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8 septembre 2016 4 08 /09 /septembre /2016 12:25

Alexandre Dumas, l'inventeur du Guide du Routé, du Petit Futard et de l'ami Chelin...

Alexandre DUMAS : Voyage en Russie.

Et plus que ça encore, car dans cet énorme volume, plus de 800 pages petits caractères d'imprimerie, il nous offre toute la palette de ses talents de conteur.

Même s'il préfère se cataloguer autrement : Je suis auteur dramatique avant d'être romancier, et, en ma qualité d'auteur dramatique, je dois exposer mes personnages. Car il ne s'agit pas ici de relater un circuit, quoique présenté dans ses explications préliminaires, mais bien de narrer tout ce qui s'y rattache, historique des personnages y compris et surtout, ainsi que conditions de voyages, anecdotes, et autres.

Antérieur au Voyage dans le Caucase, Voyage en Russie débute par :

Je ne sais, chers lecteurs, si vous vous rappelez qu'un jour - il y aura bientôt vingt-quatre ans de cela - j'ai dit : Je ferai le tour de la Méditerranée; j'en accomplirai le périple; j'écrirai l'histoire de l'ancien monde, qui n'est rien d'autre que l'histoire de la civilisation.

Rédigés sous forme de Causeries, dont Alexandre Dumas était habitué et que l'on appelle de nos jours Conférences, les impressions de voyages sont régulièrement transmises par l'auteur au Monte-Cristo. Journal hebdomadaire de romans, d'histoire et de voyage et de poésie entre le 15 juillet 1858 et le 28 avril 1859. Puis ce sera dans Le Constitutionnel puis à nouveau dans le Monte-Cristo, nouvelle formule.

 

Avant de nous mettre en route, il convient que nous vous fassions faire connaissance avec nos compagnons de  voyage.

Et débute la narration de quelques chapitres dans lesquels il raconte comment il a fait la connaissance de ses hôtes, la famille Kouchelef-Bezborodko, les antécédents de ses membres, en remontant à l'impératrice Catherine, commentant des épisodes épiques ou amusants. Puis il présente les autres membres de cette équipée, avec toujours en tête de remonter à l'origine ou presque de ses compagnons de voyage, accumulant les détails savoureux et historiques.

Car plus que la géographie d'un lieu, le décor, les paysages qu'il traverse, Dumas s'intéresse à l'histoire. L'histoire d'un pays et l'histoire de ceux qui ont servi ce pays, qui y sont nés, les divisions, les combats, les rivalités, les oppositions entre les hommes, leur allégeance, la prépondérance des femmes dans certains destins.

 

Ainsi il s'étend longuement sur la jeunesse, l'adolescence et son intronisation comme Tzar de Pierre 1er dit le Grand, ses guerres contre les Tatars et les Suédois, la construction de Saint-Pétersbourg, son mariage avec Catherine, son antagonisme avec son fils Alexis, le court règne de Catherine... Il est à noter que les historiens se contentent de signaler que Catherine avant d'être sa femme fut la servante de Menchikov puis la sienne. Or Dumas qualifie Catherine lors de cette période d'esclave.

Mais avant d'entamer la saga des Romanof, Dumas s'en prend de façon assez virulente à Voltaire et à son Histoire de la Russie. Et celui qui si souvent a été accusé de jongler avec l'Histoire, de la réécrire (ce qui entre nous était logique puisqu'il était romancier et non historien) écrit :

L'auteur qui arrange un événement quelconque est tout simplement un faussaire historique. Ecrivez ce qui est vrai, ou ce que vous croyez être vrai, ou n'écrivez pas.

Il ne faut pas, dit Voltaire, raconter à la postérité des choses indignes d'elle.

Qui vous dira qui est digne ou indigne d'elle ? C'est un étrange orgueil de croire que la postérité verra les choses à votre point de vue. Racontez tout, la postérité fera son choix.

Et la preuve, c'est que nous sommes la postérité de Voltaire, et que nous n'écrivons plus l'histoire comme Voltaire l'écrivait.

Un peu plus loin il ajoute :

Nous voulons, aujourd'hui, lire non seulement les événements d'un règne, connaître non seulement les catastrophes d'un empire, mais encore les causes de ces événements, les raisons de ces catastrophes.

Là, en effet, est la philosophie de l'histoire, son enseignement, son intérêt.

 

Et même si Alexandre Dumas c'est parfois arrangé avec l'Histoire pour écrire ses histoires, il n'est peut-être pas si loin de la vérité que ceux qui rédigent des manuels scolaires, oubliant certains faits, les édulcorant, d'abord parce qu'il ne faut pas passer trop de temps à les disséquer, et puis parce que ces rédacteurs réagissent selon leur sentiment et leurs à-priori. Prenez deux historiens par exemple dissertant sur Napoléon 1er. L'un trouvera que ce fut un grand homme de guerre et d'état, l'autre le rabaissera à un rôle de dictateur et de pourvoyeur de cimetières. Mais ceci est un autre débat.

 

Alexandre Dumas est un conteur, un raconteur qui travaille la plupart du temps dans l'urgence. Et il avoue, sans fausse modestie, s'excusant presque :

J'écris vite; car je voudrais écrire sans interruption, et je puis oublier souvent, me répéter parfois.

 

Alors, que ce soit dans ses impressions de voyage, dans ses drames historiques, dans ses romans, historiques ou non. Georges par exemple, grand roman méconnu qu'il serait bon de rééditer, est un roman exotique, chronique d'une société coloniale dont les préjugés sont loin d'avoir disparu (Léon-François Hoffmann), traitant du problème racial (Dumas en a souffert personnellement), Alexandre Dumas se montre toujours volubile, disert, distrayant, instructif, divertissant, témoin de son temps et des temps passés, narrateur prolixe et conteur intarissable.

Relire son Voyage en Russie, c'est cumuler des leçons d'histoire attrayantes et vivre des aventures multiples par procuration, mais également découvrir une civilisation qui longtemps a mis sous l'éteignoir des populations asservies par des nobles sans scrupule. Un thème qui ne pouvait laisser l'auteur indifférent.

Alexandre DUMAS : Voyage en Russie. Préface de Michel Brix. Editions Bartillat. Parution le 19 février 2015. 832 pages. 22,00€.

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commentaires

A
Sacré Alexandre, il en a fait de belles !
Répondre
O
Alexandre le Grand !

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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