Ne prenez pas froid, restez couvert...
Martine, treize ans, vit seule avec sa mère, dans le quartier huppé du Trocadéro. En réalité elles ne sont pas si riches que ça, et elles ne vivent pas seules, mais il faut apprécier les nuances. A vingt huit ans, Jeanne, la mère de Martine, après avoir débuté dans la traduction de romans policiers américains, s'est tournée vers la littérature, écrivant des livres sulfureux pour l'époque et qui remportent un grand succès populaire. Seulement son éditeur la paye au compte-gouttes.
Ensuite, si Martine n'a pas de père officiel, sa mère reçoit dans son lit des hommes, l'un après l'autre, faut pas non plus la prendre pour ce qu'elle n'est pas. Et ça fait jaser. Pensez donc, l'action se passe à la fin des années cinquante, et en ce temps là, fallait pas badiner avec l'amour et la morale. C'était une affaire d'hommes.
Cette petite vie tranquille commence à se dégrader lorsqu'une femme se fait vitrioler, puis une deuxième. Une certaine ressemblance existe entre Jeanne et les victimes. L'angoisse s'installe. Est-ce à cause de ses romans qui n'ont pas l'heur de plaire aux âmes bien pensantes, ou une émanation de son passé, un passé trouble qu'elle raconte à Martine en l'enjolivant au fur et à mesure. Alors c'est le début de la débandade. D'abord le départ pour la banlieue ouest, dans une cité ouvrière.
Mais Jeanne et Martine n'ont pas l'habitude de vivre ainsi, d'autant qu'une troisième victime est recensée. Jeanne se résigne à partir pour la Bretagne, dans l'île où habite son père qu'elle n'a pas revu depuis des années à cause d'un contentieux sur sa naissance.
Dans ce roman Serge Brussolo nous plonge dans la nostalgie d'une époque révolue, celle de l'après guerre, où tout n'était pas rose, mais pas noir non plus. Les gens appréciaient et se contentaient de ce qu'ils possédaient. Brussolo joue avec les nerfs, distillant l'angoisse, mais de manière diffuse, sans forcer, sans rameuter l'arrière-ban de la grande artillerie des effets spéciaux. Un ton simple mais attachant, avec un premier chapitre qui replongera bon nombre de lecteurs au cœur de leur jeunesse.
D'autres titres de Serge Brussolo ?
Serge BRUSSOLO : Les Ombres du jardin. Editions Denoël. Parution Août 1996. 416 pages. Réédition Folio le 2 février 1999. 392 pages.