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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 09:39

Antonia et elle avait raison...

Gildas GIRODEAU : Antonia.

1974. L'Italie entre dans les années de plomb.

L'extrême-droite et l'extrême-gauche se combattent et multiplient les attentats. Le général Dalla Chiesa est chargé d'organier la lutte anti-terroriste mais elle sera principalement dirigée contre les groupes de l'ultragauche, tandis que les fascistes seront la plupart du temps épargnés.

A Milan, une jeune femme, Antonia, surnommée la Pistolera, sait qu'elle doit fuir. A la télévision, un présentateur enthousiaste a annoncé l'arrestation de deux de ses compagnons dans la région de Pinerolo, et elle est consciente que bientôt ce sera son tour si elle ne s'enfuit pas immédiatement. Elle a pris ses dispositions et dans la chambre mansardée qu'elle partage avec Luciana, elle récupère quelques affaires et une perruque blonde qui doit détourner l'attention des policiers. Luciana lui remet une enveloppe contenant un peu d'argent qu'elle a économisé avec Josep, un voisin, puis sans regarder en arrière, Antonia quitte la ville.

Les abords de la gare sont truffés de policiers, toutefois elle se présente à un guichet et demande un billet pour Gênes. Les lunettes qu'elle porte ne sont pas adaptées à sa vue et le regard du guichetier est éloquent. Il l'a reconnue. Elle se débarrasse de sa perruque blonde, se change rapidement d'effets et c'est une autre femme, une touriste allemande qui fait du stop, qui brandit un panneau Frankeich à l'attention des automobilistes.

Antonia devient Astrid, ses vrais faux papiers l'attestent, et son chauffeur improvisé doit se rendre en France en passant par la Suisse. Robert, le conducteur attentionné lui propose une chambre à l'hôtel où il doit faire étape, et elle passe trois nuits et deux jours dont la teneur relève de la vie privée.

Mais elle n'a en tête que deux mots auxquels elle s'accroche, comme son père le lui a enseigné, et qui sont : fuir et disparaître. Elle quitte en catimini son sauveur involontaire et dans le train qu'elle emprunte vers Genève, elle repense à son cousin Anselme. Jésuite, Anselme travaille au Vatican précisant à Antonia : Nous soutenons des mouvements populaires, des pauvres bougres que le système tente de broyer, comme en Amérique latine, et même ici !

Anselme, prévoyant qu'Antonia, qui ne partage pas ses idées religieuses, pourrait subir des déconvenues dans ses activités, lui avait proposé de se réfugier, si besoin était, dans une congrégation à Genève, installée sur la route de Lausanne. Et Antonia, devenue Astrid se souvient du conseil et se présente donc à la directrice, qui l'accueille sans poser de questions. Et c'est ainsi qu'elle sera fortement conseillée et amenée à s'engager dans l'humanitaire et à prodiguer son savoir en Ethiopie, devenant institutrice, enseignant aux gamins l'anglais et l'italien. Elle change une nouvelle fois d'apparence et commence une nouvelle vie. Elle rencontrera à plusieurs reprises Anselme, et au bout de quelques années de tribulations elle sera en poste au Rwanda, coincée entre les Tutsis et les Hutus, au début des années 1990.

Seulement, à Milan les policiers ne l'ont pas oubliée. Le colonel et son adjoint le capitaine Octavio sont obnubilés par la Pistolera et ils mettent tout en œuvre afin de procéder à son arrestation. Un défi qu'ils se sont lancés, une obsession qui confine presque à la paranoïa.

 

Dans ce roman qui est presqu'un récit biographique, Gildas Girodeau soulève de nombreux points d'interrogations, concernant la lutte des Italiens contre les Brigades Rouges, mais également la politique du Vatican et des Etats-Unis, via la CIA, sur les continents africains et sud-américains. Et on ne peut s'empêcher de mettre en parallèle l'histoire et les conviction d'Antonia à celles de Cesare Battisti. La Pistolera a été ainsi surnommée car elle ne tuait pas mais tirait sur les jambes des fascistes. Il est étonnant de constater que les fascistes ne furent que peu ou prou inquiétés alors qu'ils posaient des bombes et s'adonnaient à des attentats meurtriers tandis que les membres de l'extrême-gauche était traqués à outrance, alors qu'ils répondaient, violemment certes, aux provocations. Et dans ce cas on comprend fort bien que les gouvernements de la droite italienne concentraient leurs efforts dans la lutte contre l'extrême-gauche, de même que les gouvernements de droite français, en soutien à leurs homologues transalpins.

Tu sais bien que l'ennemi, c'est la gauche, déclare Octavio lors d'une conversation avec son supérieur, conversation qui tourne sur les événements au Chili et de l'opération Condor.

 

Gildas Girodeau remet également les pendules à l'heure sur les terribles événements qui se sont déroulés d'abord en Ethiopie, Erythrée et Somalie, puis dans l'antagonisme, supposé ethnique, entre Tutsis et Hutus, des combats qui se transforment en génocides par la volonté de tiers dont les principales préoccupations sont la plupart du temps financières en asseyant une hégémonie capitaliste et religieuse sur certaines régions du monde. Comme l'annonce une des principales protagonistes du roman à Antonia : Les élites Tutsies commençaient à lorgner vers le bloc de l'Est, ce qui menaçait les colonisateurs mais aussi la mission d'évangélisation des Pères... Et une fois de plus les supposés bienfaits de la colonisation avec son aspect parfois néfaste, des envahisseurs qui n'agissaient pas par philanthropie, peuvent être remis en cause, de même que l'évangélisation forcée et forcenée par des religieux qui ne se montrent chrétiens que d'appelation.

Toutefois, ce travail d'historien, Gildas Girodeau l'effectue honnêtement, sans prendre partie, sans dévoiler son sentiment, mais en décrivant les faits tels qu'ils se sont déroulés et non pas comme aimeraient le faire croire quelques journalistes inféodés à des partis politiques qui ne veulent regarder que par le bout de la lorgnette favorable dans leur posture. Evidemment on peut toujours arguer que derrière les personnages, se cache l'auteur, mais il faut savoir aussi se rendre à l'évidence. Les déclarations des hommes politiques ne sont pas toujours empreintes de bonne foi.

 

Gildas GIRODEAU : Antonia. Editions Au-delà du raisonnable. Parution 26 mars 2015. 256 pages. 18,00€.

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