non plus) que des générations de femmes depuis ce temps-là. Il ne faut certainement pas<br /> être trop nostalgique de cette époque, mais pas en faire la caricature non plus.<br /> Amitiés.
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O
<br /> <br /> Bonjour Claude<br /> <br /> <br /> Dire qu'une époque était meilleure qu'une autre était un leure, et que les malfrats sont plus virulents aujourd'hui qu'hier n'est que de la poudre aux yeux. Souvenons-nous, même si nous n'étions<br /> pas nés, des bandits de grands chemins qui détroussaient les voyageurs à bord des diligences, des soldats qui devenaient des pillards parce que le seigneur qui les avait embauché ne pouvait plus<br /> les payer ou parce qu'ils étaient démobilisés. Sans compter les chauffeurs qui avaient institué la formule du barbecue afin de faire parler leurs otages en leur chauffant les pieds avec des<br /> braises afin de connaitre la cachette du magot. Et que dire des policiers ripoux ou le contraire les malfrats qui entraient dans la police, l'exemple le plus connu étant Vidocq bien sûr.<br /> <br /> <br /> Les Apaches étaient les successeurs des Mohicans de Paris, qui autrefois jouaient dans les arrières cours de la Grande Turanderie. Et les femmes ont toujours été là pour les assister, les aider,<br /> les encourager.<br /> <br /> <br /> L'hisqtoire est un éternel recommencement, seules les méthodes liées aux nouvelles technologies, et les moeurs qui ont évoluées font que ce n'est plus pareil mais semblable.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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