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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 15:18

Un roman d'anticipation rétrospective...

 

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Cela fait maintenant trois hivers que Mounj sillonne vallées, montagnes, forêts à la recherche d'une tribu d'Hommes-droits. Il trace des traits, d'où son surnom d'Homme-qui-dessine hérité de son père et de son grand-père, traits qui esquissés à l'aide de bâtons fins et de cendre mélangée à de la salive représentent le chemin parcouru. Alors qu'il recherche une proie afin de se sustenter, il aperçoit une harde de rennes. Il abat à l'aide de sa sagaie un faon déjà blessé et découpe les pattes, plus faciles à transporter. Il s'est installé auprès de la rivière et le lendemain il distingue comme un gros rocher obstruant le flot de l'eau. Le cadavre d'un Homme-qui-sait tué par une sagaie.

Mounj est surpris par quelques représentants d'une tribu d'Hommes-qui-savent et il se retrouve prisonnier. Ceux-ci l'accusent d'en être à son sixième ou septième meurtre, ce dont il se défend avec âpreté. Djub, le chef de la tribu lui signifie qu'il connaîtra bientôt le même sort que les chasseurs retrouvés morts. Dans le sac que porte Mounj se trouvent non seulement des objets destinés à reproduire sur les rouleaux d'écorce de bouleaux mais aussi des outils qu'il ne connait pas. Aussitôt il accuse Mounj de pratiquer la magie et il confie son prisonnier à ses deux fils Maï et Haoud. Les deux adolescents issus du même ventre sont totalement différents aussi bien dans leur physique que dans leur caractère. Maï ressemble à son père mais il est plus effacé, plus timide, tandis que Haoud plus petit et trapu est un véritable autocuiseur en perpétuelle ébullition.

prehistoire.jpgMounj propose d'attendre afin de savoir un nouveau meurtre est perpétré, ce qui le mettrait hors de cause et Djub se laisse plus ou moins fléchir, décalrant qu'il prendra sa décision à la prochaine lune. D'autant que si Mounj a quitté sa tribu, c'est sur les injonctions de son père. En effet les hommes et les femmes sont atteints d'un mal mystérieux et les enfants survivent rarement longtemps après leur naissance. Sa mission, et il l'a acceptée, était de trouver un femme d'une autre tribu des Hommes-droits afin de sauvegarder la race. L'Homme-qui-dessine est enfermé au fond d'une galerie qui s'enfonce dans le Womb, une montagne traversée par une rivière et dont certaines grottes recèlent des peintures sacrées. Et ces peintures, que Mounj découvre un peu par hasard et à cause d'une indiscrétion, lui laissent entrevoir une porte de sortie.

 

Les romans ayant pour thème la préhistoire sont trop peu nombreux pour que l'on ne pense pas immédiatement à l'œuvre de Rosny Aîné, qu'il s'agisse de La Guerre du feu ou de Helgvor du Fleuve bleu par exemple, ou encore Le Rêve de Lucy de Pierre Pelot et Yves Coppens.prehistoire1.jpg

Mais le propos de Benoît Séverac n'est pas tant de décrire un épisode charnière de la vie de nos ancêtres mais également d'établir un parallèle, non avoué, avec notre époque. L'histoire se déroule il y a maintenant trente mille ans, environ, et l'homme dit de Neandertal commence à décliner alors que le Sapiens sapiens se rapproche plus de l'homme actuel. Les Hommes-droits ou néanderthaliens qui vivaient en tribus éloignées les unes des autres se reproduisaient en famille d'où cette dégénérescence et le départ de Mounj, un adolescent à la recherche de sang nouveau pour renouveler sa descendance. Et Djub retourne le couteau dans la plaie en affirmant : Les Hommes-droits sont un peuple inférieur. Vous êtes en train de disparaître.

Nous n'avons pas d'enregistrements sonores et photographiques de cette période mais les découvertes dès 1856 d'ossements, puis des dessins dans les grottes Chauvet, de Cougnac, de Foissac, de Lascaux ou de Marsoulas, pour ne citer que les plus célèbres, ainsi que les travaux des paléontologues ont permis de mieux connaître l'évolution. Or l'un des problèmes fut bien la consanguinité et si l'on compare à aujourd'hui, il faut avouer que les sentiments racistes, ségrégationnistes et l'ostracisme qui est une forme d'exclusion sociale perdurent, l'humanité court à sa perte, à plus ou moins longue échéance.

L'épilogue de cette intrigue fourmille de rebondissements, avec un final peut-être inattendu, qui s'inscrit dans une logique qui n'a pas toujours été respectée et que de nos jours est remise en cause, et à laquelle tous ceux qui se cantonnent dans des convictions ségrégationnistes devraient réfléchir.

Un roman novateur qui offre au lecteur une réflexion sur l'humanité sans l'avouer mais est sous-jacente.

Avec une préface de Francis Duranthon, paléontologue et directeur  du Muséum d'histoire naturelle de Toulouse.

 

A lire également de Benoït Séverac : Silence et Le garçon de l'intérieur.


Benoît SEVERAC : L'Homme-qui-dessine. Editions Syros. Hors Collection. Parution le 16 janvier 2014. 216 pages. 14,50€.

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